ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"853"> pas l'or à l'antimoine pour le porter au plus haut titre, on regle le départ de façon que ce métal en sorte au titre des ducats; ainsi le marc contient souvent jusqu'à 23 karats 10 grains de fin.

Le bon ordre, l'oeconomie, & la plus grande perfection de cette opération, consistent 1°. en ce qu'on exécute toutes les manoeuvres particulieres avec toute l'exactitude possible: par exemple, qu'on réduit l'argent en grenailles très - menues & transversalement creuses (voyez Grenailles.) 2°. Qu'on prend toutes les précautions nécessaires contre les inconvéniens de la fracture des vaisseaux & de la perte de l'eau - forte, en luttant exactement les cucurbites dans lesquelles on fait les dissolutions, & en y adaptant un chapiteau avec son récipient, dans lequel on a mis suffisante quantité d'eau de fontainé, afin de ne pas perdre les vapeurs acides qui s'échappent de la dissolution. 3°. En appliquant successivement des eaux - fortes diversement concentrées; de façon qu'après avoir décanté l'eau - forte saoulée d'argent, on verse une meilleure eau - forte sur la matiere non dissoute, jusqu'à ce qu'on en vienne au dissolvant le plus actif, appellé eau - forte double, qui, lorsqu'il a agi un quart - d'heure sur cette matiere, l'a dépouillée assez exactement de l'argent, pour que la chaux d'or soit restée au titre ci - dessus énoncé. On verra dans la suite de cet article, ce que c'est que cette eau - forte double.

Comme on ne passe point cet or à l'antimoine, ainsi qu'il a été observé, après l'avoir bien lavé ou édulcoré, séché, & rougi au feu dans un creuset, on le fond dans un nouveau creuset avec le flux noir.

Schlutter a donné une méthode de procéder au départ par la voie humide, qui differe de la méthode ordinaire, en ce que cet artiste se servoit de vaisseaux de verre à fond plat & large, dont les parois se rapprochoient en s'élevant; ensorte que leur ouverture étoit comme celle d'une bouteille, & qu'il chauffoit ces vaisseaux au bain - marie, dans un chauderon de cuivre, sur une petite croix de bois. pour empêcher que le verre ne touchât le fond du chauderon. Ici finit l'extrait de Schlutter.

Nous avons exposé jusqu'à - présent la maniere d'appliquer l'eau - forte à l'argent aurifere ou tenant or; d'en séparer la chaux d'or; de laver cette chaux, & de la fondre. Il nous reste à retirer l'argent de départ, c'est - à - dire à séparer ce métal du menstrue auquel il est uni. On procede à cette séparation par deux moyens, savoir la précipitation & la distillation.

Pour retirer l'argent de départ par le premier moyen, on se sert du cuivre, qui a plus d'affinité avec l'eau - forte que l'argent, & qu'on sait par expérience être le précipitant qu'on peut employer dans ce cas avec le plus d'avantage. Voy. Précipitant.

Cette maniere de retirer l'argent de l'eau - forte, est la plus fûre & la plus courte, quoique peut - être la plus chere, parce qu'on perd communément toute l'eau - forte par cette méthode. La précipitation de l'argent se fait ou à chaud dans des bassines de cuivre, ou à froid dans des vaisseaux de verre ou de grais, avec des lames de cuivre.

Ce qui fuit est tiré de l'ouvrage de Schlutter, déjà cité.

La précipitation à chaud est la plus expéditive, elle rend beaucoup d'argent en un jour; car avec un chauderon ou bassine contenant la dissolution de vingt marcs, on peut faire trois précipitations par jour, & par conséquent précipiter soixante marcs en vingt - quatre heures. Les chauderons qui sont les plus forts en cuivre, & en même tems les moins profonds, sont les meilleurs; ils doivent être de bon cuivre rouge, & battus d'une égale épaisseur, afin qu'il ne s'y fasse point de crevasses, autrement on ne s'en serviroit pas long - tems: je n'en ai jamais vu de plus grand que pour la précipitation de vingt marcs. Un chauderon de cette sorte a deux piés & demi de diametre en haut; sa profondeur au milieu est d'un pié, & il pese cinquante - cinq à soixante livres: on peut y mettre environ quarante - cinq pintes de liqueur: on y verse l'eau - forte chargée d'argent, de deux cucurbites, ou de deux vaisseaux imaginés par Schlutter, dont nous avons parlé.

