ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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III. Les interpretes distinguent deux sortes de sens dans l'Ecriture; un sens littéral & historique, & un sens mystique, spirituel & figuré.

1°. On entend par sens littéral & historique, celui qui résulte de la force des termes dont les auteurs sacrés se sont servis.

Le sens littéral se soûdivise en sens propre & en sens métaphorique.

Le sens littéral propre est celui qui résulte de la force naturelle des termes, & qui conserve aux expressions leur signification grammaticale: l'Ecriture, par exemple, dit (Matt. chap. iij.) que Jesus - Christ a été baptisé par S. Jean dans le Jourdain. Le sens littéral & propre de ce passage, c'est qu'un homme appellé Jean, a réellement plongé Jesus - Christ dans le fleuve appellé Jourdain. Voyez Sens.

Le sens littéral métaphorique est celui qui résulte des termes, non pris dans leur signification naturelle & grammaticale, mais pris selon ce qu'ils signifient, ce qu'ils représentent, & ce qu'ils figurent dans l'intention de ceux qui s'en servent. L'Ecriture (S. Jean, ch. j. vers. 29.) nomme Jesus - Christ agneau; le terme agneau, pris en lui - même, présente à l'esprit l'idée d'un animal propre à être coupé & mangé. Or il est visible que cette signification ne convient pas au terme agneau appliqué à Jesus - Christ: on doit donc le prendre dans un autre sens. L'agneau est le symbole & l'emblême de la douceur. Jesus - Christ étoit la douceur par essence, & c'est précisément à cause de cette prérogative, que les auteurs sacrés lui ont donné par métaphore la dénomination d'agneau. On lit dans les livres saints (Exod. ch. xxxiij. vers. 31. Job, ch. x. v. 8.) que Dieu a des mains, des yeux, &c. ces termes pris en eux - mêmes, représentent des membres composés d'os, de chair, de fibres, de tendons, &c. la raison découvre d'elle - même qu'ils ne peuvent avoir ce sens lorsqu'ils sont appliqués à Dieu, puisqu'il est un être purement spirituel. Les yeux sont l'emblême de la science, & la main est celui de la toute - puissance. Or c'est précisément à cause de cette analogie, que l'Ecriture donne à Dieu par métaphore des mains & des yeux. Voyez Métaphore & Métaphorique.

2°. On entend par sens mystique, spirituel, & fi<-> guré, celui qui est caché sous l'écorce du sens littéral qui résulte de la force naturelle des termes. Un passage a un sens mystique, spirituel & figuré, quand son sens littéral cache une peinture mystérieuse & quelqu'évenement futur, ou, ce qui revient au même, quand son sens littéral présente à l'esprit quelqu'autre chose que ce qu'il présente de lui - même & du premier coup d'oeil. Voyez Mystique, Figuré.

Le sens mystique se soûdivise en allégorique, en tropologique ou moral, & en anagogique.

Le sens mystique allégorique est celui qui, caché sous le sens litteral, a pour objet quelqu'évenement futur qui regarde Jesus - Christ & son Eglise. L'Ecri<-> ture (Genes. chap. xxij. v. 6.) nous apprend qu'Isaac porta sur ses épaules le bois qui devoit servir à son sacrifice. Ce fait, selon les figuristes, dans l'intention même du Saint - Esprit, est une image parlante du mystere de la passion du Sauveur. Voyez Allégorie & Allégorique.

Le sens mystique tropologique ou moral est celui qui, caché sous l'écorce de la loi, a pour objet quelque vérité qui intéresse les moeurs & la conduite des hommes (voyez Moral & Tropologique). C'est dans ce sens que la loi (Deuter. xxv. vers. 4.) qui défend de lier la bouche du boeuf qui foule le grain, marque dans l'intention du saint - Esprit, l'obligation où les Chrétiens sont de fournir aux ministres de l'évangile, tout ce qui leur est nécessaire pour leur subsistance.

