ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"89"> plus vraissemblable. Il y a donc des choses plus vraissemblables que les autres; & ce n'est point pour dire un bon mot qu'il parle ainsi, ce sont des paroles qui lui sont échappées sans y penser, & qui naissent du fond de la nature, que le mensonge des opinions ne peut étouffer.

D'ailleurs chaque action que fait un pyrrhonien, ne dément - elle pas son système? car enfin un pyrrhonien est un homme qui dans ses principes doit douter universellement de toutes choses, qui ne doit pas même savoir s'il y a des choses plus probables les unes que les autres; qui doit ignorer s'il lui est plus avantageux de suivre les impressions de la nature, que de ne pas s'y conformer. S'il suivoit ses principes, il devroit demeurer dans une perpétuelle indolence, sans boire, sans manger, sans voir ses amis, sans se conformer aux lois, aux usages & aux coûtumes, en un mot se pétrifier & être immobile comme une statue. Si un chien enragé se jette sur lui, il ne doit pas faire un pas pour le fuir: que sa maison menace ruine, & qu'elle soit prête à s'écrouler & à l'engloutir sous ses ruines, il n'en doit point sortir; qu'il soit défaillant de faim ou de soif, il ne doit manger ni boire: pourquoi? parce qu'on ne fait jamais une action qu'en conséquence de quelques jugemens intérieurs, par lesquels on se dit qu'il y a du danger, qu'il est bon de l'éviter; que pour l'éviter il faut faire telle ou telle chose. Si on ne le fait pas, c'est que l'esprit demeure dans l'inaction, sans se déterminer. Heureusement pour les Pyrrhoniens, l'instinct supplée avec usure à ce qui leur manque du côté de la conviction, ou plûtôt il corrige l'extravagance de leur doute.

Mais il suffit, diront - ils, que le danger paroisse probable, pour qu'on soit obligé de le suir: or nous ne nions pas les apparences; nous disons seulement que nous ne savons pas que les choses soient telles en effet qu'elles nous paroissent. Mais cette réponse n'est qu'un vain subterfuge, par lequel ils ne pourront échapper à la difficulté qu'on leur fait. Je veux que le danger leur paroisse probable; mais quelle raison ont - ils pour s'y soustraire? Le danger qu'ils redoutent est peut - être pour eux un très - grand bien. D'ailleurs je voudrois bien savoir s'ils ont idée de danger, de doute, de probabilité; s'ils en ont idée, ils connoissent donc quelque chose, savoir qu'il y a des dangers, des doutes, des probabilités: voilà donc pour eux une premiere marque de vérité. C'est un point fixe & constant chez eux, qu'il faut vivre comme les autres, & ne point se singulariser; qu'il faut se laisser aller aux impressions qu'inspire la nature; qu'il faut se conformer aux lois & aux coûtumes. Mais où ont - ils pris tous ces principes? Sceptiques dans leur façon de penser, comment peuvent-ils être dogmatiques dans leur maniere d'agir? Ce seul point qu'ils accordent, est un écueil où viennent se briser toutes leurs vaines subtilités.

Pyrrhon agissoit quelquefois en conséquence de son principe. Persuadé qu'il n'y avoit rien de certain, il portoit son indifférence en certaines choses aussi loin que son système le comportoit. On dit de lui qu'il n'aimoit rien, & ne se fâchoit de rien; que quand il parloit, il se mettoit peu en peine si on l'écoutoit ou si on ne l'écoutoit pas; & qu'encore que ses auditeurs s'en allassent, il ne laissoit pas de continuer. Si tous les hommes étoient de ce caractere, que deviendroit alors parmi eux la société? Oüi, rien ne lui est plus contraire que ce doute. En effet, il détruit & renverse toutes les lois, soit naturelles, soit divines, soit humaines; il ouvre un vaste champ à tous les desordres, & autorise les plus grands forfaits. De ce principe qu'il faut douter de tout, il s'ensuit qu'il est incertain s'il y a un être suprème, s'il y a une religion, s'il y a un culte qui nous soit nécessairement commandé. De ce principe qu'il faut dou<cb-> ter de tout, il s'ensuit que toutes les actions sont indifférentes, & que les bornes sacrées qui sont posées entre le bien & le mal, entre le vice & la vertu, sont renversées.

