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18. Entre ces fondans, c'est à l'artiste à donner à chaque couleur celle qui lui convient. Tel fondant est excellent pour le rouge, qui ne vaut rien pour une autre couleur. Et sans aller chercher loin un exemple, le violet & le carmin n'ont pas le même fondant.
19. En général toutes les matieres calcinables & coloriées après l'action du feu, donneront des couleurs pour l'émail.
20. Ces couleurs primitives produisent par leur mêlange une variété infinie de teintes dont l'artiste doit avoir la connoissance, ainsi que de l'affinité & de l'antipathie qu'il peut y avoir entr'elles toutes.
21. Le verd, le jaune, & le bleu, ne s'accordent point avec les mars, quels qu'ils soient. Si vous mettez des mars sur le verd ou le jaune ou le bleu, avant que de passer au feu; quand votre piece, soit émail, soit porcelaine, sortira de la moufle, les mars auront disparu, comme si l'on n'en avoit point employé. Il n'en sera pas de même, si le verd, le jaune, & le bleu ont été cuits, avant que d'avoir employé les mars.
22. Que tout artiste qui voudra s'essayer à peindre en émail, ait plusieurs inventaires, c'est - à - dire une plaque qui puisse contenir autant de petits quarrés que de couleurs primitives; qu'il y éprouve ses couleurs dégradées de teintes, selon le plus & le moins d'épaisseur. Si l'on glace d'une même couleur tous ces quarrés de différentes couleurs, on parviendra nécessairement à des découvertes. Le seul inconvénient, c'est d'éviter le mêlange de deux couleurs qui bouillonnent, quand elles se trouvent l'une sur l'autre avant la cuisson.
23. Au reste, les meilleures couleurs mal employées, pourront bouillonner. Les inégalités seules d'épaisseur peuvent jetter dans cet inconvénient; le lisse s'en altérera. J'entens par le lisse l'égalité d'éclat & de superficie.
24. On peut peindre, soit à l'huile, soit à l'eau. Chacune de ces manieres a ses avantages. Les avantages de l'eau sont d'avoir une palette chargée de toutes les couleurs pour un très - long tems; de les avoir toutes à la fois sous les yeux, & de pouvoir terminer un morceau en moins de feu, & par conséquent avec moins de danger. D'ailleurs on expédie plus promptement avec l'eau. Quant aux avantages de l'huile, le pointillé est plus facile: il en est de même pour les petits détails; & cela à cause de la finesse des pinceaux qu'on employe, & la lente évaporation de l'huile que l'on aura eu la précaution d'engraisser au soleil ou au bain - marie.
25. Pour peindre à l'eau, prenez de la couleur en poudre, broyez - la avec de l'eau filtrée: ajoûtez - y la quantité de gomme nécessaire; laissez - la sécher sur votre palette, en la garantissant de la poussiere jusqu'à ce qu'elle soit parfaitement seche; alors prenez un pinceau avec de l'eau pure, enlevez par le frotement avec le pinceau chargé d'eau toute la superficie de votre couleur, pour en séparer la gomme qui se porte toûjours à la surface. Quand vous aurez fait cette opération à toutes vos couleurs, peignez, mais avec le moins d'eau qu'il vous sera possible; car si votre couleur est trop fluide, elle sera sujette à couler inégalement. Votre surface sera jaspée; c'est une suite du mouvement que la couleur aura conservé après que l'artiste aura donné sa touche, & de la pente du fluide qui aura entraîné la couleur; la richesse de la teinte en souffrira aussi. Elle deviendra livide, plombée, louche, ce que les Peintres appellent noyée. Employez donc vos couleurs les plus seches qu'il vous sera possible, & le plus également; vous éviterez en même tems les épaisseurs. Lorsque
26. Le blanc est ami de toutes les couleurs; mêlé avec le carmin, il donne une teinte rose, plus ou moins foncée, selon le plus ou le moins de carmin.
27. Le blanc & le pourpre donnent le lilas; ajoûtez - y du bleu, & vous aurez un violet clair. Sa propriété sera d'éclaircir les couleurs, en leur donnant de l'opacité.
28. Le bleu & le jaune produiront le verd. Plus de jaune que de bleu donnera un verd plus foncé & plus bleu.
29. L'addition du violet rendra le noir plus beau & plus fondant, & l'empêchera de se déchirer; ce qui lui arrive toûjours, quand il est employé seul.
