ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"878"> tretiennent la santé, qui produisent les maladies, selon les diverses dispositions des solides entr'eux, & relativement aux fluides. Les réflexions, sur. ce sujet, semblent justifier la théorie des anciens medecins méthodiques, qui vouloient faire dépendre l'exercice reglé ou vieié de toutes les fonctions, de ce qu'ils appelloient le strictum & le laxum; ils ne se sont vraissemblablement écartés de la vérité à cet égard, que pour avoir voulu tout attribuer à la disposition des solides, sans reconnoître aucun vice essentiel dans les fluides. Baglivi a trop fait dépendre l'equilibre, qu'il avoit justement entrevû dans le corps animal, du mouvement systaltique, qu'il attribuoit aux membranes du cerveau; mais en ramenant cette théorie aux vrais avantages que l'on peut en tirer, elle peut fournir de grandes lumieres dans l'étude de la nature & de ses opérations, dans l'état de la santé & dans celui de maladie; par exemple, à l'égard de la distribution des différentes humeurs dans toutes les parties du corps, du méchanisme des secretions en général, de l'influence du poids de l'air & de ses autres qualités, du chaud, du froid, du sec, de l'humide, &c. sur le corps humain, sur les poumons principalement, des évacuations critiques & symptomatiques, des métastases, &c. Voyez sur ce sujet l'article Méthodique, Prosper Alpin, de medecinâ methodica, & les oeuvres de Baglivi. Si l'on admet l'importance des résultats, qui dérivent des observations sur l'équilibre dans l'économie animale, tel qu'on vient de le représenter, on ne peut pas refuser de convenir qu'elles doivent être aussi d'une très - grand utilité dans la pratique medecinale, pour établir les indications dans le traitement des maladies, & pour diriger l'administration de la plûpart des remedes, comme les évacuans, dérivatifs, révulsifs, fortifians, relâchans, anodyns, narcotiques, antispasmodiques, & autres qui peuvent produire des effets relatifs à ceuxlà. Voyez ces mots & les articles qui ont rapport à celui qui vient d'être terminé, tel que Fibre, Fluxion, Relachement, Spasme , &c. (d)

Equilibre (Page 5:878)

Equilibre, terme de l einture Omne corpus, nisi extrema sese undiquè contineant, librenturque ad centrum, collabatur ruatque necesse est: voilà un passage qui me paroît définir le terme dont il s'agit ici; & j'espere qu'une explication un peu détaillée de ce texte, & un précis de ce que Léonard de Vincy dit sur cette partie dans son traité de la Peinture, suffiront pour en donner une idée claire. Pomponius Gaurie qui a composé en latin un traité de la Sculpture, est l'auteur de la définition que j'ai citée; elle se trouve au chapitre vj. intitulé de statuarum statu, motu, & otio. Toute espece de corps, dit - il, dont les extrémités ne sont pas contenues de toutes parts, & balancées sur leur centre, doit nécessairement tomber & se précipiter.

La chaîne qui unit les connoissances humaines, joint ici la Physique à la Peinture; ensorte que le physicien qui examine la cause du mouvement des corps, & le peintre qui veut en représenter les justes effets, peuvent, pour quelques momens au moins, suivre la même route, & pour ainsi dire voyager ensemble. L'on doit même remarquer que ces points de réunion des Sciences, des Arts, & des connoissances de l'esprit, se montrent plus fréquens, lorsque ces mêmès connoissances tendent à une plus grande perfection. Cependant on a pu observer aussi (comme une espece de contradiction à ce principe), que souvent la théorie perfectionnée a plûtôt suivi que précédé les âges les plus brillans des beaux arts, & qu'au moins elle n'a pas toûjours produit les fruits qu'on sembleroit devoir en espérer. Je reserve pour les mots Théorie & Pratique quelques réflexions sur cette singularité. Il s'agit dans cet article d'expliquer le plus précisément qu'il est possible ce que l'on entend par équilibre dans l'art de Peinture.

Le mot équilibre s'entend principalement des figures qui par elles - mêmes ont du mouvement; telles que les hommes & les animaux.

Mais on se sert aussi de cette expression pour la composition d'un tableau; & je vais commencer par développer ce dernier sens. M. du Fresnoy, dans son poëme immortel de arte graphicâ, recommande cette partie; & voici comment il s'exprime:

Seu multis constabit opus, paucisque figuris, Altera pars tabuloe vacuo ne frigida campo Aut deserta siet, dum pluribus altera formis Fervida mole suâ supremam exurgit ad oram: Sed tibi sic positis respondeant utraque rebus; Ut si aliquid sursum se parte attollat in unâ, Sic aliquid parte ex aliâ consurgat, & ambas AEquiparet, geminas cumulando oequaliter oras.

« Soit que vous employiez beaucoup de figures, ou que vous vous reduisiez à un petit nombre; qu'une partie du tableau ne paroisse point vuide, dépeuplée, & froide, tandis que l'autre enrichie d'une infinité d'objets, offre un champ trop rempli: mais faites que toute votre ordonnance convienne tellement que si quelque corps s'éleve dans un endroit, quelqu'autre le balance, ensorte que votre composition présente un juste équilibre dans ses différentes parties ».