Or qui ne voit combien ces conséquences sont pernicieuses à la société? Jugez - en par Pyrrhon lui - même, qui voyant Anaxarque son maître tombé dans un précipice, passa outre, sans daigner lui tendre la main pour l'en retirer: Anaxarque qui étoit imbu des mêmes principes, loin de l'en blâmer, parut lui on savoir bon gré; sacrifiant ainsi à l'honneur de son système, le ressentiment qu'il devoit avoir contre son disciple.

Ce doute n'est pas moins contraire à la recherche de la vérité; car ce doute une fois admis, tous les chemins pour arriver à la vérité sont fermés, on ne peut s'assûrer d'aucune regle de vérité: rien ne paroît assez évident pour n'avoir pas besoin de preuve; ainsi dans cet absurde système il faudroit remonter jusqu'à l'infini, pour y trouver un principe sur lequel on pût asseoir sa croyance.

Je vais plus loin: ce doute est extravagant, & indigne d'un homme qui pense; quiconque s'y conformeroit dans la pratique, donneroit assûrément des marques de la plus insigne folie: car cet homme dou<-> teroit s'il faut manger pour vivre, s'il faut fuir quand on est menacé d'un danger pressant: tout doit lui paroître également avantageux ou desavantageux. Ce doute est encore indigne d'un homme qui pense, il l'abaisse au - dessous des bêtes mêmes; car en quoi l'homme differe - t - il des bêtes? si ce n'est en ce qu'outre les impressions des sens qui lui viennent des objets extérieurs, & qui lui sont peut - être communes avec elles, il a encore la faculté de juger & de vouloir: c'est le plus noble exercice de sa raison, la plus noble opération de son esprit; or le scepticisme rend ces deux facultés inutiles. L'homme ne jugera point, il s'est fait une loi de s'abstenir de juger, & ils appellent cela époque. Or si l'homme ne juge point, vous concevez que sa volonté n'a plus aucun exercice, qu'elle demeure dans l'inaction, & comme assoupie ou engourdie; car la volonté ne peut rien choisir, que l'esprit n'ait connu auparavant ce qui est bon ou mauvais; or un espritimbu des principes pyrrhoniens est plongé dans les ténebres. Mais il peut juger, dirat - on, qu'une chose lui paroît plus aimable que les autres. Cela ne doit point être dans leur système; néanmoins en leur accordant ce point, on ne leur accorde pas en même tems qu'il y ait une raison suffisante pour se déterminer à poursuivre un tel objet; cette raison ne sauroit être que la ferme conviction où l'on seroit, qu'il faut suivre les objets les plus aimables.

Que conclure de tout ceci? sinon qu'un pyrrhonien réel & parfait parmi les hommes, est dans l'ordre des intelligences un monstre qu'il faut plaindre. Le pyrrhonisme parfait est le délire de la raison, & la production la plus ridicule de l'esprit humain. On pourroit douter avec raison s'il y a de véritables Sceptiques; quelques efforts qu'ils fassent pour le faire croire aux autres, il est des momens, & ces momens sont fréquens, où il ne leur est pas possible de suspendre leur jugement; ils reviennent à la condition des autres hommes: ils se surprennent à tous momens, aussi décidés que les plus fiers dogmatiques; témoin Pyrrhon lui - même, qui se fâcha un jour contre sa soeur, parce qu'il avoit été contraint d'acheter les choses dont elle eut besoin pour offrir un sacrifice. Quelqu'un lui remontra que son chagrin ne s'accordoit pas avec l'indolence dont il faisoit profession. Pensez - vous, répondit - il, que je veuille mettre en pratique pour une femme cette vertu? N'allez pas vous imaginer qu'il vouloit dire qu'il ne renonçoit pas à l'amour, ce n'étoit point sa [p. 90] pensée; il vouloit dire que toutes sortes de sujets ne méritoient pas l'exercice de son dogme, de ne se fâcher de rien. Voyez Pyrrhonisme, Sceptique.

