ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"316"> fait des paysages admirables, dans lesquels il y a souvent des fleurs, des fruits, des animaux & des voitures representés avec une intelligence singuliere. Il a aussi peint en petit des sujets d'histoire. Sa touche est pleine d'esprit, ses figures sont correctes, & ses ouvrages d'un fini qui ne laisse rien à desirer. Ses desseins ne sont pas moins précieux que ses tableaux. Il se servoit du pinceau avec une adresse infinie, pour feuiller les arbres.

Breugel, (Pierre) son frere, surnommé le jeune, a suivi un autre goût; les sujets ordinaires de ses tableaux sont des incendies, des feux, des siéges, des tours de diables & de magiciens. Ce genre de peinture, dans lequel il excelloit, l'a fait surnommer Breugel d'enfer.

Rubens (Pierre - Paul) originaire d'Anvers, d'une très - bonne famille, naquit à Cologne en 1577, & mourut à Anvers en 1640. C'est le restaurateur de l'école flamande, le Titien & le Raphael des Paysbas. On connoît sa vie privée; elle est illustre, mais nous la laissons à part.

Un goût dominant ayant porté Rubens à la Peinture, il le perfectionna en Italie, & y prit une maniere qui lui fut propre. Son génie vaste le rendit capable d'exécuter tout ce qui peut entrer dans la riche composition d'un tableau, par la connoissance qu'il avoit des Belles Lettres, de l'Histoire & de la Fable. Il inventoit facilement, & son imagination lui fournissoit plusieurs ordonnances également belles. Ses attitudes sont variées, & ses airs de têtes sont d'une beauté singuliere. Il y a dans ses idées une abondance, & dans ses expressions une vivacité surprenante. Son pinceau est moëlleux, ses touches faciles & legeres; ses carnations fraîches, & ses draperies jettées avec art.

Il a traité supérieurement l'Histoire; il a ouvert le bon chemin du coloris, n'ayant point trop agité ses teintes en les mêlant, de peur que venant à se corrompre par la grande fonte de couleurs, elles ne perdissent trop leur éclat. D'ailleurs la plûpart de ses ouvrages étant grands, & devant par conséquent être vus de loin, il a voulu y conserver le caractere des objets & la fraîcheur des carnations. Enfin on ne peut trop admirer son intelligence du clair - obscur, l'éclat, la force, l'harmonie & la vérité qui regnent dans ses compositions.

Si l'on considere la quantité étonnante de celles que cet homme célebre a exécutées, & dont on a divers catalogues, on ne sera pas surpris de trouver souvent des incorrections dans ses figures; mais quoique la nature entraînât plus Rubens que l'antique, il ne faut pas croire qu'il ait été peu savant dans la partie du Dessein; il a prouvé le contraire par divers morceaux dessinés d'un goût & d'une correction que les bons peintres de l'école romaine ne desavoueroient pas.

Ses ouvrages sont répandus par - tout, & la ville d'Anvers a mérité la curiosité des étrangers par les seuls tableaux de ce rare génie. On vante en particulier singulierement celui qu'elle possede du crucifiement de Notre Seigneur entre les deux larrons.

Dans ce chef - d'oeuvre de l'art, le mauvais larron qui a eu sa jambe meurtrie par un coup de barre de fer dont le bourreau l'a frappé, se soûleve sur son gibet; & par cet effort qu'a produit la douleur, il a forcé la tête du clou qui tenoit le pié attaché au poteau funeste: la tête du clou est même chargée des dépouilles hideuses qu'elle a emportées en déchirant les chairs du pié à - travers lequel elle a passé. Rubens qui savoit si - bien en imposer à l'oeil par la magie de son clair - obscur, fait paroître le corps du larron sortant du coin du tableau dans cet effort, & ce corps est encore la chair la plus vraie qu'ait peint ce grand coloriste. On voit de profil la tête du supplicié, & sa bouche, dont cette situation fait encore mieux remarquer l'ouverture énorme; ses yeux dont la prunelle est renversée, & dont on n'apperçoit que le blanc sillonné de veines rougeâtres & tendues; enfin l'action violente de tous les muscles de son visage, font presque oüir les cris horribles qu'il jette. Reflex. sur la Peint. tome I.