Cette traduction qui peut paroître moins conforme à la lettre qu'elle ne l'est au sens, donne une idée de cet équilibre de composition dont M. du Fresnoy a voulu parler; & j'ai hasardé avec d'autant plus de plaisir d'expliquer sa pehsée dans ce passage, que la traduction qu'en donne M. de Piles présente des préceptes qui, loin d'être avoüés par les artistes, sont absolument contraires aux principes de l'art & aux effets de la nature. Je vais rapporter les termes dont se sert M. de Piles.

« Que l'un des côtés du tableau ne demeure pas vuide, pendant que l'autre est rempli jusqu'au haut; mais que l'on dispose si bien les choses, que si d'un côté le tableau est rempli, l'on prenne occasion de remplir l'autre; ensorte qu'ils paroissent en quelque façon égaux, soit qu'il y ait beaucoup de figures, ou qu'elles y soient en petit nombre ».

On apperçoit assez dans ces mots, en quelque façon, qui ne sont point dans le texte, que M. de Piles lui même a senti qu'il falloit adoucir ce qu'il venoit d'avancer: mais cet adoucissement ne suffit pas. Il n'est point du tout nécessaire de remplir un côté du tableau, parce que l'on a rempli l'autre, ni de faire ensorte qu'ils paroissent, en quelque façon même, égaux. Les lois de la composition sont fondées sur celles de la nature, & la nature moins concertée ne prend point pour nous plaire les soins qu'on prescrit ici à l'artiste. Sur quoi donc sera sondé le précepte de du Fresnoy? que deviendra ce balancement de composition à l'aide duquel j'ai rendu son idée? Il naîtra naturellement d'un heureux choix des effets de la nature, qui non - seulement est permis aux Peintres, mais qu'il faut même leur recommander; il naîtra du rapprochement de certains objets que la nature ne présente pas assez éloignés les uns des autres, pour qu'on ne soit pas autorisé à les rassembler & à les disposer à son avantage.

En effet il est rare que dans un endroit enrichi, soit par les productions naturelles, soit par les beautés de l'art, soit par un concours d'êtres vivans, il se trouve dans le court espace que l'on peut choisir pour sujet d'un tableau (qui n'est ordinairement que celui qu'un seul regard peut embrasser), un côté dénué de toute espece de richesses, tandis que l'autre en sera comblé. La nature garde plus d'uniformité dans les rableaux qu'elle compose; elle n'offre point brusquement le contraste de l'abondance & de l'ex<pb-> [p. 879] trème aridité. Les lieux escarpés se joignent imperceptiblement à ceux qui sont unis; les contraires sont séparés par des milieux, d'où résulte cette harmonie générale qui plaît à nos regards: d'ailleurs ce balancement ne consiste pas seulement dans la place, la grandeur, & le nombre des objets; il a encore une source plus cachée dans la disposition & l'enchaînement des masses que forment la lumiere & l'ombre. C'est sur - tout cet ordre ingénieux, ce chemin qu'on fait faire à la lumiere dans la composition d'un tableau, qui contribuent à son balancement & à son équilibre, qui contentent la vûe, & qui sont cause que ce sens étant satisfait, l'esprit & l'ame peuvent prendre leur part du plaisir que leur offre l'illusion de la Peinture.

J'insisterai d'autant plus sur ce principe d'équilibre de la composition, qu'il y a un danger infini pour les artistes dans l'affectation d'une dispositïon d'objets trop recherchée, & que c'est par cette route que se sont introduits ces faux principes de contraste & de disposition pyramidale.

Les beautés de la nature ont un caractere de simplicité qui s'étend sur ses tableaux les plus composés, & qui plaît dans ceux qu'on pourroit accuser de monotonie. Plusieurs figures dans la même attitude, sur le même plan, sans contraste, sans opposition, bien loin d'être monotones dans la nature, nous y présentent des variétés sines, des nuances délicates, & une union d'action qui enchantent. Il faut pour imiter ces beautés, une extrème justesse; & la naïveté, je l'avoue, est voisine de la sécheresse, & d'un goût pauvre qu'il faut éviter avec autant de soin que le genre outré. Mais c'en est assez pour la signification de ces mots, équilibre de composition. Consultons Léonard de Vincy sur l'équilibre des corps en particulier.

« La pondération, dit - il chap. cclx, ou l'équilibre des hommes, se divise en deux parties: elle est simple, ou composée. L'équilibre simple est celui qui se remarque dans un homme qui est debout sur ses piés sans se mouvoir. Dans cette position, si cet homme étend les bras en les éloignant diversement de leur milieu, ou s'il se baisse en se tenant sur un de ses piés, le centre de gravité tombe par une ligne perpendiculaire sur le milieu du pié qui pose à terre; & s'il est appuyé également sur les deux piés, son estomac aura son centre de gravité sur une ligne qui tombe sur le point milieu de l'espace qui se trouve entre les deux piés.