Doute (Page 5:90)

Doute, (Belles - lettres.) figure de rhétorique par laquelle l'orateur paroît en suspens & indéterminé sur ce qu'il doit dire & faire; par exemple: Que ferai - je? aurai - je recours à ces amis que j'ai négligés? m'adresserai - je à ceux qui m'ont à - présent oublié?

Il n'y a peut - être jamais eu de doute si marqué & en même tems si singulier, que ce commencement d'une lettre de Tibere au sénat, rapporté par Tacite, livre VI. de ses annales, n°. 6. Quid scribam vobis, P. C. aut quomodo scribam, aut quid omnino non scri<-> bam hoc tempore, dü me deoeque pejùs perdant, quàm perire quotidiè sentio, si scio. Ce n'étoit pas néanmoins pour faire une figure de rhétorique de propos délibéré, que ce prince écrivoit de la sorte; ces expressions étoient la vive image de la perplexité, de l'agitation & des remords dont il étoit alors troublé: Adeo, ajoûte l'historien, dont les paroles & la réflexion sont trop belles pour ne mériter pas place ici; adeo facinora atque flagitia sua ipsi quoque in sup<-> plicium verterant: neque frustra proestantissimus sapien<-> tioe firmare solitus est, si reclu dantur tyran<-> norum mentes, posse aspici laniatus et ictus, quando ut corpora verberibus, ita soevitia, libi dine, malis consultis animus dilaceretur. Quippe Tibe<-> rium, ajoûte - t - il, non fortuna, non solitudines prote<-> gebant quin tormenta pectoris suasque ipse panas fateretur. Le doute & la perplexité sont incontestablement le langage de la nature dans une conscience ainsi bourrelée. (G)

DOUTEUX, INCERTAIN, IRRESOLU (Page 5:90)

DOUTEUX, INCERTAIN, IRRESOLU, synon. (Gramm.) Douteux ne se dit que des choses; incertain se dit des choses & des personnes; irrésolu ne se dit que des personnes, il marque de plus une disposrtion habituelle & tient au caractere. Exemple: le sage doit être incertain à l'égard des opinions douteuses, & ne doit jamais être irrésolu dans sa conduite. On dit d'un fait légerement avancé, qu'il est douteux; & d'un bonheur légerement espéré, qu'il est incertain. Ainsi incertain se rapporte à l'avenir, & douteux au passé ou au présent. (C)

Douteux (Page 5:90)

Douteux (à la Monnoie) se dit d'un métal ou piece de monnoie dont l'alloi n'est pas bien connu. Toute piece, de quelque métal que ce soit, lorsqu'elle est douteuse, est cisaillée. Voyez Cisailler.

DOUVAIN (Page 5:90)

DOUVAIN, s. m. (OEconom. rustiq.) bois à faire des douves. Voyez Douve.

DOUVE (Page 5:90)

DOUVE, s. f. (Hydraul.) est le mur d'un bassin contre lequel l'eau bat. Il est bâti sur des racinaux de charpente, afin de laisser une communication du corroi du platfond avec celui des côtés. Voyez Cons<-> truction des bassins au mot Bassin. (K)

Douve (Page 5:90)

Douve, s. f. (Reliure.) c'est une planche dont on se sert pour ôter le tan du dedans des peaux de veau; c'est une douve de cuvier des plus larges, sur laquelle on étend les veaux; ainsi on dit la douve à ratisser les veaux. Voyez Planche I. figure 5 de la Reliure. A présent on se sert plus volontiers d'une planche un peu arrondie dans sa longueur.

Douves (Page 5:90)

Douves, terme de tonnelier; ce sont de petites planches de chêne plus longues que larges, & minces, dont les ouvriers se servent pour fabriquer des tonneaux, barriques, muids, tonnes, & autres ouvrages de leur métier. On les appelle aussi quelquefois des Douelles. Voyez Mairrain.

