ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"534"> serez avec soin, de chacune cinquante livres; de sel de tartre blanc huit onces: mêlez ces matieres; exposez - les au feu pendant dix heures, dans un pot neuf de terre cuite; retirez - les ensuite, & les pulvérisez; serrez cette poudre dans un lieu sec, & la tenez à couvert de toute ordure; ce sera la base commune de tous les émaux.

Kunckel substitue aux huit onces de sel de tartre huit onces de potasse purifiée à plusieurs reprises, & dégagée le plus exactement qu'il est possible de toutes saletés.

Faire un émail blanc de lait. Prenez de la matiere commune pour tous les émaux, six livres; de magnésie quarante - huit grains: mettez le mêlange dans un pot vernissé blanc; faites le fondre au fourneau à un feu clair, sans fumée, d'un bois de chêne bien sec, la fusion se fera promptement. Lorsqu'elle sera parfaite, versez le mêlange dans une eau bien claire, qui l'éteigne & la purifie; réiterez toute cette manoeuvre trois fois de suite. Lorsque vous aurez remis le mêlange au feu pour la quatrieme fois, voyez s'il vous paroît blanc; si vous lui trouvez un oeil verdâtre, ajoûtez - y un peu de magnésie: cette addition convenablement faite, lui donnera la blancheur de lait.

Libavius & Porta composent cet émail d'une partie de plomb calciné, de deux parties de chaux d'étain, & de deux fois autant de verre.

Kunckel veut absolument qu'on y employe la magnésie, mais qu'on en fasse l'addition petit - à - petit; observant de n'en pas rendre la dose trop forte, parce qu'elle ne se consume pas, & qu'elle donne au verre une couleur de pêcher pâle.

Autre émail blanc. Prenez d'antimoine & de nitre bien mêlés & bien broyés, de chacun douze livres; de la matiere du verre commun, cent soixante & seize livres: mêlez exactement le tout; faites calciner le mêlange au fournéau, & le réduisez en fritte, ou, ce qui revient au même, faites un régule d'antimoine avec de l'antimoine crud & du nitre, comme la Chimie le prescrit. Ce régule mêlé au verre, vous donnera un émail blanc & propre à recevoir toutes sortes de couleurs.

Kunckel qui prescrit ce procédé, dit que pour employer cet émail il faut le réduire en une poudre fine, en le broyant pendant vingt - quatre heures avec du vinaigre distillé; que cette attention le dispose à entrer facilement en fusion: mais que pour l'appliquer, il faut l'humecter d'eau de gomme, & commencer par tracer tout ce qu'on voudra colorer avec la couleur noire, ou le rouge brun, ou l'émail même, ce qui vaut encore mieux.

Faire un émail bleu turquin. Prenez de la matiere commune pour tous les émaux, six livres: mettez dans un pot de terre vernissé en blanc, faites fondre, purisiez par l'extinction dans l'eau, ajoûtez trois onces d'écailles de cuivre calcinées par trois fois; prenez quatre - vingt - seize grains de safre, & quarante - huit grains de magnésie, réduisez en poudre ces deux derniers ingrédiens, mêlez bien les poudres; faites - en quatre parties, ajoûtez - les à la matiere commune des émaux à quatre reprises différentes. Remuez bien le mêlange; si la couleur vous paroît belle, le procédé sera fini; si au contraire vous la trouvez trop foible ou trop forte, vous l'affoiblirez par l'addition d'un peu de la matiere commune des émaux: pour la fortifier, vous vous servirez du safre, & le plus ou le moins de matieres colorantes vous donnera différentes teintes.

Faire un émail bleu d'azur. Prenez quatre livres d'émail blanc, deux onces de safre, quarante - huit grains d'oes ustum calciné par trois fois: mêlez bien ces poudres. Exposez le mêlange au fourneau de verrerie, dans un pot vernissé blanc; quand il vous paroîtra bien fondu & bien purifié, éteignez - le dans l'eau, & le procédé sera sini.

