ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"934"> qu'on voit à l'embouchure de l'Acheloüs dans la mer d'Ionie.

ESCHRAKITES, ou ERASKITES (Page 5:934)

ESCHRAKITES, ou ERASKITES, s. m. (Hist. mod.) secte de philosophes mahométans, qui adhérent à la doctrine & aux opinions de Platon.

Ce mot est dérivé de l'arabe schraka, qui signifie briller, éclairer comme le soleil, de sorte que eschrakite semble signifier illuminé.

Les eschrakites ou platoniciens mahométans font consister le bonheur suprème & le souverain bien dans la contemplation de la majesté divine, & méprisent l'idée grossiere & matérielle que l'alcoran donne du paradis. Voyez Mahométisme.

Ils évitent avec beaucoup de soin toute sorte de vices, conservent autant qu'ils le peuvent l'égalité & la tranquillité d'ame, aiment la musique, & s'amusent à composer de petits poëmes ou chants spirituels. Les schéics ou prêtres, & les principaux prédicateurs des mosquées impériales, sont eschrakites. Dict. de Trévoux & Chambers. (G)

ESCLAME (Page 5:934)

ESCLAME, (Manege.) terme qui n'est pas moins inusité que le mot estrac. L'un & l'autre étoient synonymes. Voyez Etroit.

ESCLAIRE (Page 5:934)

ESCLAIRE, (Fauconnerie.) C'est ainsi qu'on appelle un oiseau dont le corps est d'une belle longueur, & qui n'est point épaulé. On dit que les esclaires sont plus beaux voleurs que les goussants, ou ceux qui sont courts & bas assis.

ESCLAVAGE (Page 5:934)

ESCLAVAGE, s. m. (Droit nat. Religion, Morale.) L'esclavage est l'établissement d'un droit fondé sur la force, lequel droit rend un homme tellement propre à un autre homme, qu'il est le maître absolu de sa vie, de ses biens, & de sa liberté.

Cette définition convient presque également à l'esclavage civil, & à l'esclavage politique: pour en crayonner l'origine, la nature, & le fondement, j'emprunterai bien des choses de l'auteur de l'esprit des lois, sans m'arrêter à loüer la solidité de ses principes, parce que je ne peux rien ajoûter à sa gloire.

Tous les hommes naissent libres; dans le commencement ils n'avoient qu'un nom, qu'une condition; du tems de Saturne & de Rhée, il n'y avoit ni maîtres ni esclaves, dit Plutarque: la nature les avoit fait tous égaux; mais on ne conserva pas long - tems cette égalité naturelle, on s'en écarta peu - à - peu, la servitude s'introduisit par degrés, & vraissemblablement elle a d'abord été fondée sur des conventions libres, quoique la nécessité en ait été la source & l'origine.

Lorsque par une suite nécessaire de la multiplication du genre humain on eut commencé par se lasser de la simplicité des premiers siecles, on chercha de nouveaux moyens d'augmenter les aisances de la vie, & d'acquérir des biens superflus; il y a beaucoup d'apparence que les gens riches engagerent les pauvres à travailler pour eux, moyennant un certain salaire. Cette ressource ayant paru très - commode aux uns & aux autres, plusieurs se résolurent à assurer leur état, & à entrer pour toûjours sur le même pié dans la famille de quelqu'un, à condition qu'il leur fourniroit la nourriture & toutes les autres choses nécessaires à la vie; ainsi la servitude a d'abord été formée par un libre consentement, & par un contrat de faire afin que l'on nous donne: do ut facias. Cette société étoit conditionnelle, ou seulement pour certaines choses, selon les lois de chaque pays, & les conventions des intéressés; en un mot, de tels esclaves n'étoient proprement que des serviteurs ou des mercenaires, assez semblables à nos domestiques.

Mais on n'en demeura pas là; on trouva tant d'avantages à faire faire par autrui ce que l'on auroit été obligé de faire soi - même, qu'à mesure qu'on vou<cb-> lut s'aggrandir les armes à la main, on établit la coûtume d'accorder aux prisonniers de guerre, la vie & la liberté corporelle, à condition qu'ils serviroient toujours en qualité d'esclaves ceux entre les mains desquels ils étoient tombés.

Comme on conservoit quelque reste de ressentiment d'ennemi contre les malheureux que l'on réduisoit en esclavage par le droit des armes, on les traitoit, ordinairement avec beaucoup de rigueur; la cruauté parut excusable envers des gens de la part de qui on avoit couru risque d'éprouver le même lort; de sorte qu'on s'imagina pouvoir impunément tuer de tels esclaves, par un mouvement de colere, ou pour la moindre faute.

Cette licence ayant été une fois autorisée, on l'étendit sous un prétexte encore moins plausible, à ceux qui étoient nés de tels esclaves, & même à ceux que l'on achetoit ou que l'on acquéroit de quelque autre maniere que ce fût. Ainsi la servitude vint à se naturaliser, pour ainsi dire, par le sort de la guerre: ceux que la fortune favorisa, & qu'elle laissa dans l'état où la nature les avoit créés, furent appellés libres; ceux au contraire que la foiblesse & l'infortune assujettirent aux vainqueurs, furent nommés esclaves; & les Philosophes juges du mérite des actions des hommes, regarderent eux - mêmes comme une charité, la conduite de ce vainqueur, qui de son vaincu en faisoit son esclave, au lieu de lui arracher la vie.

