ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"368"> n'est point là son sens, & qu'il faut lui en donner un autre, quelqu'éloigné qu'il puisse être du sens littéral & naturel. Ils en ont usé de même pour attaquer les dogmes de l'Incarnation, de la Satisfaction de Jesus - Christ, de la Présence réelle, comme on peut le voir dans Socin, Crellius, Schlitingius, & dans ce vaste recueil de leurs auteurs, connu sous le titre de bibliotheque des freres Polonois. Mais pour sentir en même tems combien ces interprétations, pour la plûpart métaphoriques, sont dures & forcées, il suffit d'ouvrir la démonstration évangélique de M. Huet, le traité de l'Incarnation du P. Petau, les traités de la Trinité & de l'Incarnation de M. Vitasse, les ouvrages de Hoornebek, de Turretin, & de plusieurs autres théologiens protestans, auxquels nous devons cette justice, qu'ils ont combattu le Socinianisme avec beaucoup de force & de succès. Voyez Socianinisme.

Nous nous arrêterons d'autant moins ici à combattre la methode des Sociniens, que les raisons que nous allons proposer contre celles des Protestans, ont une force égale contre les excès du Socinianisme dont nous traiterons en son lieu avec une juste étendue. Voyez Sociniens & Socinianisme.

Nos controversistes prouvent donc contre les Protestans, que l'Ecriture - sainte n'est pas l'unique regle de notre foi, & que pour en découvrir le véritable sens l'esprit particulier est un guide infidele, mais qu'il faut recourir & s'en tenir à l'autorité de l'Eglise de J. C. seule juge infaillible en matiere de doctrine. Ils le prouvent, dis - je, 1°. par l'obscurité de l'Ecriture. Une loi, disent - ils, obscure & difficile à entendre, susceptible de sens différens & même contraires, exige un interprete & un juge infaillible qui en demêle, qui en fixe le véritable sens, & qui puisse décider souverainement les disputes qui s'élevent sur le fond même de cette loi, & sur les points de doctrine qui appartiennent à la foi. Or qui peut révoquer en doute l'obscurité de l'Ecriture en bien des points? sans cela pourquoi tant de commentaires, de gloses, d'interprétations, de dissertations qui ont exercé la pénétration des peres & des plus beaux génies? mais en même tems que de visions, que d'erreurs, quand on n'a voulu suivre que ses propres lumieres & qu'on s'est soustrait à la voic de l'autorité? Tous les interpretes tant orthodoxes qu'hétérodoxes reconnoissent cette obscurité. Ces seules paroles, par exemple, hoc est corpus meum, ont donné lieu chez les Protestans à un nombre infini d'interprétations différentes. Luther y voit clairement la présence réelle, & Calvin y voit clairement l'absence réelle. L'Ecriture seule pourra - t - elle décider entr'eux? Oüi, répond - on, en éclaircissant les passages obscurs par de moins obscurs ou d'une netteté évidente. Mais s'il arrive que l'un des deux partis conteste la prétendue clarté de ces passages, & quand on les aura tous épuisés, qui est - ce qui décidera? La raison ou l'esprit particulier? On sait l'usage ou plutôt l'abus que les Sociniens ont fait à cet égard de la raison; & quant à l'esprit particulier, Luther n'aura - t - il pas autant de droit que Calvin de prétendre qu'il possede dans un degré éminent le don d'entendre & d'interpreter les Ecritures, lui qui au rapport de M. Bossuet, hist. des Variat. tom. I. liv. II. n. 28 s'exprimoit de la sorte: Je dirai sansva<-> nitè, que depuis mille ans l'Ecriture n'a jamais été ni si repurgée, ni si bien expliquée, ni mieux entendue qu'elle l'est maintenant par moi. On sent donc que par ces deux voies la dispute deviendroit interminable.

