ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"294"> que cette déesse rendoit à son amant dans les montagnes de la Carie: mais comme ses amours ne durerent pas toûjours, il fallut chercher, dit l'abbé Banier, une autre cause des éclipses.

On publia que les sorcieres, sur - tout celles de Thessalie, avoient le pouvoir par leurs enchantemens d'attirer la Lune sur la terre; c'est pourquoi on faisoit un grand vacarme avec des chauderons & autres instrumens, pour la faire remonter à sa place. Les Romains entre autres suivoient cet usage, & allumoient un nombre infini de torches & de flambeaux, qu'ils élevoient vers le ciel, pour rappeller la lumiere de l'astre éclipsé. Juvénal fait allusion au grand bruit que faisoit à ce sujet le peuple de Rome sur des bassins d'airain, lorsqu'il dit d'une femme babillarde, qu'elle fait assez de bruit pour secourir la Lune en travail: Una laboranti poterit succurrere Lunoe.

Si l'on vouloit remonter à la source de cette coûtume, on trouveroit qu'elle venoit d'Egypte, où Isis, symbole de la Lune, étoit honorée avec un bruit pareil de chauderons, de tymbales, & de tambours.

L'opinion des autres peuples étoit, que les éclip<-> ses annonçoient de grands malheurs, ou menaçoient la tête des rois & des princes. On a eu long - tems la même idée des cometes. Les Mexiquains effrayés jeûnoient pendant les éclipses. Les femmes durant ce tems - là se maltraitoient elles - mêmes, & les filles se tiroient du sang des bras. Ces gens - là s'imaginoient que la Lune avoit été blessée par le Soleil, pour quelque querelle qu'ils avoient eue ensemble.

Les Indiens croyent aussi par ce principe, que la cause des éclipses vient de ce qu'un dragon malfaisant veut dévorer la Lune; c'est pourquoi les uns font un grand vacarme, pour lui faire lâcher prise, pendant que les autres se mettent dans l'eau jusqu'au cou, pour supplier le dragon de ne pas dévorer entierement cette planete. Lisez encore là - dessus, dans les mémoires du P. le Comte, les idées particulieres des Chinois.

Anaxagore contemporain de Péricles, & qui mourut la premiere année de la soixante - huitieme olympiade, fut le premier qui écrivit très - clairement & très - hardiment sur les diverses phases de la Lune, & sur ses éclipses; je dis, comme Plutarque, très - hardi<-> ment, parce que le peuple ne souffroit pas encore volontiers les Physiciens. Aussi les ennemis de Socrate réufsirent à le perdre, en l'accusant de chercher par une curiosité criminelle à pénétrer ce qui se passe dans les cieux, comme si la raison & le génie pouvoient s'élever trop haut. On n'a depuis que trop souvent renouvellé par le même artifice, des accusations semblables contre des hommes du premier mérite. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Les généraux romains se sont servis quelquefois des éclipses pour contenir leurs soldats, ou pour les encourager dans des occasions importantes. Tacite dans ses annales, liv. I. ch. xxviij. parle d'une éclipse dont Drusus se servit pour appaiser une sédition très - violente, qui s'étoit élevée dans son armée. Tite - Live rapporte que Sulpitius Gallus, lieutenant de Paul Emile dans la guerre contre Persée, prédit aux soldats une éclipse qui arriva le lendemain, & prévint par ce moyen la frayeur qu'elle auroit causée. Ce fait n'a pas été raconté assez exactement à l'article Astronomie, où même par une faute du copiste ou de l'imprimeur, on a mis les Per<-> ses au lieu de Persée. Plutarque dit que Paul Emile sacrifia à cette occasion onze veaux à la Lune, & le lendemain vingt - un boeufs à Hercule, dont il n'y eut que le dernier qui lui promit la victoire.

