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Pour la nutrition, il dit que les alimens se préparent d'abord dans la bouche; qu'ils sont portés par l'oesophage dans le ventre supérieur, & que les veines du mésentere absorbent ce qu'il faut au corps, comme les fibres de la racine des plantes sucent l'humeur terrestre qui nourrit l'arbre. On n'a pas dit mieux depuis. Il employe l'épiploon & le foie à aider la coction des viandes par leur chaleur.
Voilà une esquisse de l'Anatomie & de la Physiologie d'Aristote. J'ajoûterai qu'il a fait mention des intestins jejunum, colon, coecum, & rectum; qu'il connoissoit mieux ces parties qu'Hippocrate ne les avoit connues; & que le reste de sa Physiologie prouve au moins l'attention qu'il a apportée pour parvenir à la connoissance de l'oeconomie animale.
Dioclès de Cariste, qui vécut peu après Aristote sous le regne d'Antigonus, passe pour avoir écrit le premier de l'art de disséquer: mais c'est une erreur. On avoit long - tems avant lui des planches ou représentations anatomiques. Aristote renvoye à ces planches ou représentations, dans toutes les occasions où les descriptions anatomiques devroient être expliquées; & hoec anatomica descriptio, dit - il, ex iconibus petenda est.
Cet art long - tems renfermé dans quelques familles & connue d'un petit nombre de savans, fut soigneusement étudié par Hérophile & par Erasistrate. On croit qu'Hérophile naquit à Carthage, & qu'il vécut sous Ptolemée Soter; Galien dit de lui, que ce fut un homme consommé dans la Medecine & dans l'Anatomie; qu'il avoit étudié dans Alexandrie. La Nevrologie étoit alors un pays inconnu. Hérophile y fit les premieres découvertes. Un certain Eudeme, Medecin, partage avec lui l'honneur d'avoir découvert & démontré les nerfs proprement dits. Hérophile en distinguoit de trois sortes: les uns servoient aux sensations, & étoient ministres de la volonté; ils tiroient leur origine en partie du cerveau dont ils étoient comme des germes, & en partie de la moelle allongée. Les autres venoient des os & alloient se terminer à des os. Les troisiemes partoient des muscles & se rendoient à des muscles, d'où l'on voit que le terme nerf étoit encore commun aux nerfs, aux ligamens & aux tendons. Il logeoit l'ame dans les ventricules du coeur; il disoit que les nerfs optiques avoient une cavité sensible, ce qui leur étoit particulier; & il les appelloit par cette raison, pores optiques. Il avoit remarqué que certaines veines du mésentere étoient destinées à nourrir les intestins, & n'alloient point à la veine porte, mais à de certains corps glanduleux. Il nomma le premier intestin dodecadactylon, qui a onze pouces de long. Et parce que le vaisseau qui passe du ventricule droit du coeur dans le poumon, qu'il prenoit pour une veine, avoit la tunique épaisse comme une artere, il le nomma veine artérielle; par la même raison, il donna le nom d'artere veineuse, à celui qui va du poumon dans le ventricule gauche: il appella cloison les séparations des ventricules du coeur. Il fit les noms de retine & d'arachnoïde que portent les tuniques de l'oeil auxquelles il les donna; celui de pressoir qui est resté à l'endroit du cerveau où s'unissent les sinus de la durémere; celui de glanduloe parastuloe à celles qui sont situées à la racine de la verge: il les distingua par l'épithete de glanduleuses, de celles qu'il appella variqueuses & qu'il plaçoit à l'extrémité des vaisseaux qui apportent la semence des testicules.
Sur ce qui précede on ne peut douter qu'Hérophile n'ait été le premier Anatomiste de son tems. Si l'on considere de plus qu'une science ou un art ne commence à être science ou art, que quand les connoissances acquises donnent lieu de lui faire une langue;
Erasistrate passe pour comtemporain d'Hérophile; il se fit aussi un nom célebre par ses connoissances anatomiques. On croit qu'Hérophile & Erasistrate oserent les premiers ouvrir des corps humains, autorisés par les Antiochus & Ptolemées, Princes savans, & par conséquent protecteurs de ceux qui l'étoient. La principale découverte d'Erasistrate est celle de certains vaisseaux blancs, qu'il apperçut dans le mésentere des chevreaux qui têtent; il reconnut dans sa vieillesse que tous les nerfs partent du cerveau. Il décrivit fort exactement les membranes qui sont aux orifices du coeur, que nous nommons ranules, & que ses disciples appellerent tricuspidales. Ce n'est pasici le lieu de faire mention de sa Physiologie; il savoit que l'urine se sépare dans les reins, & il redressa Platon sur l'usage de la trachée - artere, par laquelle ce Philosophe & d'autres croyoient que la boisson alloit rafraîchir les poumons.