Enfin lorsqu'on s'en sert, il faut qu'il y ait à - peu - près six à sept fois autant d'eau douce que d'eauforte saoulée d'argent. On place ce chauderon ou bassine avec son trépié, sur un foyer muré de briques; on y fait du feu, pour faire bouillir l'eau & la dissolution. Aussi - tôt qu'elle a commencé à bouillir, l'argent se dépose sur le cuivre, puis s'en détache par floccons qui surnagent d'abord; mais lorsque l'argent tombe au fond, & que l'eau, qui est de couleur verte, s'éclaircit & devient limpide, c'est une marque que la précipitation est presque finie. Pour être assùré qu'il ne reste plus d'argent à précipiter, on jette quelques grains de sel dans l'eau du chauderon; si elle blanchit, & que ces grains de sel, en se dissolvant, fassent des filets blancs, c'est une marque que tout l'argent n'est pas précipité: ainsi il faut encore faire bouillir l'eau jusqu'à ce qu'elle ne donne plus la moindre teinte de blanc, avec le sel, dont les grains doivent tomber au fond sans changer la couleur de l'eau. Ensuite on y jette par surcroit une ou deux petites poignées de sel, & on ôte le chauderon de dessus le feu.

Il faut autanc de tems pour la précipitation d'une quantité quelconque d'argent, qu'il en a fallu pour le dissoudre: ainsi aussi tôt que la précipitation de la premiere mise est finie, on peut verser dans la bassine de cuivre la dissolution d'une autre quantité d'argent qui vient d'être achevée. On y ajoûte en même tems l'eau chaude du bain - marie, où l'on avoit mis le vaisseau contenant cette dissolution; observant seulement que la bassine servant à précipiter ne soit pas trop remplie, afin qu'il y ait de la place pour la dissolution, ou eau - forte chargée d'argent. Si l'on se sert souvent d'un vaisseau de cuivre pour précipiter l'argent, il faut le visiter, pour voir s'il ne s'affoiblit point trop dans quelques endroits, & s'il ne laisse pas transpirer de la liqueur; ce qui ne peut pas manquer d'arriver tôt ou tard, puisqu'il y a érosion de cuivre à chaque précipitation: ainsi pour prévenir les accidens, il faut toûjours avoir une autre bassine toute prête, dans laquelle on puisse recevoir ce qui fuit par quelque trou de la premiere. On s'en apperçoit avant qu'elle soit percée tout - à - fait, par de petites gouttes d'eau qui se forment ordinairement au dehors de la bassine: alors il est tems d'empêcher qu'une partie de la précipitation ne se perde dans les cendres.

Quand le chauderon est retiré du feu, & que la chaux d'argent s'est totalement déposée, l'eau s'éclaircit, & l'on voit le fond de ce vaisseau; alors il faut verser l'eau par inclinaison, & prendre garde qu'elle n'emporte de l'argent avec elle; ce qui cependant arrive rarement, parce que cette chaux est assez pesante. Si l'on veut continuer de précipiter, il faut ôter cette chaux, & la mettre dans une autre bassine de cuivre, où l'on verse de l'eau claire par - dessus. On remet, comme auparavant, de l'eau douce dans le chauderon à précipiter; on y ajoûte l'eauforte chargée d'argent avec l'eau chaude du bainmarie, & l'on procede comme on vient de l'enseigner.

On peut mettre la chaux d'argent de quatre précipitations dans la même bassine, pour l'édulcorer toute à la fois.

A l'égard de la précipitation à froid, elle ne coûte [p. 854] pas tant; mais elle demande plus de tems, & n'est guere commode dans les départs en grand, parce qu'il faut beaucoup de place & un grand nombre de vaisseaux: ainsi elle n'a son utilité que dans les petits départs. Il faut pour cette précipitation des vaisseaux de verre, ce sont les meilleurs; ou des terrines de grais bien cuites & presque vitrifiées: celles d'un grais poreux ou tendre ne résistent pas long - tems, & sont bientôt percées. On remplit ces vaisseaux d'eau douce, de maniere cependant qu'il y ait de la place pour une septieme partie, qui est l'eau - forte chargée d'argent, qu'on doit y verser aussi. Dès que ces deux liqueurs y sont, on y suspend avec une ficelle des lames de cuivre rouge qui ne soient ni sales ni grasses: on les laisse en repos dans le même endroit, jusqu'à ce que tout l'argent soit précipité, ce qui n'arrive qu'au bout de sept à huit jours, sur - tout quand on ménage le cuivre, & qu'on ne veut pas y en mettre beaucoup à la fois. Il est bon aussi de profiter du petit avantage qui peut résulter de la chaleur de la dissolution d'argent, en la versant toute chaude dans l'eau des terrines, laquelle par ce moyen prendra un degré de chaleur incapable de les casser. Mais il faut avoir attention de verser cette eau - forte presque bouillante, au milieu de l'eau, & non vers les bords du vaisseau, parce que la grande chaleur le feroit casser. Cette chaleur douce accélerera un peu la précipitation de l'argent sur les lames du cuivre.

