ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"806"> dessus une couverture de laine, qu'on revêt d'un coutis bien tendu, & attaché avec des clous. Un ouvrier tient un moule ou chassis de bois, qui forme un quarré long de deux piés sur deux pouces d'épaisseur, à trois côtés, ou plûtôt deux côtés & la base. Le chassis appliqué sur une extrémité de l'établi, on prend quelques cueillerées de l'étain fondu dans une chaudiere m, qu'on verse sur ce lit, & qui se trouve arrêté par le chassis. Cette lame d'étain a deux pouces de profondeur; & comme les plaques ne doivent avoir que deux lignes d'épaisseur environ, on la laisse étendre sur l'établi qui est en pente, en reculant doucement avec le chassis, que l'étain liquide suit toûjours, jusqu'à ce qu'il ait pris sur le coutis. Quand il est refroidi, on leve toute la coulée, qui se détache d'elle - même, & on la partage en disques ou plaques tracées au compas, de seize pouces de diametre chacune. Venons au blanchissage.

Pour cent livres d'épingles qu'on blanchit à - la - fois, on jette dans une chaudiere (fig. 14. Pl. III. vers le bas de la Planche), six seaux d'eau de huit pots chacun, où l'on répand trois livres de gravelle ou lie de vin blanc. Sur une plaque d'étain qui pese une livre à - peu - près, on met environ deux livres d'épingles; qu'on prend à poignée sans les peser, & qu'on étend sur la plaque (figure 15), afin qu'elles s'étament mieux: les bords de la plaque sont relevés tout - autour, de peur que les épingles ne tombent. On met ainsi plusieurs plaques garnies l'une sur l'autre, ensorte que chaque lit d'épingles se trouve toûjours entre deux plaques. Un certain nombre de ces plaques forme ce qu'on appelle une portée (fig. 10. 10.) qu'un ouvrier met dans la chaudiere, au moyen d'une croix de fer en sautoir (fig. 3. 3. 1. 14.) suspendue par des fils d'archal ou de laiton (figure 2.) Ces fils débordent hors de la chaudiere, afin de pouvoir retirer les portées: chaque portée est séparée des autres par une plaque plus forte. Il faut que l'eau bouille avec la gravelle & les épingles pendant quatre heures. La gravelle sert à détacher les parties d'étain, qui s'attachent ensuite à l'épingle. Telle est la divisibilité de l'étain, qu'il ne perd que quatre onces sur cent livres d'épingles; ainsi l'opération de couler les plaques ne revient qu'après dix - huit mois d'intervalle. L'étain dont on se sert en Angleterre, est du plus pur & très - bien calciné; aussi les épingles y sont - elles très - blanches. Celles de Bordeaux ont encore un avantage sur celles - ci pour l'éclat & la durée de la blancheur, parce qu'on y mêle du tartre dans le blanchissage.

14°. On éteint les épingles, c'est - à - dire qu'on les lave dans un baquet d'eau fraîche (fig. 1. Pl. III.) suspendu en l'air sur un bâton, ou par des anses attachées à des crochets avec des cordes qu'on appelle la branloire; on les secoue en balotant le baquet de côté & d'autre, pour séparer la gravelle qui tombe au fond, & purifier l'étamage.

15°. On seche les épingles. Il n'y a qu'à les mêler avec du son bien gros & bien sec, dans des sacs de cuir que deux hommes agitent chacun par un bout (5. fig. 4.); ou bien on les met dans un auget o ou boîte de bois qui va en retrécissant, & finit par une ouverture d'où les épingles coulent dans un barril foncé (B. fig. 2.) qu'on appelle frotoire. A la place de la bonde est un trou de six pouces quarré, qui s'ouvre & se ferme par une porte de bois doublée de papier, afin que les épingles & le son ne s'arrêtent ou ne tombent pas en tournant. Cette porte mobile est enchâssée entre deux liteaux, le long desquels elle monte & descend, comme les chassis de certaines fenêtres sans volet; ensorte qu'elle ferme presque hermétiquement ce barril suspendu sur deux montans, & traversé d'un axe; il se tourne avec un manche ou une manivelle à chaque bout, ou à un seul.

