ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous section

Embrasser un cheval (Page 5:560)

Embrasser un cheval. (Manége.) Expression assez usitée parmi ceux qui, sans connoissance des principes de notre art, décident des dispositions requises pour y faire des progrès, & croyent pouvoir en juger par l'inspection seule de la taille: un homme très - grand embrasse beaucoup mieux un cheval qu'un autre. Tel est le principe sur lequel ils étayent & fondent leurs prédictions, presque toûjours démenties par l'évenement; car il est très - rare que celui qui ne sera que d'une taille médiocre, ne l'emporte pas, soit du côté de la fermeté & de la tenue, soit du côté de la finesse & de la précision.

Quelques - uns s'expriment encore ainsi, en parlant d'un cavalier qui serre médiocrement les cuisses, & qui tient ses jambes très - près du ventre de son cheval. L'idée de la signification du mot embrasser seroit peut - être plus nette, s'ils disoient que le cavalier ne peut parfaitement bien embrasser son cheval qu'autant que les cuisses sont exactement tournées, & que le tronc porte véritablement sur l'enfourchure. Voyez Position.

Les auteurs du dictionnaire de Trévoux semblent n'adopter ce mot que dans le cas où un cheval maniant sur les voltes, fait de grands pas & embrasse bien du terrein; c'est le contraire de battre la poudre, qui se dit lorsque le cheval ne sort presque point de sa place.

En premier lieu, l'expression d'embrasser le terrein n'est point restrainte aux seules voltes, ni aux seuls changemens de main: nous l'employons pour désigner un cheval déterminé par le droit; ce cheval embrasse franchement & librement le terrein qu'il découvre devant lui. En second lieu, on ne doit pas croire que le cheval soit contraint sur les voltes pour embrasser bien du terrein, de faire de grands pas: ce bien du terrein ne consiste que dans l'espace nécessaire pour que le cheval ne se retrécisse point (voyez Retrécir), & qu'il avance toûjours insensiblement à chaque tems; car si ce bien du terrein étoit indéfini & n'étoit point limité, il s'ensuivroit que l'animal fausseroit les lignes qu'il doit décrire, & s'élargiroit trop. (Voyez Elargir.) Quant aux grands pas desirés par les auteurs de ce vocabulaire, comme tout cheval qui manie, doit indispensablement observer une cadence juste, il ne s'agit point de l'immense étendue de sa marche & de son action qui doit être soûtenue & mesurée sans être pressée; d'ailleurs en faisant des pas aussi grands, il ne seroit pas possible que l'animal travaillât avec grace, d'autant plus que tous ceux dont nous ne modérons pas les mouvemens, se jettent toûjours & se précipitent sur les épaules. Ajoûtons encore que si, lorsqu'ils chevalent, nous les obligions à croiser, pour ainsi dire, de maniere à porter la jambe qui passe sur l'autre, fort en - dedans du terrein qu'ils doivent embrasser, celle qui se trouveroit dessous auroit une peine extrème à se dégager, la position de l'animal seroit très - incertaine, & il s'entableroit incontestablement à l'effet d'éviter sa chûte. Enfin, c'est le contraire de battre la poudre, qui se dit lorsque le cheval ne sort presque point de sa place. L'expression de battre la poudre, n'a point la signification qu'on lui donne ici; par elle nous désignons un cheval qui trépigne, c'est - à - dire, un cheval qui étant retenu en une seule & même place, & ayant beaucoup d'ardeur, fait de vains efforts pour en sortir, & se remue sans cesse & avec plus ou moins de vivacité, mais le mouvement de ses jambes ne part alors qu'imperceptiblement de ses épaules, [p. 561] & paroît ne dériver que du genou; car s'il étoit tel que toute l'extrémité fût dans une agitation sensible, l'animal ne battroit pas la poudre & ne trépigneroit pas, mais il piafferoit. Nombre de chevaux, soit par ardeur, soit par mollesse, trépignent & battent la poussiere dans les piliers, au lieu d'y piaffer. Voyez Piliers. C'en est assez de ces définitions pour indiquer le véritable sens du mot embrasser, & pour sauver des esprits trop crédules des erreurs dans lesquelles ils pourroient tomber, en se persuadant que de certains écrivains n'ignorent rien, par la seule raison qu'ils parlent de tout. (e)

Next section


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.