Kunckel prescrit de faire fondre à la fois, dix, vingt, trente livres d'émail, de les éteindre dans l'eau, de les faire fondre derechef, & de les garder pour l'usage qu'il prescrit de la maniere suivante; après avoir averti que le procédé de Neri est excellent, & que si l'on ne réussit pas, sur - tout dans les couleurs où il entre du safre, c'est que la qualité de cette matiere varie, & que toute la chimie des émaux demande un grand nombre d'essais.

Pour avoir différentes teintes, il faut, selon Kunckel, prendre d'abord un verre clair & transparent; mettre un grain de magnésie sur une once de verre, en faire autant avec le safre, & voir la couleur résultante; puis deux grains de magnésie, &c.

Faire un émail verd. Prenez quatre livres de fritte d'émail: mettez dans un pot de terre vernissé blanc, faites fondre & purifier au feu pendant dix à douze heures, éteignez dans l'eau, remettez au feu; quand la matiere sera en fusion, ajoûtez deux onces d'oes ustum, & quarante - huit grains d'écailles de fer: le tout bien broyé & bien mêlé, ajoûtez ce mêlange de poudres à trois reprises & petit - à - petit, remuez bien: cela fait, vous aurez un bel émail verd à pouvoir être mis sur l'or.

Autre émail verd. Prenez six livres de la matiere commune des émaux, ajoûtez - y trois onces de ferret d'Espagne, & quarante - huit grains de safran de Mars, le tout bien broyé; mettez ce mêlange dans un pot vernissé à l'ordinaire, purifiez - le en l'éteignant dans l'eau; après l'extinction, faites fondre derechef.

Autre émail verd. Mettez au feu quatre livres d'émail, faites fondre, & purifiez à l'ordinaire; faites fondre derechef; ajoûtez à trois reprises la poudre suivante, composée de deux onces d'oes ustum & de qnarante - huit grains de safran de Mars, le tout bien pulvérisé & bien mêlangé.

Faire un émail noir. Prenez quatre livres de la matiere commune des émaux; de safre & de magnésie de Piémont, de chacun deux onces: mettez ce mêlange au fourneau dans un pot vernissé, afin qu'il se purifie. Prenez le pot plus grand qu'il ne le faudroit, eu égard à la quantité des matieres, afin qu'elles puissent se gonfler sans se répandre; éteignez dans l'eau, remettez au feu, formez des gâteaux.

Autre émail noir. Prenez de la fritte d'émail, six livres; du safre, du safran de Mars fait au vinaigre, & du ferret d'Espagne, de chacun deux onces: mettez le mêlange dans un pot vernissé, & achevez le procédé comme les précédens.

Autre émail noir. Prenez de la matiere commune des émaux, quatre livres; de tartre rouge, quatre onces; de magnésie de Piémont préparée, deux onces: réduisez le tout en une poudre fine. Mêlez bien cette poudre à la matiere commune des émaux; mettez le mêlange dans un pot vernissé, de maniere qu'il reste une partie du pot vuide, & achevez le procédé comme les précédens.

Faire un émail purpurin. Prenez de fritte d'émail quatre livres, de magnésie deux onces; mettez le mêlange au feu dans un pot, dont il reste une grande partie vuide.

Kunckel observe que la dose de deux onces de magnésie sur quatre livres de fritte est forte, & que la couleur pourra venir foncée; mais il ajoûte qu'il est presqu'impossible de rien prescrire d'exact sur les doses, parce que la qualité des matieres, la nature des couleurs, & les accidens du feu, occasionnent de grandes variétés.

Autre émail purpurin. Prenez de la matiere commune des émaux, six livres; de magnésie, trois onces; d'écailles de cuivre calcinées par trois fois, six [p. 535] onces: mêlez exactement, réduisez en poudre, & procédez comme ci - dessus.

