ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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EPARVIN ou EPERVIN (Page 5:751)

EPARVIN ou EPERVIN, s. m. (Manége. Maréch.) tumeur qui affecte les jarrets, & qui ne doit être regardée que comme un gonflement de l'éminence osseuse qui est à la partie latérale interne & supérieure de l'os du canon: les anciens ont donné à cette éminence le nom d'éparvin ou d'épervin; & c'est en conséquence de cette dénomination que l'on a appellé ainsi la tumeur dont il s'agit, & sur laquelle je ne peux me dispenser de m'étendre dans cet article.

Presque tous les auteurs ont distingué trois sortes d'éparvins; l'éparvin sec, l'éparvin de boeuf, & l'éparvin calleux.

Par l'éparvin sec ils ont prétendu désigner une maladie qui consiste dans une flexion convulsive & précipitée de la jambe qui en est attaquée lorsque l'animal marche. Ce mouvement irrégulier que nous exprimons, d'un commun accord, par le terme harper, est très - visible dès les premiers pas que fait le cheval, & continue jusqu'à ce qu'il soit échauffé; après quoi on ne l'apperçoit plus: si néanmoins la maladie est à un certain période, l'animal harpe toûjours. Un cheval crochu avec ce défaut doit être absolument rejetté: ceux dans les deux jambes desquels il se rencontre, n'ont pas été rebutés & proscrits des manéges, quand ils ont eu des qualités d'ailleurs; parce qu'au moyen de ces deux prétendus éparvins, leurs courbettes ont paru plus trides, & leurs battues plus sonores. On doit encore observer que ce mal ne suscite aucune claudication, & s'il arrive que l'animal boite au bout d'un certain tems, c'est en conséquence de quelque autre maradie qui survient au jarret, fatigué par la continuité de l'action forcée qui résulte de la flexion convalsive dont j'ai parlé.

On ne doit chercher la raison de cette flexion que dans les muscles mêmes qui servent a ce mouvement, c'est - à - dire dans les muscles fléchisseurs, ou dans les nerfs qui y aboutissent, car les nerfs sont les renes, par le moyen desquelles les corps sont mûs, tournés & agités en divers sens, & ce n'est qu'à eux que les parties doivent véritablement leur action & leur jeu. C'est aussi dans leur tension irréguliere, & dans la circulation précipitée des esprits animaux, que nous découvrons le principe & la source des convulsions & des mouvemens convulsifs: mais alors ces mouvemens se remarquent indistinctement dans plusieurs parties, & ont lieu de différentes manieres & en toutes sortes de tems; tandis qu'ici ils se manifestent constamment, & toûjours dans les seuls muscles fléchisseurs de la jambe, & qu'ils ne sont sensibles qu'autant que l'animal chemine. Or pour déterminer quelque chose dans une matiere aussi abstraite & aussi embarrassante, je dirai que cette maladie arrivera, lorsqu'en conséquence d'un exercice violent & réitéré, ces muscles, & même le tissu des fibres nerveuses qui en font partie, auront souffert une distention telle qu'il en résultera une douleur plus ou moins vive, au moindre mouvement de contraction qu'ils seront sollicités de faire; & c'est précisément cette douleur que l'animal ressent dans le moment qui l'oblige à hâter, à précipiter son mouvement, à harper: que si la maladie n'est pas parvenue à un degré considérable, cette sensation douloureuse n'existera que pendant les premiers mouvemens, c'est - à - dire dans les premiers instans où ces muscles entreront en contraction, après lesquels elle cessera, & l'action de la partie s'opérera dans l'ordre naturel, comme si l'on pouvoit dire que les fibres souffrantes s'accoûtument & se font à ce mouvement. Nous avons un exemple de cette diminution & de cette cessation de sensibilité & de douleur dans certains chevaux qui boitent de l'épaule, & qui sont droits après un certain tems de travail, c'est - à - dire lorsque cette partie est échauffée.

