ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"510"> Chimie; selon cette derniere étymologie le mot élixir signifieroit une préparation chimique, un remede préparé chimiquement.

On entend par élixir, une liqueur ordinairement spiritueuse, chargée, soit par l'extraction, soit par la distillation, des parties médicamenteuses de plusieurs drogues, & destinée à l'usage intérieur. Ce remede n'est donc proprement qu'une teinture composée ou un esprit composé (voyez Teinture & Esprit); mais on n'a donné le nom d'élixir à quelques - unes de ces préparations, que lorsqu'on a prétendu qu'étant prises par gouttes ou par cuillerées, elles devoient produire les effets les plus merveilleux dans la guérison des maladies contre lesquelles les remedes ordinaires sont le plus souvent impuissans, telles que la peste, les assections soporeuses, les poisons prétendus froids, l'épilepsie, & les autres maladies convulsives, la syncope, la paralysie, l'impuissance, la suppression des regles, la fiévre quarte, &c. sans compter les digestions languissantes, les défauts d'appétit; en un mot, quand on a célebré ces préparations comme possédant au plus haut degré la vertu alexitere, cordiale, nervine, tonique, antispasmodique, emmenagogue, fébrifuge, &c. c'est - à - dire lorsqu'on l'a à - peu - près érigée en remede universel.

Il ne paroît pas que les Grecs ni les Arabes ayent connu l'élixir: on ne trouve ni le mot ni la chose dans leurs ouvrages, si ce n'est chez les Alchimistes, qui donnoient le nom d'élixir à la pierre philosophale considérée comme medecine universelle; ce qui nous porte à croire que l'élixir ne fut inventé qu'après qu'Arnaud de Villeneuve eut fait connoître l'esprit - de - vin, ou que Raimond Lulle l'eut employé dans divers travaux sur les végétaux.

Ce fut sur - tout depuis Paracelse que les élixirs se multiplierent. Il publia lui - même un élixir fameux, à l'imitation duquel les pharmaciens modernes ont composé celui qui est aujourd'hui en vogue sous le nom d'élixir de propriété de Paracelse. Tous les disciples de ce chimiste en composerent comme leur maître, & il n'est presque point d'auteur de Chimie médicinale, ou de medecin prétendant au titre de chimiste, qui n'ait donné quelqu'élixir particulier. Les charlatans ont sur - tout répandu un grand nombre d'élixirs; & c'est sous cette forme, ou même sous ce nom, que les remedes tenus secrets ont fait le plus rapidement fortune, sur - tout chez les grands.

Les Medecins instruits savent à - présent que les élixirs les plus vantés, bien - loin d'être des secours presque surnaturels, sont à - peine des remedes, & que la plûpart ne different des liqueurs que l'on sert sur nos tables, qu'en ce que celles - ci sont rendues agréables au goût par le choix & la dose des aromates, & par le sucre; que d'ailleurs toutes ces liqueurs agréables sont stomachiques & cordiales, seules propriétés réelles des élixirs ordinaires. Secondement, que presque tous les élixirs connus, qui sont les seuls que le medecin puisse ordonner, sont aussi semblables entr'eux, quant à leurs propriétés réelles, que toutes les liqueurs spiritueuses de nos tables sont semblables entr'elles. Troisiemement, que les élixirs purgatifs, qui seroient les seuls qui pussent différer essentiellement des élixirs purement aromatiques & des liqueurs, seroient des remedes le plus souvent pernicieux, toûjours inutiles; car nous ne manquons pas de purgatifs de toutes les especes. Quatriemement, que les élixirs qu'on destineroit à réveiller ou a augmenter l'appétit vénérien, & l'aptitude à le satisfaire, seroient des secours au moins très - dangereux, & que le medecin ne pourroit par conséquent conseiller.

