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Descartes vit la glande pinéale unique & comme suspendue au milieu des ventricules du cerveau par deux filamens nerveux & flexibles, qui lui permettent d'être mûe en tous sens, & par où elle reçoit toutes les impressions que le cours des esprits ou d'un fluide quelconque qui coule dans les nerfs, y peut app>er de tout le reste du corps; il vit la glande pinéale environée d'artérioles, tant du lacis choroïde que des parois internes des ventricules, où elle est renfermée, & dont les plus déliés tendent vers cette glande; & sur cette situation avantageuse, il conjectura que la glande pinéale étoit le siége de l'ame, & l'organe commun de toutes nos sensations. Mais on a découvert que la glande pinéale manquoit dans certains sujets, ou qu'elle y étoit entierement oblitérée, sans qu'ils eussent perdu l'usage de la raison & des sens: on l'a trouvé putréfiée dans d'autres, dont le sort n'avoit pas été différent: elle étoit pourrie dans une femme de vingt - huit ans, qui avoit conservé le sens & la raison jusqu'à la fin; & voilà l'ame délogée de l'endroit que Descartes lui avoit assigné pour demeure.
On a des expériences de destruction d'autres parties du cerveau, telles que les nates & testes, sans que les fonctions de l'ame aient été détruites. Il en faut dire autant des corps cannelés; c'est M. Petit qui a chassé l'ame des corps cannelés, malgré leur structure singuliere. Où est donc le sensorium commune? où est cette partie, dont la blessure ou la destruction emporte nécessairement la cessation ou l'interruption des fonctions spirituelles, tandis que les autres parties peuvent être altérées ou détruites, sans que le sujet cesse de raisonner ou de sentir? M. de la Peyronie fait passer en revûe toutes les parties du cerveau, excepté le corps calleux; & il leur donne l'exclusion par une foule de maladies très - marquées & très dangereuses qui les ont attaquées, sans interrompre les fonctions de l'ame: c'est donc, selon lui, le corps calleux qui est le lieu du cerveau qu'habite l'ame. Oui, c'est selon M. de la Peyronie, le corps calleux qui est ce siége de l'ame, qu'entre les Philosophes les uns ont supposé être partout, & que les autres ont cherché en tant d'endroits particuliers; & voici comment M. de la Peyronie procede dans sa démonstration.
Dès que le pus qui pesoit sur le corps calleux fut vuidé, l'assoupissement cessa, la vûe & la liberté des sens revinrent. Les accidens recommençoient à mesure que la cavité se remplissoit d'une nouvelle suppuration, & ils disparoissoient à mesure que les matieres sortoient. L'injection produisoit le même effet que la présence des matieres: dès que l'on remplissoit la cavité, le malade perdoit la raison & le sentiment; & on lui redonnoit l'un & l'autre en pompant l'injection par le moyen d'une seringue: en laissant même aller le meningophylax sur le corps calleux, son seul poids rappelloit les accidens, qui disparoissoient quand ce poids étoit éloigné. Au bout de deux mois, ce malade fut guéri; il eut la tête entierement libre, & ne ressentit pas la moindre incommodité.
Voilà donc l'ame installée dans le corps calleux, jusqu'à ce qu'il survienne quelqu'expérience qui l'en déplace, & qui réduise les Physiologistes dans le cas de ne savoir plus où la mettre. En attendant, considérons combien ses fonctions tiennent à peu de chose; une fibre dérangée; une goutte de sang extravasé; une légere inflammation; une chûte; une contusion: & adieu le jugement, la raison, & toute cette pénétration dont les hommes sont si vains: toute cette vanité dépend d'un filet bien ou mal placé, sain ou mal sain.
Après avoir employé tant d'espace à établir la spiritualité & l'immortalité de l'ame, deux sentimens très - capables d'enorgueillir l'homme sur sa condition à venir; qu'il nous soit permis d'employer quelques lignes à l'humilier sur sa condition présente par la contemplation des choses futiles d'où dépendent les qualités dont il fait le plus de cas. Il a beau faire, l'expérience ne lui laisse aucun doute sur la conncxion des fonctions de l'ame, avec l'état & l'organisation du corps; il faut qu'il convienne que l'impression inconsidérée du doigt de la Sage - femme suffisoit pour faire un sot, de Corneille, lorsque la boîte osseuse qui renferme le cerveau & le cervelet, étoit molle comme de la pâte. Nous finirons cet article par quelques observations qu'on trouve dans les Mémoires de l'Académie, dans beaucoup d'autres endroits, & qu'on s'attend sans doute à rencontrer ici. Un enfant de deux ans & demi, ayant joüi jusques - là d'une santé parfaite, commença à tomber en langueur; la tête lui grossissoit peu - à - peu: au bout de dix - huit mois il cessa de parler aussi distinctement qu'il avoit fait; il n'apprit plus rien de nouveau; au contraire toutes les fonctions de l'ame s'altérerent au point qu'il vint à ne plus donner aucun signe de perception ni de mémoire, non pas même de goût, d'odorat ni d'oüie: il mangeoit à toute heure, & recevoit indifféremment les bons & les mauvais alimens: il étoit toûjours couché sur le dos, ne pouvant soûtenir ni remuer sa tête, qui étoit devenue fort grosse & fort [p. 343]
Il mourut après deux ans de maladie; M. Littre
l'ouvrit, & lui trouva le crane d'un tiers plus grand
qu'il ne devoit être naturellement, de l'eau claire
dans le cerveau; l'entonnoir large d'un pouce, &
profond de deux; la glande pinéale cartilagineuse;
la moëlle allongée, moins molle dans sa partie antérieure
que le cerveau; le cervelet skirreux, ainsi que
la partie postérieure de la moëlle allongée, & la moëlle
de l'épine & les nerfs qui en sortent, plus petits &
plus mous que de coûtume. Voyez les Mémoires de
l'Académie, année 1705, pag. 57; année 1741, Hist.