Le sens mystique anagogique est celui qui, caché sous le sens littéral, a pour objet les biens célestes & la vie éternelle. Les promesses des biens temporels, selon les Figuristes, ne sont dans l'intention du Saint - Esprit, que des images & des emblêmes des biens spirituels. Voyez Anagogie & Anagogique.

De la distinction de ces divers sens, il résulte qu'on peut interpréter différemment les Ecritures: mais il y a en cette matiere deux excès à éviter; l'un, de se borner au sens littéral, sans vouloir admettre aucun sens spirituel & figuré; l'autre, de vouloir trouver des figures dans tous les textes des livres saints. Le milieu qu'il faut tenir entre ces deux écueils, est de reconnoître par - tout un sens littéral dans l'Ecri<-> ture, & d'admettre des sens figurés dans quelquesunes de ses parties.

Que l'Ecriture ait un sens littéral, c'est une vérité facile à démontrer par la nature des choses qu'elle renferme & par leur destination. L'Ecriture contient l'histoire du peuple de Dieu & de sa religion, & des vérités dogmatiques, soit de spéculation, soit de pratique: sa destination est de regler la croyance & les moeurs des hommes, & de les conduire à leur terme, à l'éternité. Or tout cela exige de la part d'un législateur infiniment sage, que ses mysteres, ses volontés, ses lois, les prophéties qui attestent sa toute - science, les miracles qui confirment la vérité de sa religion, soient exprimés dans un sens litteral, qui résulte de la propriété des termes qui en forment le style, sans quoi ses leçons deviendroient inutiles & infructueuses, pour ne rien dire de plus, puisque d'un côté l'obscurité de l'ouvrage, & de l'autre la curiosité & le sanatisme autoriseroient l'imagination à y trouver tout ce qu'il lui plairoit.

Mais que ce sens littéral renferme quelquefois un sens mystique, c'est ce que nous prouverions encore aisément par plusieurs exemples de l'Ecriture: nous n'en choisirons qu'un. Ces paroles du pseaume cjx. le Seigneur a dit à mon Seigneur, asseyez - vous à ma droite, s'entendent à la lettre de David, lorsqu'il désigna Salomon pour son successeur; cependant elles ont un sens spirituel, plus sublime & plus relevé, puisqu'elles doivent aussi s'entendre du Messie, qui, quoique fils de David selon la chair, devoit être appellé son Seigneur, selon l'esprit, c'est - à - dire respectivement à sa nature divine, ainsi que Jesus - Christ l'apprit aux Juifs: Quomodo ergo David in spiritu vo<-> cat eum Dominum, dicens, dixit Dominus Domino meo, &c. Néanmoins de ce qu'il y a plusieurs sens mystiques & spirituels dans l'Ecriture, on en conclueroit mal que toutes les phrases & les parties de l'Ecriture renferment toûjours un pareil sens.

De cette derniere prétention est né le système des Figuristes, sous prétexte que Jesus - Christ est prédit & figuré dans les Ecritures, & que ce sont elles qui ren<-> dent témoignage de lui, selon S. Jean, ch. v. vers. 45; que les prophéties ont été accomplies en J. C. que, selon S. Paul aux Romains, ch. x. vers. 4, Jesus - Christ est la fin & le terme de la loi; que, selon le même apôtre aux Corinthiens, épît. I. chap. x. vers. 11, tout ce qui arrivoit aux anciens Juifs n'étoit qu'une figure, un emblême de ce qui devoit s'accomplir en Jesus - Christ & dans la loi nouvelle: hoec autem omnia in figurâ contingebant illis. Enfin, sous prétexte que suivant la doctrine constante des Peres, la lettre tue, & qu'on demeure dans la mort avec les Juifs, lorsqu'on s'ar<-> rête à l'écorce de l'Ecriture; que l'Esprit vivifie, & qu'il faut avoir recours à l'intelligence spirituelle & au sens fi<-> guré: sous ce prétexte, dis - je, les Figuristes soûtiennent que tout est symbolique ou allégorique dans les Ecritures.