L'équilibre composé est celui qu'on voit dans un homme qui soûtient dans diverses attitudes un poids étranger; dans Hercule, par exemple, étouffant Antée qu'il suspend en l'air, & qu'il presse avec ses bras contre son estomac. Il faut, dans cet exemple, que la figure d'Hercule air autant de son poids au - delà de la ligne centrale de ses piés, qu'il y a du poids d'Antée en - deçà de cette même ligne ».

On voit par ces définitions de Léonard de Vincy, que l'équilibre d'une figure est le résultat des moyens qu'elle employe pour se soûtenir, soit dans une action de mouvement, soit dans une attitude de repos.

Mais comme les principes & les réflexions excellentes de cet auteur sont peu liés ensemble dans son ouvrage, je vais, en les fondant avec les miennes, leur donner, s'il se peut, un ordre qui en rende l'intelligence plus facile, pour ceux mêmes qui ne pratiquent pas l'art de la Peinture.

Quoique le peintre de figure ne puisse produire qu'une représentation immobile de l'homme qu'il imite, l'illusion de son art lui permet de choisir pour cette représentation dans les actions les plus animées, comme dans les attitudes du plus parfait repos: il ne peut représenter dans les unes & dans les autres qu'un seul instant; mais une action quelque vive, quelque rapide qu'elle soit, est composée d'une suite infinie de momens, & chacun d'eux doit être supposé avoir quelque durée: ils sont donc tous susceptibles de l'imitation que le peintre en peut faire dans cette succession de momens dont est composée une action. La figure doit (par une loi que la nature impose aux corps qui se meuvent d'eux - mêmes) passer alternativement de l'équilibre, qui consiste dans l'égalité du poids de ses parties balancées & reposées sur un centre, à la cessation de cette égalité. Le mouvement naît de la rupture du parfait équilibre, & le repos provient du rétablissement de ce même équilibre.

Ce mou vement sera d'autant plus fort, plus prompt, & plus violent, que la figure dont le poids est partagé également de chaque côté de la ligne qui la soûtient, en ôtera plus d'un de ces côtés pour le rejetter de l'autre, & cela avec violence & précipitation.

Par une suite de ce principe, un homme ne pourra remuer ou enlever un fardeau, qu'il ne tire de soi - même un poids plus qu'égal à celui qu'il veut mouvoir, & qu'il ne le porte du côté opposé à celui où est le fardeau qu'il veut lever. C'est de - là qu'on doit inférer, que pour parvenir à une juste expression des actions, il faut que le peintre fasse ensorte que ses figures démontrent dans leur attitude la quantité de poids'ou de force qu'elles empruntent pour l'action qu'elles sont prêtes d'exécuter. J'ai dit la quantité de force; parce que si la figure qui supporte un fardeau rejette d'un côté de la ligne qui partage le poids de son corps, ce qu'il faut de plus de ce poids pour balancer le fardeau dont elle est chargée, la figure qui veut lancer une pierre ou un dard, emprunte la force dont elle a besoin, par une contorsion d'autant plus violente, qu'elle veut porter son coup plus loin; encore est - il nécessaire, pour porter son coup, qu'elle se prepare par une position anticipée à revenir aisément de cette contorsion à la position où elle étoit avant que de se gêner: ce qui fait qu'un homme qui tourne d'avance la pointe de ses piés vers le but où il veut frapper, & qui ensuite recule son corps, ou le contourne, pour acquérir la force dont il a besoin, en acquerra plus que celui qui se poseroit différemment; parce que la position de ses piés facilite le retour de son corps vers l'endroit qu'il veu frapper, & qu'il y revient avec vîtesse, enfin s'y etrouve placé commodément.

Cette succession d'égalité & d'inégalité de poids dans des combinaisons innombrables (que notre instinct, sans notre participation & à notre insçu, fait servir à exécuter nos volontés avec une précision géométrique si admirable) se remarque aisément dès que l'on y fait la moindre attention: cependant elle est encore plus visible, lorsqu'on examine les danseurs & les sauteurs, dont l'art consiste à en faire un usage plus raisonné & plus approfondi. Les faiseurs d'équilibre & les funambules sur - tout, en offrent des démonstrations frappantes; parce que dans les mouvemens qu'ils se donnent sur des appuis moins solides, & sur des points de surface plus restraints, l'effet des poids est plus remarquable & plus subit, sur - tout lorsqu'ils exécutent leurs exercices sans appui, & qu'ils marchent ou sautent sur la corde sans contre - poids: c'est alors que vous voyez l'emprunt qu'ils font à chaque instant d'une partie du poids de leur corps pour soûtenir l'autre, & pour mettre alternativement leur poids total dans un juste balancement, ou dans une égalité qui produit leurs mouvemens ou le repos de leurs attitudes: c'est alors qu'on voit dans la position de leurs bras l'origine de ces contrastes de membres qui nous plaisent, & qui sont fondés sur la nécessité; plus ces contrastes sont justes & conformes à la pondération nécessaire des corps, plus ils satisfont le spectateur, sans qu'il cherche à se rendre compte de cette satisfaction qu'il

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