16°. On vanne les épingles, c'est - à - dire qu'on en sépare le son. Cette opération se fait dans un plat de bois d'environ deux piés & demi de circonférence, où l'on secoue les épingles, comme dans un crible ou dans un van à blé; ou bien on les met dans une grosse cruche de terre (d. figure 3), d'où on les fait couler; & tandis que les épingles tombent, le vent emporte le son, qui sert plusieurs fois, pourvû qu'on le resseche au four ou au soleil, car le plus usé se trouve le meilleur.

17°. On pique les papiers. Après qu'on les a pliés en plusieurs doubles, qui forment autant d'étages de 40 à 50 épingles chacun, jusqu'à la concurrence d'un demi - millier, on prend un poinçon ou pcigne de fer à 20 ou 25 dents, d'où il tire le nom de quarteron; & d'un seul coup de marteau qu'on frappe sur une élévation qui se trouve au dos du peigne, dans le centre, voilà la place faite à un quarteron d'épingles. Les demi - milliers sont divisés en deux colonnes, dont chacune contient 10 ou 12 rangs d'épingles. Outre ces papiers, il y en a dont on empaquete les demi - milliers par sixains ou dixains, qui contiennent 6 ou 10 milliers. Ces papiers sont marqués en rouge, à la marque de l'ouvrier qui fait les épingles, ou plûtôt du marchand qui les fait faire, & les débite en gros.

18°. On boute les épingles. C'est les placer dans le papier. On les prend à poignée, on les range par douzaine à - la - fois: il le faut bien, pour bouter jusqu'à 36 milliers d'épingles par jour; encore ne gagnet - on, quand on y excelle, que trois sous: aussi cet ouvrage reste entre les mains des enfans, qui gagnent deux liards pour 6 milliers qu'ils en peuvent bouter dans un jour.

On distingue l'espece & le prix des épingles par les numeros, qui varient avec la longueur & la grosseur. Tel est l'ordre des numeros: 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 12. 14. 17. 18. 20. 22. 24. 26. 30. 36. celles qui sont au - dessus s'appellent houseaux, espece d'épingles jaunes dont le millier se compte à la livre: il y a des milliers d'une livre, de deux & de trois. Le fil de laiton arrive de Suede en bottes de trois grosseurs: celles de la premiere grosseur servent à faire les houseaux & les drapieres; la drapiere est une épingle grosse & courte, que les Drapiers employent à emballer leurs étoffes, ou à les attacher en double: la seconde grosseur s'employe aux épingles moyennes, c'est - à - dire depuis le n°. 20 jusqu'au n°. 10; & la troisieme grosseur, depuis le n°. 10 jusqu'au n°. 3, qui est le camion ou la demoiselle; & pour en venir à ce point de finesse, le fil n'a besoin de passer que cinq à six fois par la filiere, tant il est ductile.

Il y a des épingles de fer qui passent par les mêmes épreuves que celles de laiton, excepté qu'au lieu de les blanchir, on les teint quelquefois en noir, pour le deuil ou pour les cheveux; & qu'au lieu de les empointer, on en fait à double tête pour ce dernier usage: mais les têtes sont toûjours de laiton. La façon même de les blanchir est particuliere; on y employe une poudre composée de sel ammoniac, d'étain commun, & d'étain de glace ou de vif - argent, qu'on sait bouillir avec les épingles dans un pot de fer.