Il est donc de toute impossibilité d'assigner raisonnablement à cette maladie une place dans le jarret ou dans les parties qui l'environnent. 1°. Son siége n'est point apparent, & elle ne s'annonce par aucun signe extérieur. 2°. J'ai vû trois chevaux harper du devant, au moment où ils fléchissoient le genou. 3°. Dans ce cas l'animal boiteroit infailliblement, & retarderoit son action, loin de la hâter. Que le jeu d'une articulation quelconque soit en effet traversé par quelque obstacle d'où puisse résulter une impression douloureuse; qu'il y ait dans le jarret une courbe accrue à un certain point; qu'un osselet ou boulet gêne & contraigne les tendons dans leur passage, le cheval, pour échapper à la douleur, & pour diminuer la longueur du moment ou il la ressent, ne précipitera point son mouvement, ou s'il le précipite, ce ne sera qu'en se rejettant promptement sur la partie qui n'est point affectée, pour soulager celle qui souffre, & non en hâtant & en forçant l'action à laquelle il étoit déterminé. C'est aussi ce qui me confirme dans l'idée que je me suis formée des causes de la flexion convulsive dont il est question. Le premier moment de la contraction des muscles est l'instant de la douleur, & la preuve en est palpable, si l'on fait attention qu'avant l'influx des esprits animaux qui produisent la contraction, les fibres dans une situation ordinaire n'étoient point agitées, & l'ammal ne souffroit point: or si le premier moment de la contraction est celui de la douleur, il faut donc conclure que le siége du mal est dans la partie qui se contracte, c'est - à - dire dans la portion charnue des muscles, & non dans les tendons qui sont simplement tirés par le moyen de la contraction, ainsi que les autres parties auxquelles ces muscles ont leurs attaches, & conséquemment cette flexion convulsive, ce mouvement irrégulier & extraordinaire ne peut être imputé à un vice dans les jarrets.

Les deux autres especes d'éparvin peuvent véritablement affecter cette partie, mais les idées que l'on en a conçûes jusqu'ici ne sont pas exactement distinctes.

Le premier est appellé éparvin de boeuf, parce que les boeufs d'un certain âge, & après un certain tems de travail, y sont extrèmement sujets. Dans ces animaux, selon la dissection que j'en ai faite moi - même, on apperçoit une tumeur humorale d'un volume extraordinaire, située à la partie latérale interne du jarret, & qui occupe presque toute cette portion: elle est produite par des humeurs lymphatiques arrêtées dans les ligamens de l'articulation, & notamment dans le ligament capsulaire. Cette humeur molle dans son origine, mais s'endurcissant par son séjour, devient platreuse; de maniere que la tumeur qu'elle forme est extrèmement dure. Il s'agiroit donc de savoir si dans le cheval c'est cette même tumeur que l'on appelle éparvin: pour cet effet considérons - en la situation, le volume & la con sistance, soit dans son principe, soit dans ses progrès. Quant à sa situation, elle occupe, ainsi que je viens de le remarquer, toute la partie latérale interne du jarret: son volume est donc plus considérable dans le boeuf que dans le cheval, & son siége n'est pas précisément le même, puisque nous ne lui en as<pb-> [p. 752] signons d'autre dans celui - ci que l'éminence, qui est à la partie latérale interne & supérieure du canon. Quant à sa consistance, j'avoue ingénuement que jamais l'éparvin ne m'a paru mol dans son commencement & lors de sa naissance: ainsi, sans prétendre nier la possibilité de l'existence de cette tumeur humorale dans le jarret du cheval, si elle s'y rencontre, je l'envisagerai comme une tumeur d'une nature qui n'a rien de particulier, & qui peut arriver indistinctement à d'autres parties.

Je nommerai par conséquent seulement éparvin la tumeur ou le gonflement de l'éminence osseuse même dont j'ai parlé; & dans le cas où le jarret sera affecté d'une tumeur pareille à celle qui se montre quelquefois sur le jarret du boeuf, je la corisidérerai comme une maladie totalement différente de l'éparvin, soit qu'elle soit molle, soit qu'elle soit endurcie; parce que ce qui caractérise l'éparvin est sa situation, & que dans la maladie que je reconnois pour telle, je ne vois de gonflement qu'à la portion de l'os du canon, que l'on a nommée ainsi; & c'est un mal dont le siége, ainsi que celui de la courbe, est dans l'os même.

