ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"876"> d'humeurs qui proviennent de la perte de l'équilibre des solides, par cause de relâchement dans quelque partie du corps que ce soit. On peut regarder tous les effets provenans de cette cause, comme autant de diabeces: les eaux ramassées dans le ventre, dans la poitrine, dans la tête, dans le tissu cellulaire des tégumens en général, des paupieres, des bourses en particulier, ne different aucunement des liquides qui s'évacuent dans le diabetes proprement dit, provenans du relâchement des tuyaux uriniferes: les jambes des hydropiques, qui se crevent d'elles - mêmes, ne donnent - elles pas un écoulement de sérosités qui forme comme un diabetes? Ainsi les vaisseaux lymphatiques de la tête, de la poitrine, du bas - ventre, qui laissent échapper continuellement dans les hydropisies de ces parties, le liquide qu'ils transportent, ne forment - ils pas comme autant de syphons qui semblent, par une de leurs extrémités qui est leur principe, tremper dans la masse des humeurs, & par l'autre répandre ce qu'ils sucent? Ainsi dans le relâchement des vaisseaux secrétoires de l'urine, il se fait un écoulement de sérosité à laquelle se mêle, à proportion que le relâchement augmente, la lymphe, le chyle le plus fin, & ensuite le chyle le plus grossier, pour ainsi dire sous forme de lait; ce qui rend, dans le diabetes proprement dit, les urines douçâtres & blanchâtres, quand il a duré un certain tems: d'où s'ensuit la consomption, comme de toute autre évacuation de cette espece, dans quelque partie du corps que ce soit. N'a - t - on pas vû des plaies produire cet effet par d'abondantes suppurations, & devenir comme un égout, par lequel s'écouloit presque toute la masse des humeurs, à cause du relâchement qui survenoit dans les solides de la partie, & de la moindre résistance qu'offroient les vaisseaux, toûjours disposés à s'ouvrir?

Les ventouses ne produisent pas autrement la tuméfaction des parties sur lesquelles elles sont appliquées, qu'en rompant, par la diminution de la compression de l'air, l'équilibre de résistance dans les vaisseaux, qui se laissent en conséquence engorger d'humeurs. Les animaux ne se gonflent sous le récipient de la machine du vuide, que parce que le poids de l'air étant aussi diminué par la suction, s'oppose moins à l'effort des fluides, qui tendent à dilater les vaisseaux de l'habitude du corps: ceux - ci ne pechent alors que par défaut d'équilibre; d'où l'on peut inférer que la force qui le conserve dans l'économie animale saine, n'est pas seulement intrinseque à l'égard des fibres, mais qu'elle est aussi extrinseque.

Il est même, outre le poids de l'atmosphere, une autre cause qui y contribue, qui, quoiqu'étrangere à chaque vaisseau en particulier, ne l'est cependant pas à l'animal même; c'est la pression réciproque des vaisseaux entr'eux, par laquelle ils contre - balancent, les uns par rapport aux autres, les efforts que les fluides font dans leur cavité respective, tendans à en écarter les parois outre mesure.

On voit, par tout ce qui vient d'être exposé, les pernicieux effets que peut produire dans l'économie animale le défaut d'équilibre causé par la trop grande diminution du ressort dans les parties solides: ce même défaut, occasionné par la trop grande élasticité dans les fibres d'une partie, ou par leur rigidité, ou par la constriction spontanée ou spasmodique des tuniques musculaires des vaisseaux, n'est pas une source moins féconde de dérangement dans l'économie animale; c'est ce qui semble suffisamment prouvé par les considérations suivantes.