Aujourd'hui non - seulement les Philosophes, mais le peuple même est instruit de la cause des éclipses; on sait que les éclipses de Lune viennent de ce que cette planete entre dans l'ombre de la Terre, & ne peut être éclairée par le Soleil durant le tems qu'elle la traverse, & que les éclipses de Soleil viennent de l'interposition de la Lune, qui cache aux habitans de la Terre une partie du Soleil, ou même le Soleil tout entier. Les Astronomes observent dans les satellites de Jupiter & de Saturne, des éclipses semblables à celles de notre Lune, mais à la vérité plus fréquentes; parce que ces satellites tournent autour de Jupiter en bien moins de tems que la Lune autour de nous.

La durée d'une éclipse est le tems entre l'immersion & l'émersion.

L'immersion dans une éclipse est le moment auquel le disque du Soleil ou de la Lune, commence à se cacher. Voyez Immersion.

L'émersion est le moment où le corps lumineux éclipse commence à reparoître. Voyez Emersion.

Au reste, les mots d'immersion & d'émersion sont encore plus d'usage dans les éclipses de Lune, que dans celles de Soleil; parce que dans les éclipses de Lune, la Lune se plonge véritablement (se immergit) dans l'ombre de la terre, & s'obscurcit: au lieu que dans les éclipses de Soleil, cet astre ne tombe pas dans l'ombre de la Lune, mais nous est seulement caché par la Lune.

S'il y a quelque chose dans l'Astronomie qui puisse nous faire connoître les efforts dont l'esprit humain est capable, lorsqu'il s'agit de recherches subtiles & qui demandent une grande sagacité, c'est assûrément la théorie des éclipses & la justesse avec laquelle on est parvenu depuis long - tems à les calculer & a les prédire; cette justesse sert à nous convaincre de la certitude & de la précision des calculs astronomiques; & ceux qui s'étonnent qu'on puisse mesure les mouvemens & les distances des corps célestes malgré l'éloignement où ils sont, n'ont rien à répondre à l'accord si parfait qui se trouve entre le calcul des éclipses & le moment où elles arrivent.

Pour déterminer la grandeur des éclipses, il est d'usage de diviser le diametre des corps lumineux éclipsés en douze parties égales, appellées doigts. Voyez Doigt.

Les éclipses se divisent en éclipses totales, partiales, annulaires, &c. ce qui sera détaillé plus bas.

Eclipse de Lune, c'est un manque de lumiere dans la Lune, occasionné par une opposition diamétrale de la terre éntre le Soleil & la Lune. Voyez Lune.

On peut voir (Planc. astron. fig. 34.) la maniere dont se fait cette éclipse. A représente la terre, & B ou C la Lune.

On demandera peut - être pourquoi on n'observe point d'éclipses dans toutes les planetes: pourquoi, par exemple, la Terre, lorsqu'elle passe entre Mars & le Soleil, n'obscurcit pas quelquefois le disque de Mars. A cela on répond que la Terre étant un corps beaucoup plus petit que le Soleil, son ombre ne doit point s'étendre à l'infini, mais doit se terminer en pointe à une certaine distance en forme de cone. Il n'y a que la Lune qui soit assez proche de la Terre pour pouvoir entrer dans son ombre & la couvrir de la sienne; il en est de même des satellites de Jupiter & de Saturne par rapport à ces planetes.

Quand toute la lumiere de la Lune est interceptée, c'est - à - dire quand tout son disque est couvert, on dit que l'éclipse est totale; & on dit qu'elle est par<-> tiale, quand il n'est couvert qu'en partie. Si l'éclipse totale dure quelque tems, on dit qu'elle est totalis cum mora, totale avec durée. Si elle n'est qu'instantanée, elle est dite totalis sine mora, totale sans durée.