Voici la maniere de préparer le fer pour le réduire en fil d'épingle, ou la description d'une allemanderie qu'on voit à Laigle en Normandie, à 30 lieues de Paris. Il y a d'abord une grande roue à palettes, que l'eau fait tourner comme celle des moulins à blé. L'arbre de cette roue est d'environ 24 piés de long sur 18 pouces de diametre: il est armé vers les deux extrémités de coins ou cames, placés tout - au - tour, les uns, vers le côté de la roue, acérés d'acier au nombre de 16, larges de 4 pouces, épais d'un pouce [p. 807] & demi, enfoncés dans l'arbre d'un demi - pié, & saillans de 4 pouces; les autres, placés à l'opposite sont de bois, au nombre de 8, épais de 3 pouces, larges de 6, enfoncés de 8, & saillans de 8 aussi: à 3 ou 4 piés de l'arbre, sur une ligne parallele, est une poutre de la même longueur, large de 2 piés, épaisse d'un pié & demi: elle porte sur quatre piliers ou montans de bois qui la traversent, deux à chaque extrémité, vis - à - vis les cames, à 2 piés & demi de distance l'une de l'autre; ils sont enchâssés dans la poutre, & taillés de façon que la poutre appuie dessus vers le milieu, & se trouve fixée en - haut par des coins de bois qui traversent les montans. Entre les deux premiers piliers, c'est - à - dire du côté de la grande roue, est un levier de bois qu'on appelle le manche du marteau, de 10 piés de long, & d'un pié quarré en grosseur, soûtenu par un axe ou hesse de fer qui le traverse par le milieu, & va s'appuyer sur deux brigues de fonte cloüées aux montans. Ce manche est armé de cercles de fer, & d'une plaque ou semelle de fer aussi, sur laquelle portent les coins ou cames de fer, qui la foulent en bascule à mesure que la roue tourne. L'autre bout du levier est armé d'un marteau ou martinet de fer acéré d'acier, pesant 40 livres, avec un bec d'environ 8 pouces de long sur 2 de large ou d'épaisseur; sa surface ou sa base est convexe; il tombe de la hauteur de demi - pié sur une enclume qui est au - dessous. Cette enclume de ser saillante d'environ 6 pouces, est enchâssée dans un sabot de fonte de 15 pouces de largeur & autant d'épaisseur, sur 20 de longueur. Le sabot est lui - même enchâssé à la profondeur de 6 pouces, dans un billot de bois de 3 piés de diametre, armé d'un cercle de fer, enfoncé dans la terre de 3 piés sur des pilotis de 3 à 4 piés de long, & saillant d'un pié hors de la terre. De l'autre côté est un ouvrage pareil à celui - ci, excepté que le manche n'est point de cercles ni d'une semelle de fer, que le marteau de fonte pese 280 livres, avec une enclume de même matiere & d'un poids égal, l'une & l'autre à surface plate.

La roue qui fait marcher les deux marteaux, fait aller aussi le soufflet de la forge, & voici comment. A l'extrémité de l'arbre opposée à la roue, est un tourillon de fer fiché dans l'arbre. Ce tourillon entre dans une nille ou manivelle de fer, semblable à celles dont on se sert pour monter les poids d'une horloge ou d'un tourne - broche. Le manche de la nille entre dans le branle, c'est - à - dire une piece de bois longue & mince, suspendue par une traverse ou cheville de fer à un morceau de bois fourchu. Cette fourche est clouée par la queue à un pouillerot ou petit madrier de bois, qui monte & descend au moyen d'un axe mobile'dans ses pivots; mais ces pivots sont fixés eux - mêmes dans la muraille voisine, ou à la charpente de la forge. Vers le milieu du poüillerot est une autre fourche, au bout de laquelle est un second branle de 18 piés de long. Ce branle placé horisontalement, est suspendu par une troisieme fourche, qui est attachée à un pouillerot semblable au premier, & qui soûtient la quatrieme fourche d'où pend la chaine du soufflet, & tout joüe à proportion que la nille tourne avec la roue.

