ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"610"> tion, & vous fixerez la peinture avec le réchaut de Doreur.

Voilà tout ce que prescrit M. de Caylus. Les trois conditions sont observées; c'est un véritable encaustique: il n'y a point d'objection à faire là - dessus. Voici seulement une difficulté.

Un artiste très - versé dans la peinture en cire, croit cette maniere impraticable; parce que l'ayant essayée avec toutes sortes d'attentions, il n'a jamais pû y réussir. Il y a sans doute quelque omission de pratique qu'il n'a pû suppléer, & qui fait tout son embarras. Si l'on pouvoit honnêtement proposer que M. Vien, qui connoît tout l'art de M. de Caylus, & M. Bachelier, travaillassent ensemble dans un attclier commun & ouvert à tout le monde, chacun selon sa maniere, le public pourroit savoir sans équivoque, je ne dis pas ce qu'il y a de vrai dans leurs manoeuvres, mais à quel point elles sont possibles. Dans les inventions nouvelles les doutes doivent paroître pardonnables; plus on estime une découverte, plus il est naturel de vouloir s'éclaircir. Nous pouvons assûrer que M. Bachelier ne s'y refusera pas.

Au reste M. de Caylus juge lui - même cette maniere embarrassante & bornée, & il en a cherché d'autres.

Il faut observer pour ces deux premieres, que les différentes couleurs ne prennent pas la même quantité de cire: on en verra les raports & les doses dans le détail de la cinquieme maniere. Je le differe, pour ne point me répéter ni m'interrompre.

Troisieme maniere de peindre en cire.

Ayez une planche, cirez - la en la tenant horisontalement sur un brasier ardent, & en frotant la surface chauffée avec un pain de cire blanche. Continuez cette opération jusqu'à ce que les pores du bois ayent absorbé autant de cire qu'ils en peuvent prendre: continuez encore, jusqu'à ce qu'il y en ait par - dessus environ l'épaisseur d'une carte. Voilà une planche imprimée à l'encaustique.

Cela fait, ayez des couleurs dont on fait usage à l'huile, mais préparées à l'eau pure, ou légérement gommées. Ces couleurs ne prendront point sur la cîre, ou ne s'attacheront que par plaques irrégulieres.

Pour remédier à cet inconvénient, prenez quelque terre crétacée, par exemple du blanc d'Espagne; répandez - en sur la cire en poudre très fine; frotez - la légérement avec un linge, il restera sur la cire une poussiere de ce blanc: peignez ensuite, & les couleurs prendront. La peinture achevée, présentez - la au feu, & faites l'inustion.

Voilà un procédé très - ingénieux; il peut être commode, s'il est possible de retoucher son ouvrage, du moins sans répéter l'intermede de la poussiere blanche, ce qui laisseroit toûjours de l'embarras: c'est un encaustique, c'est même, si l'on veut, un double encaustique. Mais il paroît mal répondre aux conditions nécessaires pour l'encaustique des anciens. La premiere de ces conditions est que cerae tingantur coloribus: ici ce ne sont point des cires teintes de couleurs avec lesquelles on peint, ad eas picturas quae inuruntur; mais des couleurs fondues par l'inustion dans des cires qui ont déjà souffert l'inustion elles - mêmes. Mais qu'importe, si cette peinture a les vrais avantages de l'ancien encaustique, le beau mat, la vigueur, & la solidité?

Quatrieme maniere de peindre en cire, selon M. de Caylus.

Cette maniere n'est qu'un renversement de la précédente. Dans l'autre, la cire est placée avant & sous les couleurs: dans celle - ci on la met après & dessus; elle a les mêmes avantages, & aussi le même défaut, si c'en est un.

Peignez à goüache, à la façon ordinaire, sur une planche très - unie: le tableau terminé, faites chauffer de la cire blanche, assez pour pouvoir l'étendre avec un rouleau sur une glace ou sur un marbre humide un peu échauffé, jusqu'à ce qu'elle soit mince comme une carte à joüer; couvrez le tableau de ces lames de cire, & faites l'inustion.

Ces deux manieres ont suggéré à M. de Caylus une nouvelle façon de peindre à l'huile: c'est de travailler à goüache sur une toile à cru, en observant seulement de n'employer que les couleurs dont on se sert à l'huile; & les couleurs séchées, d'humecter le tableau par - derriere avec de l'huile de pavot appellée d'oliette, laquelle jaunit moins que les autres: cette huile s'étendra, pénétrera les couleurs, fera corps avec elles; & le tableau sera aussi solide que de la façon ordinaire, & peut - être sans aucuns luisans. Au lieu d'huile, on pourroit employer un vernis blanc gras, siccatif. C'est aux artistes & à l'expérience, dit M. de Caylus, à juger du mérite de cette petite nouveauté.

Cinquieme maniere de peindre en cire, selon M. de Caylus, laquelle n'est ni encaustique, ni donnée pour telle.