Les éclipses de Lune n'arrivent que dans le tems de la pleine Lune, parce qu'il n'y a que ce tems où la Terre soit entre le Soleil & la Lune. Il n'y a cepen<pb-> [p. 295] dant pas des éclipses à chaque pleine Lune; ce qui vient de l'obliquité du cours de la Lune par rapport à celui du Soleil. En effet le cercle ou l'orbite dans lequel la Lune se meut est élevé au - dessus du plan de l'orbite terrestre, de sorte que quand le Soleil, la Terre, & la Lune se trouvent dans le même plan perpendiculaire au plan de l'écliptique, la Lune ne se trouve pas toûjours pour cela dans la même ligne droite avec le Soleil & la Terre; elle est souvent assez élevée, pour laisser l'ombre de la Terre au - dessous ou au - dessus d'elle, & n'y pas entrer: & pour lors il n'y a point d'éclipse. Il n'y en a que dans les pleines Lunes qui arrivent aux noeuds, ou proche des noeuds, c'est - à - dire lorsque la Lune se trouve dans l'écliptique, ou très - proche de l'écliptique: car alors la somme des demi - diametres apparens de la Lune & de l'ombre de la Terre, est plus grande que la latitude de la Lune, ou la distance entre le centre de la Lune & celui de l'ombre; d'où l'on voit que la Lune doit entrer au moins en partie dans l'ombre de la Terre, & être par conséquent éclipsée. Voyez Noeud.

Comme la somme des demi - diametres de la Lune & de l'ombre de la Terre, est plus grande que la somme des demi - diametres du Soleil & de la Lune (puisque la premiere somme dans le cas où elle est la plus petite, étant 5 [omission: formula; to see, consult fac-similé version], la seconde, lorsqu'elle est la plus grande, est à peine 3 [omission: formula; to see, consult fac-similé version]), il s'ensuit que les éclipses lunaires peuvent arriver dans une plus grande latitude de la Lune, & à une plus grande distance des noeuds que les éclipses solàires, & que par conséquent on doit les observer plus souvent.

Les éclipses totales & celles de la plus longue durée, arrivent dans les vrais noeuds de l'orbite lunaire, par la raison que la portion de l'ombre de la Terre, qui tombe alors sur la Lune, est considérablement plus grande que le disque de la Lune: il peut aussi arriver des éclipses totales à une petite distance des noeuds; mais plus la Lune s'en éloigne, plus la durée des éclipses diminue. C'est par cette même raison qu'il y en a de partiales; & quand la Lune est trop éloignée des noeuds, il n'y a point du tout d'éclipse. En un mot l'éclipse est totale, si la latitude de la Lune est plus petite, ou égale à la différence du de ni - diametre de l'ombre & du demi - diametre de la Lune: dans le premier cas, elle sera totale avec durée: dans le second, totale sans durée; elle sera partiale, si la latitude de la Lune est plus petite que la somme des deux demi diametres, mais moindre que leur différence; enfin elle sera nulle, où il n'y en aura point, si la latitude de la Lune surpasse ou égale la somme des deux demi - diametres.

Toutes les éclipses de Lune sont universelles, c'est - à - dire visibles dans toutes les parties du globe, qui ont la Lune sur leur horison; elles paroissent en tous lieux de la même grandeur; elles commencent & finissent dans le même tems pour tous ces endroits. Il est évident que cela doit être ainsi: car l'éclipse de Lune vient de ce que cet astre est obscurci par l'ombre de la Terre: or il entre dans l'ombre en même tems & au même instant, pour tous les peuples de la Terre. L'éclipse doit donc commencer au même moment pour tous ces peuples, à - peu - près comme une lumiere qu'on éteint dans une chambre, disparoît au même moment pour tons ceux qui y font. Aussi l'observation des éclipses de Lune est utile par cette raison, pour la découverte des longitudes. Voy. Longitude.

La Lune devient sensiblement plus pâle & plus obscure, avant que d'entrer dans l'ombre de la Terre; ce qui vient de la pénombre de la Terre. Voyez Pénombre.