Pour toutes ces raisons l'usage des élixirs est peu commun dans la pratique de la Medecine dirigée par les Medecins; & le nombre de ces élixirs usuels est borné à six ou sept, que la pharmacopée de Paris a retenus, & qu'on trouve ordinairement chez tous les Apothicaires de cette ville. Ces élixirs sont l'élixir de propriété de Paracelse, avec acide & sans acide, ce dernier distillé sous le nom d'élixir blanc; l'élixir de Garrus, l'élixir stomachique, & l'élixir de vitriol. Voici la description de l'élixir stomachique, & celle de l'élixir de vitriol, tirées de la pharmacopée de Paris: nous réservons celle de l'élixir de propriété & celle de l'élixir de Garrus pour des articles particuliers qui suivront immédiatement celui - ci.

Elixir stomachique de la Pharmacopée de Paris. Prenez trois onces d'esprit carminatif de Sylvius, cinq onces d'esprit de menthe, une once d'eau de cannelle, une once d'eau de fleurs d'orange, quatre onces de teinture d'absinthe: mêlez le tout ensemble, & l'élixir sera fait: on le garde dans une bouteille fermée avec soin. Voyez la préparation de l'esprit carminatif de Sylvius au mot Esprit carminatif de Sylvius ; celle de l'esprit de menthe au mot Menthe; celle de l'eau de cannelle au mot Cannelle.

Elixir de Vitriol. Prenez une demi - once de racine de calamus aromaticus, une demi - once de racine de gentiane, trois dragmes de fleurs de camomille romaine, deux dragmes de feuilles de petite absinthe, trois dragmes de feuilles de menthe frisée, une dragme & demie de cannelle, une dragme & demie de cubebes, une dragme & demie de noix muscade, une dragme & demie de gingembre: pulverisez le tout grossierement; mettez - le dans un matras, & versez dessus quatre onces d'huile de vitriol: lorsque cette huile aura pénétré les matieres susdites, vous ajoûterez quatre onces d'esprit - de - vin rectifié, que vous ferez digérer pendant deux ou trois jours, après quoi vous verserez sur le tout douze autres onces d'esprit - de - vin rectifié, & vous laisserez digérer encore pendant quelques jours, après lesquels filtrez l'élixir, & le gardez dans une bouteille exactement fermée. (b)

Elixir de propriété de Paracelse. Dans la description que Paracelse a donnée de son élixir, il n'a point nommé le menstrue qu'il employoit, ou du moins il ne l'a désigné que sous un nom vague qui n'est entendu de personne; c'est pourquoi il ne faut point être surpris si on trouve chez les auteurs, des descriptions de cet élixir si différentes les unes des autres, chacun ayant interpreté le mot de circulé (c'est ainsi que Paracelse appelle son menstrue) comme il l'a jugé à - propos, ou du moins chacun ayant voulu substituer un menstrue qui pût remplir les vûes de l'auteur.

La description de cet élixir que Crollius, célebre disciple de Paracelse, nous a donnée, a long - tems prévalu dans les Pharmacopées: mais cette loi pharmaceutique a été enfin abrogée; & la préparation des pharmacopées modernes, qui porte encore le nom d'élixir de propriété de Paracelse, est très - différente de celle de Paracelse & de celle de Crollius: les voici toutes les trois.

Elixir de propriété de Paracelse. Archidox, lib. VIII. n° 6. de la myrrhe, de l'aloès hépatique, du safran, de chacun parties égales: faites circuler le tout au bain de sable, à une lente chaleur, pendant deux mois, après quoi retirez - en par la distillation à l'alembic une huile, que vous ferez digérer pendant un mois avec poids égal de circulé.