30. Le bleu & le pourpre formeront un violet.
31. Le bleu ne perdra jamais sa beauté, à quelque feu que ce soit.
32. Les verds, jaunes, pourpres, & carmins, ne s'évaporent point; mais leurs teintes s'affoiblissent, & leur fraîcheur se fane.
33. Les mars sont tous volatils; le fer se revivifiant par la moindre fumée, l'étincelle la plus legere, ils deviennent noirs & non brillans.
Voilà l'alphabet assez incomplet de celui qui se propose de peindre, soit sur l'émail, soit sur la porcelaine.
Nous avons indiqué seulement les matieres d'où
l'on tire les couleurs; si nous pouvons parvenir à
connoître les procédés qu'il faut suivre pour les tirer,
nous les donnerons à l'article
III. L'art d'employer les émaux transparens & clairs. Ce travail ne se peut faire que sur l'or; ou, si l'on veut appliquer des émaux clairs & transparens sur le cuivre, il faut (selon quelques auteurs) mettre au fond du champlever une couche de verre ou d'émail noir, & couvrir cette couche d'une feuille d'or qui reçoive ensuite les autres émaux. Quant au travail sur l'or, on commencera par tracer son dessein sur la plaque, par la champlever, & par exécuter, comme en bas - relief, au fond du champlever, toutes ses figures, de maniere que leur point le plus élevé soit cependant inférieur au filet de la plaque. La raison en est évidente; car ce sont les différentes distances du fond à la surface qui font les ombres & les clairs: mais comme une peinture en général n'est qu'un assemblage d'ombres & de clairs convenablement dis<pb-> [p. 543]
On prétend qu'il faut que l'or employé soit très pur; parce que les émaux clairs mis sur un or bas, plombent, c'est - à - dire qu'il s'y forme un louche qui en obscurcit la couleur & la bordure.
Lorsque la plaque a été ébauchée à l'échope, on la finit avec des outils dont le tranchant est mousse, parce qu'il faut que tout l'ouvrage soit coupé d'un poli bruni, sans quoi on appercevroit au - travers des émaux les traits grossiers du dessein.
Cela fait, il faut broyer des émaux. Les broyer pour cette espece de peinture, c'est seulement les mettre en grain, ensorte qu'on les sente graveleux sous le doigt. Plus on pourra les employer gros, plus les couleurs seront belles.
On charge comme pour l'émail ordinaire, observant de distribuer sur chaque partie du dessein la couleur qu'on croit lui convenir, si le sujet est à plusieurs couleurs; & de charger également par - tout, si c'est un camayeu.
On voit combien il seroit à souhaiter pour la perfection
de cette peinture, qu'on eût quelque matiere
transparente & molle, qui pût recevoir toutes sortes
de couleurs, & dont on pût remplir & vuider facilement
le champlever de la piece. L'artiste, à l'aide de
cette matiere, verroit d'avance l'effet de ses émaux,
donneroit à son champlever, ou plûtôt aux parties
de son bas - relief, les profondeurs convenables; distribueroit
d'une maniere plus sûre & mieux entendue
ses ombres & ses clairs, & formeroit un tableau
beaucoup plus parfait. Je ne sais si le vernis à l'eau
de cire de M. Bachelier, n'auroit pas toutes les conditions
requises pour cet usage (voyez l'article
Lorsque la piece est chargée, on la laisse secher à l'air libre. Pour la passer au feu, on allume le fourneau à l'ordinaire; quand il est assez chaud, on présente la piece à l'entrée de la mousle; si elle fume, on la laisse sécher; si elle ne fume pas, on la laisse un peu s'échauffer: on la pousse ensuite tout - à - fait sous la moufle; on l'y tient jusqu'à ce que les émaux se soient fondus comme à l'ordinaire.
Après ce premier feu, on la charge une seconde sois, mais seulement aux endroits où l'émail s'est trop affaissé, & qui se trouvent trop bas. La premiere fois la piece avoit été également chargée par - tout, & les émaux s'elevoient un peu au - dessus du niveau de la plaque.
Après que la piece a été rechargée d'émail, on la passe au feu comme la premiere fois.
