ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"982"> d'étudier ces sortes de desseins des grands maîtres, & sur - tout de ceux qui ont réussi dans la partie de la composition.

Mais pour tirer de cette étude un avantage solide, il faut, lorsqu'on est à portée de le faire, comparer ensemble les différentes esquisses que les célebres artistes ont fait servir de préparation à leurs ouvrages: il est rare qu'un peintre de génie se soit borné à une seule idée pour une composition. Si quelquefois la premiere a l'avantage d'être plus chaude & plus brillante, elle est sujette aussi à des défauts inséparables de la rapidité avec laquelle elle a été conçue; l'esquisse qui suivra ce premier dessein offrira les effets d'une imagination déjà modérée; les autres marqueront enfin la route que le jugement de l'artiste a suivie, & que le jeune éleve a intérêt de découvrir. Si après ce développement d'idées que fournissent différentes esquisses d'un grand maître, on examine les études particulieres qu'il a faites sur la Nature pour chaque figure, pour chaque membre, pour le nud de ces figures, & enfin pour leurs draperies, on découvrira la marche entiere du génie, & ce qu'on peut appeller l'esprit de l'art. C'est ainsi que les broüillons d'un auteur célebre pourroient souvent, mieux que des traités, montrer dans l'Eloquence & dans la Poésie les routes naturelles qui conduisent à la perfection.

Pour terminer la suite d'études & de réflexions que je viens d'indiquer, il est enfin nécessaire de comparer avec le tableau fini, tout ce que le peintre a produit pour parvenir à le rendre parfait. Voilà les fruits qu'on peut retirer, comme artiste, de l'examen raisonné des esquisses des grands maîtres; on peut aussi, comme amateur, trouver dans cet examen une source intarissable de réflexions différentes sur le caractere des Artistes, sur leur maniere, & sur une infinité de faits particuliers qui les regardent: on y voit quelquefois, par exemple, des preuves de la gêne que leur ont imposée les personnes qui les ont employés, & qui les ont forcés à abandonner des idées raisonnables pour y substituer des idées absurdes. La superstition ou l'orgueil des princes & des particuliers ont souvent produit par la main des Arts, de ces fruits extravagans dont il seroit injuste d'accuser les artistes qui les ont fait paroître. Dans plusieurs compositions, l'artiste pour sa justification auroit dû écrire au bas: j'ai exécuté; tel prince a ordonné. Les connoisseurs & la postérité seroient alors en état de rendre à chacun ce qui lui seroit dû, & de pardonner au génie luttant contre la sottise. Les esquisses produisent, jusqu'à un certain point, l'effet de l'inscription que nous demandons.

L'on y retrouve quelquefois la composition simple & convenable d'un tableau, dans l'exécution duquel on a été fâché de trouver des figures allégoriques, disparates, ou des assemblages d'objets qui n'étoient pas faits pour se trouver ensemble. Le tableau de Raphaël qui représente Attila, dont les projets sont suspendus par l'apparition des apôtres S. Pierre & S. Paul, en est un exemple. Il est peu de personnes qui ne sachent que dans l'exécution de ce tableau, qui est à Rome, au lieu de S. Léon, Léon X. en habits pontificaux, accompagné d'un cortége nombreux, fait la principale partie de la composition. Un dessein du cabinet du Roi disculpe Raphaël de cette servile & basse flaterie, pour laquelle & la grandeur du miracle, & la convenance du sujet, & le costume, & les beautés de l'art même ont été sacrifiés.

Le dessein représente une premiere idée de Raphaël sur ce sujet qui est digne de lui; il n'y est point question de Léon X. de sa ressemblance, ni de son cortége; S. Léon même n'y paroît que dans l'éloignement; l'action d'Attila, l'effet que produit sur lui & sur les soldats qui l'accompagnent, l'apparition des apôtres est l'objet principal de son ordonnance, & la passion intéressante qu'il se proposoit d'exprimer. Mais c'en est assez, ce me semble, pour indiquer les avantages qu'on peut tirer de l'étude & de l'examen des esquisses; il me reste à faire quelques réflexions sur les dangers que préparent aux jeunes artistes les attraits de ce genre de composition.

