ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"352"> si supérieur, n'a adopté un système si peu conforme à nos idées, que comme un jeu d'esprit, & dans la seule vûe de contredire les Péripatéticiens, dont en effet le sentiment sur la connoissance des bêtes n'est pas soûtenable. Il vaudroit encore mieux s'en tenir aux machines de Descartes, si l'on n'avoit à leur opposer que la forme substantielle des Péripatéticiens, qui n'est ni esprit ni matiere. Cette substance mitoyenne est une chimere, un être de raison dont nous n'avons ni idée ni sentiment. Est - ce donc que les bêtes auroient une ame spirituelle comme l'homme? Mais si cela est ainsi, leur ame sera donc immortelle & libre; elles seront capables de mériter ou de démériter, dignes de récompense ou de châtiment; il leur faudra un paradis & un enfer. Les bêtes seront donc une espece d'hommes, ou les hommes une espece de bêtes; toutes conséquences insoûtenables dans les principes de la religion. Voilà des difficultés à étonner les esprits les plus hardis, mais dont on trouve le dénouement dans le système de notre Jésuite. En effet pourvû que l'on se prête à cette supposition, que Dieu a logé des démons dans le corps des bêtes; on conçoit sans peine comment les bêtes peuvent penser, connoître, sentir & avoir une ame spirituelle, sans intéresser les dogmes de la religion. Cette supposition n'a rien d'absurde; elle coule même des principes de la religion. Car enfin, puisqu'il est prouvé par plusieurs passages de l'Ecriture, que les démons ne souffrent point encore les peines de l'enfer, & qu'ils n'y seront livrés qu'au jour du jugement dernier, quel meilleur usage la justice divine pouvoit - elle faire de tant de légions d'esprits réprouvés, que d'en faire servir une partie à animer des millions de bêtes de toute espece, lesquelles remplissent l'univers, & font admirer la sagesse & la toute - puissance du Créateur? Mais pourquoi les bêtes, dont l'ame vraissemblablement est plus parfaite que la nôtre, n'ont - elles pas tant d'esprit que nous? Oh, dit le Pere Bougeant, c'est que dans les bêtes, comme dans nous, les opérations de l'esprit sont assujetties aux organes matériels de la machine, à laquelle il est uni, & ces organes étant dans les bêtes plus grossiers & moins parfaits que dans nous, il s'ensuit que la connoissance, les pensées & toutes les opérations spirituelles des bêtes, doivent être aussi moins parfaites que les nôtres. Une dégradation si honteuse pour ces esprits superbes, puisqu'elle les réduit à n'être que des bêtes, est pour eux un premier effet de la vengeance divine, qui n'attend que le dernier jour pour se déployer sur eux d'une maniere bien plus terrible.

Une autre raison qui prouve que les bêtes ne sont que des démons métamorphosés en elles, ce sont les maux excessifs auxquels la plûpart d'entr'elles sont exposées, & qu'elles souffrent réellement. Que les chevaux sont à plaindre, disons - nous, à la vûe d'un cheval qu'un impitoyable charretier accable de coups! qu'un chien qu'on dresse à la chasse est misérable! que le sort des bêtes qui vivent dans les bois est triste! Or si les bêtes ne sont pas des démons, qu'on m'explique quel crime elles ont commis pour naître sujettes à des maux si cruels? Cet excès de maux est dans tout autre système un mystere incompréhensible; au lieu que dans le sentiment du Pere Bougeant, rien de plus aisé à comprendre. Les esprits rebelles méritent un châtiment encore plus rigoureux: trop heureux que leur supplice soit différé; en un mot, la bonté de Dieu est justifiée; l'homme lui - même est justifié. Car quel droit auroit - il de donner la mort sans nécessité, & souvent par pur divertissement à des millions de bêtes, si Dieu ne l'avoit autorisé? & un Dieu bon & juste auroit - il pû donner ce droit à l'homme; puisqu'après tout, les bêtes sont aussi sensibles que nous - mêmes, à la dou<cb-> leur & à la mort; si ce n'étoient autant de coupables victimes de la vengeance divine?