Mais les peintures de la galerie du Luxembourg, qui ont paru gravées au commencement de ce siecle, & qui contiennent vingt - deux grands tableaux & trois portraits en pié, ont porté la gloire de Rubens par tout le monde; c'est aussi dans cet ouvrage qu'il a le plus développé son caractere & son génie. Personne n'ignore que ce riche & superbe portique, semblable à celui de Versailles, est rempli de beautés de dessein, de coloris, & d'élégance dans la composition. On ne reproche à l'auteur trop ingénieux, que le grand nombre de ses figures allégoriques, qui ne peuvent nous parler & nous intéresser; on ne les devine point sans avoir à la main leur explication donnée par Félibien & par M. Moreau de Mautour. Or il est certain que le but de la Peinture n'est pas d'exercer notre imagination par des énigmes; son but est de nous toucher & de nous émouvoir. Mon sentiment là - dessus, conforme à celui de l'abbe du Bos, est si vrai, que ce que l'on goûte généralement dans les galeries du Luxembourg & de Versailles, est uniquement l'expression des passions. « Telle est l'expression qui arrête les yeux de tous les spectateurs sur le visage de Marie de Medicis qui vient d'accoucher; on y apperçoit distinctement la joie d'avoir mis au monde un dauphin, à - travers les marques sensibles de la douleur à laquelle Eve sut condamnée ».

Au reste M. de Piles, admirateur de Rubens, a donné sa vie, consultez - la.

Fouquieres (Jacques) né à Anvers vers l'an 1580, mort à Paris en 1621, excellent paysagiste, s'il n'eût pas trop bouché ses paysages, & s'il y eût mis moins de vert. Il etudia quelque tems sous Breugel de ve<-> lours; ses peintures ne sont pas si sinies, mais elles ne sont pas moins vraies ni moins bien coloriées que celles de son maître.

Krayer, (Gaspard) né à Anvers en 1585, mort à Gand en 1669. Ce maître a peint avec succès des sujets d'Histoire; on trouve dans ses ouvrages une belle imitation de la Nature, une expression frappante, un coloris séduisant. Krayer a fait un grand nombre de tableaux de chevalet, & de tableaux d'autels; les villes d'Ostende, de Gand, de Dendermonde, & en particulier de Bruxelles, sont enfichies de ses compositions. Son chef - d'oeuvre est un tableau de plus de vingt piés de haut, qu'on voit dans la galerie de Dusseldorp, dont il fait un des beaux ornemens: l'électeur Palatin l'acheta 60000 livres des moines qui le possédoient. Ce tableau représente la Vierge soûtenue par des Anges, extremement bien groupés. S. André appuyé sur sa croix, admire avec d'autres Saints la gloire de la Mere de Notre Seigneur, &c. Il regne dans cet ouvrage un coloris suave, une grande intelligence du clair - obscur, une belle disposition de figures & d'attitudes.

Snyders, (François) né à Anvers en 1587, mort dans la même ville en 1657, n'a guere été surpassé par personne dans l'art de représenter des animaux. Ses chasses, ses paysages, & les tableaux où il a peint des cuisines, sont aussi fort estimés. Sa touche est legere, ses compositions variées, & son intelligence des couleurs donne encore du prix à ses ouvrages. Cet artiste a gravé un livre d'animaux.

