ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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L'émulation ne differe pas moins de l'envie: elle pense à surpasser un rival par des efforts loüables & généreux. L'envie ne songe à l'abaisser que par des routes opposées. L'émulation toûjours agissante & ouverte se fait un motif du mérite d'autrui, pour tendre à la perfection avec plus d'at deur: l'envie froide & seche s'en attriste, & demeure dans la nonchalance; passion stérile qui laisse l'homme envieux dans la position où elle le trouve, ou dont le vice qui le caractérise est l'unique aiguillon! Quand on est rempli d'émulation, le manque de succès fait qu'on se reproche seulement de demeurer en - arriere; mais dès qu'on est mortifié des progrès & de l'élévation de ses rivaux pleins de mérite, on a passé de l'émulation à l'envie.

Voulez - vous connoître encore mieux l'émulation? Elle ne tâche d'imiter & même de surpasser les actions des autres, que parce qu'elle en sait le prix, & qu'elle les respecte; elle est prudente, car celui qui imite, doit avoir mesuré la grandeur de son modele & l'étendue de ses forces; loin d'être fiere & présomptueuse, elle se manifeste par la douceur & la modestie, elle augmente en même tems ses talens & ses progrès par le travail & l'application; pleine de courage, elle ne se laisse point abattre par les disgraces, & si elles sont méritées, elle répare ses fautes: enfin quoi qu'il arrive, elle ne veut réussir que par des moyens légitimes, & par la voie de la vertu.

Ceux qui font profession des Sciences & des Arts; les Savans de tout ordre, les Orateurs, les Peintres, les Sculpteurs, les Musiciens, les Poëtes, & tous ceux qui se mêlent d'écrire, ne devroient être capables que d'émulation; ils devroient tous penser & agir de la même maniere que Corneille agissoit & pensoit: « Les succès des autres, dit - il dans la préface qui est au - devant d'une de ses pieces (la suivante), ne produisent en moi qu'une vertueuse émulation qui me fait redoubler mes efforts, afin d'en obtenir de pareils ».

Je vois d'un aeil égal croître le nom d'autrui, Et tâche à m'élever aussi haut comme lui, Sans hasarder ma peine à le faire descendre. La gloire a des thrésors qu'on ne peut épuiser; Et plus elle en prodigue à nous favoriser, Plus elle en garde encore où chacun peut prétendre. Des sentimens si beaux, si nobles, & si bien peints, mettent le comble au mérite du grand Corneille. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

EMULGENS (Page 5:602)

EMULGENS, adj. plur. en Anatomie, se dit des vaisseaux qui aboutissent aux reins. Voyez les Planches d'Anatomie.

Les arteres émulgentes partent du tronc descendant de l'aorte pour se rendre aux reins, & les veines émulgentes en sortent pour se terminer au tronc ascendant de la veine - cave. (L)

EMULSION (Page 5:602)

EMULSION, s. f. (Pharmacie & Mat. méd.) c'est ainsi qu'on nomme en Medecine une liqueur laiteuse formée par l'union de l'eau, & d'une substance végétale particuliere, contenue dans les semences appellées émulsives. Voyez Semences émulsives.

La liqueur connue de tout le monde sous le nom d'orgeat, n'est autre chose que l'émulsion dont il s'agit ici.

Les semences dont on tire le plus ordinairement les émulsions, & qui en font proprement la base, sont les amandes douces, les pignons, & les quatre semences froides majeures. Voyez Amandes, Pignons, & Semences froides. Plusieurs medecins demandent aussi assez souvent la semence de pavot, celle de laitue, celle de violette, & quelques autres de la même nature: mais comme ces dernieres semences, qui sont fort petites, fournissent moins de parties émulsives que les premieres, qu'elles donnent ces parties plus difficilement, & qu'il n'est pas possible d'appuyer sur la moindre observation leurs prétendues vertus particulieres, qu'il est démontré, par exemple, que la partie émulsive de la semence de pavot ne participe du tout point de la vertu calmante de cette plante; pour ces raisons, dis - je, on ose avancer avec confiance que c'est une pratique loüable de prescrire toûjours par préférence les premieres semences que nous avons nommées, & de ne pas multiplier inutilement les matériaux de l'émulsion.

Plusieurs auteurs ont des prétentions sur l'émulsion tirée de la semence de chanvre. Voyez Chanvre.

On employe aussi quelquefois les amandes ameres, mais toujours mêlées en petite dose à une quantité plus considérable de l'une des semences que nous avons dit devoir faire la base du remede, & seulement dans la vûe d'en relever un peu le goût.

On édulcore les émulsions avec une quantité de sucre ou de sirop, déterminée par le medecin; on les aromatise aussi quelquefois avec quelque eau distillée.

On employe plus ou moins d'eau, selon qu'on veut avoir une émulsion plus ou moins chargée.

