RECHERCHE | Accueil | Mises en garde | Documentation | ATILF | ARTFL | Courriel |
ENCHANTEMENT (Page 5:617)
ENCHANTEMENT, s. m. (Sortilege & Divinat.)
paroles & cérémonies dont usent les magiciens pour
évoquer les démons, faire des maléfices, ou tromper
la simplicité du peuple. Voyez
Ce mot est dérivé du latin in, & canto, je chante;
soit que dans l'antiquité les magiciens eussent coûtume
de chanter leurs conjurations & exorcismes
magiques, soit que les formules de leurs enchantemens
fussent conçûes en vers, & l'on sait que les vers
étoient faits pour être chantés. Cette derniere conjecture
paroît d'autant plus vraissemblable, qu'on
donnoit aussi aux enchantemens le nom de carmina,
vers, d'où nous avons fait charme. Voyez
Rien, selon M. Pluche, n'est plus simple que l'origine
des enchantemens. Les feuillages ou les herbes
dont on couronna dans les premiers tems la tête
d'Isis, d'Osiris, & des autres symboles, n'étoient eux - mêmes
que des symboles de la récolte abondante,
& les paroles que prononçoient les prêtres, que des
formules de remerciement pour les dons de la divinité.
Peu - à - peu ces idées s'affoiblirent dans l'esprit
des peuples, s'effacerent & se perdirent entierement,
Il s'ensuit de ce sentiment, 1°. que l'enchantement est composé de deux choses; savoir, d'herbes ou autres instrumens magiques, comme des cadavres humains, du sang ou des membres d'animaux, tels qu'on en employoit dans la Nécromancie, mais ce n'est - là que l'appareil, le matériel, & pour ainsi dire le corps de l'enchantement. 2°. Que ce qui en faisoit la force, & déterminoit cet appareil à l'utilité ou au détriment de l'objet pour ou contre lequel étoit destinée l'opération magique, c'étoient les paroles & les formules que prononçoient les enchanteurs. C'est sur ce fondement que les démonographes, dans les récits qu'ils donnent des sortileges, font toûjours mention de certaines paroles, certains mots, que les sorciers & sorcieres prononcent tout - bas & grommelant entre leurs dents. 3°. Qu'il y avoit deux sortes d'enchantemens, les uns favorables ou utiles, & les autres contraires & pernicieux.
Il paroît par ce récit, qu'outre la prophanation sacrilége qu'on exigeoit, la forme de baptême & l'imposition du nom par les parrains & marraines passoit pour nécessaire, afin qu'au moyen de la figure on pût nuire à ses ennemis.
Ce n'est pas seulement parmi les anciens ni en Europe que ces sortes d'enchantemens ont eu lieu, ils étoient connus des sauvages d'Amérique. Chez les Ilinois & chez d'autres nations, dit le P. Charlevoix, on fait de petits marmousets pour représenter ceux dont on veut abréger les jours, & qu'on perce au coeur. Il ajoûte, que d'autres fois on prend une pierre; & par le moyen de quelques invocations, on prétend en former une semblable dans le coeur de son ennemi. Toutes ces pratiques, quelques impies ou ridicules qu'elles soient, concourent à prouver ce que nous avons observé, que l'enchantement est un
Enchantement (Page 5:618)
Il n'est pas difficile d'en découvrir l'origine; c'est l'ignorance, l'amour de la vie & la crainte de la mort qui leur ont donné naissance. Les hommes voyant que les secours naturels qu'ils connoissoient pour se guérir, étoient souvent inutiles, ils s'attacherent à tout ce qui s'offrit à leur esprit, à tout ce que leur imagination vint à leur suggérer.
Les amuletes, les talismans, les philacteres, les pierres précieuses, les os de mort qu'on mit sur soi, dans certains cas extraordinaires, parurent peut - être d'abord comme des remedes indifférens, qu'on pouvoit d'autant mieux employer, que s'ils ne faisoient point de bien, du moins ne causoient - ils point de mal. Ne voyons - nous pas encore tous les jours une infinité de gens se conduire par les mêmes principes?
Ces remedes n'étoient d'ailleurs ni rebutans, ni douloureux, ni desagréables. On s'y livra volontiers; l'exemple & l'imagination, quelquefois utiles pour suppléer à la vertu qui manquoit aux remedes de cette espece, les accréditerent, la superstition les autorisa, & vraissemblablement la fourberie des hommes y mit le sceau.
Quoi qu'il en soit, les enchantemens se sont si bien introduits & de si bonne heure dans la Medecine, que toutes les nations les ont pratiqués de temps immémorial, & qu'ils subsistent encore dans les trois plus grandes parties du monde; l'Asie, l'Afrique & l'Amérique.