Le succès de ce procédé dépend surtout de la qualité de la magnésie, & de la conduite du feu. Trop de feu efface les couleurs; & moins la magnésie a de qualité, plus il en faut augmenter la dose.

Faire un émail jaune. Prenez de la matiere commune de l'émail, six livres; de tartre trois onces, de magnésie soixante & douze grains: mêlez & incorporez bien ces matieres avec celle de l'émail; & procédant comme ci - dessus, vous aurez un émail jaune bon pour les métaux, à l'exception de l'or, à moins qu'on ne le soûtienne par d'autres couleurs.

Kunckel avertit que, si on laisse trop long - tems au feu, le jaune s'en ira; qu'il ne faut pas pour cette couleur un tartre pur & blanc, mais un tartre sale & grossier; & que sa coûtume est d'y ajoûter un peu de cette poudre jaune qu'on trouve dans les vieux chênes, & au défaut de cette poudre, un peu de charbon pilé.

Faire un émail bleu. Prenez d'oripeau calciné deux onces, de safre quarante - huit grains; réduisez en poudre, mêlez les poudres, répandez - les dans quatre livres de la matiere commune des émaux, & achevez comme ci - dessus.

Faire un émail violet. Prenez de la matiere commune des émaux six livres, de magnésie deux onces, d'écailles de cuivre calcinées par trois fois quarante - huit grains, & achevez comme ci - dessus.

Kunckel dit sur les deux derniers émaux, qu'ils donnent l'aigue marine; il prescrit le safre seul pour le bleu, & i veut qu'on y ajoûte un peu de magnésie pour le violet: mais il se rétracte ensuite; il approuve les deux procédés de Neri: il ajoûte seulement qu'il importe pour ces deux couleurs de retirer du feu à propos; observation générale pour toutes les autres couleurs.

Ces émaux viennent de Venise ou de Hollande; ils sont en petits pains plats de différentes grandeurs. Ils ont ordinairement quatre pouces de diametre, & quatre à cinq lignes d'épaisseur. Chaque pair porte empreinte la marque de l'ouvrier: cette empreinte se donne avec un gros poincon; c'est ou un nom de Jesus, ou un soleil, ou une syrene, ou un sphynx, ou un singe, &c.

Il. L'art de peindre sur l'émail. L'art d'émailler sur la terre est ancien. Il y'avoit au tems de Porsenna roi des Toseans, des vases émaillés de différentes figures. Cet art, apres avoir été long - tems brut, fit tout - à - coup des progrès surprenans à Faenza & à Castel - Durante, dans le duché d'Urbin. Michel Ange & Raphaël florissoient alors: aussi les figures qu'on remarque sur les vases qu'on émailloit, sont elles infiniment plus frappantes par le dessein, que par le coloris. Cette espece de peinture etoit encore loin de ce qu'elle devoit devenir un jour; on n'y employoit que le blanc & le noir, avec quelques teintes legeres de carnation au visage & à d'autres parties: tels sont les émaux qu'on appelle de Limoges. Les pieces qu'on faisoit sous François I. sont tres - peu de chose, si on ne les estime que par la maniere dont elles sont coloriées. Tous les émaux dont on se servoit, tant sur l'or que sur le cuivre, étoient clairs & transparens. On couchoit seulement quelquefois des émaux épais, séparément & à plat, comme on le pratiqueroit encore aujourd'hui si l'on se proposoit de former un relief. Quant à cette peinture dont nous nous proposons de traiter, qui consiste à exécuter avec des couleurs métalliques, auxquelles on a donné leurs fondans, toutes sortes de sujets, sur une plaque d'or ou de cuivre qu'on a émaillée & quelquefois contre - émaillée, elle étoit entierement ignorée.