Le fer qui vient des grosses forges en lingots ou en barres, est d'abord rougi au feu & passe sous le gros marteau qui l'amoindrit, le scie, le soude, le courroye lorsqu'il est pailleux, & lui donne enfin une meilleure qualité. De - là il passe sous le martinet. Un ouvrier est assis sur une bancelle ou planche accrochée par un anneau à un des piliers ou montans cités plus haut, & suspendue par une branloire ou chaîne de fer, à une poutre qui soûtient le toît de la forge, ensorte qu'elle est mobile. Un autre ouvrier met les barres à la forge, & les donne toutes rouges à celui qui est près du martinet. Celui - ci les présente & les tourne à chaque coup de marteau, tantôt à droite tantôt à gauche, & d'une seule chaude, dans l'espace de trois minutes, d'une barre de fer longue de 2 piés & grosse de 2 pouces quarrés l'on tire une verge de 6 piés de long, ou plûtôt une verge de 4 piés & de 2 lignes de diametre, le surplus restant en barre, car la verge n'en a pris que 2 pouces quarrés. C'est afin que la barre puisse s'allonger que la bancelle est mobile, ensorte que l'ouvrier avance ou recule selon le besoin. La verge sort de ses mains machée sur tous ses angles par la convexite du martinet. De la forge les verges passent à une trifilerie à l'eau, voyez les articles Forges grosses & Trifileries . En voici une à bras (fig. 1. Pl. I.) composée d'un banc, sur lequel est une filiere en - travers, avec une tenaille en forme de ciseaux, dont les branches sont prises par un chaînon ou cercle de fer armé d'un crochet qui va aboutir à une bascule que l'ouvrier foule à force de bras.

La perfection de l'épingle consiste dans la roideur ou plûtôt la dureté du laiton, dans la blancheur de l'étamage, dans la tournure des têtes, & la finesse des pointes: il seroit à souhaiter que cette façon fût une des dernieres; car la pointe s'émousse dans les épreuves par où passe l'épingle au sortir de la meule: on pourroit du moins les tenir toûjours dans des poches de cuir ou dans le son.

Cet article est de M. Delaire, qui décrivoit la fabrication de l'épingle dans les atteliers même des ouvriers, sur nos desseins, tandis qu'il faisoit imprimer à Paris son analyse de la philosophie sublime & profonde du chancelier Bacon; ouvrage qui joint à la description précédente, prouvera qu'un bon esprit peut quelquefois, avec le même succès, & s'élever aux contemplations les plus hautes de la Philosophie, & descendre aux détails de la méchanique la plus minutieuse. Au reste ceux qui connoîtront un peu les vûes que le philosophe anglois avoit en composant ses ouvrages, ne seront pas étonnés de voir son disciple passer sans dédain de la recherche des lois générales de la nature, à l'emploi le moins important de ses productions.

Épingles (Page 5:807)

Épingles, s. m. pl. (Jurisprud.) que les auteurs comprennent sous le terme de jocalia ou monilia, sont un présent de quelques bijoux, ou même d'une somme d'argent, que l'acquéreur d'un immeuble donne quelquefois à la femme ou aux filles du vendeur, pour les engager à consentir à la vente. Les épingles sont pour les femmes, ce que le pot - de - vin est pour le vendeur; mais elles ne sont point censées faire partie du prix, parce que le vendeur n'en profite pas directement; elles sont regardées comme des présens faits volontairement à un tiers, & indépendans des conventions, ensorte qu'elles n'entrent point dans la composition du prix pour la fixation des droits d'insinuation & centieme denier, ni des droits seigneuriaux, à moins que le présent ne fût excessif, & qu'il n'y eût une fraude évidente.

Mais elles sont censées faire partie des loyaux coûts, pourvû qu'elles soient mentionnées & liquidées par le contrat, auquel cas le retrayant féodal ou lignager est tenu de les rendre à l'acquéreur. Voy. Buridan, sur la coûtume de Vermandois, article 236. & Billecoq, tr. des fiefs, p. 136 & 444. (A)

Cens en épingles; j'ai vû une déclaration passée à la seigneurie de Gif, le 19 Octobre 1713, où le censitaire se chargeoit pour un arpent, entr'autres choses, de portion d'un cent d'épingles dû sur 13 arpens. (A)

Délit d'épingle. Sauval, en ses antiquités de Paris, tom. II. p. 594, dit, qu'en 1445 une insigne larronesse dont on ignore le pays, mais qui n'étoit ni de Paris, ni des environs, ni peut - être même de France, creva les deux yeux à un enfant de deux

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