La loi du plus fort, le droit de la guerre injurieux à la nature, l'ambition, la soif des conquêtes, l'amour de la domination & de la mollesse, introduisirent l'esclavage, qui à la honte de l'humanité, a été reçu par presque tous les peuples du monde. En effet, nous ne saurions jetter les yeux sur l'Histoire sacrée, sans y découvrir les horreurs de la servitude: l'Histoire prophane, celle des Grecs, des Romains, & de tous les autres peuples qui passent pour les mieux policés, sont autant de monumens de cette ancienne injustice exercée avec plus ou moins de violence sur toute la face de la terre, suivant les tems, les lieux, & les nations.

Il y a deux sortes d'esclavage ou de servitude, la réelle & la personnelle: la servitude réelle est celle qui attache l'esclave au fonds de la terre; la servitude personnelle regarde le ministere de la maison, & se rapporte plus à la personne du maître. L'abus extrème de l'esclavage est lorsqu'il se trouve en même tems personnel & réel. Telle étoit chez les Juifs la servitude des étrangers; ils exerçoient à leur égard les traitemens les plus rudes: envain Moyse leur crioit, « vous n'aurez point sur vos esclaves d'empire rigoureux; vous ne les opprimerez point », il ne put jamais venir à bout, par ses exhortations, d'adoucir la dureté de sa nation féroce: il tâcha donc par ses lois d'y porter quelque remede.

Il commença par fixer un terme à l'esclavage, & par ordonner qu'il ne dureroit tout - au - plus que jusqu'à l'année du jubilé pour les étrangers, & par rapport aux Hébreux pendant l'espace de six ans. Lévit. ch. xxv. V. 39.

Une des principales raisons de son institution du sabbat, fut de procurer du relâche aux serviteurs & aux esclaves. Exode, ch. xx. & xxiij. Deutéronome, ch. xvj.

Il établit encore que personne ne pourroit vendre sa liberté, à moins qu'il ne fût réduit à n'avoir plus absolument de quoi vivre. Il prescrivit que quand les esclaves se racheteroient, on leur tiendroit compte de leur service, de la même maniere que les revenus déja tirés d'une terre vendue entroient en compensation dans le prix du rachat, lorsque l'ancien propriétaire la recouvroit. Deutéron. ch. xv. Lévitiq. ch. xxv. [p. 935]

Si un maître avoit crevé un oeil ou cassé une dent à son esclave (& à plus forte raison sans doute s'il lui avoit fait un mal plus considérable), l'esclave devoit avoir sa liberté, en dédommagement de cette perte.

Une autre loi de ce législateur porte, que si un maître frappe son esclave, & que l'esclave meure sous le bâton, le maître doit être puni comme coupable d'homicide: il est vrai que la loi ajoûte que si l'esclave vit un jour ou deux, le maître est exempt de la peine. La raison de cette loi étoit peut - être que quand l'esclave ne mouroit pas sur le champ, on présumoit que le maître n'avoit pas eu dessein de le tuer; & pour lors on le croyoit assez puni d'avoir perdu ce que l'esclave lui avoit coûté, ou le service qu'il en auroit tiré: c'est du moins ce que donnent à entendre les paroles qui suivent le texte, car cet esclave est son argent.

Quoi qu'il en soit, c'étoit un peuple bien étrange, suivant la remarque de M. de Montesquieu, qu'un peuple où il falloit que la loi civile se relâchât de la loi naturcelle. Ce n'est pas ainsi que S. Paul pensoit sur cette matiere, quand, prêchant la lumiere de l'Evangile, il donna ce précepte de la nature & de la réligion, qui devroit être profondément gravé dans le coeur de tous les hommes: Maîtres (Epît. aux Coloss. jv. 1.), rendez a vos esclaves ce que le droit & l'équité demandent de vous, sachant que vous avez un maître dans le ciel; c'est - à - dire un maître qui n'a aucun égard à cette distinction de conditions, forgée par l'orgueil & l'injustiée.

Les Lacédémoniens furent les premiers de la Grece qui introduisirent l'usage des esclaves, ou qui commencerent à réduire en rervitude les Grecs qu'ils avoient faits prisonniers de guerre: ils allerent encore plus loin (& j'ai grand regret de ne pouvoir tirer le rideau sur cette partie de leur histoire), ils traiterent les Ilotes avec la derniere barbarie. Ces peuples, habitans du territoire de Sparte, ayant été vaincus dans leur révolte par les Spartiates, furent condamnés à un esclavage perpétuel, avec la défense aux maîtres de les affranchir ni de les vendre hors du pays: ainsi les Ilotes se virent soûmis à tous les travaux hors de la maison, & à toutes sortes d'insultes dans la maison; l'excès de leur malheur alloit au point qu'ils n'étoient pas seulement esclaves d'un citoyen, mais encore du public. Plusieurs peuples n'ont qu'un esclavage réel, parce que leurs femmes & leurs enfans font les travaux domestiques: d'autres ont un esclavage personnel, parce que le luxe demande le service des esclaves dans la maison; mais ici on joignoit dans les mêmes personnes l'esclavage réel & l'esclavage personnel.