Jordaans, (Jacques) né à Anvers en 1594, mort dans la même ville en 1678, est un des plus grands peintres de l'école flamande; son pinceau peut être comparé à celui de Rubens même. Les douze ta<pb-> [p. 317] bleaux de la Passion de Notre Seigneur, qu'il fit pour Charles Gustave roi de Suede, sont tres - estimes. Le tableau de quarante piés de haut, qu'il peigmt à la gloire du prince Frédéric Henri de Nassau, est un ouvrage magnifique. Ce maître a aussi excellé dans des sujets plaisans: on connoît son morceau du roi<-> boit. Enfin il embrassoit par ses talens tous les genres de Peinture.

Vandeyk, (Antoine) né à Anvers en 1599, mort à Londres en 1641, comblé de faveurs & de bienfaits par Charles I. Vandeyk est le second peintre de l'école flamande, & le roi du portrait. On reconnoit dans toutes ses compositions les principes par lesquels Rubens se conduisoit. Il a fait aussi des tableaux d'Histoire extrèmement estimés. Voyez, par exemple, sur son tableau de Belisaire, les réflexions de M. l'abbé du Bos.

Braur ou Brower, né à Oudenarde en 1608, mort à Anvers en 1640. Il a travaillé dans le goût de Téniers avec un art infini. Les sujets ordinaires de ses ouvrages, sont des scenes plaisantes de pay sans. Il a représenté des querelles de cabaret, des filous joüant aux cartes, des fumeurs, des yvrognes, des noces de village, &c. Etant en prison à Anvers, il peignit avec tant de feu & de vérité des soldats espagnols occupés à joüer, que Rubens ayant vû ce tableau, en fut frappé, en offrit aussi - tôt 600 flor. & employa son crédit pour obtenir la liberté de Braur. Les tableaux de cet artiste sont rares; il donnoit beaucoup d'expression à ses figures, & rendoit la nature avec une vérité frappante. Il avoit une grande intelligence des couleurs; sa touche est d'une legereté & d'une finesse peu communes: enfin il étoit né peintre.

Téniers le jeune, (David) naquit à Anvers en 1610, & mourut dans la même ville en 1694. C'est un artiste unique en son genre; ses paysages, ses fêtes de villages, ses corps - de - garde, tous ses petits tableaux, & ceux qu'on nomme des après - joupers, parce qu'il les commençoit & les finissoit le soir même, font les ornemens des cabinets des curieux.

Louis XIV. n'aimoit point le genre de peinture de Téniers; il appelloit les tableaux de cet artiste, des magots: aussi il n'y a dans la collection du Roi qu'un tableau de ce peintre, représentant les oeuvres de miséricorde; mais M. le duc d'Orléans en possede plusieurs. On a beaucoup gravé d'après les ouvrages de Téniers: il a lui - même gravé divers morceaux. Ses desseins sont fort recherchés, pour l'esprit & la legereté qui y brillent. Enfin aucun peintre n'a mieux réussi que lui dans les petits sujets; son pinceau étoit excellent; il entendoit très - bien le clair - obscur, & il a surpassé tous ses rivaux dans la couleur locale: mais Téniers, lorsqu'il a voulu peindre l'Histoire, est demeuré au - dessous du médiocre. Il réüssissoit aussi mal dans les compositions sérieuses, qu'il réüssissoit bien dans les compositions grotesques; ainsi un corps - de - garde de ce peintre nous attache bien plus qu'un tableau d'Histoire de sa main.

Van - der - Meer, (Jean) né à Lille en 1627, avoit, ainsi que son frere, dit le jeune (de Joughe), un talent supérieur pour peindre des vûes de mer, des paysages & des animaux. Le jeune Van - der - Meer excelloit en particulier à peindre des moutons, dont il a représenté la laine avec un art séduisant. Tout est fondu & d'un accord parfait dans ses petits tableaux.

Van - der - Meulen, (Antoine - François) né à Bruxelles en 1634, mourut à Paris en 1690. Il avoit un talent singulier pour peindre les chevaux; sa touche est pleine d'esprit, & approche de celle de Téniers. Ce maître est non - seulement connu par ses charmans paysages, mais encore par de grands tableaux qui font l'ornement de Marly & des autres maisons royales. Ses tableaux particuliers sont des chasses, des siéges, des combats, des marches ou des campemens d'armées.

