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Nous nous arrêterons d'autant moins ici à combattre
la methode des Sociniens, que les raisons que
nous allons proposer contre celles des Protestans,
ont une force égale contre les excès du Socinianisme
dont nous traiterons en son lieu avec une juste étendue. Voyez
Nos controversistes prouvent donc contre les Protestans, que l'Ecriture - sainte n'est pas l'unique regle de notre foi, & que pour en découvrir le véritable sens l'esprit particulier est un guide infidele, mais qu'il faut recourir & s'en tenir à l'autorité de l'Eglise de J. C. seule juge infaillible en matiere de doctrine. Ils le prouvent, dis - je, 1°. par l'obscurité de l'Ecriture. Une loi, disent - ils, obscure & difficile à entendre, susceptible de sens différens & même contraires, exige un interprete & un juge infaillible qui en demêle, qui en fixe le véritable sens, & qui puisse décider souverainement les disputes qui s'élevent sur le fond même de cette loi, & sur les points de doctrine qui appartiennent à la foi. Or qui peut révoquer en doute l'obscurité de l'Ecriture en bien des points? sans cela pourquoi tant de commentaires, de gloses, d'interprétations, de dissertations qui ont exercé la pénétration des peres & des plus beaux génies? mais en même tems que de visions, que d'erreurs, quand on n'a voulu suivre que ses propres lumieres & qu'on s'est soustrait à la voic de l'autorité? Tous les interpretes tant orthodoxes qu'hétérodoxes reconnoissent cette obscurité. Ces seules paroles, par exemple, hoc est corpus meum, ont donné lieu chez les Protestans à un nombre infini d'interprétations différentes. Luther y voit clairement la présence réelle, & Calvin y voit clairement l'absence réelle. L'Ecriture seule pourra - t - elle décider entr'eux? Oüi, répond - on, en éclaircissant les passages obscurs par de moins obscurs ou d'une netteté évidente. Mais s'il arrive que l'un des deux partis conteste la prétendue clarté de ces passages, & quand on les aura tous épuisés, qui est - ce qui décidera? La raison ou l'esprit particulier? On sait l'usage ou plutôt l'abus que les Sociniens ont fait à cet égard de la raison; & quant à l'esprit particulier, Luther n'aura - t - il pas autant de droit que Calvin de prétendre qu'il possede dans un degré éminent le don d'entendre & d'interpreter les Ecritures, lui qui au rapport de M. Bossuet, hist. des Variat. tom. I. liv. II. n. 28 s'exprimoit de la sorte: Je dirai sansva<-> nitè, que depuis mille ans l'Ecriture n'a jamais été ni si repurgée, ni si bien expliquée, ni mieux entendue qu'elle l'est maintenant par moi. On sent donc que par ces deux voies la dispute deviendroit interminable.
Les peres, dont ce n'est pas assûrement outrer l'éloge que de dire qu'ils ont eû le sens naturel aussi pénétrant que Luther & Calvin, & qu'ils ont au moins égalé ces deux novateurs par la variété & la profondeur des connoissances acquises, nous ont tracé une voie bien differente. En reconnoissant d'une part
2°. L'Ecriture - sainte seule & par elle - même est insuffisante pour terminer toutes les disputes en matiere de foi. En effet, sans parler des disputes qui se sont élevées depuis la naissance de l'Eglise & même parmi les Protestans, soit sur le texte original, soit sur les versions de l'Ecriture, sur la canonicité des livres saints, sur le vrai sens d'une infinité de passages; combien de points de foi que les Protestans admettent conjointement avec les Catholiques, quoiqu'ils ne soient pas expressément contenus dans l'Ecriture? Où trouvent - ils par exemple, dans les livres saints, qu'il n'y a que quatre évangiles; que le pere éternel, la premiere personne de la sainte Trinité, n'a pas été engen<-> dré; que Marie a conservé sa virginité après son ensan<-> tement; qu'on peut baptiser les enfans nouveau - nés; que leur baptême est valide; que le baptême des héréti<-> ques est bon & valide? Ils ne peuvent que répondre ainsi que nous avec Tertullien dans son livre de la Couronne. chap. jv. Harum & aliarum ejusmodi aisci<-> plinarum, si legem expostules scripturarum, nullam in<-> venies: traditio sibi pretendetur auctrix, consuetudo confirmatrix, & fides observatrix: & avec S. Augustin dans son livre du Baptême contre les Donatistes, chap. xxiij n. 31. sunt multa quoe universa tenet Ecclesia, & ob hoc ab apostolis proecepta benè creduntur, quanquant scripta non reperiantur. Or si l'Eglise est juge du sens de l'Ecriture, comme nous venons de le montrer, à plus forte raison l'est - elle de ses traditions non écrites qu'elle conserve dans son sein lorsqu'elle les trouve fondées, ou qu'elle rejette lorsqu'elles lui paroissent suspectes ou mal - établies.
