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EMERAUDE (Page 5:563)
EMERAUDE, s. f. (Hist. nat Lithol.) smaragdus,
pierre précieuse transparente, de couleur verte,
sans mélange d'aucune autre couleur, & à - peu - près
de même dureté que le crystal. Par ces caracteres il
est aisé de distinguer l'émeraude de toute autre pierre
verte, & même du diamant qui auroit une couleur
verte aussi belle que l'émeraude. De quelque couleur
que le diamant puisse être, on le reçonnoît aisément
à son éclat & à sa dureté. Voyez
Presque tous les auteurs distinguent les émeraudes en orientales & en occidentales. Ils disent que l'orientale est d'un verd gai; qu'elle a une grande dureté, & un grand éclat qui se soûtient à l'ombre & à la lumiere de la chandelle. Aujourd'hui on ne voit aucune émeraude orientale; s'il y en a, elles sont d'une rareté extrème. Les auteurs qui en parlent, ne conviennent point du lieu où elles se trouvent: les uns disent que c'est en Arabie, les autres en Perse, en Egypte, &c. Voyez la Biblioth. orientale. Tavernier dans son traité des pierres de couleur qui se trouvent aux grandes Indes, prétend qu'il n'y a jamais eu de mines d'émeraudes dans aucun lieu des grandes Indes: & que toutes celles qu'on y a vûes ou qui en sont venues, y avoient été apportées du Pérou par la mer du Sud. Ce voyageur croyoit que les Américains avoient eu commerce, même avant la découverte de l'Amérique, avec les habitans des îles de l'lnde orientale appellée aujourd'hui Philippine, & qu'ils y avoient porté une grande quantité d'émeraudes. Comme on ne trouve à - présent aucune émeraude dont la dureté soit égale à celle des pierres orientales, on est en droit de douter de l'existence des émeraudes de cette nature. Il y a près de quatre - vingts ans que de Rosnel disoit dans son Mercure indien, que l'on ne rencontroit presque plus d'émeraudes orientales ou de vieille roche, parce que la mine étoit épuisée, ou cachée dans un lieu inaccessible.
L'émeraude occidentale, qui est la seule que nous connoissions aujourd'hui, vient de l'Amérique & de quelques endroits de l'Europe. L'émeraude d'Amérique se trouve au Pérou: elle est bien plus belle que celle de l'Europe; sa couleur est d'un beau verdfoncé. Il y avoit autrefois une mine de cette espece d'émeraude dans la vallée de Manta, dépendante de Porto - Viéjo. Cette mine en fournissoit beaucoup avant la conquête du Pérou, & de très - belles, au rapport de Garcilasso de la Vega, Hist. des Incas, tome I. Les Espagnols ne purent jamais la retrouver; mais ils rapporterent de ce pays une si grande quantité d'émeraudes, que le prix de cette pierre baissa beaucoup en Espagne, & de - là il s'en répandit partout. Les émeraudes d'Amérique se trouvent aujourd'hui dans la vallée de Tunca ou Tomana, assez près de la nouvelle Carthage, & entre les montagnes de Grenade & dePopayan; c'est de - là qu'on en transporte à Carthagene une si grande quantité tous les ans. Les émeraudes de l'Europe viennent d'Italie, de Chypre, d'Allemagne, d'Angleterre, &c. L'émeraude est une pierre fort estimée; celles de l'Amérique, lors<pb-> [p. 564]
Théophraste rapporte qu'un roi de Babylone présenta
au roi d'Egypte une émeraude dont la longueur
étoit de quatre coudées, & la largeur de trois; &
qu'en même tems il y avoit en Egypte un obélisque
composé de quatre émeraudes, qui avoit quarante
coudées de haut, quatre de large en quelques endroits,
& deux dans d'autres. Il est impossible qu'il y
ait jamais eu des émeraudes de cette grandeur: on a
pris pour émeraudes des choses d'une autre nature.
L'histoire de la déesse Emeraude, rapportée par Garcilasso de la Vega, me paroît plus vraissemblable. Cet
auteur dit que les peuples de la vallée de Manta au
Pérou, adoroient une émeraude grosse comme un
oeuf d'autruche; on la montroit les jours de grande
fête, & les Indiens accouroient de toutes parts pour
voir leur déesse, & pour lui offrir des émeraudes. Les
prêtres & les caciques donnoient à entendre que la
déesse étoit bien - aise qu'on lui présentât ses filles, &
par ce moyen ils en amasserent une grande quantité.
Les Espagnols, dans le tems de la conquête du Pérou, trouverent toutes les filles de la déesse; mais
les Indiens cacherent si bien la mere, qu'on n'a jamais
pû savoir où elle étoit. D. Alvarado & ses compagnons
briserent la plus grande partie des émeraudes
sur des enclumes, parce qu'ils croyoient que si elles
étoient fines, elles ne devoient pas se casser. Voyez
Emeraude (Page 5:564)
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