Mais outre que l'absurdité de ce système est palpable par l'abus que le fanatisme peut faire, & ne fait que trop, d'une pareille méthode, il est clair que [p. 367] quoique Jesus - Christ soit dépeint & annoncé dans les Ecritures, il ne l'est pas dans toutes les parties de ces livres sacrés; que Jesus - Christ est la fin de la loi, non entant qu'il y est figuré par - tout, mais entant qu'il est auteur de la grace & de la justice intérieure que la loi seule ne pouvoit donner: lex per Moysem data est, dit S. Jean, ch. j. vers. 17, gratia & veritas per Jesum - Christum facta est. Il n'est pas moins évident qu'on prend à contre - sens le passage de l'apôtre, hoec autem omnia in figurâ contingebant illis (Judoeis), comme si tout absolument étoit figuratif dans l'ancienne loi; car dans ce texte le mot latin figura, répond au terme grec TU/POS2, qui signifie exemple, modele, comme Vatable & Menochius l'ont fort bien remarqué. Or dans ce cas S. Paul veut simplement dire: toutes les choses qui sont arrivées aux Juifs, sont des exemples pour nous; elles doivent nous regler dans ce qui nous ar<-> rive aujourd'hui; c'est pour notre instruction qu'elles ont été écrites. Il se propose en effet, dans le chapitre jx. d'exciter la vigilance des Chrétiens & la correspondance à la grace par son propre exemple: corpus meum castigo & in servitutem redigo, ne fortè cum aliis proedicaverim, ipse reprobus efficiar. Or c'est ce qu'il confirme dans le chap. x. par l'exemple des Hébreux, qui, malgré les bienfaits dont Dieu les avoit comblés au sortir de l'Egypte, étoient devenus prévaricateurs, & l'objet des vengeances divines: non in pluribus eorum beneplacitum est Deo, nam prostrati sunt in deserto: puis il conclut, hoec autem omnia in figurâ contingebant illis, c'est - à - dire tous ces évenemens sont autant d'exemples frappans pour les Chrétiens, de ne pas se prévaloir & de ne point abuser des bienfaits de Dieu, mais de perséverer & de lui être fideles. Aussi ajoûte - t - il incontinent: ces faits ont été écrits pour notre instruction, à nous autres qui nous trouvons à la fin des tems; que celui donc qui croit être ferme, pren<-> ne bien garde à ne pas tomber. Je ne prétens pas au reste, que ce texte soit absolument exclusif de tout sens figuré, puisque ce dixieme chapitre contient des figures que l'apôtre explique, telle que celle - ci: bibe<-> bant de spiritali consequente eos petrâ, petra autem erat Christus. Mais en conclure que tout est figure dans l'ancien Testament, c'est une chimere & une illusion. Enfin les Peres ne sont pas plus favorables que les Ecritures au figurisme moderne. Ils ont dit, à la vérité, que la lettre tue, mais on quel sens? lorsqu'on s'attache si rigoureusement à la signification littérale des termes, qu'on rejette absolument tout sens métaphorique, ainsi qu'il est arrivé aux Anthropomorphites, qui, sous prétexte qu'ils lisoient dans l'Ecriture que Dieu a des piés, des mains, des yeux, &c. ont soûtenu que Dieu étoit corporel: ou lorsqu'à l'exemple des Juifs l'on ne veut reconnoître sous le sens littéral aucun sens spirituel, qui ne convienne qu'à Jesus - Christ & à son Eglise, & qu'on en borne l'accomplissement à des personnages purement historiques. Voyez Figure, Figure, Figurisme, Anthropomorphites, Prophéties

Il y a encore un système soûtenu par quelques théologiens modernes, après Grotius, sur le sens des prophéties en particulier, & qui consiste à dire qu'elles ont été accomplies littéralement & dans leur sens propre avant Jesus - Christ, & qu'elles ont été aussi accomplies dans la personne de cet homme Dieu, mais dans un sens plus sublime, & d'une maniere plus noble & plus distinguée. Nous en donnerons l'exposition & la réfutation à l'article Prophétie.