Les peres, dont ce n'est pas assûrement outrer l'éloge que de dire qu'ils ont eû le sens naturel aussi pénétrant que Luther & Calvin, & qu'ils ont au moins égalé ces deux novateurs par la variété & la profondeur des connoissances acquises, nous ont tracé une voie bien differente. En reconnoissant d'une part l'obscurité des Ecritures, ils ont insisté sur la nécessité de recourir à une autorité extérieure & infaillible, seule capable de fixer le sens des Livres saints, & de décider souverainement des matieres de foi. Hîc for<-> sitan requiret aliquis, dit Vincent de Lérins dans son avertissement chap. ij, cùm sit perfectus scripturarum canon, sibique ad omnia satis superque sufficiat, quid opus est ut ei ecclesiasticoe intelligentioe jungatur auto<-> ritas? Quia videlicet Scripturam - sacram pro ipsâ suâ altitudine non uno eodemque sensu universi accipiunt; sed ejusdem eloquia aliter alius atque alius interpretatur, ut penè quot homines sunt, tot illinc sententioe erui posse videantur. Aliter namque Novatianus, aliter Sa<-> bellius &c. exponit: atque idcirco multùm necesse est propter tantos tam varii erroris anfractus ut prophetice & apostolicoe interpretationis linea secundùm ecclesiasti<-> ci & catholici sensûs normam dirigatur. Or la regle dont parle ici Vincent de Lérins, n'est autre que le jugement & la décision infaillible de l'Eglise. S. Augustin n'est pas moins précis sur cette matiere: voici comme il s'exprime lib. III. de doct. Christ. cap. ij. n. 2. Cum verba propria faciunt ambiguam Scripturam, primo videndum est ne malè distinxerimus aut pronun<-> ciaverimus; cùm ergo adhibita intentio incertum esse. per<-> viderit, quomodo distinguendum aut quomodo pronun<-> ciandum sit, consulat regulam fidei quam de Scripturarum planioribus locis & Ecclesioe autoritate percepit. S. Augustin ne condamne pas, il approuve, il recommande même le travail & les recherches pour découvrir le vrai sens des Ecritures; il reconnoît que les passages clairs peuvent & doivent servir à éclaircir les endroits obscurs & difficiles: mais avec cela seroit - on à couvert de toute erreur, de toute méprise? non, il reste encore une regle la seule infaillible: l'autorité de l'Eglise: consulat regulam fidei quam de Ecclesioe autoritate percepit. L'obscurité seule de l'E<-> criture prouve donc suffisamment que l'Ecriture n'est pas l'unique regle de notre foi, & qu'il faut une autorité extérieure & infaillible qui détermine & fixe le sens des livres saints.

2°. L'Ecriture - sainte seule & par elle - même est insuffisante pour terminer toutes les disputes en matiere de foi. En effet, sans parler des disputes qui se sont élevées depuis la naissance de l'Eglise & même parmi les Protestans, soit sur le texte original, soit sur les versions de l'Ecriture, sur la canonicité des livres saints, sur le vrai sens d'une infinité de passages; combien de points de foi que les Protestans admettent conjointement avec les Catholiques, quoiqu'ils ne soient pas expressément contenus dans l'Ecriture? Où trouvent - ils par exemple, dans les livres saints, qu'il n'y a que quatre évangiles; que le pere éternel, la premiere personne de la sainte Trinité, n'a pas été engen<-> dré; que Marie a conservé sa virginité après son ensan<-> tement; qu'on peut baptiser les enfans nouveau - nés; que leur baptême est valide; que le baptême des héréti<-> ques est bon & valide? Ils ne peuvent que répondre ainsi que nous avec Tertullien dans son livre de la Couronne. chap. jv. Harum & aliarum ejusmodi aisci<-> plinarum, si legem expostules scripturarum, nullam in<-> venies: traditio sibi pretendetur auctrix, consuetudo confirmatrix, & fides observatrix: & avec S. Augustin dans son livre du Baptême contre les Donatistes, chap. xxiij n. 31. sunt multa quoe universa tenet Ecclesia, & ob hoc ab apostolis proecepta benè creduntur, quanquant scripta non reperiantur. Or si l'Eglise est juge du sens de l'Ecriture, comme nous venons de le montrer, à plus forte raison l'est - elle de ses traditions non écrites qu'elle conserve dans son sein lorsqu'elle les trouve fondées, ou qu'elle rejette lorsqu'elles lui paroissent suspectes ou mal - établies.