Elixir de propriété de Paracelse, tiré de la basilique chimique de Crollius. myrrhe d'Alexandrie, aloès hépatique, safran oriental, de chaque quatre onces. Ayant pulvérisé toutes ces drogues, mettez - les dans un matras; humectez - les avec de bon esprit - de - vin alkoolisé, & versez ensuite dessus de l'huile de soufre tirée par la cloche, & rectifiée; versez, dis - je, [p. 511] de cette huile jusqu'à ce qu'elle surpasse la matiere d'environ quatre doigts; faites digérer & circuler pendant deux jours, après quoi vous retirerez par décantation la liqueur teinte & chargée de l'extrait des drogues. Reversez sur la matiere restante de bon esprit - de - vin, que vous circulerez pendant deux mois, après quoi vous retirerez la liqueur, qui sera encore colorée, & vous la mêlerez à la premiere. Distillez à petit feu les foeces restantes, & ajoûtez ce qui en distillera d'abord aux teintures susdites, & vous ferez circuler de nouveau le tout ensemble pendant un mois. Crollius ajoûte qu'il faut avoir soin de commencer par arroser les ingrédiens avec une suffisante quantité d'esprit - de - vin, pour les réduire en une forme de pâte; ensuite de verser l'huile de soufre, autrement toute la matiere se brûleroit & deviendroit noire; c'est, dit notre auteur, ce que Paracelse a caché avec soin.

Elixir de propriété de Paracelse, selon la Pharmacopée de Paris. teintures de myrrhe, quatre onces; d'aloès, de sasran, de chaque trois onces: versez ces teintures dans un matras; faites - les digérer quelque tems, & gardez - les pour vous en servir au besoin.

Si on distille le mêlange, on aura l'élixir de propriété appellé dans les boutiques élixir blanc. Voyez Elixir de Garrus.

Si on prend une once du premier élixir, & qu'on y ajoûte douze gouttes d'esprit - de - soufre, on aura l'élixir de propriété avec acide.

Paracelse attribuoit de grandes vertus à son élixir; & Crollius dit d'après lui, que c'est le parfait élixir qui a toutes les vertus du baume naturel; qu'il opere des prodiges dans les maladies de la poitrine & du poumon: que c'est un excellent préservatif contre la peste & contre toutes les maladies qui peuvent être occasionnées par un air corrompu; qu'il purge l'estoma de toutes mauvaises humeurs; qu'il fortifie tous les visceres; qu'il est spécifique dans le marasme, dans les catarrhes, & dans la toux; qu'il prévient la paralysie & la goute; qu'il guérit la fiévre quarte, la mélancholie; qu'il retarde la vieillesse, enfin que c'est un vulnéraire parfait. Aujourd'hui nous employons notre élixir de propriété comme un très - bon stomachique, comme un cordial ordinaire, comme un assez bon hystérique, & comme un excellent emmenagogue: on le fait quelquefois entrer dans les opiates fébrifuges, & on a remarqué qu'il ne contribuoit pas peu à les rendre efficaces. La dose de l'élixir de propriété préparé selon la pharmacopée de Paris, est depuis 10, 12, 15 gouttes jusqu'à un gros. Il est très - important d'observer qu'il ne faut pas pousser la dose de l'élixir de propriété au - dessus d'un gros, parce qu'une dose plus forte purgeroit le malade, ce qu'on ne se propose point dans le plus grand nombre de cas; il y a même des personnes qui sont purgées à cette derniere dose.

On vante beaucoup dans les obstructions & dans toutes les maladies chroniques invétérées, l'élixir de propriété préparé avec de l'esprit - de - vin qu'on a chargé de terre foliée de tartre jusqu'à saturation. Voyez Terre foliée de Tartre au mot Tartre.

Elixir de Garrus. L'élixir de Garrus n'est autre chose, quant aux ingrédiens vraiment utiles, que l'élixir de propriété blanc (voyez Elixir de propriété): l'épicier de Paris, dont il porte le nom, n'a eu, pour s'enrichir en vendant sa liqueur au public, & son secret à l'état, qu'à mêler du sirop de capillaire à l'élixir de propriété blanc, & qu'à le déguiser par l'addition de quelques nouveaux aromates. La premiere opération est fort connue des garçons apothicaires, qui savent fort bien se procurer sur le champ des liqueurs fort agréables, en mêlant des eaux spiritueuses officinales & certains sirops simples, sur - tout le sirop de capillaire.