On sent assez que pour éviter les écarts où peut jetter une imagination échauffée, tant pour l'universalité du sens figuré à chaque page & à chaque mot de l'Ecriture, que pour ce double sens qu'on prétend trouver dans toutes les prophéties, il est nécessaire de recourir à une autorité suffisante pour fixer & déterminer le sens des Ecritures; autrement chaque particulier peut être l'auteur seul, & tout ensemble, le seul sectateur de la religion qu'il lui plaira d'établir & de suivre. Cette réflexion nous conduit naturellement à discuter la quatrieme question générale que nous nous sommes proposé d'éclaircir; savoir de quelle autorité est l'Ecriture - sain<-> te en matiere de doctrine.

IV. A l'exception des incrédules qui rejettent toute révélation, tout le monde convient que l'Ecrituresainte étant la parole de Dieu, elle est la regle de notre foi: mais en est - elle l'unique regle? c'est sur quoi l'on se partage.

Les Catholiques conviennent unanimement, 1°. que l'Ecriture - sainte est une des regles de notre foi, mais non pas l'unique: 2°. qu'outre la parole de Dieu écrite, il faut encore admettre la tradition ou la parole de Dieu non écrite par des écrivains inspirés, que les apôtres ont reçue de la propre bouche de Jesus - Christ, qu'ils ont transmise de vive - voix à leurs successeurs, qui est passée de main en main jusqu'à nous, par l'enseignement des ministres & des pasteurs, dont les premiers ont été instruits par les apôtres, c'est - à - dire qu'elle s'est conservée pure par la prédication des SS. docteurs qui ont écrit sur les matieres de la religion: 3°. ils ajoûtent que la fixation des vérités chrétiennes dépendant essentiellement de la connoissance des doctrines renfermées dans l'Ecriture & dans la tradition, & que chaque particulier pouvant se tromper dans l'examen & dans l'interprétation du sens des saints livres & des écrits des peres, il faut recourir à une autorité visible & infaillible dans le discernement des vérités catholiques, autorité qui n'est autre que l'Eglise enseignante, ou le corps des premiers pasteurs, avec lesquels Jesus - Christ a promis d'être jusqu'à la consommation des siecles. V. Tradition & Eglise.

Les Protestans au contraire prétendent que l'Ecri<-> ture est l'unique source, l'unique dépôt des vérités de foi. La raison seule, selon eux, est le seul juge souverain des différens sens des livres saints. Ce n'est pas qu'ils rejettent ou méprisent tous également l'autorité de la tradition. Les plus savans théologiens d'Angleterre, & entr'autres Bullus, Fell archevêque d'Oxford, Pearson évêque de Chester, Dodwel, Bingham, &c. nous ont montré le cas qu'ils faisoient des ouvrages des peres. Mais en général les Calvinistes & les Luthériens ne reconnoissent pour regle de la foi que l'Ecriture interprétée par ce qu'ils appellent l'esprit particulier, c'est - à - dire suivant le degré d'intelligence de chaque lecteur. Cette exclusion de toute autorité visible & souveraine en fait de doctrine, paroît absolument incompatible avec les diverses confessions de foi qu'ont dressées les églises réformées au nom de tous les particuliers, avec les synodes qu'elles ont tenus en différentes occasions pour adopter, ou maintenir, ou proscrire telle ou telle doctrine. Voyez Arminianisme & Arminien.

Les Sociniens, nés dans le sein du Protestantisme & encouragés par l'exemple de leurs peres, ont encore été plus loin qu'eux. Ils reçoivent, à la verité, l'Ecriture; mais au lieu de regler leur croyance sur le sens naturel qu'elle présente à l'esprit, ils s'efforcent de l'adapter à leurs propres idées. Qu'on leur propose, par exemple, le mystere de la Trinité comme faisant partie des vérités évangeliques, ils commencent par l'examiner au tribunal de la raison; & comme les lumieres naturelles leur paroissent ne pas convenir avec les différentes parties de ce mystere, ils le rejettent hautement. Dieu, auteur de la raison naturelle, ne peut, disent - ils, être opposé à lui - même comme auteur de la religion révélée; ainsi dès que la raison n'admet pas la vérité qui semble résulter directement de l'Ecriture, il est démontré que ce

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