La marche ordinaire de l'art de la Peinture est telle, que le tems de la jeunesse, qui doit être destiné à l'exercice fréquent des parties de la pratique de l'art, est celui dans lequel il semble qu'on soit plus porté aux charmes qui naissent de la partie de l'esprit; c'est en effet pendant le cours de cet âge que l'imagination s'échauffe aisément, c'est la saison de l'enthousiasme, c'est le moment où l'on est impatient de produire, enfin c'est l'âge des esquisses; aussi rien de plus ordinaire dans les jeunes éleves, que le desir & la facilité de produire des esquisses de composition, & rien de si dangereux pour eux que de se livrer avec trop d'ardeur à ce penchant. L'indécision dans l'ordonnance, l'incorrection dans le dessein, l'aversion de terminer, en sont ordinairement la suite; & le danger est d'autant plus grand, qu'ils sont presque certains de séduire par ce genre de compotion libre, dans lequel le spectateur exige peu, & se charge d'ajoûter à l'aide de son imagination tout ce qui y manque. Il arrive de - là que les défauts prennent le nom de beautés; en effet, que le trait par lequel on indique les figures d'une esquisse soit outré, on y croit démêler une intention hardie & une expression mâle; que l'ordonnance soit confuse & chargée, on s'imagine y voir briller le feu d'une imagination féconde & intarissable: qu'arrive - t - il après ces présages trompeurs ou mal expliques? l'un dans l'exécution finie offre des figures estropiées, des expressions exagérées; l'autre ne peut sortir du labyrinthe dans lequel il s'est embarrassé; le tableau ne peut plus contenir dans son vaste champ le nombre d'objets que l'esquisse promettoit, & les artistes reduits à se borner au talent de faire des esquisses n'ont pas tous les talens qui ont acquis à la Fage & au Parmesan une réputation dans ce genre.

L'artiste ne doit donc faire qu'un usage juste & modéré des esquisses; elles ne doivent être pour lui qu'un secours pour fixer les idées qu'il conçoit, quand ces idées le méritent. Il doit se précautionner contre la séduction des idées nombreuses, vagues, & peu raisonnées que présentent ordinairement les esquisses; & plus il s'est permis d'indépendance en ne se refusant rien de ce qui s'est présenté à son esprit, plus il doit faire un examen rigoureux de ces productions libertines lorsqu'il veut arrêter sa composition; c'est par les regles de cette partie de la Peinture, c'est - à - dire par les préceptes de la composition, & au tribunal de la raison & du jugement, qu'il verra terminer les indécisions de l'amour propre, & décider du juste mérite de ses esquisses. Cet article est de M. Watelet.

ESQUIVE (Page 5:982)

ESQUIVE, en terme de Raffineur en sucre, c'est proprement la terre dont on a couvert les pains, qui a perdu son eau, s'est raffermie, & forme une espece de fromage. Tourner l'esquive, c'est la mettre sensdessus - dessous quand elle n'a pas la premiere fois produit l'effet qu'on en attendoit. Voyez Terre.

ESSAI (Page 5:982)

ESSAI, s. m. (Gram.) épreuve que l'on fait pour juger si une chose est de la qualité dont elle doit être.

