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Par le moyen de l'ordre encyclopédique, de l'universalité des connoissances & de la fréquence des renvois, les rapports augmentent, les liaisons se portent en tout sens, la force de la démonstration s'accroît, la nomenclature se complete, les connoissances se rapprochent & se fortifient; on apperçoit ou la continuité, ou les vuides de notre système, ses côtés foibles, ses endroits forts, & d'un coup - d'oeil quels sont les objets auxquels il importe de travailler pour sa propre gloire, & pour la plus grande utilité du genre humain. Si notre Dictionnaire est bon, combien il produira d'ouvrages meilleurs?
Mais comment un éditeur vérifiera - t - il jamais ces renvois, s'il n'a pas tout son manuscrit sous les yeux? Cette condition me paroît d'une telle importance que je prononcerai de celui qui fait imprimer la premiere feuille d'une Encyclopédie, sans avoir prélû vingt fois sa copie, qu'il ne sent pas l'étendue de sa fonction; qu'il est indigne de diriger une si haute entreprise; ou qu'enchainé, comme nous l'avons été, par des évenemens qu'on ne peut prévoir, il s'est trouvé inopinément engagé dans ce labyrinthe, & contraint par honneur d'en sortir le moins mal qu'il pourroit.
Un éditeur ne donnera jamais au tout un certain degré de perfection, s'il n'en possede les parties que successivement. Il seroit plus difficile de juger ainsi de l'ensemble d'un dictionnaire universel, que de l'ordonnance générale d'un morceau d'architecture, dont on ne verroit les différens ordres que séparés, & les uns après les autres. Comment n'omettra - t - il pas des renvois? Comment ne lui en échappera - t - il pas d'inutiles, de faux, de ridicules? Un auteur renvoye en preuve, du moins c'est son dessein, & il se trouve qu'il a renvoyé en objection. L'article qu'un autre aura cité, ou n'existera point du tout, ou ne renfermera rien d'analogue à la matiere dont il s'agit. Un autre incon<cb->
Si l'éditeur a tout son manuscrit sous ses mains, il prendra une partie, il la suivra dans toutes ses ramifications. Ou elle contiendra tout ce qui est de son objet, ou elle sera incomplete; si elle est incomplete, il est bien difficile qu'il ne soit pas instruit des omissions, par les renvois qui se feront des autres parties à celle qu'il examine, comme les renvois de celle - ci à d'autres, lui indiqueront ce qui sera dans ces dernieres, ou ce qu'il y faudra suppléer. Si un mot étoit tellement isolé, qu'il n'en fut mention dans aucune partie, soit en discours, soit en renvoi, j'ose assûrer qu'il pourroit être omis presque sans conséquence. Mais pense - t - on qu'il y en ait beaucoup de cette nature, même parmi les choses individuelles & particulieres? il faudroit que celle dont il s'agit, n'eût aucune place remarquable dans les Sciences, aucune espece utile, aucun usage dans les Arts. Le maronnier d'Inde, cet arbre si fécond en fruits inutiles, n'est pas même dans ce cas. Il n'y a rien d'existant dans la nature ou dans l'entendement, rien de pratiqué ou d'employé dans les atteliers, qui ne tienne par un grand nombre de fils au systeme général de la connoissance humaine. Si au contraire la chose omise étoit importante; pour que l'omission n'en fût ni apperçue ni réparée, il faudroit supposer au moins une seconde omission, qui en entraineroit au moins une troisieme, & ainsi de suite, jusqu'à un être solitaire, isolé, & placé sur les dernieres limites du système. Il y auroit un ordre entier d'êtres ou de notions supprimé, ce qui est métaphysiquement impossible. S'il reste sur la ligne un de ces êtres, ou une de ces notions, on sera conduit de - là, tant en descendant qu'en montant, à la restitution d'une autre, & ainsi de suite, jusqu'à ce que tout l'intervalle vuide soit rempli, la chaîne complete, & l'ordre encyclopédique continu.