pag. 31; année 1709, Hist. pag. 11; & dans notre Dictionnaire les articles
La nature des alimens influe tellement sur la constitution du corps, & cette constitution sur les fonctions de l'ame, que cette seule réflexion seroit bien capable d'effrayer les meres qui donnent leurs enfans à nourrir à des inconnues.
Les impressions faites sur les organes encore tendres des enfans, peuvent avoir des suites si fâcheuses, relativement aux fonctions de l'ame, que les parens doivent veiller avec soin, à ce qu'on ne leur donne aucune terreur panique, de quelque nature qu'elle soit.
Mais voici deux autres faits très - propres à démontrer les effets de l'ame sur le corps, & réciproquement les effets du corps sur l'ame. Une jeune fille que ses dispositions naturelles, ou la sévérité de l'éducation, avoit jettée dans une dévotion outrée, tomba dans une espece de mélancholie religieuse. La crainte mal raisonnée qu'on lui avoit inspirée du souverain - Etre, avoit rempli son esprit d'idées noires; & la suppression de ses regles fut une suite de la terreur & des alarmes habituelles dans lesquelles elle vivoit. L'on employa inutilement contre cet accident >es emmenagogues les plus efficaces & les mieux choisis; la suppression dura; elle occasionna des effets si fâcheux, que la vie devint bientôt insupportable à la jeune malade; & elle étoit dans cet état, lorsqu'elle eut le bonheur de faire connoissance avecun Ecclésia>tique d'un caractere doux & liant, & d'un esprit raisonnable, qui, partie par la douceur de sa conversation, partie par la force de ses raisons, vint à bout de bannir les frayeurs dont elle étoit obsédée, à la réconcilier avec la vie, & à lui donner des idées plus saines de la Divinité; & à peine l'esprit fut - il guéri. que la suppression cessa, que l'embonpoint revint, & que la malade joüit d'une très - bonne santé, quoique sa maniere de vivre fût exactement la même dans les deux états opposés. Mais comme l'esprit n'est pas moins sujet à des rechûtes que le corps; cette fille étant retombée dans ses premieres frayeurs superstitieuses, son corps retomba dans le même dérangement, & la maladie fut accompagnée des mêmes symptomes qu'auparavant. L'Ecclésiastique suivit, pour la tirer de - là, la même voie qu'il avoit employée; elle lui réussit, les regles reparurent, & la santé revint. Pendant quelques années, la vie de cette jeune personne fut une alternative de superstition & de maladie, de religion & de santé. Quand la superstition dominoit, les regles cessoient, & la santé disparoissoit; lorsque la religion & le bon sens reprenoient le dessus, les humeurs suivoient leur cours ordinaire, & la santé revenoit.
Un Musicien célebre, grand compositeur, fut attaqué d'une fievre qui ayant toûjours augmenté, devint continue avec des redoublemens. Le septieme jour il tomba dans un délire violent & presque continu, accompagné de cris, de larmes, de ter<cb->
M. Dodart rapporte ce fait, après l'avoir vérifié. Il ne prétend pas qu'il puisse servir d'exemple ni de regle: mais il est assez curieux de voir comment dans un homme dont la Musique étoit, pour ainsi dire, devenue l'ame par une longue & continuelle habitude, les concerts ont rendu peu à peu aux esprits leur cours naturel. Il n'y a pas d'apparence qu'un Peintre pût être guéri de même par des tableaux; la Peinture n'a pas le même pouvoir sur les esprits, & elle ne porteroit pas la même impression à l'ame.
AME des Bêtes (Page 1:343)
AME
Descartes est donc le premier, que la suite de ses
profondes méditations ait conduit à nier l'ame des
bêtes, paradoxe auquel il a donné dans le monde
une vogue extraordinaire. Il n'auroit jamais donné
dans cette opinion, si la grande vérité de la distinction
de l'ame & du corps, qu'il a le premier mise dans
son plus grand jour, jointe au préjugé qu'on avoit
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