Cela fait, il s'agit d'user les émaux avec le grais. Cette manoeuvre ne s'exécute pas autrement que nous l'avons prescrit dans l'art de peindre sur l'émail blanc. Lorsque la piece est usée, on la repasse au feu qui l'unit & la polit; & l'ouvrage est achevé. Au lieu d'user & de polir ces émaux, comme nous l'avons dit de l'émail blanc, on peut y employer le lapidaire.
Les émailleurs en émaux clairs & transparens, ont deux verds; le verd de pré, & le verd d'aigue marine; deux jaunes, un pâle & un foncé; deux bleux, un foncé & un noir; un violet; un couleur de rose, & un rouge. Les émaux transparens, purpurins & violets, viennent très - beaux sur l'argent; mais ils s'y attachent mal.
La manoeuvre du feu est la même pour toutes ces couleurs, excepté pour le rouge; encore y a - t - il un
Quant à l'autre rouge, voici comment il s'employe. Il faut le broyer à l'ordinaire, & l'appliquer sur un or à vingt - trois carats, si l'on veut qu'il soit beau; car le moindre alliage le gâte. Si l'or est absolument pur, le rouge viendra le plus beau qu'il est possible.
Quand il est broyé, on le charge à l'ordinaire, en deux feux qu'il faut lui donner les plus violens. Il sort de ces feux d'une belle couleur de paille.
Si l'on veut que la piece soit usée, c'est alors qu'il faut l'user. Ensuite on fait revenir l'émail de couleur rouge, en le présentant à l'entrée de la moufle, & tournant & retournant la piece, jusqu'à ce que le rouge ait pris une teinte égale.
Il faut que la piece soit refroidie, quand on la présente à l'entrée de la moufle.
Pour connoître ses couleurs, il faut que l'artiste ait de petits morceaux d'or où il a pratiqué autant de logemens champlevés, qu'il a de couleurs. Il en flinquera le fond avec un instrument poli: il les chargera ensuite, & les passera au feu; voilà ce qui lui tiendra lieu de palette, & ce qui le dirigera dans l'application de ses émaux.
Parmi les émaux clairs & transparens, il y en a beaucoup de défectueux. Leur défaut est de laisser trop peu de tems à l'artiste pour charger sa piece. Pour peu qu'il soit lent à cette opération, leurs couleurs deviennent louches & bourbeuses, ce dont on ne s'apperçoit malheureusement qu'au sortir du seu.
Il est donc important de charger vîte, & plus encore de n'avoir point de ces émaux dont les couleurs sont inconstantes.
On présume que c'est l'eau qui les altere; cependant il y en a de si bonnes, qu'on les garderoit huit jours entiers dans l'eau, sans qu'elles perdissent rien de leur éclat.
IV. L'art d'employer l'émail à la lampe. C'est de tous les arts que je connoisse un des plus agréables & des plus amusans: il n'y a aucun objet qu'on ne puisse exécuter en émail par le moyen du feu de la lampe, & cela en très - peu de tems, & plus ou moins parfaitement selon qu'on a une moindre ou une plus grande habitude de manier les émaux, & une connoissance plus ou moins étendue de l'art de modeler. Pour exceller dans ce genre, il seroit donc à - propos de commencer par apprendre le dessein pendant quelque tems, & de s'occuper ensuite avec quelqu'assiduité à modeler toutes sortes d'objets & de figures.
Pour travailler à la lampe, il faut commencer par se procurer des tubes de verre de toutes sortes de grosseur & de toutes sortes de couleurs; des tubes d'émail de toutes sortes de grosseur & de toutes sortes de couleurs; & des baguettes d'émail de verre solides de toutes sortes de grosseur & de toutes sortes de couleurs.
Il faut avoir une table large & haute à discrétion,
autour de laquelle on puisse placer commodément
plusieurs lampes & plusieurs ouvriers, & sous laquelle
on ait adapté un grand soufflet à double vent,
que l'un des ouvriers met en mouvement avec le
pié, pour aviver & exciter la flamme des lampes,
qui étendue en longueur par ce moyen, & resserrée
dans un espace infiniment étroit, relativement à celui
qu'elle occupoit auparavant, en devient d'une
ardeur & d'une vivacité incroyable. Voyez dans nos
Il faut que des rainures pratiquées dans l'épaisseur
du dessous de la table, & recouvertes de parchemin,
servent à conduire le vent à des tuyaux placés devant
chaque lampe. Ces tuyaux sont de verre; ils
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