Cette méthode consiste à composer des vernis avec des résines solubles dans l'essence de térébenthine, & avec un corps gras; à faire fondre la cire dans ces vernis, à ajoûter des couleurs à ce mélange, & à peindre à l'ordinaire avec ces couleurs ainsi préparées.

On fait plusieurs vernis, pour s'accommoder plus aisément aux différentes especes de couleurs. Ces vernis se réduisent à cinq:

1°. Vernis blanc très - gras: 2°. vernis blanc moins gras: 3°. vernis blanc sec: 4°. vernis le moins doré: 5°. vernis le plus doré.

Préparation des vernis.

Pour le vernis blanc très - gras, prenez de la résine appellée mastic; mettez - en 2 onces 6 gros dans 20 onces d'essence de térébenthine; dissolvez dans un matras à long cou, au bain de sable; ajoûtez à la dissolution 6 gros d'huile d'olive, que vous aurez fait bouillir dans un matras très - mince, & que vous aurez filtrée: filtrez votre mélange; ajoûtez - y autant d'essence qu'il en faut pour que le tout fasse un poids de 24 onces, & vous aurez le vernis blanc très - gras.

Pour le vernis blanc moins gras, tout de même, sinon qu'au lieu de 6 gros d'huile, vous n'y en mettrez que 4.

Pour le vernis blanc sec, seulement 2 gros d'huile; le reste de même.

Pour les vernis dorés: prenez de l'ambre jaune, le plus beau; faites - le fondre à feu modéré dans une cornue, ou encore mieux, dans un pot de terre neuf & vernissé. Il faut que l'ambre soit entier, & n'occupe que le tiers, ou tout au plus la moitié du vase, parce qu'il se gonfle & s'éleve en fonda nt. L'ambre étant bien fondu & ensuite refroidi, vous le mettrez en poudre. Pour lors faites - en dissoudre 2 onces 6 gros dans 20 onces d'essence de térébenthine; ajoûtez 7 gros d'huile d'olive cuite, comme ci - dessus: filtrez le mélange avec un papier gris; remplacez ce qui sera évaporé d'essence; ajoûtez - en assez pour que le tout pese 24 onces; & conservez - le dans une bouteille bien fermée.

Pour faire le vernis le plus doré, vous observerez seulement de laisser l'ambre sur le feu trois ou quatre heures de plus, pour lui donner une couleur plus haute. Il n'y a point d'autre différence.

Préparation des couleurs, & proportion des ingrédiens.

Remarquez que les rapports que vous allez voir entre les doses de couleurs & de cire, sont les mêmes qu'il faut employer pour les deux premieres méthodes. [p. 611]

Céruse 8 onces; cire 4½; vernis blanc très - gras 9.

Blanc de plomb 8 onces; cire 4½; même vernis 8.

Massicot, comme le blanc de plomb.

Jaune de Naples 8 onces; cire 4; vernis blanc le moins gras 8.

Ochre jaune 5 onces; cire 5; vernis le moins doré 9; & 10 du même pour l'ochre de rue.

Stile de grain jaune le plus leger 4 onces; cire 5; vernis blanc le moins gras 9.

Stile de grain d'Angleterre mêmes doses, mais avec le vernis le plus doré.

Orpin jaune ou rouge 6 onces; cire 2; vernis blanc le moins gras 3½.

Laque très - fine 4 onces; cire 5; vernis moins doré 9½.

Carmin pur comme la laque.

Vermillon 6 onces; cire 2; vernis moins doré 3½.

Rouge brun d'Angleterre 6 onces; cire 4½; vernis le plus doré 8.

Terre d'Italie 5 onces; cire 5; vernis le plus doré

Outre mer 1 once; cire 6 gros; vernis blanc le moins gras 10 à 11 gros.

Bleu de Prusse le plus beau 2½ onces; cire 5; vernis blanc le moins gras 9.

Cendre bleue 4 onces; cire 2½; vernis blanc le moins gras 4½.

Email bleu 6 onces; cire 3; vernis blanc le moins gras 5½.

Bistre 4 onces; cire 5; vernis le plus doré 9½.

Terre de Cologne, comme pour le bistre.

Terre d'ombre, de même.

Laque verte 4 onces; cire 4½; vernis blanc le moins gras 8.

Noir de pêche 3 onces; cire 4½; vernis blanc sec 8.

Noir d'ivoire 4 onces; cire 4½; vernis blanc sec 8.

Noir de fumée 1 once; cire 8; vernis blanc sec 15.

On peut voir aux différens articles de ce Dictionnaire, ce que c'est que les matieres dont on parle ici.

M. de Caylus abandonne aux Peintres lc soin de déterminer les doses pour les autres couleurs.

Quant à la préparation de ces couleurs, elle consiste ou à broyer la couleur avec la cire sur la pierre chaude dont on a parlé ci - dessus, & à faire fondre les cires colorées dans leur vernis propre; ou à fondre la cire dans les vernis, & y ajoûter la couleur.