Ce terme est fort usité dans le Commerce, & particulierement dans celui des denrées qui se consomment pour la nourriture. On dit en ce sens: donnezmoi un essai de cette huile; si je suis content de cet essai de fromage, j'en envoyerai prendre telle quantité, &c. (G)

Essai (Page 5:982)

Essai, (Littérat.) ce mot employé dans le titre [p. 983] de plusieurs ouvrages, a différentes acceptions; il se dit ou des ouvrages dans lesquels l'auteur traite ou effleure différens sujets, tels que les essais de Montaigne, ou des ouvrages dans lesquels l'auteur traite un sujet particulier, mais sans prétendre l'approfondir, ni l'épuiser, ni enfin le traiter en forme & avec tout le détail & toute la discussion que la matiere peut exiger. Un grand nombre d'ouvrages modernes portent le titre d'essai; est - ce modestie de la part des auteurs? est - ce une justice qu'ils se rendent? C'est aux lecteurs à en juger. (O)

Essai (Page 5:983)

Essai, (Chimie métallurgique.) examen d'un minéral, dans lequel on a pour but de connoître les différentes substances qui entrent dans sa composition, & la quantité en laquelle elles y sont contenues. Telle est l'acception particuliere de ce nom en Chimie, où on l'employe encore dans un sens plus général, pour designer une expérience faite sur un objet de l'un des trois regnes, soit pour connoitre la qualité des matieres dont il est composé, ce qui constitue la Chimie analytique; soit pour savoir la quantité de chacune d'elles, condition qui caractense proprement l'essai des minéraux, & le distingue de toute autre opération chimique, à l'exception pourtant de celles de la Métallurgie, avec laquelle il se trouveroit confondu par quelque endroit, si l'on n'ajoûtoit à sa définition qu'il se fait sur de très - petites quantités de matieres, & avec un appareil, qui, en même tems qu'il est le plus en petit qu'il se puisse, répond au dessein qu'on a de connoître avec la plus grande exactitude les proportions des substances du corps examiné, au lieu que dans la Métallurgie les travaux se font si en grand qu'il peut en résulter de tres - gros bénéfices. Il suit de ce que nous venons d'exposer, que les opérations des essais ne sont autre chose que l'analyse chimique de certains corps, à laquelle on applique le calcul. Leur point de réunion, ou plutôt ces mêmes opérations rassemblées en un corps de doctrine prennent le nom de Docimastique ou Docimasie, qui signifie art des essais, art purement chimique, quoiqu'il puisse être isolé par l'exercice, de sa source comme les autres branches qui partent du même tronc, telles que la Teinture, la Peinture en émail, la Métallurgie, &c. il est vrai que la plûpart des auteurs ne l'ont pas toûjours regardé sous ce point de vûe; c'est un reproche que l'on peut faire en particulier à M. Cramer. Cet illustre artiste, tout éclairé qu'il est, tombe là - dessus dans des contradictions perpétuelles. S'il eût été bien convaincu que la Docimastique n'est qu'une branche de la Chimie, comme il l'avance au commencement de sa préface, il n'eût pas intitulé son livre élemens de l'art des essais, selon la judicieuse remarque de M. Roüelle; parce que les élémens de cet art doivent être puisés dans la Chimie, & ne sont en effet que cette science elle - même, dont les essais ne different qu'en ce qu'on y employe le calcul, & quelques instrumens particuliers nécessaires à son exactitude. Il ne se fût pas cru obligé de mettre à la tête de son livre une théorie, qui n'en est point une, puisqu'elle ne consiste presque qu'en une description des minéraux, qui appartient à l'Histoire naturelle, dont l'étude doit précéder celle de la Chimie; d'instrumens, dont le plus grand nombre n'appartient qu'à la Chimie; d'opérations, dont deux ou trois seulement sont strictement des essais, &c. Il eût supposé, comme il le devoit, que ceux qui vouloient exercer l'art des essais, devoient apporter à cette étude la connoissance préliminaire de l'Histoire naturelle & de la Chimie, sans entrer dans un détail de ces sciences, qui ne peut être d'aucune utilité aux commençans parce qu'il y est trop abstrait, & dont peuvent très - bien se passer ceux qui savent la Chimie, parce qu'ils n'y trouvent presque rien de neuf; avec ces dispositions il eût abrégé une bonne partie de ce qu'il appelle sa théorie, & eût pû s'étendre davantage du côté de la pratique, quoiqu'il soit assez complet de ce côté là, & qu'on n'y voie autre chose qu'une espece d'affectation à ne lui vouloir donner pas plus d'étendue qu'à sa théorie. Cependant ces legers défauts sont effacés par mille bonnes choses qui feront toûjours estimer son ouvrage, comme le premier que nous ayons en ce genre.