Ainsi le resserrement d'un vaisseau considérable, ou de plusieurs vaisseaux dans une partie quelconque, ou tout autre obstacle formé au cours des humeurs, en quelque organe que ce soit, peuvent produire la fievre, ou dans les parties affectées, si la cause n'est pas bien considérable, ou dans tout le corps, en tant que les fluides poussés vers cette partie, ne pouvant pas y continuer leur mouvement progressif avec liberté, sont repoussés vers leurs sources par l'action même des vaisseaux engorgés, qui réagissent avec plus de force, à proportion qu'ils sont plus distendus au - delà de leur ton naturel; ce qui dilate de proche en proche les troncs, & en force le ressort, qui par sa réaction sur les mêmes fluides repoussés, les renvoye vers l'obstacle, d'où naît une espece de pléthore partieuliere entre l'obstacle & les troncs des vaisseaux embarrassés; ce qui établit une sorte de fievre dans la partie, comme on l'observe, par exemple, dans un panaris commençant, par les fortes pulsations qui se font sentir dans tout le doigt affecté. Si la cause de l'obstacle est considérable, un plus grand nombre de vaisseaux collatéraux participent à l'engorgement, & de proche en proche l'embarras gagne, la circulation se trouble, la pléthore devient générale, la puissance motrice, qui tend toûjours à conserver l'équilibre ou à le rétablir, augmente l'action dans tous les vaisseaux, à proportion de la résistance: de - là une sorte d'agitation fébrile s'établit dans tout le corps, laquelle, si la cause est de nature à subsister, donne lieu à une véritable fievre.

N'est - ce pas à un défaut d'équilibre de cette espece, qu'on peut attribuer la plûpart des indispositions que causent les commencemens de la grossesse à un grand nombre de femmes? le sang menstruel ne s'évacuant point dans cette circonstance, & formant par conséquent une pléthore particuliere dans la matrice, qui augmente de plus en plus, tant que le foetus ne peut pas encore consumer en entier, pour sa nourriture & son accroissement, les humeurs surabondantes, que la nature a destinées à cet usage: les vaisseaux utérins, distendus outre mesure, ne cedent cependant que jusqu'à un certain point à leur dilatation ultérieure; le tiraillement de leurs tuniques forcées, qui approche du déchirement, est un sentiment stimulant, qui les excite à réagir extraordinairement en y attirant des forces sûr - ajoûtées, par l'influx du fluide nerveux & des contractions des fibres musculaires; ainsi, ils deviennent par - là en état de résister aux plus grands efforts des humeurs, qui rendent à s'y porter plus abondamment: il se fait d'abord une espece d'hérence dans le cours des fluides de tous les vaisseaux utérins; elle s'étend de proche en proche. comme par l'effet d'une digue ou écluse; le ressort des vaisseaux réagissans, étant un peu dégagé, force ensuite ce qui reste encore de surabondant, dans leur cavité, à refluer dans les troncs des vaisseaux, d'où ils ont été distribués (ce reflux peut réellement avoir lieu dans le cas dont il s'agit ici, si l'on convient qu'il se fait dans la résolution des inflammations produites par erreur de lieu, voyez Inflammation, Erreur de lieu ): de ce reflux, ainsi conçû, ou de l'embarras dans le cours des humeurs de la matrice, s'ensuit l'engorgement des mammelles, parce que le sang, qui trouve de la résistance à abonder dans ce viscere, se replie par les vaisseaux épigastriques vers les mammaires, qui logent ainsi une partie des humeurs surabondantes.