Après Hérophile & Erafistrate, ces deux fondateurs de l'art Anatomique, parurent Lycus, Quintus, Marinus, dont il ne nous est parvenu que la réputation de grands Anatomistes dont ils ont joüi. On voit à plusieurs traits épars dans les ouvrages de Celse, qu'il s'étoit occupé de l'Anatomie. On en peut dire autant de Pline le naturaliste, aussi bien que de son neveu.
Aretée fit trop de cas de cet art pour l'avoir ignoré. Selon Aretée, le coeur est le siége de l'ame: les poumons ne peuvent jamais être par eux - mêmes susceptibles de douleur. La pulsation de l'artere est la cause du mouvement progressif du sang. Aretée fait partir les veines du foie: il y fait engendrer la bile. L'estomac est la source de la peine & du plaisir: le colon contribue à la coction des alimens. Il y a aux intestins & à l'estomac deux tuniques couchées obliquement l'une sur l'autre. Les reins sont des corps glanduleux: le reste de sa Physiologie est fondé sur les connoissances anatomiques qu'on avoit avant lui. C'étoit un système composé de ceux d'Hippocrate, d'Hérophile & d'Erasistrate: on a dit de lui qu'il n'avoit embrassé aveuglément aucun parti; qu'il n'étoit admirateur enthousiaste de personne, & qu'il étoit pour la vérité contre toute autorité.
Rufus l'Ephésien qui vécut sous les Empereurs Nerva & Trajan, est le premier anatomiste célebre qui se présente après Aretée; on infere de quelques endroits des livres qui nous restent de lui, que les nerfs qu'on a depuis appellés récurrens, étoient récemment découverts, & qu'il avoit apperçû dans la matrice quelques vaisseaux, dont ses prédécesseurs n'avoient pas fait mention.
Galien succéda à Rufus. On ne voit pas que l'Anatomie ait fait de grands progrès depuis Hippocrate jusqu'à Herophile & Erasistrate, ni depuis ces deux derniers jusqu'à Galien. On s'occupa dans tous les tems qui précéderent ces deux Anatomistes, depuis Hippocrate, & dans ceux qui les suivirent jusqu'à Galien, au défaut de cadavres qu'on pût disséquer pour augmenter le fonds des connoissances anatomiques, à combiner ces connoissances, & à former des conjectures Physiologiques. Plus on suit attentivement l'histoire des Sciences & des Arts, plus on est disposé à croire que les hommes font très - rarement des expériences & des systèmes en même - tems. Lorsque les esprits sont tournés vers les connoissances expérimentales, on cesse de raisonner; & alternativement, quand on commence à raisonner, les expériences restent suspendues.
Mais on apperçoit évidemment ici l'obstacle qui arrêta les dissections anatomiques. Dans les tems qui suivirent ceux d'Herophile & d'Erasistrate, on brûloit plus attentivement que jamais les cadavres chez les Romains; la religion & les lois civiles faisoieut [p. 413]
Soranus, contemporain de Galien, anatomisa la matrice: Théophile Protospatarius écrivit de la structure du corps humain; dans une analyse des traités anatomiques de Galien, il dit que la premiere paire de nerfs qui partent des premiers ventricules du cerveau s'étend aux narines; qu'il y a deux muscles employés pour fermer les paupieres, & un seul pour les ouvrir; que la substance de la langue est musculeuse; qu'il y a un ligament fort qui embrasse les vertebres, & que cela est commun à toutes les autres articulations. Oribase, singe de Galien, ne nous a rien laissé qu'on ne trouve dans les ouvrages de son modele, si l'on en excepte la description des glandes salivaires. Théophile écrivit de l'Anatomie sous l'Empereur Heraclius.
Nemesius, évêque d'Emissa en Phénicie, disoit sur la fin du quatrieme siecle, que la bile n'existoit pas dans le corps pour elle - même, mais pour la digestion, l'éjection des excrémens, & d'autres usages; idée dont Sylvius de le Boë se vantoit long - tems après.
Suivirent les tems d'ignorance & de barbarie, pendant lesquels l'Anatomie éprouva le sort des autres sciences & des autres arts. Il s'écoula des siecles sans qu'il parût aucun Anatomiste; & l'on est presqu'obligé de sauter depuis Nemesius d'Emissa, jusqu'à Mundinus de Milan, sans être arrêté dans cet intervalle de plus de neuf cens ans, par une seule découverte de quelqu'importance.