Pour faire une émulsion, c'est - à - dire pour unir à l'eau la substance végétale particuliere, que nous connoissons sous le nom d'émulsive, on s'y prend de la maniere suivante.

Prenez, par exemple, vingt - quatre amandes douces mondées (voyez Monder, Pharm.), ou bien de l'une des grandes semences froides mondées, ou des quatre ensemble, six gros, & cinq ou six amandes douces mondées; écrasez - les dans un mortier de marbre avec un pilon de bois, d'abord à sec, mais bientôt versez sur ces semences une ou deux cuillerées d'eau, & continuez à piler en ajoûtant peu - à - peu toute l'eau que vous avez dessein d'employer (la quantité des semences demandées dans cet exemple suffit pour charger suffisamment deux liv. d'eau); dissolvez votre sucre (une once suffit pour deux livres d'émulsion), passez à - travers un linge serré, & exprimez legerement. Si c'est un sirop que vous employez au lieu de sucre, vous ne l'ajoûterez qu'après la colature, avec l'eau distillée destinée à aromatiser l'émulsion. Dans l'émulsion que nous venons de décrire, on pourra dissoudre, au lieu de sucre, une once & demie de sirop de capillaire, de violette, de tussilage, de guimauve, ou bien une once de l'un de ces sirops, & trois gros ou demi - once de sirop de diacode, si on veut rendre l'émulsion narcotique. Une pinte de cette liqueur est aromatisée à un point très - agréable par l'addition d'une demi - once d'eau de fleurs d'orange, ou d'eau de canelle appellée orgée.

S'il nage de l'huile sur la surface d'une émulsion qu'on vient de préparer, l'émulsion a été malfaite ou manquée. Cet inconvénient est dû à ce qu'on a séparé une huile qui est un des principes du suc émulsif, d'avec une matiere muqueuse qui en est un autre principe, & à laquelle l'huile doit sa miscibilité avec l'eau. Voyez Semences émulsives. On prévient ce défaut en appliquant de bonne heure de l'eau aux semences que l'on pile, & même en les triturant avec une partie du sucre qu'on veut employer dans l'émulsion; car le sucre est un moyen d'union entre les huiles & l'eau. Voyez Huile & Sucre.

Les Chimistes ont apperçu beaucoup d'analogie entre les émulsions & le lait des animaux; on verra avec combien de fondement, à l'article Semences émulsives. Voyez cet article. Nous nous contenterons d'observer ici que, comme le lait, les émulsions tournent & s'aigrissent après un certain tems, en moins de vingt - quatre heures dans un lieu, ou par [p. 603] un tems chaud; & que les acides & les esprits fermentés les coagulent comme le lait. On ne préparera donc des émulsions que pour quelques heures, surtout en été; on ne les mêlera point avec des sirops, ou des sucs acides, & on ne les aromatisera point avec des eaux spiritueuses.

L'émulsion se décompose par l'ébullition; ce qu'on appelle dans quelque pays une émulsion cuite, c'est - à - dire à laquelle on a fait prendre quelques bouillons, est donc une préparation monstrueuse, un remede altéré & dégénéré autant qu'il est possible. La vûe médicinale de corriger par cette coction une prétendue crudité de l'émulsion, est trop vaine pour pouvoir autoriser une pratique si directement contraire aux regles de l'art.

Les émulsions ont toutes les propriétés des remedes appellés rasraîchissans, tempérans, délayans; voyez Délayant, Rafraîchissant, & Tempérant: & de plus elles sont nourrissantes. On les ordonne très - utilement pour boisson ordinaire dans toutes les maladies inflammatoires, & sur - tout lorsqu'elles affectent principalement les visceres du bas - ventre, dans les diarrhées par irritation, dans les ardeurs d'urine, dans le commencement de la curation des chaudepisses, dans les chaleurs d'entrailles, & même dans certaines fleurs blanches. Voyez ces articles.

Dans tous ces cas on doit prescrire les émulsions à grande dose, à deux ou trois livres par jour au moins; & c'est avoir une idée fort imparfaite de l'action de ce remede, que d'attendre quelque effet utile d'un seul verre d'émulsion donné dans la journée, ou le soir.

On se sert fort ordinairement de l'émulsion comme d'un véhicule commode, pour donner certains sels neutres étendus dans une grande quantité de liquide ou en lavage, comme on s'exprime communément. On dissout, par exemple, un gros ou un gros & demi de nitre purifié dans une pinte d'émulsion, pour faire ce qu'on appelle une émulsion nitrée; c'est un usage fort ordinaire aussi de faire fondre trois ou quatre grains de tartre émétique dans une pinte d'émulsion, qu'on donne par verre penda it le cours de la journée, pour entretenir les évacuations abdominales dans plusieurs maladies aiguës. Voy. Fievre.