Mais la pléthore se renouvellant continuellement, il succede toûjours de nouveaux fluides à placer: ils sont repoussés, & se jettent toûjours où ils trouvent moins de résistance; il s'en fait d'abord une dérivation dans tous les vaisseaux collatéraux, qui se trouvent disposés à ceder; ce qui donne souvent lieu à une plus grande secrétion dans les glandes & dans tous les filtres des intestins, dont l'excrétion fournit souvent la matiere d'un cours de ventre: ou les humeurs se portent dans les vaisseaux de l'estomac, les distendent, tiraillent leurs fibres musculaires, les nerfs de ce visce<pb-> [p. 877] re, d'où s'ensuivent les mouvemens convulsifs, qui produisent des nausées, des efforts pour vomir, & le vomissement même, lorsqu'il y a des matieres dans l'estomac, qui pesent sur ses parois tendues, par l'engorgement de ses vaisseaux qui le rend beaucoup plus susceptible d'irritation: ou le transport des humeurs se fait vers les poumons, lorsqu'ils sont d'un tissu à proportion moins résistant que les autres parties du corps; il y occasionne des suffocations, des oppressions, des crachemens de sang, &c. ou il se fait dans les vaisseaux des membranes du cerveau, de sa substance, & il y cause des douleurs, des pesanteurs de tête, assoupissement extraordinaire, des vertiges; &c. Tous ces effets supposent l'équilibre rompu entre les vaisseaux utérins, qui résistent à être engorgés ultérieurement, & les vaisseaux des autres parties, qui pretent & se laissent engorger par les humeurs surabondantes, qui refluent de la matrice, ou qui, restant dans la masse, tendent à se jetter sur quelque partie foible, & s'y logent en effet, en forçant ses vaisseaux.

Mais si toutes les parties résistent également, le sang superflu restant dans les gros vaisseaux, sans pouvoir être distribué, gêne la circulation, cause des défaillances, des syncopes, ce qui rend, dans ce cas, la saignée si salutaire, par la promptitude avec laquelle elle rétablit l'équilibre, en dégorgeant les gros vaisseaux; elle peut aussi produire de bons effets dans tous les autres engorgemens particuliers, par la même raison, mais ils sont moins sensibles: dans ce même cas, encore la nature, qui tend toûjours à conserver ou à rétablir l'équilibre, peut avoir une autre ressource que la saignée; tous les vaisseaux étant dans un état de résistance, & par conséquent de réaction égales, peuvent quelquefois, parleurs forces combinées, vaincre celles des vaisseaux utérins, & en forcer les orifices, donner lieu à une hémorrhagie qui peut rétablir l'équilibre perdu; c'est par cette raison que plusieurs femmes ont des pertes pendant les premiers mois de leur grossesse, sur - tout les femmes robustes, sans aucun mauvais effet.

Tout ce qui vient d'être dit, peut convenir à bien des égards à ce qui se passe dans la suppression des regles, & peut tenir lieu d'explication de ce que Boerrhaave dit simplement être un desordre dans la circulation, sans dire en quoi consiste ce desordre, ce changement, ce mouvement renversé dans le cours du sang, qu'il reconnoit, sans en indiquer la cause, sans la faire pressentir même: il semble cependant qu'on peut en rendre raison, de la maniere précédente, en suivant la nature dans ses opérations, sans rien supposer. On voit, par exemple, pourquoi les femmes grosses sont sujettes à de si fréquentes & de si grandes agitations, à des fréquences dans le pouls, qui en sont une suite, sur - tout pendant le tems de la digestion, de l'entrée du chyle dans le sang: effet que l'on peut regarder comme étant des efforts que la nature fait pour rétablir l'équilibre; efforts qui sont véritablement fébriles, & seroient de conséquence, s'ils n'étoient pas si irréguliers, & le plus souvent de très - peu de durée; parce que la cause est ordinairement de nature à être aisément & promptement détruite, ou peut subsister sans danger: il n'y a pas de vice intrinseque dans les humeurs; elles ne pechent que par l'excès de quantité: il n'en est pas de même dans les suppressions du flux menstruel; la cause étant le plus souvent difficile à vaincre, occasionne des efforts continuels de la nature, pour détruire la pléthore & rétablir l'équilibre; ce qui donne souvent lieu, dans ce cas, à des fievres considérables, & dont les suites peuvent être fâcheuses.