La courbe n'est en effet autre chose qu'une tumeur ou un gonflement du tibia: elle est située supérieurement à l'éparvin, à la partie interne inférieure de cet os; c'est - à - dire, qu'elle en occupe le condile de ce même côté, & elle en suit la forme, puisqu'elle est oblongue & plus étroite à sa partie supérieure & à son origine qu'à sa partie inférieure. Le gonflement, en augmentant, ne peut que gêner l'articulation; ce qui produit insensiblement & peu - à - peu la difficulté du mouvement: il contraint aussi les tendons & les ligamens qui l'environnent; ce qui, outre la difficulté du mouvement, excitera & occasionnera la douleur. Aussi voyons - nous que l'animal qui est attaqué de cette maladie boite plus ou moins, selon les degrés & les progrès du mal: sa jambe est roide, la flexion du jarret n'est point facile, & il souffre, de maniere enfin qu'elle est presque entierement interrompue; cette indisposition dégénere alors en fausse anchylose. Il faut encore observer qu'elle paroît souvent accompagnée d'un gonflement au pli du jarret, à l'endroit où surviennent les varices: mais, en premier lieu, ce gonflement peut n'être qu'une tension plus grande de la peau; tension qui résulte de l'élévation formée par la courbe ou par la tumeur de l'os: en second lieu, il peut être une suite du gênement de la circulation.

Le véritable éparvin & la courbe ont un même principe; les causes en sont communément externes, & peuvent en être internes: quelquefois les unes & les autres se réunissent.

Les premieres seront des coups, un travail violent & forcé; & les secondes seront produites par le vice de la masse.

Les coups donneront lieu à ces tumeurs ou à ces gonflemens, parce qu'ils occasionneront une dépression, qui sera suivie de l'extravasion des sucs & de la perte de la solidité des fibres osseuses: ces sucs répandus, non - seulement la partie déprimée se relevera, mais elle augmentera en volume, selon l'abord des liqueurs.

Le trop grand exercice, un travail violent & forcé contribueront aussi à leur arrêt & à leur stagnation: 1°. par le frotement fréquent de ces os, avec lesquels ils sont articulés; frotement suffisant pour produire le gonflement: 2°. par la disposition que des humeurs éloignées du centre de la circulation, & obligées de remonter contre leur propre poids, ont à séjourner, sur - tout celles qui sont contenues dans des veines & dans des canaux qui ne sont point exposés à l'action des muscles; action capable d'en accélerer le mouvement progressif & le cours, & telles sont celles qui sont dans les os & dans les extrémités inférieures de l'animal.

Enfin si à défaut des causes externes nous croyons ne devoir accuser que le vice du sang, nous trouverons que des sucs épaissis ne pourront que s'arrêter dans les petites cellules qui composent les têtes ou le tissu spongieux des os, qu'ils écarteront les fibres osseuses à mesure qu'ils s'y accumuleront, qu'ils s'y durciront par leur séjour; & de - là l'origine & l'accroissement de la courbe & de l'éparvin, lorsque ces tumeurs ne reconnoissent que des causes internes.

L'une & l'autre cedent à l'efficacité des mêmes médicamens. Si elles sont le résultat de ces deinieres causes, on débutera par les remedes généraux, c'est - à - dire par la saignée, le breuvage purgatif, dans lequel on fera entrer l'aquila alba: on mettra ensuite l'animal à l'usage du crocus metallorum, à la dose d'une once, dans laquelle on jettera quarante grains d'éthiops minéral, que l'on augmentera chaque jour de cinq grains, jusqu'à la dose de soixante.

A l'égard du traitement extérieur, borné jusqu'à présent à l'application inutile du cautere actuel, application qui, n'outre - passant pas le tégument, ne peut rien contre une tumeur résidente dans l'os, on aura soin d'exercer sur le gonflement un frotement continué, par le moyen d'un corps quelconque dur, mais lissé & poli, afin de commencer à diviser l'humeur retenue. Aussi - tôt après on y appliquera un emplâtre d'onguent de vigo, au triple de mercure, & on y maintiendra cet emplâtre avec une plaque de plomb très - mince, qui sera elle - même maintenue par une ligature, ou plûtôt par un bandage fait avec un large ruban de fil: on renouvellera cet emplâtre tous les trois jours, & ces tumeurs s'évanoüiront & se résoudront incontestablement. Il est bon de raser le poil qui les recouvre, avant d'y fixer le résolutif que je prescris, & dont j'ai constamment éprouvé les admirables effets.