On prépare une émulsion purgative qui agit assez doucement, & qui n'a point le dégoût des potions purgatives ordinaires, en unissant intimement par une longue trituration dix ou douze grains de résine de jalap à une once de sucre, que l'on employe ensuite dans la composition d'une émulsion ordinaire: non - seulement le suc émulsif sert dans ce cas à masquer le goût de la résine, mais il concourt aussi avec le sucre à en corriger l'activité. Le sucre est le dissolvant des résines, & il forme avec elles un composé savonneux, miscible à l'eau. Voyez Sucre & Résine. Le suc émulsif possede la même propriété, quoiqu'avec un degré très - inférieur. On fait entrer aussi la résine de scammonée dans ces émulsions, à la dose de deux ou trois grains, avec huit, dix, ou douze grains de résine de jalap. Voy. Scammonée & Jalap.

Si l'on dispose une résine ou un baume à être dissous par l'eau en unissant ces substances au jaune d'oeuf, & qu'on applique de l'eau à ce composé selon l'art, il en résulte aussi une liqueur laiteuse, que quelques auteurs ont appellé du nom d'émulsion; celle - ci est vulnéraire, détersive, & cicatrisante ou purgative, selon la propriété de la résine ou du baume qu'on y a employé. Voyez les articles Vulnéraire, Détersif, & Purgatif résineux, au mot Purgatif.

La liqueur connue de tout le monde sous le nom de lait de poule, est parfaitement analogue à l'émulsion. Voyez OEuf, Diete. (b)

EMUNCTOIRE (Page 5:603)

EMUNCTOIRE, se dit des canaux qui déchargent les humeurs superflues du corps. Voyez Humeur. (L)

EN (Page 5:603)

EN & DANS, prépositions qui ont rapport au lieu & au tems. En France, en un an, en un jour, dans la ville, dans la maison, dans dix ans, dans la semaine. M. l'abbé Girard dans ses synonymes, Vaugelas, le P. Bouhours, & quelques autres grammairiens ont fait des observations particulieres sur ces deux prépositions; en effet, dans l'élocution usuelle il y a bien des occasions où l'une n'a pas le même sens que l'autre.

On peut recueillir de M. l'abbé Girard & des autres grammairiens, que dans emporte avec soi une idée accessoire, ou de singularité ou de détermination individuelle, & voilà pourquoi dans est toûjours suivi de l'article devant les noms appellatifs, au lieu que en emporte un sens qui n'est point resserré à une idée singuliere. C'est ainsi qu'on dit d'un domestique, il est en maison, c'est - ì - dire dans une maison quelconque; au lieu que si l'on disoit qu'il est dans la maison, on désigneroit une maison individuelle déterminée par les circonstances.

On dit, il est en France, c'est - à - dire en quelque lieu de la France: il est en ville, cela veut dire qu'il est hors de la maison, mais qu'on ne sait pas en quel endroit particulier de la ville il est allé. On dit, il est en prison, ce qui ne désigne aucune prison quelconque; mais on dit il est dans la prison du fort l'évêque ou de saint - Martin, voilà une idée plus précise; il est dans les cachots, c'est ajoûter une idée plus particuliere à l'idée d'être en prison; aussi exprime - t - on l'article en ces occasions. Il est en liberté, il est en fureur, il est en apoplexie. toutes ces expressions marquent un état, mais bien moins déterminé que loisqu'on dit, il est dans une entiere liberté, il est dans une extrème fureur. On dit, il est en Espagne, & on dit il est dans le royaume d'Espagne; il est en Languedoc, & il est dans la province de Languedoc.

Cette distinction d'idée vague & indéterminée ou de sens général pour en, & de sens plus individuel & plus particulier pour dans; cette distinction, dis - je, a son usage; mais on trouve des occasions où il paroît qu'on n'y a aucun égard, ainsi l'on dit bien il est en Asie, sans déterminer dans quelle contrée ou dans quelle ville de l'Asie il est; mais on ne dit pas il est en Chine, en Pérou, &c. on dit à la Chine, au Pérou, &c. Il semble que l'éloignement & le peu d'usage où nous sommes de parler de ces pays lointains, nous les fasse regarder comme des lieux particuliers.

Le P. Bouhours a fait sur ces deux prépositions des remarques conformes à l'usage, & qui ont été répétées par tous les grammairiens qui ont écrit après cet habile observateur, même par Thomas Corneille sur Vaugelas. Il me semble pourtant que le P. Bouhours commence par une véritable pétition de principe (Remarques, tom. I. p. 67). On met toûjours en, dit - il, devant les noms, lorsqu'on ne leur donne point d'article: j'en conviens, mais c'est là précisément en quoi consiste la difficulté. Un étranger qui apprend le françois, ne manquera pas de demander en quelles occasions il trouvera le nom avec l'article ou sans l'article.

Outre ce que nous avons dit ci - dessus du sens vague & du sens particularisé ou individuel, voici des exemples tirés, pour la plûpart, du P. Bouhours, & des autres observateurs qui l'ont suivi.

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