Mais écoutez, continue notre Philosophe, quelque chose de plus fort & de plus intérossant. Les bêtes sont naturellement vicieuses: les bêtes carnacieres & les oiseaux de proie sont cruels; beaucoup d'insectes de la même espece se dévorent les uns les autres; les chats sont perfides & ingrats; les singes sont malfaisans; les chiens sont envieux; toutes sont jalouses & vindicatives à l'excès, sans parler de beaucoup d'autres vices que nous leur connoissons. Il faut dire d deux choses l'une: ou que Dieu a pris plaisir à former les bêtes aussi vicieuses qu'elles sont, & à nous donner dans elles des modeles de tout ce qu'il y a de plus honteux; ou qu'elles ont comme l'homme un péché d'origine qui a perverti leur premiere nature. La premiere de ces propositions fait une extrème peine à penser, & est formellement contraire à l'Ecrituresainte, qui dit que tout oe qui sortit des mains de Dieu à la création du monde, étoit bon & même fort bon. Or si les bêtes étoient telles alors qu'elles sont aujourd'hui, comment pourroit - on dire qu'elles fussent bonnes & fort bonnes? Où est le bien qu'un singe soit si malfaisant, qu'un chien soit si envieux, qu'un chat soit si perfide? Il faut donc recourir à la seconde proposition, & dire que la nature des bêtes a été comme celle de l'homme corrompue par quelque péché d'origine; autre supposition qui n'a aucun fondement, & qui choque également la raison & la religion. Quel parti prendre? admettez le système des démons changés en bêtes, tout est expliqué. Les ames des bêtes sont des esprits rébelles qui se sont rendu coupables envers Dieu. Ce péché dans les bêtes n'est point un péché d'origine, c'est un péché personnel qui a corrompu & perverti leur nature dans toute sa substance: de là tous les vices que nous leur connoissons.

Vous êtes peut - être inquiet de savoir quelle est la destinée des démons après la mort des bêtes. Rien de plus aisé que d'y satisfaire. Pythagore enseignoit autrefois, qu'au moment de notre mort nos ames passent dans un corps soit d'homme, soit de bête, pour recommencer une nouvelle vie, & toûjours ainsi successivement jusqu'à la fin des siecles. Ce système qui est insoûtenable par rapport aux hommes, & qui est d'ailleurs proscrit par la religion, convient admirablement bien aux bêtes, selon le P. Bougeant, & ne choque ni la religion, ni la raison. Les démons destinés de Dieu à être des bêtes, survivent nécessairement à leur corps, & cesseroient de remplir leur destination, si lorsque leur premier corps est détruit, ils ne passoient aussi - tôt dans un autre pour recommencer à vivre sous une autre forme.

Si les bêtes ont de la connoissance & du sentiment, elles doivent conséquemment avoir entre - elles pour leurs besoins mutuels, un langage intelligible. La chose est possible, il ne faut qu'examiner si elle est nécessaire. Toutes les bêtes ont de la connoissance, c'est un principe avoüé; & nous ne voyons pas que l'Auteur de la nature ait pû leur donner cette connoissance pour d'autres fins que de les rendre capables de pourvoir à leurs besoins, à leur conservation, à tout ce qui leur est propre & convenable dans leur condition, & la forme de vie qu'il leur a prescrite. Ajoûtons à ce principe, que beaucoup d'especes de bêtes sont faites pour vivre en société, & les autres pour vivre du moins en ménage, pour ainsi dire, d'un mâle avec une femelle, & en famille avec leurs petits jusqu'à ce qu'ils soient élevés. Or, si l'on suppose qu'elles n'ont point entr'élles un langage, quel qu'il soit, pour s'entendre les unes les autres, on ne conçoit plus comment leur société pourroit subsister: comment les castors, par exemple, s'aideroient - ils les uns les autres pour se bâtir un domicile, s'ils n'avoient un langage très - net & aussi intelligi<pb-> [p. 353] ble pour eux que nos langues le sont pour nous? La connoissance sans une communication réciproque par un langage sensible & connu, ne suffit pas pour entretenir la société, ni pour exécuter une entreprise qui demande de l'union & de l'intelligence. Comment les loups concerteroient - ils ensemble des ruses de guerre dans la chasse qu'ils font aux troupeaux de moutons, s'ils ne s'entendoient pas? Comment enfin des hirondelles ont - elles pû sans se parler former toutes ensemble le dessein de claquemurer un moineau qu'elles trouverent dans le nid d'une de leurs camarades, voyant qu'elles ne pouvoient l'en chasser? On pourroit apporter mille autres traits semblables pour appuyer ce raisonnement. Mais ce qui ne souffre point ici de difficulté, c'est que si la nature les a faites capables d'entendre une langue étrangere, comment leur auroit - elle refusé la faculté d'entendre & de parler une langue naturelle? car les bêtes nous parlent & nous entendent fort bien.