Le même topique doit être employé dans le cas où ces gonflemens devroient leur naissance aux causes externes; la saignée néanmoins sera convenable, mais on pourra se dispenser d'ordonner la purgation, le crocus metallorum, & l'étiops minéral.

La cure de la tumeur humorale, en supposant qu'elle se montre dans le cheval, n'aura rien de différent de celle de toutes les autres tumeurs: ainsi, ensuite des remedes généraux, & après avoir, selon l'inflammation & la douleur, eu recours aux anodyns, aux émolliens, on tentera les résolutifs. Si néanmoins la tumeur se dispose à la suppuration, & paroît fuir la voie premiere que nous avons voulu lui indiquer, on appliquera des suppurans, après quoi on procédera à son ouverture: & si elle incline à se terminer par induration, on usera des émolliens, qui seront suivis par degrés des médicamens destinés à résoudre, lorsqu'on s'appercevra de leurs effets, &c. On ne doit point aussi oublier le régime que nous avons prescrit en parlant des maladies qui demandent un traitement intérieur & méthodique.

Celui du prétendu éparvin sec, que j'ai démontré n'exister en aucune façon dans le jarret, n'est pas encore véritablement connu. J'ai vainement eu recours à tous les remedes innombrables que j'ai trouvé décrits dans les ouvrages des auteurs anciens & modernes de toutes les nations, & qu'ils conseillent dans cette circonstance, aucun d'eux ne m'a réussi: j'y ai substitué, conformément à la saine pratique, les topiques, les médicamens gras, adoucissans, émolliens: j'ai employé ensuite la graisse de cheval, la graisse humaine, la graisse de blaireau, de castor, de viperes, auxquelles j'ai ajoûté les huites distillées de rue, de lavande, de marjolaine, de muscade, de romarin, & que j'ai cherché à rendre plus pénétran<pb-> [p. 753] tes, en les aiguisant avec quelques gouttes de sel volatil armoniac; tous mes efforts n'ont eu aucun succès. Quelquefois cette maladie, qui d'ailleurs n'influe en aucune façon sur le fond de la santé de l'animal, a paru céder à ces remedes; mais leur efficacité n'a été qu'apparente, & l'action de harper n'a cessé que pour quelque tems. Je ne peux donc point encore indiquer des moyens sûrs pour la vaincre; mais j'espere que les expériences auxquelles je me livre sans cesse, aux dépens de tout, & sans espoir d'autre récompense que celle d'être utile, m'en suggéreront d'autres, que je publierai dans mes Elémens d'Hippiatrique: ce n'est que du travail & du tems que nous devons attendre les découvertes. (e)

L'objet de l'Hippiatrique est maintenant d'une telle importance, qu'après avoir vû ce que M. Bourgelat pense de l'éparvin, on ne sera pas fâché de trouver à la suite de ses idées celles qui nous ont été communiquées par M. Genson.

C'est un avantage bien précieux pour l'Encyclopédie, d'avoir pû se procurer en même tems sur cette matiere les secours & les lumieres des deux hommes de France qui la connoissent le mieux.

Ceux pour qui l'objet de l'Hippiatrique est intéressant, trouveront ici de quoi se satisfaire; & les hommes qui courent la même carriere remarqueront, dans ce que nous allons ajoûter de M. Genson, un exemple de cette équité, avec laquelle il seroit toûjours à souhaiter qu'on se traitât réciproquement, autant pour l'intérêt de l'art que pour l'honneur de l'humanité.