En détaillant ainsi comment une véritable Encyclopédie doit être faite, nous établissons des regles bien séveres, pour examiner & juger celle que nous publions. Quelqu'usage qu'on fasse de ces regles, ou pour ou contre nous, elles prouveront du moins que personne n'étoit plus en état que les auteurs de critiquer leur ouvrage. Reste à savoir si nos ennemis, après avoir donné jusqu'à présent d'assez fortes preuves d'ignorance, ne se résoudront pas à en donner de lâcheté, en nous attaquant avec des armes que nous n'aurons pas craint de leur mettre à la main.
La prélecture réitérée du manuscrit complet, obvieroit à trois sortes de supplémens, de choses, de mots, & de renvois. Combien de termes, tantôt définis, tantôt seulement énoncés dans le courant d'un article, & qui rentreroient dans l'ordre alphabétique? Combien de connoissances annoncées [p. 644]
J'insiste d'autant plus fortement sur la nécessité de posséder toute la copie, que les omissions sont, à mon avis, les plus grands défauts d'un dictionnaire. Il vaut encore mieux qu'un article soit mal fait, que de n'être point fait. Rien ne chagrine tant un lecteur, que de ne pas trouver le mot qu'il cherche. En voici un exemple frappant, que je rapporte d'autant plus librement, que je dois en partager le reproche. Un honnête homme achete un ouvrage auquel j'ai travaillé: il étoit tourmenté par des crampes, & il n'eut rien de plus pressé que de lire l'article crampe: il trouve ce mot, mais avec un renvoi à convulsion; il recourt à convulsion, d'où il est renvoyé à muscle, d'où il est renvoyé à spasme, où il ne trouve rien sur la crampe. Voilà, je l'avoue, une faute bien ridicule; & je ne doute point que nous ne l'ayons commise vingt fois dans l'Encyclopédie. Mais nous sommes en droit d'exiger un peu d'indulgence. L'ouvrage auquel nous travaillons, n'est point de notre choix: nous n'avons point ordonné les premiers matériaux qu'on nous a remis, & on nous les a, pour ainsi dire, jettés dans une confusion bien capable de rebuter quiconque auroit eu ou moins d'honnêteté, ou moins de courage. Nos collegues nous sont témoins des peines que nous avons prises & que nous prenons encore: personne ne sait comme eux, ce qu'il nous en a coûté, & ce qu'il nous en coûte, pour répandre sur l'ouvrage toute la perfection d'une premiere tentative; & nous nous sommes proposés, sinon d'obvier, du moins de satisfaire aux reproches que nous aurons encourus; en relisant notre Dictionnaire, quand nous l'aurons achevé, dans le dessein de completer la nomenclature, la matiere, & les renvois.
Il n'y a rien de minutieux dans l'exécution d'un grand ouvrage: la négligence la plus legere a des suites importantes: le manuscrit m'en fournit un exemple: rempli de noms personnels, de termes d'arts, de caracteres, de chiffres, de lettres, de citations, de renvois, &c. l'édition fourmillera de fautes, s'il n'est pas de la derniere exactitude. Je voudrois donc qu'on invitât les Encyclopédistes, à écrire en lettres majuscules, les mots sur lesquels il seroit facile de se méprendre. On éviteroit par ce moyen, presque toutes les faures d'impression; les articles seroient corrects, les auteurs n'auroient point à se plaindre, & le lecteur ne seroit jamais perplexe. Quoique nous n'ayons pas eu l'avantage de posséder un manuscrit tel que nous l'aurions pû desirer; cependant il y a peu d'ouvrages imprimés avec plus d'exactitude & plus d'élégance que le nôtre. Les soins & l'habileté du Typographe l'ont emporté sur le desordre & les imperfections de la copie; & nous n'offenserons aucun de nos collegues, en affûrant que dans le grand nombre de ceux qui ont eu quelque part à l'Encyclopédie, il n'y a personne qui ait mieux satisfait à ses engagemens, que l'Imprimeur. Sous cet aspect, qui a frappé & qui frappera dans tous les tems les gens de goût & les bibliomanes, les éditions subséquentes égaleront difficilement la premiere.
Nous croyons sentir tous les avantages d'une entreprise telle que celle dont nous nous occupons. Nous croyons n'avoir eu que trop d'occasions de connoître combien il étoit difficile de sortir avec
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