Douves à oreilles; ce sont deux douves qui dans les tinettes sont plus longues que les autres, & sont percées d'un trou par l'extrémité qui excede le haut des autres douves de la tinette: ces deux douves sont placées vis - à - vis l'une de l'autre, de maniere à pouvoir passer un bâton par les trous de ces deux douves.

DOWNE (Page 5:90)

DOWNE, (Géogr. mod.) capitale du comté de Downe, dans la province d'Ulster, en Irlande. Long. 11. 48. lat. 54. 23.

DOUVRES (Page 5:90)

DOUVRES, ou DOVER, (Géogr. mod.) ville maritime d'Angleterre. De ce port à celui de Calais il n'y a que sept lieues. Cette ville est à 23 lieues sud - est d'Angleterre. Lat. 51. 7. 47. long. 18. 58. 57.

DOUX (Page 5:90)

DOUX, (Chimie.) le corps doux est une substance particuliere qui constitue une espece dans la classe des corps que les Chimistes appellent muqueux. Voy. Muqueux.

Ces corps doux sont le miel, la pulpe ou le suc de plusieurs fruits, comme de casse, de certains pruneaux, de raisins, de poires, de pommes, &c. le suc de quelques plantes, des cannes à sucre, de toutes les graminées, de celui de quelques racines, comme des bettes blanches & rouges, des panais, &c. les semences farineuses germées, certains sucs concrets ramassés sur les feuilles de quelques arbres, tels que la manne, le sucre de l'érable, &c. le suc tiré par incision du même arbre, celui du palmier, &c. en un mot, toutes les matieres végétales propres à produire sur l'organe du goût la même saveur qu'excitent celles que nous venons de nommer. Nous disons à dessein végétales, parce que les substances animales, dont le goût est le plus analogue à celui des corps doux végétaux, different pourtant sensiblement de ceux - ci, même par la saveur: le lait, par exemple, dont la douceur est passée en proverbe, ne produit pas la saveur douce exquise ou sans mêlange d'autre saveur; la saveur du lait participe au contraire de deux autres, la fadeur & le gras ou onctueux, pingue. Voyez Saveur.

D'ailleurs ce n'est pas par la saveur douce que les corps doux des Chimistes sont essentiellement caractérisés, mais par une qualité plus intérieure; savoir, la propriété d'être éminemment propres à la fermentation spiritueuse; propriété que ne possede point le lait. Voyez Fermentation & Lait.

La saveur du sel ou sucre de saturne & de quelques autres sels ne sauroit les faire ranger non plus parmi les corps doux, dont ils different à tant d'autres titres.

L'analyse par la violence du feu, qui est la seule qu'on ait employée jusqu'à présent à l'examen de la composition des corps doux, ne nous a rien appris sur leut constitution spécifique; tous les produits qu'on en a retirés par cette voie, sont presque absolument communs à ces corps & à toutes les especes de la classe. Les phénomenes & les produits de la fermentation nous ont éclairé davantage sur cet état spécifique. Voyez Fermentation & Muqueux. (b)

Doux (Page 5:90)

Doux, terme de Métallurgie & de Docimasie. Mine douce, c'est ainsi qu'on appelle une mine aisée à fondre. La mine qui a la qualité contraire, s'appelle rebelle ou refractaire.

Métal doux, c'est - à - dire malléable, ductile, flexible, non cassant; le métal qui a la qualité opposée, s'appelle aigre. (b)

Doux (Page 5:90)

Doux, (Diete, matiere médicinale & Pharmacie.) On trouve dans les auteurs de Medecine peu de connoissances composées, exactes, sur les qualités des corps doux considérés comme aliment. Ils ont parlé davantage de quelques - uns de ces corps en particulier, comme du miel, du sucre, des fruits, des vins doux, &c. Voyez les articles particuliers.

Les alimens de ce genre ont été cependant accusés en général d'être échauffans, & même caustiques, épaississans, inviscans, bilieux, ennemis de la rate, propres à engendrer des vers, &c. C'est - là l'opinion que l'on en a assez communément, & c'est celle du plus grand nombre de Medecins.

Toutes ces prétentions sont ou fausses ou gratuites, ou pour le moins mal entendues: premierement,

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