Astronomie des éclipses lunaires, ou méthode d'en cal<-> culer le tems, le lieu, la grandeur, & les autres phéno<-> menes. 1°. Pour trouver la longueur du cone d'om<cb-> bre de la Terre, trouvez la distance du Soleil à la Terre pour le tems donné; voyez Soleil & Distance: alors connoissant en demi - diametres de la Terre, le diametre du Soleil, vous trouverez la longueur du cone par les regles données à l'artic. Ombre.

Supposant, par exemple, que la plus grande distance du Soleil à la Terre soit de 34996 demi - diametres de la Terre, & que le demi - diametre du Soleil soit à celui de la Terre, comme 153 est à 1, on trouvera la longueur du cone d'ombre=230 [omission: formula; to see, consult fac-similé version].

D'où il suit que comme la plus petite distance de la Lune à la Terre est à peine de 56 demi - diametres, & la plus grande de 64 au plus, la Lune en opposition avec le Soleil, lorsqu'elle est dans les noeuds, ou qu'elle en approche, tombera dans l'ombre de la Terre, quoique le Soleil & la Lune soient dans leur apogée; & à plus forte raison s'ils sont dans leur périgée, ou qu'ils en approchent, à cause que l'ombre est alors plus longue, & que la Lune est plus proche de la base du cone.

Les Astronomes ne sont pas d'accord entre eux, ni sur la distance du Soleil, ni sur son diametre; mais quelle que soit sa distance, & quel que soit son diametre, on trouve & on doit voir facilement que l'angle au sommet du cone d'ombre de la Terre, est à peu - près égal à l'angle sous lequel nous voyons le Soleil, c'est - à - dire est d'environ 32 minutes; & que la longueur du cone d'ombre vaut environ 110 diametres de la Terre, ou 220 demi - diametres: ce qui differe peu des 230 trouvés ci - dessus.

2°. Pour trouver le demi - diametre apparent de l'ombre terrestre, à l'endroit du passage de la Lune, pour un tems donné quelconque, trouvez la distance du Soleil & de la Lune à la Terre, & leurs parallaxes horisontales; faites une somme des parallaxes; ôtez de cette somme le demi - diametre apparent du Soieil: le reste est le demi - diametre apparent de l'ombre.

Ainsi, supposez la parallaxe de la Lune horisontale=56'48''; celle du Soleil 6'': la somme est 56' 54''; d'ou retranchant 16'5'', le demi - diametre apparent du Soleil, il reste 41'49''pour le demi - diametre de l'ombre. On peut, si l'on veut, ne point faire entrer dans ce calcul la parallaxe du Soleil, comme n'étant presque d'aucune considération.

3°. La latitude de la Lune AL, au tems de son opposition, avec l'angle qu'elle fait au noeud B, étant donnée, on trouvera ainsi l'arc AI compris entre les centres A, I, & l'arc IL (fig. 35.). Puisque dans le triangle AIL, rectangle en I, le côté AL est donné, de même que l'angle ALI, qui est le complément de l'angle LAI ou B à un droit; on trouvera facilement par la Trigonométrie l'arc compris entre les centres AI. Or l'angle LAI est égal à l'angle B, chacun d'eux composant un angle droit avec IAB. Donc, puisque la latitude AL de la Lune est donnée, on trouvera de même par la Trigonométrie l'arc LI.

Il est bon d'observer que la ligne NI, ou la portion de l'orbite que la Lune paroît parcourir pendant une éclipse, n'est point son orbite véritable. En effet si dans les nouvelles ou pleines Lunes aux tems des éclipses, le Soleil n'avoit point ce mouvement apparent que l'on observe chaque jour d'occident en orient, & qui est causé par le mouvement propre de la Terre sur son orbite, la route de la Lune à l'égard du Soleil seroit exactement la même que celle qui convient à l'inclinaison de son orbite sur le plan de l'écliptique. Mais comme dans le même intervalle de tems que la Lune nous paroît avancer sur son orbite, le Soleil s'avance aussi, quoique beaucoup moins vîte, sur le plan de l'écliptique, la route apparente de la Lune à l'égard du Soleil doit donc être

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