3°. De l'aveu même des protestans, l'Ecriture est loi en matiere de doctrine; comment pourroit - elle être en même tems juge des points controversés & [p. 369]
4°. Aussi, soit dans l'ancienne, soit dans la nouvelle
loi, la sagesse divine a - t - elle établi un tribunal
visible, toujours subsistant, infaillible & juge souverain
en matiere de doctrine, & elle a commandé
aux fideles de consulter cette autorité & de se soûmettre
à ses décisions. La chose est évidente pour
l'ancien Testament par un texte du Deuteronom.
cap. xvij vers. 8 & suiv. texte si connu qu'il n'est pas
besoin de le citer. L'existence & l'antorité souveraine
& infaillible de cetribunal dans la loi nouvelle,
n'est pas moins évidemment attestée par ce peu de
paroles que J. C. adressa aux apôtres & à leurs successeurs: Matth. cap. ult. Omnis potestas data est mi<->
hi in coelo & in terrâ: ite ergo, docete omnes gentes,
baptisantes eos in nomine Patris & Filii & Spiritûs sanc<->
ti, docentes eos, servare quoecumque proecepi vobis: &
eccè ego vobiscum sum usque ad consummationem soe<->
culi. Promesse dont le grand Bossuet a si bien compris
toute l'énergie, qu'il ne craint pas de dire,
Instruct. II. sur l'Eglise, pag. 3:
Les Protestans ne manquent pas de subtilités pour éluder la force de ces argumens. On peut voir dans les savans ouvrages des cardinaux Bellarmin, du Perron & de Richelieu, dans les controverses du P. Veron Jésuite, & dans celles de M. de Wallembourg, dans les instructions pastorales de M. Bossuet, enfin dans les livres de MM. Arnaud, Nicole, Pelisson, &c. les réponses solides qu'ils ont opposées aux subterfuges & aux chicannes des ministres. Au reste cet article n'est pas destiné à convertir des gens moins attachés peut - être à leurs opinions par conviction que par entêtement. Mais comme ce dictionnaire tombera infailliblement entre les mains de personnes que je suppose éclairées jusqu'à un certain
Ecritures (Page 5:369)
Ajoûtons que dans les pays où cette preuve est reçue, les juges en dernier ressort ne doivent jamais la regarder que comme un indice. Je ne rappellerai pointici le livre plein d'érudition fait par M. Rolland le Vayer; tous nos jurisconsultes connoissent ce petit ouvrage, dans lequel ce savant avocat tâche de justifier que la preuve par comparaison d'écritures doit être très - suspecte. Il nous semble que l'expérience de tous les tems confirme cette opinion.
En vain dit - on que les traits de l'écriture aussi bien que ceux du visage, portent avec eux un certain air qui leur est propre, & que la vûe saisit d'abord. Je réponds qu'on peut par l'art & l'habitude contrefaire & imiter parfaitement cet air & ces traits. Les experts qui assûrent que telles & telles écritures sont semblables & partent d'une même main, ne peuvent jamais se fonder que sur une apparence, un indice; or la vraissemblance de l'écriture n'est pas moins trompeuse que celle du visage. On a vû des faussaires abuser les juges, les particuliers, & les experts même, par la conformité des écritures. Je n'en citerai que quelques exemples.
L'écriture & la signature du faux Sébastien qui parut à Venise en 1598, ne furent - elles pas trouvées conformes à celles que le roi Sébastien de Portugal avoit faites en 1578, lorsqu'il passa en Afrique contre les Maures? Hist. septent. liv. IV. p. 249.
En l'année 1608, un nommé François Fava medecin, reçut la somme de 10000 ducats à Venise sur de fausses lettres de change d'Alexandre Bossa banquier à Naples, neveu & correspondant de celui à qui elles étoient adressées.
En 1728, un François reçut à Londres du banquier
du sieur Charters, si connu par ses vices &
par ses crimes, une somme de trois à quatre mille
livres sterling, sur de fausses lettres de change que
le François avoit faites de Spa à ce banquier au nom
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