ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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DUALISME ou DITHÉISME
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DUALISME ou DITHÉISME, s. m. (Théolog.)
opinion qui suppose deux principes, deux dieux, ou
deux êtres indépendans & non créés, dont on regarde
l'un comme le principe du bien, & l'autre comme
le principe du mal.
Cette opinion est fort ancienne: on a coûtume de
la faire remonter aux mages des Persans. M. Hyde
croit pourtant que l'opinion de deux principes indépendans,
n'est qu'un sentiment particulier d'une secte
de Persans, qu'il appelle hérétiques, & que l'ancien
sentiment des mages étoit semblable à celui des chrétiens
touchant le diable & ses anges. Il s'appuye encela
sur quelques auteurs orientaux, dont il rapporte
les paroles: les curieux pourront le consulter. De
relig. vet. Pers. c. jx. art. 21.
Le dualisme a été extrèmement répandu. Plutarque
prétend que ç'a été l'opinion constante de toutes les
nations, & des plus sages d'entre les philosophes. Il
l'attribue, dans son livre d'Isis & d'Osiris, non - seulement aux Persans, mais encore aux Chaldéens,
aux Egyptiens, & aux Grecs, & en particulier à Pythagore, à Empedocles, à Héraclite, à Anaxagore,
à Platon, & à Aristote. Il prétend sur - tout que Platon a été de ce sentiment. L'autorité de Plutarque est
si grande, que bien des gens ont cru après lui, que
c'étoit - là l'opinion générale de ceux d'entre les
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Payens qui admettoient une divinité. Mais il est certain
que Platon ne l'a point embrassée; & il est encore
moins probable que les autres philosophes que
nous venons de nommer, l'ayent suivie. Fauste le
Manichéen nie même formellement que l'opinion
de sa secte sur les deux principes ait été tirée des
Payens; comme on le peut voir dans S. Augustin,
contr. Faust. l. XX. cap. iij. Il y a grande apparence
que Plutarque a prétendu que cette opinion étoit
généralement répandue, ou afin de donner plus de
poids à son propre sentiment par ce consentement
prétendu, ou parce qu'en étant fortement entêté, il
s'imaginoit la trouver par - tout où il en voyoit quelque
legere ressemblance. On ne sauroit pourtant
disconvenir que ce système n'ait eu grand nombre
de partisans, & que Manès, qu'on regaide communément
comme l'auteur de la secte des Manichéens,
n'ait eû beaucoup de précurseurs. Ecoutons là - dessus le savant Spencer, de hirc. emissar. sect. 2. pag.
1487.
« Les anciens ont cru, dit - il, qu'il y a deux
dieux opposés l'un à l'autre: le premier, créateur
des biens; le second, auteur des maux. Ils ont
nommé le premier Dieu; le second, démon. Les
Egyptiens appelloient le dieu bon, Osiris, & le
mauvais dieu, Typhon. Les Hebreux superstitieux
ont donné à ces deux principes les noms de Gad
& de Meni; & les Persans, ceux d'Oromasdes &
d'Arimanius. Les Grecs avoient de même leurs
bons & leurs mauvais démons; les Romains, leurs
Joves & leurs Vejoves, c'est - à - dire leurs dieux
bien - faisans & leurs dieux mal - faisans. Les Astrologues exprimerent le même sentiment par des signes
ou des constellations favorables ou malignes;
les Philosophes, par des principes contraires; &
en particulier les Pythagoriciens, par leur monade
& leur dyade. On ne doit pas être surpris qu'une
erreur si grossiere ait regné parmi des peuples
qui étoient dans l'ignorance, puisqu'elle a fait des
progrès étonnans parmi des nations éclairées, &
qui avoient au moins de legeres teintures du Christianisme ».
Windet, dans sa dissertation de vitâ
sunctorum statu, qu'on trouve dans la collection de
Cremius, dit qu'on rencontre des vestiges bien marqués
du dualisme dans tout l'orient, jusqu'aux Indes
& à la Chine. Manès, Persan, qui parut dans le iij.
siecle, a fait un système complet sur les deux principes,
& sa secte a été sort nombreuse. On peut consulter
la savante histore qu'en a donné M. de Beausobre. Voyez Manichéens.
La premiere origine de ce système vient de la difficulté
d'expliquer l'existence du mal dans le monde.
En effet, rien n'a plus embarrassé les Philosophes en
général, soit payens, soit chrétiens, que la question
de l'origine du mal. Quoique les derniers ayent eu
les lumieres de la révélation dont les Payens étoient
privés, ils n'ont pas laissé que de sentir la difficulté
d'expliquer la cause des maux.
« Entre toutes les
questions que les hommes agitent, dit Origene,
contr. Cels. liv. IV. pag. 207, s'il y en a quelqu'une
qui mérite nos recherches & qui soit en même
tems très - difficile à décider, c'est celle de l'origine
du mal ».
S. Augustin en a pensé de même:
« Rien
de plus obscur, dit - il en écrivant contre Fauste;
rien de plus mal - aisé à expliquer que cette question:
comment Dieu étant tout - puissant, il peut y avoir
tant de maux dans le monde, sans qu'il en soit l'auteur ».
Ce fut uniquement pour éviter une conséquence
si impie, que les Philosophes payens, & après
eux des philosophes, qui malgré leurs erreurs ne laissoient
pas que de croire en Jesus - Christ, supposerent
deux principes éternels, l'un du bien, & l'autre
du mal. De - là les égaremens de Basilide, de Valentin, de Marcion, de Bardesanes, qui n'étoient pas
de moindres génies; de - là le long attachement qu'eut
S. Augustin lui - même pour le Manichéisme. Le motif
dans le fonds étoit loüable; de toutes les hérésies,
il n'y en a point qui mérite plus d'horreur que celle
de faire Dieu auteur & complice des maux. Quelque
hypothese que l'on prenne pour expliquer la providence,
la plus injurieuse à Dieu & la plus incompable
avec la religion, sera toûjours celle qui donne
atteinte à la bonté ou à la sainteté de Dieu, ces deux
perfections étant la base de la foi & des moeurs. Cependant il n'est pas besoin de recourir à deux principes
pour justifier sa providence, & rendre raison du
mal: c'est ce qu'on peut voir dans les diverses réponses
que d'habiles gens ont faites à M. Bayle, qui
avoit affecté de faire valoir les difficultés des Manichéens, sans faire attention aux absurdités & aux
inconséquences dont leur système est rempli. C'est
aussi ce que nous montrons dans les articles Bon
& Mal. Cet article est pour la plus grande partie tiré
des papiers de M. Formey historiogr. de l'académie
royale de Prusse. (G)
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