3°. De l'aveu même des protestans, l'Ecriture est loi en matiere de doctrine; comment pourroit - elle être en même tems juge des points controversés & [p. 369] contenus dans le corps de la loi? Dans toute république bien reglée le juge & la loi sont deux choses très - distinguées. La loi prescrit à la verité ce qu'il faut faire, ou défend ce qu'il ne faut pas faire; mais c'est une regle morte pour ainsi dire; il faut encore une regle vivante, une autorité qui explique le sens de la loi, qui applique l'esprit de la loi aux différens cas, qui dans le cas de partage entre deux contendans qui cherchent à trouver dans la loi un sens favorable à leur cause, déclare & décide souverainement que l'un des deux se trompe, ou même que tous deux sont dans l'erreur: car cette loi est claire, précise, ou ne l'est pas: si elle l'est, suivant la prétention des Protestans, pourquoi donc les Luthériens & les Calvinistes ont - ils vû naître avec eux sur le sens de cette loi des contestations qui problablement ne finiront qu'avec eux? si elle ne l'est pas, il faut donc un interprete, un juge qui l'éclaircisse, qui en détermine le vrai sens: ce ne peut être l'esprit particulier, borné, foible, inconstant, sujet à l'erreur, abondant en son sens. Il faut donc une autorité établie de Dieu même & infaillible, qui puisse décider souverainement du sens de la loi: autrement J. C. auroit bien mal pourvû à l'établissement & au maintien de sa religion.

4°. Aussi, soit dans l'ancienne, soit dans la nouvelle loi, la sagesse divine a - t - elle établi un tribunal visible, toujours subsistant, infaillible & juge souverain en matiere de doctrine, & elle a commandé aux fideles de consulter cette autorité & de se soûmettre à ses décisions. La chose est évidente pour l'ancien Testament par un texte du Deuteronom. cap. xvij vers. 8 & suiv. texte si connu qu'il n'est pas besoin de le citer. L'existence & l'antorité souveraine & infaillible de cetribunal dans la loi nouvelle, n'est pas moins évidemment attestée par ce peu de paroles que J. C. adressa aux apôtres & à leurs successeurs: Matth. cap. ult. Omnis potestas data est mi<-> hi in coelo & in terrâ: ite ergo, docete omnes gentes, baptisantes eos in nomine Patris & Filii & Spiritûs sanc<-> ti, docentes eos, servare quoecumque proecepi vobis: & eccè ego vobiscum sum usque ad consummationem soe<-> culi. Promesse dont le grand Bossuet a si bien compris toute l'énergie, qu'il ne craint pas de dire, Instruct. II. sur l'Eglise, pag. 3: « Que J. C. avoit mis en cinq ou six lignes de son Evangile tant de sagesse, tant de lumiere, tant de vérité, qu'il y a de quoi convertir tous les errans, pourvû seulement qu'ils veuillent bien prêter une oreille qui écoute, & ne pas fermer volontairement les yeux. Qu'il y a dans ces six lignes de quoi trancher tous les doutes par un principe commun & universel. Que J. C. y a préparé un remede efficace aux contestations qui peuvent jamais s'élever, & qu'enfin cette promesse emporte les décisions de toutes les controverses qui sont nées ou qui pourront naître. » Or la plûpart de ces contestations ont eu pour objet le sens des Ecritures. L'Eglise seule étoit donc le juge compétent & infaillible qui pût & dût en décider en dernier ressort, & non l'esprit particulier qui ne peut que nous séduire & nous égarer.