Les lifférens symptomes de l'éparvin ont fait diviser cette maladie en plusieurs especes: les uns prétendent en distinguer trois, l'éparvin de boeuf, l'éparvin sec, & l'éparvin calleux: les autres n'en admettent que de deux; l'éparvin sec, & l'éparvin calleux. Les plus expérimentés n'en reconnoissent qu'un proprement dit, qui est le calleux. C'est, comme on l'a vû par ce qui précede, le sentiment de M. Bourgelat, que l'expérience nous a confirmé. On entend par l'éparvin de boeuf, une tumeur ossouse, semblable à celle qui se trouve au jarret de cet animal, mais nous pouvons attester avec M. Bourgelat, que nous n'avons jamais rien trouvé de la nature de cet éparvin dans le jarret du cheval. On entend par éparvin sec, un mouvement convulsif que le jarret du cheval éprouve, mais qu'il faut distinguer de l'éparvin, comme ayant des causes, des accidens, & un siége différent.

Quoique l'éparvin calleux ou la tumeur osseuse contre nature, qu'on désigne par ce nom, tire sa cause principale des violentes extensions que le jarret du cheval a souffert, dont nous parlerons dans la suite, elle en reconnoît encore d'autres qui sont internes ou héréditaires, comme une mauvaise conformation des os, des ligamens, des muscles; d'ou résultent des jarrets étroits, mal - faits, crochus, trop ou trop peu arqués. Cette difformité dans le cheval vient le plus souvent de l'étalon ou de la jument qui l'ont produit, & l'éparvin est presqu'inséparable de ce vice de conformation: les parties qui en sont affectées n'ayant point leur juste proportion ni le degré de solidité, sont peu propres à soûtenir le poids énorme du cheval, encore moins à résister aux différens mouvemens que l'on lui fait faire dans de certains cas; d'où s'ensuit que le suc nourricier des os pressé par la tension & la collision des parties encore tendres, s'épanche sur la surface supérieure latérale & interne du canon. Ce suc se durcit, & gêne plus ou moins le mouvement du jarret, selon qu'il est plus ou moins proche de l'articulation. Tantôt cette concression osseuse soude le canon avec quelques - uns des osvoisins: pour lors elle fait boiter l'animal dès le commencement de la formation de la tumeur, & de tous les tems. Tantôt cette tumeur ne fait que pincer l'articulation: dans ce cas l'animal boite jusqu'à ce que la surface intérieure de la tumeur étant usée par le frotement de l'os voisin, laisse un mouvement libre à l'articulation; & c'est alors qu'on dit improprement que l'éparvin est sorti.

Ce qu'on appelle proprement éparvin sec, est, comme nous l'avons dit, un mouvement convulsif dans les jarrets du cheval. M. Bourgelat en fixe le siége dans les muscles fléchisseurs, propres aux jarrets de cet animal, & la cause dans la distension de ces parties organiques, & des nerfs qui entrent dans leur composition: mais nous croyons que le siége en est aussi dans les ligamens du jarret; car ces parties qui attachent les os ensemble, ne sont pas simples, & destinées seulement à les assujettir, comme l'ont imaginé les anciens. Ces ligamens sont des parties composées, qui par leur vertu élastique contribuent bien plus au mouvement des membres, que les muscles: or les petits tuyaux qui les composent étant fort serrés & fort étroits, pour peu que leur calibre vienne à changer dans les mouvemens violens que l'animal éprouve, les esprits animaux qui passent dans les pores de ces tuyaux retrécis, font effort pour changer & redresser ces petits tubes, & les remettre dans l'état où ils étoient; ce qui ne peut s'exécuter sans causer à cette partie un mouvement convulsif que nous appellons harper ou trousser.

Il est inutile de proposer des remedes pour ces genres de maladies, puisque la cure en est jusqu'à présent inconnue. Ceux qui se flatent d'avoir guéri les éparvins, s'approprient mal - à - propos les effets de la nature, qui seule, pendant leurs traitemens inutiles, travaille par le frotement à lever l'obstacle que la tumeur oppose à l'articulation: aussi ces cures prétendues n'arrivent - elles que dans les cas où l'éparvin est superficiel, c'est - à - dire dans le cas où le frotement suffit pour rendre aux parties voisines la liberté de leur mouvement. Mais le vrai remede pour l'éparvin, est d'en connoître, d'en prévenir & éviter les causes primitives. Ces causes sont, 1° dans la génération du poulain, 2° dans l'éducation, 3° dans le maquignonage, 4° dans l'usage que l'on fait des chevaux.