Quand on sait une fois que les bêtes parlent & s'entendent, la curiosité n'en est que plus avide de connoître quels sont les entretiens qu'elles peuvent avoir entre elles. Quelque difficile qu'il soit d'expliquer leur langage & d'en donner le dictionnaire, le Pere Bougeant a osé le tenter. Ce qu'on peut assurer, c'est que leur langage doit être fort borné, puisqu'il ne s'étend pas au - delà des besoins de la vie; car la nature n'a donné aux bêtes la faculté de parler, que pour exprimer entre elles leurs desirs & leurs sentimens, afin de pouvoir satisfaire par ce moyen à leurs besoins & à tout ce qui est nécessaire pour leur conservation: or tout ce qu'elles pensent, tout ce qu'elles sentent, se réduit à la vie animale. Point d'idées abstraites par conséquent, point de raisonnemens métaphysiques, point de recherches curieuses sur tous les objets qui les environnent, point d'autre science que celle de se bien porter, de se bien conserver, d'éviter tout ce qui leur nuit, & de se procurer du bien. Ce principe une fois établi, que les connoissances, les desirs, les besoins des bêtes, & par conséquent leurs expressions sont bornées à ce qui est utile ou nécessaire pour leur conservation ou la multiplication de leur espece, il n'y a rien de plus aisé que d'entendre ce qu'elles veulent se dire. Placez - vous dans les diverses circonstances ùpeut être quelqu'un qui ne connoit & qui ne sair exprimer que ses besoins, & vous trouverez dans vos propres discours l'interprétation de ce qu'elles se disent. Comme la chose qui les touche le plus est le desir de multiplier leur espece, ou du moins d'en prendre les moyens, toute leur conversation roule ordinairement sur ce point. On peut dire que le Pere Bougeant a décrit avec beaucoup de vivacité leurs amours, & que le dictionnaire qu'il donne de leurs phrases tendres & voluptueuses, vaut bien ceh de l'Opéra. Voilà ce qui a révolté dans un Jésuite condamné par état à ne jamais abandonner son pinceau aux mains de l'amour. La galanterie n'est pardonnable dans un ouvrage philosophique, que lorsque l'Auteur de l'ouvrage est homme du monde; encore bien des personnes l'y trouvent - elles déplacée. En prétendant ne donner aux raisonnemens qu'un tour léger & propre à intéresser par une sorte de badinage, souvent on tombe dans le ridicule; & toûjours on cause du scandale, si l'on est d'un état qui ne permet pas à l'imagination de se livrer à ses saillies. Il paroît qu'on a censuré trop durement notre Jesuite sur ce qu'il dit, que les bêtes sont animées par des diables. Il est aise de voir qu'il n'a jamais regardé ce système que comme une imagination bisarre & presque folle. Le titre d'amusement qu'il donne à son livre, & les plaisanteries dont il l'égaye, font assez voir qu'il ne le croyoit pas appuyé sur des fondemens assez solides pour opérer une vraie persuasion. Ce n'est pas que ce systême ne réponde à bien des difficultés, & qu'il ne fût assez difficile de le convaincre de faux: mais cela prouve seulement qu'on peut assez bien soûtenir une opinion chimérique, pour embarrasser des personnes d'esprit, mais non pas assez bien pour les persuader. Il n'y a, dit M. de Fontenelle dans une occasion à peu près semblable, que la vérité qui persuade, même sans avoir besoin de paroître avec toutes ses preuves. Elle entre si naturellement dans l'esprit, que quand on l'apprend pour la premiere fois, il semble qu'on ne fasse que s'en souvenir. Pour moi, s'il m'est permis de dire mon sentiment, je trouve ce petit ouvrage charmant & très - agréablement tourné. Je n'y vois que deux défauts; celui d'être l'ouvrage d'un Religieux; & l'autre, le bisarre assertiment des plaisanteries qui y sont semées, avec des objets qui touchent à la religion, & qu'on ne peut jamais trop respecter. (X)