On trouve dans la pharmacopée de Paris, la description suivante de l'élixir de Garrus, dont la composition est publique depuis plusieurs années.

aloès, deux onces & demie; myrrhe, demi-once; sasran, deux gros; cannelle, gérofle, noix muscade, de chaque un scrupule: pilez le tout, & le mettez dans un matras, dans lequel vous verserez esprit - de - vin rectifié, deux livres; eau commune, deux onces: faites digérer pendant 12 heures, & retirez par la distillation au bain - marie tout l'espritde - vin.

Prenez l'esprit distillé, ajoûtez - y poids egal de sirop de capillaire, & tant - soit - peu d'eau de fleurs d'orange: mêlez exactement, & laissez reposer pendant quelques jours, au bout desquels vous verserez par inclination la liqueur de dessus les foeces, qui seront déposées au fond du vase où le mêlange aura été fait; c'est ce qu'on appelle élixir de Garrus.

Cet élixir ne differe pas même des liqueurs ordinaires par l'agrément du goût & du parfum qui distingue ces dernieres; ce n'est ici absolument qu'une liqueur des plus agréables; une legere odeur de myrthe & de safran, & des autres aromates que l'espritde - vin a emportée dans la distillation, fait toute sa vertu particuliere, s'il en a réellement quelqu'une qui ne lui soit pas commune avec toutes les eaux spiritueuses aromatiques, ce dont on peut douter à très - juste titre; les bons effets qu'il produit, quand ils seroient aussi réels & aussi multipliés qu'on le prétend; tout cela, dis - je, ne pouvant pas fournir même la plus legere présomption en sa faveur, jusqu'à ce qu'on ait éprouvé dans les mêmes cas les autres préparations de la même classe. La même considération doit s'étendre à la plûpart des prétendus spécisiques, mis en vogue par des charlatans, adoptés par le public, & même par les medecins, sur la foi des observations; car l'observation ne peut faire un titre de préférence qu'après la comparaison des remedes analogues. En un mot une vertu absolue n'est pas la même chose qu'une vertu supérieure, éminente, & exclusive.

La matiere restante dans l'alembic après la distillation de l'élixir, étant passée à - travers une étamine & épaissie en consistance de pilules, peut fort bien remplacer les pilules de Rufus, qui sont décrites dans la pharmacopée de Paris. Voyez Pilules de Rufus. (b)

Elixir (Page 5:511)

Elixir ou le grand Elixir, (Alchimie.) c'est un des noms mystérieux que les Alchimistes ont donné à la pierre philosophale, sur - tout lorsqu'ils l'ont considérée du côté de ses grandes vertus médicinales. Voyez Pierre philosophale & Philosophie hermétique. (b)

ELLE (Page 5:511)

ELLE, (Gramm.) pronom relatif féminin, sur lequel il ne sera pas inutile de dire un mot en faveur des étrangers qui étudient notre langue.

Il est certain, comme l'a remarqué le P. Bouhours, que elle au nominatif ne convient pas moins à la chose qu'à la personne; & que l'on dit également bien d'une maison & d'une femme, elle est agréable: mais dans les cas obliques, elle ne convient pas à la chose comme à la personne, & on ne diroit pas en parlant d'un homme à qui la Philosophie plairoit extrèmement, il s'attache fort à elle, il est charmé d'elle; il faut dire pour bien parler, il s'y attache fort, il en est charmé. On ne diroit pas aussi en parlant d'une victoire, j'ai fait un discours sur elle; on diroit bien néanmoins, une action de cette importance traîne de grands avantages après elle.

Quoiqu'il n'y ait proprement que l'usage qui puisse nous instruire à fond là - dessus, & qu'il soit difficile de rendre raison pourquoi l'un se dit plûtôt que l'autre, on peut cependant marquer quelques occasions, où elle se met fort bien dans les cas obliques. Par exemple:

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.