Les Protestans ne manquent pas de subtilités pour éluder la force de ces argumens. On peut voir dans les savans ouvrages des cardinaux Bellarmin, du Perron & de Richelieu, dans les controverses du P. Veron Jésuite, & dans celles de M. de Wallembourg, dans les instructions pastorales de M. Bossuet, enfin dans les livres de MM. Arnaud, Nicole, Pelisson, &c. les réponses solides qu'ils ont opposées aux subterfuges & aux chicannes des ministres. Au reste cet article n'est pas destiné à convertir des gens moins attachés peut - être à leurs opinions par conviction que par entêtement. Mais comme ce dictionnaire tombera infailliblement entre les mains de personnes que je suppose éclairées jusqu'à un certain point, & qui professent de bonne foi les erreurs dans lesquelles elles se trouvent engagées par le malheur de leur naissance; aux preuves que je viens de proposer, & dont je les prie de peser la force dans la balance du sanctuaire, je n'ajoûterai qu'un préjugé qui pourra faire sur elles quel qu'impression: « De bonne foi, leur dirois - je, pensez - vous avoir plus d'étendue de génie pour découvrir & pénetrer le sens des Ecritures qu'un S. Augustin? vous croiriez - vous plus favorisé que lui de l'onction intérieure & des mouvemens du S. Esprit qui peuvent en faciliter l'intelligence? Et bien, écoutez ce que dit ce docteur si éclairé, si profond, pieux, si versa dans l'Ecriture des livres saints: non, dit - il, je ne croirois point à l'évangile, si je n'étois touché & déterminé par l'autorité de l'Eglise catholique: ego vero evangelio non crederem, nisi me Ecclesioe catholi<-> coe commoveret autoritas. Lib. contr. epist. fundam. cap. jx. n. 8. Décidez maintenant vous - même, conclurois - je, si vous devez vous en rapporter en matiere de doctrine, à l'autorité seule de l'Ecriture interpretée par vous - même, & oser ce que tant de grands hommes n'ont osé; être juge dans votre propre cause, & dans la cause la plus intéressante qui fut jamais. Voyez Eglise. (G)

Ecritures (Page 5:369)

Ecritures, (Comparaison d') Jurisprud. Voyez Comparaison d'Ecritures. Comme cet article de Jurisprudence est traité completement au renvoi qu'on vient de citer, nous nous contenterons de remarquer ici sur cette importante matiere, que nonobstant tous les moyens des plus habiles experts pour discerner les écritures, leur art est si fautif, & l'incertitude de cet art pour la vérification des écri<-> tures est si grande, que les nations plus jalouses de protéger l'innocence que de punir le crime, défendent à leurs tribunaux d'admettre la preuve par com<-> paraison d'lcritures dans les procès criminels.

Ajoûtons que dans les pays où cette preuve est reçue, les juges en dernier ressort ne doivent jamais la regarder que comme un indice. Je ne rappellerai pointici le livre plein d'érudition fait par M. Rolland le Vayer; tous nos jurisconsultes connoissent ce petit ouvrage, dans lequel ce savant avocat tâche de justifier que la preuve par comparaison d'écritures doit être très - suspecte. Il nous semble que l'expérience de tous les tems confirme cette opinion.

En vain dit - on que les traits de l'écriture aussi bien que ceux du visage, portent avec eux un certain air qui leur est propre, & que la vûe saisit d'abord. Je réponds qu'on peut par l'art & l'habitude contrefaire & imiter parfaitement cet air & ces traits. Les experts qui assûrent que telles & telles écritures sont semblables & partent d'une même main, ne peuvent jamais se fonder que sur une apparence, un indice; or la vraissemblance de l'écriture n'est pas moins trompeuse que celle du visage. On a vû des faussaires abuser les juges, les particuliers, & les experts même, par la conformité des écritures. Je n'en citerai que quelques exemples.

L'écriture & la signature du faux Sébastien qui parut à Venise en 1598, ne furent - elles pas trouvées conformes à celles que le roi Sébastien de Portugal avoit faites en 1578, lorsqu'il passa en Afrique contre les Maures? Hist. septent. liv. IV. p. 249.

En l'année 1608, un nommé François Fava medecin, reçut la somme de 10000 ducats à Venise sur de fausses lettres de change d'Alexandre Bossa banquier à Naples, neveu & correspondant de celui à qui elles étoient adressées.

En 1728, un François reçut à Londres du banquier du sieur Charters, si connu par ses vices & par ses crimes, une somme de trois à quatre mille livres sterling, sur de fausses lettres de change que le François avoit faites de Spa à ce banquier au nom

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