Essayons de combattre tous ces abus, de faire sentir pourquoi les éparvins sont plus communs aux chevaux en ce tems - ci, qu'ils ne l'étoient autrefois, & d'où vient que les beaux & bons chevaux sont si rares de nos jours. 1°. De l'abondance des bons chevaux avant que les abus en eussent altéré l'espece, résultoit que l'on pouvoit faire facilement choix des bons étalons & jumens propres à multiplier: on ne les employoit point à la propagation qu'ils n'eussent atteint l'âge de six ou sept ans, & par - là presque tous les poulains étoient bien conformés. 2°. Le particulier qui avoit des poulains, ne trouvant à les vendre qu'à un certain âge, ne s'empressoit point de les dresser: ces jeunes sujets ainsi ménagés, acquéroient dans toutes leurs parties, & nommément au jarret, un parfait degré de solidité, qui les garantissoit des éparvins. 3°. Les maquignons du tems passé ignoroient la méthode de mettre continuellement leurs chevaux sur les hanches; ignorance avantageuse pour la conservation des jarrets de ces animaux; qui semblent aujourd'hui n'être faits que pour servir de victime à ces pernicieux écuyers, qui les sacrifient à leur cupidité. 4°. Anciennement le travail que l'on faisoit faire aux chevaux, étoit des plus modérés; ceux de carrosse étoient menés tranquillement, & ceux de selle avoient dans toutes leurs parties la bonne conformation & la soliditè nécessaire pour soutenir les courses auxquelles on les destinoit. Il résultoit de cette propagation, de cette éducation, de cette ignorance des maquignons, & de cet emploi [p. 754] opportun, que l'espece s'en conservoit dans la beauté & la bonté.

1°. Aujourd'hui les propriétaires des poulains, pour peu qu'ils soient beaux & bien faits, avant l'âge de trois ans en veulent tirer de la race avant de les vendre, & les employent non - seulement à la propagation, mais encore au travail. Cette avare économie les ruine, tant mâles que femelles; & les parties qui souffrent le plus dans ces jeunes chevaux, sont les jarrets, où il se forme des éparvins, comme il est aisé de le comprendre en se rappellant les causes immédiates de cette maladie. 2°. Avant de les vendre on veut les rétablir, ou, pour mieux dire, continuer de les user, en les montant & les rassemblant pour leur donner plus de grace, & pour séduire les demi - connoisseurs. 3°. Les marchands qui les achetent, contribuent encore à leur ruiner les jarrets, en les mettant continuellement sur la montre, un énorme foüet à la main. Un garçon qui les tient vigoureusement assujettis, armé d'un bridon long de branche de plus d'un pié, enleve le cheval pardevant, tandis que le maître qui est par - derriere, le fustige sans pitié. L'animal ne sait à qui répondre; on diroit, à voir ces réformateurs de la nature, qu'ils veulent accoûtumer ces animaux à marcher sur les deux piés de derriere, comme les singes: or est - il possible que les chevaux qui ont tout au plus quatre ans, comme presque tous ceux que les marchands vendent aujourd'hui, soient en état de supporter jusqu'à vingt fois par jour ces cruels exercices, sans que leurs jarrets soient affectés d'éparvins? 4°. Enfin, autrefois les chevaux mouroient sans être usés, ils le sont aujourd'hui avant d'être formés. On sait à quels exercices ils sont destinés, sur - tout les plus fringans & les plus beaux: autrefois le maître étoit esclave de son cheval, aujourd'hui le cheval est esclave du maître; usage plus raisonnable, mais plus pernicieux aux chevaux. De ces différences résulte la raison pour laquelle les chevaux finissoient autrefois leur carriere sans éparvins, au lieu qu'ils en ont souvent aujourd'hui avant même de la commencer. Ce sont les éparvins qui font la disette des bons chevaux, & cette disette à son tour occasionne les éparvins. Cet article est de M. Genson.

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