M. de Caylus préfere la seconde maniere comme plus prompte & plus facile. Pour la pratiquer, mettez la cire & le vernis dans un bocal de verre mince; faites fondre la cire dans un de ces coffres de ferblanc dont le dessus est percé de trous, & dont on a parlé ci - dessus: quand elle sera fondue, remuez le mélange pour allier la cire avec le vernis: ajoûtez la couleur bien broyée à sec; mêlez - la avec la cire: retirez le bocal de la machine; remuez le mélange jusqu'à ce qu'il soit froid, & conservez - le bien bouché.

La machine à préparer les couleurs ne differe de la machine à godets, qu'en ce que celle - là devant contenir des pots de verres inégaux en diametre & hauteur, doit avoir des ouvertures ou loges proportionnées à ces verres.

Il convient de ne préparer que deux ou trois couleurs à la fois, de peur qu'elles ne se figent hors du feu, ou que le vernis ne s'évapore sur le feu, tandis qu'on est occupé à en remuer une jusqu'à ce qu'elle soit froide.

Les instrumens, outre ceux dont on vient de parler, sont des pinceaux & des brosses ordinaires, la palette de bois, ou pour le mieux d'écaille; un couteau d'ivoire plûtôt que d'acier, avec lequel il faut passer les couleurs l'une après l'autre, pour qu'il n'y reste rien de grumeleux; un pincelier avec de l'essence de térébenthine, pour humecter les couleurs & laver les pinceaux.

M. de Caylus assûre que cette espece de peinture en cire est praticable sur le bois, la toile, & le plâtre.

Si l'on peint sur bois, il faut préférer le moins compact, le plus uni, celui qui se déjette le moins & que les vers attaquent peu, comme le cedre: après le cedre, c'est le sapin d'Hollande, ensuite le chêne. Le poirier convient pour les tableaux d'un grand fini. Si l'on veut que le cedre & le chêne happent mieux la couleur, on y pratiquera des inégalités avec un instrument à - peu - près semblable au berceau des Graveurs en maniere noire (Voyez l'article Gravure); & si le grain étoit trop fort, on l'adouciroit avec la pierre ponce. On peindra à cru sur tous les bois.

Si l'on peint sur toile, on choisira celles qui ont le grain uni & serré. On leur donnera à la brosse deux ou trois couches de cire dissoute dans le double de son poids d'essence de térébenthine, ou dans la même quantité de vernis blanc le moins gras; on laissera sécher chaque couche séparément: quand la derniere sera seche, on présentera la toile à un brasier ardent, afin qu'elle s'imbibe de cire. On pourra aussi la cirer simplement sans essence ni vernis, en la faisant chauffer. On peut encore coller du papier sur la toile, le poncer, & donner l'apprêt de cire, de maniere qu'elle pénetre la toile & le papier. Cette façon est bonne pour les ouvrages d'un grand fini.

Si l'on peint sur plâtre; pour que la couleur prenne & ne s'écaille point, il faut lui donner un enduit de cire comme à la toile, mais plus fort. On en fera autant pour la pierre.

M. de Caylus avertit que sa troisieme maniere de peindre peut aussi être pratiquée sur le plâtre & la pierre, en observant d'en boucher les pores contre l'humidité & l'embue de la cire; & cela avec un vernis gras liquéfié dans l'essence de térébenthine: quand cet enduit sera sec, on mettra l'enduit de cire aussi dissoute dans l'essence de térébenthine, ou dans le vernis blanc le moins gras; on le laissera sécher, ensuite l'on peindra à l'eau avec les couleurs dont on use communément à l'huile, & on fixera la peinture avec le réchaut de doreur.

Si l'on veut - appliquer un blanc d'oeuf sur les tableaux en cire, on commencera par les laver légérement à l'eau pure, avec une brosse à peindre, neuve & très - propre, jusqu'à ce que l'eau ait pris par - tout. On en ôtera le superflu avec un linge doux & humide; & avant que le tableau soit sec, on étendra le blanc - d'oeuf, comme on le pratique sur les tableaux à l'huile.

La peinture en cire n'a point de luisans; c'est un de ses avantages. Si cependant on vouloit lui donner l'éclat du vernis, on pourroit en faire un avec l'esprit - de - vin & le mastic. Cette résine qui est soluble dans l'essence de terebenthine, n'empêche point la retouche du tableau: mais le blanc - d'oeuf vaut mieux.

Pour retoucher les tableaux & y mettre l'accord dans toutes ces manieres, on pourra se servir des couleurs préparées au vernis. M. de Caylus les préfere même aux couleurs à l'huile, pour restaurer les vieux tableaux.

Enfin il laisse au tems à juger de tous ces genres de peinture, & de leur solidité respective. Mais dès à - présent il a bien lieu d'être content de ses recherches; il a travaillé à étendre les limites de l'art: & je ne sais pourquoi le public n'a pas fait plus d'accueil au mémoire où il les lui communique: seroit - ce qu'en fait d'arts on a des yeux pour voir, & de l'avidité pour joüir, mais trop de paresse pour s'instruire?

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