Avant Agricola, la docimastique dont Kiesling attribue l'invention au travail des mines, n'avoit existé que dans les laboratoires. Personne n'en avoit rien écrit; les auteurs ne faisoient que la nommer: ainsi elle ne se communiquoit pour lors que par l'expérience, & elle passoit du maître à l'eleve sans que personne songeât à la transmettre autrement; sans doute faute de modele à suivre dans ce genre. C'est lui qui le premier en a saisi l'esprit, & à qui l'on a l'obligation d'avoir comme tiré du chaos ce qu'on peut appeller la base de la Métallurgie. Auparavant, ceux qui cultivoient les essais étoient les mêmes qui exerçoient la Métallurgie, comme cela se pratique encore presque par - tout: car une fonderie ne va jamais sans un laboratoire d'essais; & l'on connoissoit seulement si une roche contenoit une matiere métallique ou non, si elle recevoit plusieurs metaux, ou s'il n'y en avoit que pour un seul, & quelle en étoit à - peu - près la quantité; on savoit séparer les parties qui contenoient le métal, d'avec celles qui n'en donnoient point; & parmi celles - là, on distinguoit les plus riches: sans quoi l'on auroit risqué de dépenser inutilement des sommes immenses pour mettre sur pié les travaux de Metallurgie. Les Artistes occupés de cette science aujourd'hui, ne different nullement de ceux qui existoient du tems d'Agricola, M. Cramer leur fait le même reproche que cet auteur, & attribue à cette négligence l'ignorance où l'on est sur la nature de la plûpart des minéraux. Mais comment denner le goût des belles connoissances à des gens dont l'intérêt est l'unique mobile, & qui n'en ont d'ailleurs nulle idée, ou à qui le desaut d'éducation interdit cette acquisition?

Les auteurs qui sont venus après Agricola, ont perfectionné ce qu'il n'avoit pour ainsi dire qu'ébauché. On est principalement redevable du degré de perfection où cet art a été porté de nos jours par MM. Cramer & Gellest son traducteur allemand, à Lazare Ercker, Modestin Fachs, à Shindler que l'illustre Stahl appelle ingénieux à juste titre, à Stahl lui - même, à Juncker, à Kiessing, & à Schlutter. On ne fait aucune mention des autres qui ont écrit sur cette matiere, quoiqu'en assez grand nombre; parce qu'ils n'ont rien ajoûté à ceux qui les avoient précédés, ainsi que le remarque M. Cramer. Voyez Docimasie. Ercker étoit premier essayeur de l'empire d'Allemagne; Modestin Fachs étoit essayeur des minéraux du prince d'Anhalt en Saxe: son ouvrage a été imprimé à Léipsick en 1567, & a eu plusieurs éditions. L'ouvrage de Shindler porte pour titre, traité des essais: celni de Kiesling est intitulé, relatio practica de arte procatoriâ mineralium & metallorum, Léipsick 1742: il n'a fait que mettre en ordre & augmenter les leçons de Jean Schmieder professeur dans le laboratoire de sa majesté polonoise, après les avoir confirmées de ses propres expériences. L'ouvrage de Gellest a pour titre, chimie métallurgique, Léipsick 1750; il est scrupuleusement divisé, comme celui de M. Cramer, en deux parties, la premiere théorique, & la seconde pratique. Quant au livre de Schlutter, dont la traduction françoise vient d'être publiée par M. Hellot, il est entre les mains de tout le monde, ainsi que celui de M. Cramer dont j'ai donné la traduction depuis quelque tems. Le traité de Stahl se trouve dans ses opuscules: ce<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.