Hammon, Hermès, Zoroastre, passoient parmi les payens pour les auteurs de cette pratique médicinale. Hammon, qu'on compte entre les premiers rois de la premiere dynastie d'Egypte, a été regardé pour l'inventeur de l'art de faire sortir le fer d'une plaie, & de guérir les morsures des serpens par des enchantemens.
Pindare dit que Chiron le centaure traitoit toutes sortes de maladies par le même secours, & Platon raconte que les sages - femmes d'Athenes n'avoient pas d'autres secrets pour faciliter les accouchemens; mais je ne sache point de peuple chez qui cet usage ait trouvé plus de sectateurs que chez les Hébreux.
Leur loi ne put venir à bout d'arrêter le cours du desordre; c'est pourquoi Jérémie (chap. vij v. 17.) les menaça au nom du Seigneur de leur envoyer des serpens contre la morsure desquels l'enchanteur ne pourroit rien.
Hippocrate contribua merveilleusement par ses
lumieres à effacer de l'esprit des Grecs les idées qu'ils
pouvoient avoir sucées sur la vertu des enchantemens.
Ce n'est pas que leurs philosophes, & ceux qui étoient
nourris dans leurs principes, donnassent dans ces
niaiseries; l'histoire nous prouve bien le contraire.
J'aime à lire dans Plutarque ce que Périclès, instruit
par Anaxagore, pensoit de tous ces vains remedes:
Cependant les Romains gémirent long - tems sous le poids de cette superstition. Tite - Live nous apprend qu'une maladie épidémique régnant à Rome l'an 326 de sa fondation, on épuisa vainement tous les reme<pb-> [p. 619]
Les premiers Chrétiens n'ont pas été exemts de
cette folie, puisque les papes & les conciles prirent
le parti de condamner les phylacteres que les nouveaux
convertis au christianisme portoient sur leur
personne, pour se préserver de certains dangers. En
un mot, les ténebres de l'erreur ne se dissiperent que
quand les arts & les sciences, ensevelis pendant plusieurs
siecles, reparurent en Europe. Alors la Medecine, de plus en plus éclairée, rejetta toutes les applications
superstitieuses des remedes ridicules, opéra
la guérison des maladies par les secours de l'art, &
nous remit à peu - près au même point où Hippocrate
avoit laissé les Grecs à sa mort. Tout le monde sait
que dans ce tems - là les Thessaliens l'emportoient sur
toutes les nations dans la pratique des enchantemens,
& que Philippe étant tombé malade, fit venir à sa
cour une Thessalienne pour le guérir; mais la curieuse
Olympias appella secretement la Thessalienne
dans son cabinet, où ne pouvant se lasser d'admirer
ses graces & sa beauté:
Enchantement (Page 5:619)
Les dieux de la fable développent sur ce théatre la puissance surnaturelle que l'antiquité leur attribuoit. La féerie y fait voir un pouvoir surprenant sur les créatures sans mouvement, ou sur les êtres animés: la magie par ses enchantemens y amene des changemens qui étonnent, & tous ces différens ressorts y produisent des beautés qui peuvent faire illusion, lorsqu'ils sont conduits par une main habile.
Il y a un enchantement dans l'opéra d'Amadis, qui est le fonds d'un divertissement très - bien amené, & fort agréable; il a été copié dans Tancrede, & la copie est bien au - dessous de l'original. Amadis, dans le premier, croit voir dans une magicienne Ariane qu'il adore; il met à ses piés ses armes, & l'enchantement produit un effet raisonnable & fondé sur la passion de ce héros.
Des nymphes paroissent dans Tancrede; elles dansent autour de lui, & les armes lui tombent des mains, sans autre motif apparent aux yeux du spectateur. Suffit - il de danser pour enchaîner la valeur d'un héros, bien sûr d'ailleurs dans cette occasion que tout ce qu'il voit n'est qu'un enchantement? car il est dans la forêt enchantée, & les flammes qui l'ont retenu sont un enchantement, à ce qu'il dit lui - même, &c.
Cette critique sur un ouvrage très - estimable d'ailleurs, & dont l'auteur n'est plus, a pour seul motif le progrès de l'art. Quelque peu fondés en raison que soient les enchantemens, quoiqu'ils soient contradictoires avec le bon sens, & qu'enfin, sans être trop philosophe, on puisse avec confiance en nier la
Tout enchantement qui ne naît pas du sujet qu'on
traite, qui ne sert point au développement de la
passion, & qui n'en est pas l'effet, est donc vicieux,
& ne sauroit produire qu'une beauté hors de place;
cette espece de merveilleux ne doit être employé à
l'opéra qu'à propos. Il n'est qu'un ressort de plus
dans la main du poëte pour faire agir la passion, &
pour lui faire créer des moyens plus forts d'étonner,
d'ébranler, de séduire, de troubler le spectateur.
Voyez
The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.