On en attribue l'invention aux François. L'opinion générale est qu'ils ont les premiers exécuté sur l'or des portraits aussi beaux, aussi finis, & aussi vivans que s'ils avoient été peints ou à l'huile ou en mignature. Ils ont même tenté des sujets d'histoire, qui ont au moins cet avantage que l'éclat en est inaltérable.

L'usage en fut d'abord consacré au bijou. Les Bijoutiers en firent des fleurs & de la mosaique où l'on voyoit des couleurs brillantes, employées contre toutes les regles de l'art, captiver les yeux par le seul charme de leur éclat.

La connoissance de la manoeuvre produisit une sorte d'émulation, qui, pour être assez ordinaire, n'en est pas moins précieuse; ce fut de tirer un meilleur parti des difficultés qu'on avoit surmontées, en produisant des ouvrages plus raisonnables & plus parfaits. Quand il n'y eut plus de mérite à émailler purement & simplement, on songea à peindre en émail; les Joailliers se firent peintres, d'abord copistes des ouvrages des autres, ensuite imitateurs de la nature.

Ce fut en 1632 qu'un orfévre de Châteaudun, qui entendoit très - bien l'art d'employer les émaux clairs & transparens, se mit à chercher l'autre peinture, qu'on appellera plus exactement peinture sur l'émail qu'en émail; & il parvint à trouver des couleurs, qui s'appliquoient sur un fond émaillé d'une seule couleur, & se parfondoient au feu. Il eut pour disciple un nommé Gribalin: ces deux peintres communiquerent leur secret à d'autres artistes qui le perfectionnerent, & qui pousserent la peinture en émail jusqu'au point où nous la possédons aujourd'hui. L'orfévre de Châteaudun s'appelloit Jean Toutin.

Le premier qui se distingua entre ces artistes, fut l'orfévre Dubié qui logeoit aux galeries du louvre. Peu de tems après Dubié, parut Morliere: il étoit d'Orléans. Il travailloit à Blois. Il borna son talent à émailler des bagues & des boîtes de montre. Ce fut lui qui forma Robert Vouquer de Blois, qui l'emporta sur ses prédécesseurs par la beauté des couleurs qu'il employa, & par la connoissance qu'il eut du dessein. Vouquer mourut en 1670. Pierre Chartier de Blois lui succéda, & peignit des fleurs avec quelque succès.

La durée de la peinture en émail, son lustre permanent, la vivacité de ses couleurs, la mirent alors en grand crédit: on lui donna sur la peinture en mignature une préférence, qu'elle eût sans doute conservée, sans les connoissances qu'elle suppose, la patience qu'elle exige, les accidens du feu qu'on ne peut prévoir, & la longueur du travail auquel il faut s'assujettir. Ces raisons sont si fortes, qu'on peut assûrer sans craindre de se tromper, qu'il y aura toûjours un très - petit nombre de grands peintres en émail; que les beaux ouvrages qui se feront en ce genre seront toûjours très - rares & très - précieux, & que cette peinture sera long tems encore sur le point de se perdre; parce que la recherche des couleurs prenant un tems infini à ceux qui s'en occupent, & les succès ne s'obtenant que par des expériences coûteuses & réitérées, on continuera d'en faire un secret. C'est pour cette raison que nous invitons ceux qui aiment les Arts, & que leur état & leur fortune ont élevés au - dessus de toute considération d'intérêt, de publier sur la composition des couleurs propres pour la peinture de l'émail & de la porcelaine, ce qu'ils peuvent en connoître; ils se feront beaucoup d'honneur, & ils rendront un service important à la Peinture. Les peintres sur l'émail ont une peine incroyable à completer leur palette; & quand elle est à peu près complete, ils craignent toûjours qu'un accident ne la dérange, ou que quelques couleurs dont ils ignorent la composition, & qu'ils employent avec beaucoup de succès, ne viennent à leur manquer. Il m'a paru, par exemple, que des rouges de Mars qui eussent de l'éclat & de la fixité étoient très - rares. Comment un Art se per.

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