Mundinus tenta de perfectionner l'Anatomie: il disséqua beaucoup; il écrivit: mais au jugement de Douglas & de Freind, il écrivit peu de choses nouvelles; il avança que les testicules des femmes sont pleins de cavités & de caroncules glanduleuses, & qu'il s'y engendre une humidité assez semblable à de la salive, d'où naît le plaisir de la femme, qui la répand dans l'acte vénérien; que la matrice est distribuée en sept cellules; que son orifice ressemble à un bec de tanche; & qu'il y a à l'orifice du vagin une membrane qu'il appelle velamentum: auroit - il voulu désigner l'hymen? Une réflexion qui nous est suggerée par ce mêlange de choses fausses & vraies, c'est qu'il semble que les yeux avec lesquels les Auteurs ont vû certaines choses, ne sont pas les mêmes yeux que ceux avec lesquels ils en ont observé d'autres.
Mais je n'aurois jamais fini si j'insistois sur tous les Anatomistes des siecles où je vais entrer. Cet art, qu'on avoit si long - tems négligé, fut tout - à - coup
Jean de Concorriggio, Milanois, anatomisa en 1420, & ses oeuvres furent publiées à Venise en 1515: Vesale en 1514; André Vesale, natif de Bruxelles, dont le mérite anatomique excita la jalousie des premiers hommes de son tems, & qui donna à ses ouvrages tant de solidité, qu'ils ont résisté à toutes leurs attaques.
On pourroit distribuer l'histoire générale de l'Anatomie en cinq parties: la premiere comprendroit depuis la création jusqu'à Hippocrate; la seconde, depuis Hippocrate jusqu'à Hérophile & Erasistrate; la troisieme, depuis Hérophile & Erasistrate jusqu'à Galien; la quatrieme, depuis Galien jusqu'à Vesale; & la cinquieme, depuis Vesale jusqu'à nous.
Vesale découvrit le ligament suspenseur du penis, & rectifia un grand nombre de notions auxquelles on étoit attaché de son tems, & qu'il eut le courage d'attaquer, malgré l'autorité de Galien dont elles étoient appuyées.
Achillinus de Bologne parut en 1521: on lui attribue
la découverte du marteau & de l'enclume,
deux petits os de l'oreille interne. Dans la même
année, Berenger de Carpi, qui guérit le premier le
mal vénerien par les frictions mercurielles, & découvrit
l'appendice du coecum, les caroncules des
reins, ce qu'il appelloit corps glanduleux, & la ligne
blanche, qu'il nomme iigne centrale. En 1524,
Jason Desprez: Alexander Benedictus de Verone,
en 1527: en 1530, Nicolas Massa, qui nous a laissé
une description très - exacte de la cloison du scrotum;
& dans la même année, Michel Servet, Espagnol,
homme d'un génie peu commun, qui entrevit la
circulation du sang, ainsi qu'il paroît par des passages
tirés d'ouvrages qui ont été funestes à l'Auteur,
& dont les titres ne promettent rien de semblable:
l'un est de Trinitatis erroribus; & l'autre, Christianismi restitutio. Volcher Coyter, en 1534; il naquit à
Groningue, & fit les premieres observations sur l'incubation
des oeufs, travail que Parisanus continua
long - tems ap> en 1536, Guinterus d'Andernach,
qui nomma pancreas le corps glanduleux de ce nom,
& découvrit la complication de la veine & de l'artere
spermatique: en 1537, Louis Bonnaccioli, qui
décrivit les nymphes & le clitoris, comme des parties
distinctes: Vassée de Catalogne, en 1540: Jean
Fernel, d'Amiens, en 1542: Charles Etienne, de
la Faculté de Paris, & Thoma> Vicary, de Londres,
en 1545: en 1548, Arantius, & Thomas Gemini,
qui pensa voler à Vesale ses planches anatom ques,
dont il n'etoit que le graveur: en 1551, Jacques
Sylvius, qui apperçut le premier les valvules placées
à l'orifice de la veine azygos, de la jugulaire,
de la brachiale, de la crurale; & au tronc de la
veine cave qui part du foie, le muscle de la cuisse
appellé le quarré, l'origine du muscle droit, &c. en
1552, André Lacuna: en 1556, Jean Valverda, qui
mérite une place parmi les Anatomistes, moins par
ses découvertes que par son application à l'Anato -
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