ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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DUALISME ou DITHÉISME (Page 5:151)

DUALISME ou DITHÉISME, s. m. (Théolog.) opinion qui suppose deux principes, deux dieux, ou deux êtres indépendans & non créés, dont on regarde l'un comme le principe du bien, & l'autre comme le principe du mal.

Cette opinion est fort ancienne: on a coûtume de la faire remonter aux mages des Persans. M. Hyde croit pourtant que l'opinion de deux principes indépendans, n'est qu'un sentiment particulier d'une secte de Persans, qu'il appelle hérétiques, & que l'ancien sentiment des mages étoit semblable à celui des chrétiens touchant le diable & ses anges. Il s'appuye encela sur quelques auteurs orientaux, dont il rapporte les paroles: les curieux pourront le consulter. De relig. vet. Pers. c. jx. art. 21.

Le dualisme a été extrèmement répandu. Plutarque prétend que ç'a été l'opinion constante de toutes les nations, & des plus sages d'entre les philosophes. Il l'attribue, dans son livre d'Isis & d'Osiris, non - seulement aux Persans, mais encore aux Chaldéens, aux Egyptiens, & aux Grecs, & en particulier à Pythagore, à Empedocles, à Héraclite, à Anaxagore, à Platon, & à Aristote. Il prétend sur - tout que Platon a été de ce sentiment. L'autorité de Plutarque est si grande, que bien des gens ont cru après lui, que c'étoit - là l'opinion générale de ceux d'entre les [p. 152] Payens qui admettoient une divinité. Mais il est certain que Platon ne l'a point embrassée; & il est encore moins probable que les autres philosophes que nous venons de nommer, l'ayent suivie. Fauste le Manichéen nie même formellement que l'opinion de sa secte sur les deux principes ait été tirée des Payens; comme on le peut voir dans S. Augustin, contr. Faust. l. XX. cap. iij. Il y a grande apparence que Plutarque a prétendu que cette opinion étoit généralement répandue, ou afin de donner plus de poids à son propre sentiment par ce consentement prétendu, ou parce qu'en étant fortement entêté, il s'imaginoit la trouver par - tout où il en voyoit quelque legere ressemblance. On ne sauroit pourtant disconvenir que ce système n'ait eu grand nombre de partisans, & que Manès, qu'on regaide communément comme l'auteur de la secte des Manichéens, n'ait eû beaucoup de précurseurs. Ecoutons là - dessus le savant Spencer, de hirc. emissar. sect. 2. pag. 1487. « Les anciens ont cru, dit - il, qu'il y a deux dieux opposés l'un à l'autre: le premier, créateur des biens; le second, auteur des maux. Ils ont nommé le premier Dieu; le second, démon. Les Egyptiens appelloient le dieu bon, Osiris, & le mauvais dieu, Typhon. Les Hebreux superstitieux ont donné à ces deux principes les noms de Gad & de Meni; & les Persans, ceux d'Oromasdes & d'Arimanius. Les Grecs avoient de même leurs bons & leurs mauvais démons; les Romains, leurs Joves & leurs Vejoves, c'est - à - dire leurs dieux bien - faisans & leurs dieux mal - faisans. Les Astrologues exprimerent le même sentiment par des signes ou des constellations favorables ou malignes; les Philosophes, par des principes contraires; & en particulier les Pythagoriciens, par leur monade & leur dyade. On ne doit pas être surpris qu'une erreur si grossiere ait regné parmi des peuples qui étoient dans l'ignorance, puisqu'elle a fait des progrès étonnans parmi des nations éclairées, & qui avoient au moins de legeres teintures du Christianisme ». Windet, dans sa dissertation de vitâ sunctorum statu, qu'on trouve dans la collection de Cremius, dit qu'on rencontre des vestiges bien marqués du dualisme dans tout l'orient, jusqu'aux Indes & à la Chine. Manès, Persan, qui parut dans le iij. siecle, a fait un système complet sur les deux principes, & sa secte a été sort nombreuse. On peut consulter la savante histore qu'en a donné M. de Beausobre. Voyez Manichéens.

La premiere origine de ce système vient de la difficulté d'expliquer l'existence du mal dans le monde. En effet, rien n'a plus embarrassé les Philosophes en général, soit payens, soit chrétiens, que la question de l'origine du mal. Quoique les derniers ayent eu les lumieres de la révélation dont les Payens étoient privés, ils n'ont pas laissé que de sentir la difficulté d'expliquer la cause des maux. « Entre toutes les questions que les hommes agitent, dit Origene, contr. Cels. liv. IV. pag. 207, s'il y en a quelqu'une qui mérite nos recherches & qui soit en même tems très - difficile à décider, c'est celle de l'origine du mal ». S. Augustin en a pensé de même: « Rien de plus obscur, dit - il en écrivant contre Fauste; rien de plus mal - aisé à expliquer que cette question: comment Dieu étant tout - puissant, il peut y avoir tant de maux dans le monde, sans qu'il en soit l'auteur ». Ce fut uniquement pour éviter une conséquence si impie, que les Philosophes payens, & après eux des philosophes, qui malgré leurs erreurs ne laissoient pas que de croire en Jesus - Christ, supposerent deux principes éternels, l'un du bien, & l'autre du mal. De - là les égaremens de Basilide, de Valentin, de Marcion, de Bardesanes, qui n'étoient pas de moindres génies; de - là le long attachement qu'eut S. Augustin lui - même pour le Manichéisme. Le motif dans le fonds étoit loüable; de toutes les hérésies, il n'y en a point qui mérite plus d'horreur que celle de faire Dieu auteur & complice des maux. Quelque hypothese que l'on prenne pour expliquer la providence, la plus injurieuse à Dieu & la plus incompable avec la religion, sera toûjours celle qui donne atteinte à la bonté ou à la sainteté de Dieu, ces deux perfections étant la base de la foi & des moeurs. Cependant il n'est pas besoin de recourir à deux principes pour justifier sa providence, & rendre raison du mal: c'est ce qu'on peut voir dans les diverses réponses que d'habiles gens ont faites à M. Bayle, qui avoit affecté de faire valoir les difficultés des Manichéens, sans faire attention aux absurdités & aux inconséquences dont leur système est rempli. C'est aussi ce que nous montrons dans les articles Bon & Mal. Cet article est pour la plus grande partie tiré des papiers de M. Formey historiogr. de l'académie royale de Prusse. (G)

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