Ame des Plantes (Page 1:353)

Ame des Plantes (Jardinage.) Les Physiciens ont toûjours été peu d'accord sur le lieu où réside l'ame des plantes; les uns la placent dans la plante, ou dans la graine avant d'être semée; les autres dans les pepins ou dans le noyau des fruits.

La Quintinie veut qu'elle consiste dans le milieu des arbres qui est le siége de la vie, & dans des racines saines qu'une chaleur convenable & l'humidité de la seve font agir. Malpighi veut que les principaux organes des plantes soient les fibres ligneuses, les trachées, les utricules placées dans la tige des arbres. D'autres disent que l'ame des plantes n'est autre chose que les parties subtiles de la terre, lesquelles poussées par la chaleur, passent à travers les pores des plantes, où étant ramassées, elles forment la substance qui les nourrit. Voyez Trachée.

Aujourd'hui en faisant revivre le sentiment de Théophraste, de Pline, & de Columelle, on soûtient que l'ame des végétaux réside dans la moelle qui s'étend dans toutes les branches & les bourgeons. Cette moelle qui est une espece d'ame, & qui se trouve dans le centre du tronc & des branches d'un arbre, se remarque plus aisément dans les plantes ligneuses, telles que le sureau, le figuier, & la vigne, que dans les herbacées; cependant par analogie, ces dernieres n'en doivent pas être dépourvûes. Voyez Ligneux, Herbacée, &c.

Cette ame n'est regardée dans les plantes que comme vegetative; & quoiqué Redi la croye sensitive, on ne l'admet qu'à l'égard des animaux: on restraint à l'homme, comme à l'être le plus parfait, les trois qualités de l'ame, savoir de végétative, de sensitive, & de raisonnable. (K)

Ame de Saturne (Page 1:353)

Ame de Saturne, anima Saturni, selon quelques Alchimistes, est la partie du plomb la plus parfaite, qui tend à la perfection des métaux parfaits; laquelle partie est selon quelques - uns, la partie teignante. (M)

Ame (Page 1:353)

Ame, terme d'Architecture & de Dessein; c'est l'ébauche de quelques ornemens, qui se fait sur une armature de fer, avec mortier composé de chaux & de ciment, pour être couverte & terminée de stuc; on la nomme aussi noyau. Ame est aussi une armature de quelque figure que ce soit, recouverte de carton. On dit aussi qu'un dessein a de l'ame, pour dire que son exquisse est touchée d'art, avec feu & léger eté.

Ame (Page 1:353)

Ame, (Stuccateur.) On appelle ainsi la premiere forme que l'on donne aux figures de stuc, lorsqu'on les ébauche grossierement avec du plâtre, ou bien avec de la chaux & du sable ou du tuileau cassé, avant que de les couvrir de stuc, pour les finir; c'est ce que Vitruve, Liv. VII. chap. 1. appelle nucleus, ou noyan. Voyez la figure 12 Planche de stuc, On nomme aussi ame ou noyau, les figures de terre ou

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