Ainsi, les inflammations occasionnant aussi une sorte de pléthore, plus ou moins étendue, produisent la fievre générale ou particuliere: le resserre<cb-> ment spasmodique des parties nerveuses dans un viscere, dans un membre, dans un tendon, dans un tronc de nerf picqué, jrrité, produit le même effet; de même aussi les irritations qui affectent les membranes nerveuses, comme celles des intestins, la plevre, la dure mere, l'enveloppe des muscles, le périoste, &c. les remedes irritans, tels, sur - tout, que les purgatifs, les vomitifs, les vésicatoires, les synapismes, les phoenigmes, &c. semblent n'attirer un plus grand abord d'humeurs dans les parties où ils agissent, que parce qu'ils excitent la réaction des vaisseaux éloignés vers ceux qui sont d'abord plus resserrés par l'irritation, mais qui sont bien - tôt forcés de céder à toutes les puissances des solides réunies contre eux; ce qui opere une dérivation d'humeurs vers la partie irritée; dérivation qui est, par cette raison, le plus souvent précédée d'une augmentation de mouvement dans tous les fluides, dans la circulation entiere. N'est - ce pas ainsi que l'on peut concevoir la maniere d'agir des topiques irritans, dont on se sert pour attirer la goutte dans les extrémités? l'action des cauteres actuels, du moxa, produit aussi à - peu - près les mêmes effets: l'orgasme, dans les parties susceptibles d'impressions voluptueuses, fait ainsi naître une agitation générale, en tant que la tension de leurs parties nerveuses y forme des obstacles au cours ordinaire des humeurs, qui refluent dans tout le corps, y font une pléthors passagere, c'est - à - dire proportionnée à la durée de la cause de cette tension, & cette pléthore cesse avec le sentiment qui en a été la cause déterminante: c'est ce qu'on éprouve dans l'acte vénérien, dans la seule érection de la verge, du cliroris, soûtenue par l'imagination échauffée, dans le gonflement des parties de la vulve, des mammelons: tout ce qui tend les nerss plus qu'à l'ordinaire, comme une épine dans un tendon, dans des chairs bien sensibles, comme les brûlures, &c. produit un plus grand abord de sang dans les parties affectées; d'où s'ensuit un battement d'arteres plus fort dans ces parties, ou une agitation géhérale, à proportion de l'intensité de la cause, &c.

Il résulte de ce qui a été dit jusqu'ici sur les différentes causes qui peuvent déranger l'équilibre de la machine dans l'économie animale, que dans le relâchement, l'élasticité naturelle qui subsiste dans les fibres, suffit en général, pour leur donner un degré de force qui détermine le cours des fluides vers la partie qui a perdu de son ressort; mais le défaut d'équilibre, qui est produit par l'irritation, ne peut pas avoir lieu, sans qu'il soit ajoûté généralement à tous les solides, une force qui puisse l'emporter sur la résistance de la partie où se fait l'irritation; en sorte que dans ce cas, ils aquierent plus de force d'action sur les fluides par un resserrement qui dépend des nerfs, & l'équilibre se détruit, tout comme si les parties irritées péchoient par relâchement, parce que celles - ci sont forcées de céder à l'action combinée de tous les vaisseaux du corps contr'elle; étant alors inférieures en résistance, elles ne tiennent pas contre l'action des fibres, en général devenues plus fortes, que dans l'état naturel, par un moyen surajoûté, qui leur est commun à toutes, vis unita fortior. Ainsi de deux causes opposées, le relâchement & le resserrement des fibres ou des vaisseaux, il peut également en résulter un défaut d'équilibre dans le corps animal.

Il est naturel de conclure de tout ce qui vient d'être exposé au sujet de l'équilibre dans le corps humain, qu'il est très - important de s'instruire de tout ce qui sert à faire connoître les phénomenes, les lois constantes de cette condition requise par la vie saine, de cet agent, qui paroît joüer un si grand rôle dans l'économie animale, qui est un principe fécond, d'où on peut déduire une infinité de causes, qui en<pb->

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