Vleughels, (Le chevalier) né en Flandres vers le milieu du dernier siecle; cultiva la Peinture dès sa tendre jeunesse, vint en France, & se rendit ensuite en Italie, où ses talens, son esprit & son savoir le firent nommer par le roi, directeur de l'académie de S. Luc établie à Rome. Il n'a guere peint que de petits tableaux de chevalet; mais ses compositions sont ingénieuses, & il s'est particulierement attaché à la maniere de Paul Veronese. Article de M. le Che<-> valier de Jaucourt.

Ecole Florentine (Page 5:317)

Ecole Florentine, (Peint.) Les peintres de cette école, qui mettent à leur tête Michel - Ange & Léonard de Vinci, se sont rendus recommandables par un style élevé, par une imagination vive & féconde, par un pinceau en même tems hardi, correct & gracieux. Ceux qui sont sensibles au coloris, reprochent également aux peintres de Florence, comme à ceux de Rome, d'avoir ordinairement négligé cette partie, qui rend le peintre le plus parfait imitateur de la nature. Voyez Ecole Romaine.

Les beaux - Arts éteints dans l'Italie par l'invasion des Barbares, franchirent en peu de tems un long espace, & sauterent de leur levant à leur midi. Le sénat de Florence fit venir des peintres de la Grece, pour rétablir la Peinture oubliée, & Cimabué fut leur premier disciple dans le xiij. siecle; ainsi l'on vit paroître en Toscane, dans la patrie de Léon X. la premiere lueur de ce bel Art, qui avoit été couvert d'épaisses ténebres pendant près de mille ans; mais il jetta bientôt la plus éclatante lumiere.

Cimabué, né à Florence en 1213, & mort en 1294, eut donc la gloire d'être le restaurateur de la Peinture en ltalic. Il a peint à fresque & à détrempe, car on sait que la peinture à l'huile n'étoit pas trouvée. On voyoit encore à Florence dans le dernier siecle, des estes de la peinture à fresque de Cimabué.

Léonard de Vinci, né de parens nobles dans le château de Vinci près de Florence en 1455, mourut à Fontainebleau entre les bras de François I. en 1520. Cet homme célebre étoit un de ces heureux génies qui découvrent de bonne heure les plus grands talens pour leur profession. Il a la gloire d'être le premier, depuis la renaissance des Arts, qui ait immortalisé son nom dans la Peinture. Il poussa la pratique presqu'aussi loin que la théorie, & se montra tout ensemble grand dessinateur, peintre judicieux, expressif, naturel, plein de vérité, de graces & de noblesse. Au bout de quelques années d'étude il peignit un Ange si parfaitement dans un tableau de Verrochio son maître, que celui - ci confondu de la beauté de cette figure, qui effaçoit toutes les siennes, ne voulut plus manier le pinceau.

La Cêne de Notre Seigneur, que Léonard de Vinci représenta dans le réfectoire des Dominicains de Milan, étoit un ouvrage si magnifique par l'expression, que Rubens qui l'avoit vû avant qu'il fût détruit, reconnoît qu'il est difficile de parler assez dignement de l'auteur, & encore plus de l'imiter: l'estampe que Soëtmans en a gravée, ne rend point les beautés de l'original; mais on en voit à Paris, à S. Germain l'Auxerrois, une excellente copie, qu'on doit vraissemblablement à François I.

Les tableaux de ce maître se trouvent dispersés dans toute l'Europe, & la plûpart sont des morceaux très - gracieux pour le faire. Il n'est personne qui ne connoisse de nom sa fameuse Gioconde, qui est peut - être le portrait le plus achevé qu'il y ait au monde; le Roi en est le possesseur.

Les desseins de Léonard de Vinci, à la mine de plomb, à la sanguine, à la pierre noire, & sur - tout

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