Il n'en étoit pas de même chez les autres peuples de la Grece; l'esclavage y étoit extrèmement adouci, & même les esclaves trop rudement traités par leurs maîtres pouvoient demander d'être vendus à un autre. C'est ce que nous apprend Plutarque, de superstitione, p. 66. t. I. édit. de Wechel.

Les Athéniens en particulier, au rapport de Xénophon, en agissoient avec leurs esclaves avec beaucoup de douceur: ils punissoient séverement, quelquefois même de mort, celui qui avoit battu l'esclave d'un autre. La loi d'Athenes, avec raison, ne vouloit pas ajoûter la perte de la sûreté à celle de la liberté; aussi ne voit - on point que les esclaves ayent troublé cette république, comme ils ébranlerent Lacédémone.

Il est aisé de comprendre que l'humanité exercée envers les esclaves peut seule prévenir, dans un gouvernement modéré, les dangers que l'on pourroit craindre de leur trop grand nombre. Les hommes s'accoûtument à la servitude, pourvû que leur maître ne soit pas plus dur que la servitude: rien n'est plus propre à confirmer cette vérité, que l'état des esclaves chez les Romains dans les beaux jours de la république; & la considération de cet état mérite d'attacher nos regards pendant quelques momens.

Les premiers. Romains traitoient leurs esclaves avec plus de bonté que ne l'a jamais fait aucun autre peuple: les maîtres les regardoient comme leurs compagnons; ils vivoient, travailloient, & mangeoient avec eux. Le plus grand châtiment qu'ils infligeoient à un esclave qui avoit commis quelque faute, étoit de lui attacher une fourche sur le dos ou sur la poitrine, de lui étendre les bras aux deux bouts de la fourche, & de le promener ainsi dans les places publiques; c'étoit une peine ignominieuse, & rien de plus: les moeurs suffisoient pour maintenir la fidélité des esclaves.

Bien - loin d'empêcher par des lois forcées la multiplication de ces organes vivans & animés de l'économique, ils la favorisoient au contraire de tout leur pouvoir, & les associoient par une espece de mariage, contubernüs. De cette maniere ils remplissoient leurs maisons de domestiques de l'un & de l'autre sexe, & peuploient l'état d'un peuple innombrable: les enfans des esclaves qui faisoient à la longue la richesse d'un maître, naissoient en confiance autour de lui; il étoit seul chargé de leur entretien & de leur éducation. Les peres, libres de ce fardeau, suivoient le penchant de la nature, & multiplioient sans crainte une nombreuse famille; ils voyoient sans jaloufie une heureuse société, dont ils se regardoient comme membres; ils sentoient que leur ame pouvoit s'élever comme celle de leur maitre, & ne sentoient point la différence qu'il y avoit de la condition d'esclave à celle d'un homme libre: souvent même des maîtres généreux faisoient apprendre à ceux de leurs esclaves qui montroient des talens, les exercicés, la musique, & les lettres greques; Térence & Phedre sont d'assez bons exemples de ce genre d'éducation.

La république se servoit avec un avantage infini de ce peuple d'esclaves, ou plûtôt de sujets: chacun d'eux avoit son pécule, c'est - à - dire son petit thrésor, sa petite bourse, qu'il possédoit aux conditions que son maître lui imposoit. Avec ce pécule il travailloit du côté où le portoit son génie; celui - ci faisoit la banque, celui - là se donnoit au commerce de la mer; l'un vendoit des marchandises en détail, l'autre s'appliquoit à quelque art méchanique, affermoit ou faisoit valoir des terres: mais il n'y en avoit aucun qui ne s'attachât a faire profiter ce pécule, qui lui procuroit en même tems l'aisance dans la servitude présente, & l'espérance d'une liberté future. Tous ces moyens répandoient l'abondance, animoient les arts & l'industrie.

Ces esclaves, une fois enrichis, se faisoient affranchir & devenoient citoyens; la république se réparoit sans cesse, & recevoit dans son sein de nouvelles familles à mesure que les anciennes se détruisoient. Tels furent les beaux jours de l'esclavage, tant que les Romains conserverent leurs moeurs & leur probité.

Mais lorsqu'ils se furent aggrandis parleurs conquêtes & par leurs rapines, que leurs esclaves ne furent plus les compagnons de leurs travaux, & qu'ils les employerent à devenir les instrumens de leur luxe & de leur orgueil, la condition des esclaves changea totalement de face; on vint à les regarder comme la partie la plus vile de la nation, & en conséquence on ne fit aucun scrupule de les traiter inhumainement. Par la raison qu'il n'y avoit plus de moeurs, on recourut aux lois; il en fallut même de terribles pour établir la sûreté de ces maîtres cruels, qui vivoient au milieu de leurs esclaves comme au milieu de leurs ennemis.

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