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Les avantages de ces essais suffiront pour ceux qui
savent se contenter de raisons; nous allons rapporter
un fait historique pour les autres.
Mais pour en revenir aux avantages de l'Anatomie pour l'exercice de la Medecine, il paroît que dans cette question chacun a pris le parti qui convenoit à ses lumieres anatomiques: ceux qui n'étoient ni grands Anatomistes, ni par conséquent grands Physiologistes, ont imaginé qu'on pouvoit très - bien se passer de ces deux titres, sans se départir de celui d'habile Medecin. Stahl, Chimiste, paroît avoir été de ce nombre: les autres au contraire ont prétendu que ceux qui n'avoient pas suivi l'Anatomie dans ses labyrinthes, n'étoient pas dignes d'entrer dans le sanctuaire de la Medecine; & c'étoit le sentiment d'Hoffman, auteur de la Medecine systématique raisonnée; c'étoit aussi, à ce qu'il semble, celui de Freind: mais il ne vouloit ni systemes ni hypothèses, dans les autres s'entend; car pour lui, il ne renonçoit point au droit d'en faire. Cet exemple prouve beaucoup en faveur des empiriques, qui prétendoient, comme nous l'avons fait voir ci - dessus, que les connoissances anatomiques entraîneroient nécessairement dans des hypothèses: mais il n'ôte rien à la certitude des propositions qui suivent.
Premiere proposition. Le corps humain est une machine sujette aux lois de la Méchanique, de la Statique, de l'Hydraulique & de l'Optique; donc celui qui connoîtra le mieux la machine humaine, & qui ajoûtera à cette connoissance, celle des lois de la Méchanique, sera plus en état de s'assûrer par la pratique & les expériences, de la maniere dont ces lois s'y exécutent, & des moyens de les y rétablir quand elles s'y dérangent; donc l'Anatomie est absolument nécessaire au Medecin.
Seconde proposition. Le corps humain est une machine sujette à des dérangements qu'on ne peut quelquefois arrêter qu'en divisant le tissu, & qu'en retranchant des parties. Il n'y a presqu'aucun endroit où cette division ne devienne nécessaire: on ampute les piés, les mains., les bras, les jambes, les cuisses, &c. & dans presque toutes les opérations, il y a des parties qu'il faut ménager, & qu'on ne peut offenser, sans exposer le malade à perir. Donc l'Anatomie est indispensable au Chirurgien.
Troisieme proposition. Le corps est une partie de nous - mêmes très - importante; si cette partie languit, l'autre s'en ressent. Le corps humain est une des plus belles machines qui soient sorties des mains du Créateur. La connoissance de soi - même suppose la connoissance de son corps; & la connoissance du corps suppose celle d'un enchaînement si prodigieux de causes & d'effets, qu'aucun ne mene plus directement à la notion d'une intelligence toute sage & toute - puissante: elle est, pour ainsi - dire, le fondement de la Théologie naturelle. Galien, dans son livre de la formation du foetus, fait un crime aux Philosophes de son tems, de s'amuser à des conjectures hasardées sur la nature & la formation du monde, tandis qu'ils ignoroient les premiers élémens de la structure des corps animés. Donc la connoissance anatomique est requise dans un Philosophe.
Quatrieme proposition. Les Magistrats sont exposés tous les jours à faire ouvrir des cadavres, pour y découvrir les causes d'une mort violente ou suspecte; c'est sur cette ouverture & les apparences qu'elle offrira, qu'ils appuieront leur jugement, & qu'ils pro<pb-> [p. 411]
Cinquieme proposition. Les Peintres, les Sculpteurs, devront à l'étude plus ou moins grande qu'ils auront faite de l'Anatomie, le plus ou le moins de correction de leurs desseins. Les Raphaels, les Michel - Anges, les Rubens, &c. avoient étudié particulierement l'Anatomie. L'étude de la partie de l'Anatomie qui est relative à ces arts, est donc nécessaire pour y exceller.
Sixieme proposition. Chacun a intérêt à connoître son corps; il n'y a personne que la structure, la figure, la connexion, la communication des parties dont il est composé, ne puisse confirmer dans la croyance d'un Etre tout - puissant. A ce motif si important, il se joint un intérêt qui n'est pas à négliger, celui d'être éclairé sur les moyens de se bien porter, de prolonger sa vie, d'expliquer plus nettement le lieu, les symptomes de sa maladie, quand on se porte mal; de discerner les charlatans; de juger, du moins en général, des remedes ordonnés, &c. Aulu - Gelle ne peut souffrir que des hommes libres, & dont l'éducation doit être conforme à leur état, ignorent rien de ce qui a rapport à l'oeconomie du corps humain. La connoissance de l'Anatomie importe donc à tout homme.
Hisioire abregée des progrès de l'Anatomie. Est - il étonnant apres cela qu'on fasse remonter l'origine de
l'Anatomie aux premiers ages du monde? Eusebe dit
qu'on lisoit dans Manethon, qu'Athotis, dont la chronologie
Egyptienne fixoit le regne plusieurs siecles
avant notre ere, avoit écrit des Traités d'Anatomie.
Parcourez les livres saints, arrêtez - vous à la descriptior
allégorique que l'Ecclésiaste fait de la vieillesse:
memento creatoris tui, dum juvenis es, &c. & vous appercevrez
dès ces tems des vestiges de systemes physiologiques.
Homere dit de la blessure qu'Enée reçut
de Diomede, que les deux nerfs qui retiennent le femur,
s'étant rompus, l'osse brisa au - dedans de la cavité
où est reçû le condyle supérieur; ce Poëte est dans
d'autres occasions semblables si exact & si circonstancié,
que quelques Auteurs ont prétendu qu'on tireroit
de ses ouvrages un corps d'Anatomie assez étendu. Dès les premiers ages du monde, l'inspection des
entrailles des victimes, la coûtume d'embaumer, les
traitemens des plaies, & les boucheries mêmes, aiderent
à connoître la fabrique du corps animal. On
est convaincu par les ouvrages d'Hippocrate que l'Ostéologie lui étoit parfaitement connue; & Pausanias
nous dit qu'il fit fondre un squelete d'airain, qu'il
consacra à Apollon de Delphes. On seroit tenté de
croire qu'il avoit eu des notions de la circulation du
sang & de la secrétion des humeurs. Voici là - dessus
un des passages les plus frappans. On lit dans Hippocrate:
Democrite cultiva l'Anatomie; & lorsqu'Hippocrate fut appellé par les Abderitains, pour le guérir de sa folie prétendue, il trouva le Philosophe occupé dans ses jardins à disséquer des animaux. Il avoit
Pythagore eut aussi des notions anatomiques; Empedocle, disciple de Pythagore, avoit formé un système sur la génération, la respiration, l'oüie, la chair, & les semences des plantes. Il attribuoit la génération des animaux à des parties de ces animaux mêmes, les unes contenues dans la semence du mâle, les autres dans la semence de la femelle. La réunion de ces parties formoit l'animal, & leur pente à se réunir occasionnoit l'appetit vénérien. Il comparoit l'oreille à un corps sonore que l'air vient frapper; la chair étoit, selon lui, un composé des quatre élémens; les ongles étoient une expansion des nerfs racornis par l'air & par le toucher; les os étoient de la terre & de l'eau condensées; les larmes & les sueurs, du sang attenué & fondu; les graines des plantes, des oeufs qui tombent quands ils sont mûrs, & que la terre fait éclorre; & il attribuoit la suspension des liqueurs dans les siphons à la pesanteur de l'air.
Alcmeon autre disciple de Pythagore, passe pour avoir anatomisé le premier des animaux. Ce qui nous reste de son Anatomie ne valoit guere la peine d'être conservé; il prétendoit que les chevres respirent par les oreilles. Ce que je pourrois ajoûter de sa Physiologie, n'en donneroit pas une grande opinion.
Ce qui nous reste d'Aristote ne nous permet pas de douter de ses progrès en Anatomie. Un fait qui honore autant Alexandre qu'aucune de ses victoires, c'est d'avoir donné à Aristote huit cens talens, près de onze millions de notre monnoie, & d'avoir confié à ses ordres plusieurs milliers d'hommes, pour perfectionner la science de la nature & des propriétés des animaux. Ces puissans secours n'étoient pas restés inutiles entre les mains du Philosophe, s'il est vrai, comme je l'ai entendu dire à un habile Anatomiste, que celui qui en dix ans de travail, parviendroit à savoir ce qu'Aristote a renfermé dans ses deux petits volumes des animaux, auroit bien employé son tems.
Aristote disséqua des quadrupedes, des poissons,
des oiseaux & des insectes. Selon ce Philosophe, le
coeur est le principe & la source des veines & du
sang. Il sort du coeur deux veines: l'une du côté droit,
qui est la plus grosse; l'autre du côté gauche; ces
veines portent le sang dans toutes les parties du corps.
Le coeur a trois ventricules dans le foetus; ces ventricules
communiquent avec le poumon, par deux
grandes veines qui se distribuent dans toute sa substance.
Le coeur est aussi l'organe des nerfs. Aristote
confond, ainsi qu'Hippocrate, les nerfs, les ligamens
& les tendons. Le cerveau n'est qu'une masse d'eau
& de terre, mais il n'en est pas de même de la moelle
épiniere; il donne au foie, à la rate & aux reins la
fonction de soûtenir & de suspendre les vaisseaux.
Les testicules ne sont que pour le mieux. Deux canaux
viennent s'y rendre de l'aorte, & deux autres
des reins: les derniers contiennent du sang;
les premiers n'en contiennent point. Il sort de la tête
de chaque testicule ou de l'une de leurs extrèmités,
un autre canal plus gros qui se recourbe & va en
diminuant vers les deux autres canaux; ce canal recourbé
est enveloppé d'une membrane & se termine
à l'origine de la verge: il ne contient point de sang,
mais une liqueur blanche. Il y a à l'endroit de la verge
où il se termine, une ouverture par laquelle il
aboutit dans la verge. Aristote se sert de cette exposition
anatomique pour expliquer comment les eunuques
ne peuvent engendrer. La conception se fait,
selon lui, du mêlange de la semence de l'homme
avec le sang menstruel. Il admet de la semence dans
la femme: mais il la regarde comme un excrément.
Il prend les testicules pour des poids semblables à
ceux que les Tissérans attachent à leurs chaînes pour
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