On essaie par les grains de sel, si tout l'argent est précipité, comme on l'a enseigné ci - devant; & si la précipitation est achevée, on décante l'eau des terrines. Quant à la chaux d'argent qui reste attachée aux lames de cuivre, on la fait tomber dans l'eau douce avec une gratte - bosse, ou avec une brosse de poil de sanglier fort court; puis on les lave avec l'eau verte de la précipitation. En cas qu'on ne pût pas en détacher tout l'argent, on les garde pour une autre opération.

On met toute la chaux d'argent qu'on a précipitée par l'une ou l'autre méthode, dans une bassine de cuivre de capacité proportionnée; on y verse de l'eau commune, & on la fait bouillir pour en enlever toute l'acidité. Le chauderon ou bassine de cuivre dont on s'est servi pour la précipitation à chaud, peut être employé à l'édulcoration d'environ cent marcs d'argent. Quand la chaux à resté assez longtems dans l'eau bouillante, on ôte le vaisseau du feu, pour la laisser déposer, puis on verse l'eau par inclinaison: on répete trois ou quatre fois la même chose, en changeant d'eau à chaque fois, afin d'enlever toute l'acidité du dissolvant. Plus on a soin de laver cette chaux pour l'adoucir, plus elle devient légere; ainsi vers la fin des lotions on ne doit pas se presser de décanter l'eau, que cette chaux ne soit bien déposée. Ces lotions étant finies, on met la bassine de côté, afin que le peu d'eau qui reste se rassemble, & que l'argent soit mieux égoutté. On fait des pelotes de cette chaux, & l'on met sur un filtre ce qui en reste de trop humide. Ce filtre se fait, comme on sait, avec des plumes à écrire, qu'on rassemble en forme de cone avec un fil d'archal, & on le garnit de papier à filtrer. Comme la matiere que l'on met dessus est pesante, on place le filtre dans un entonnoir de verre; on met de petits brins de bouleau ou de paille entre deux, afin que l'eau filtre mieux. Cet entonnoir étant ainsi préparé, on le pose sur un vaisseau de verre ou de terre. Si l'on a beaucoup d'argent à dessécher de cette maniere, on peut ôter de celui qui est au milieu du filtre, pour faire place à d'autre; mais il faut prendre garde d'endommager le papier. Lorsque l'eau du filtre est écoulée, on met aussi cette chaux d'argent en pelotes, & on les fait sécher au soleil ou dans un lieu chaud. Si l'on veut aller plus vîte, on les fait sécher dans un creuset à petit feu, puis on fait fondre l'argent au fourneau à vent; mais il faut en conduire le feu doucement, pour donner le tems à l'argent de rougir avant que de fondre: lorsqu'il est bien fondu, on le coule dans un cone ou dans une lingotiere de fer, chauffés & graissés avec du suif; aussi - tôt qu'ils sont coulés, on jette dessus du poussier de charbon tamisé. Le mare d'argent fondu, provenant de la chaux précipitée par le cuivre, contient ordinairement depuis sept onces & demie & six grains, jusqu'à sept onces & demie & douze grains de fin. Si l'on veut porter cet argent à un plus haut titre, on y réussit par le raffinage. Voyez Raffinage.

Le départ est proprement fini lorsque l'on a séparé l'or & l'argent, & qu'on a ramassé chacun de ces métaux en culot ou en lingot, comme nous venons de l'enseigner. Il est cependant une opération d'oeconomie que le départeur doit savoir exécuter, savoir la reprise du cuivre, qui se fait ordinairement par la précipitation avec le fer. Cette méthode est fort simple; on n'a qu'à jetter dans des baquets de bois à demi remplis de vieilles ferrailles les moins rouillées qu'il est possible, la dissolution de cuivre décantée de dessus la chaux d'argent, encore chaude si l'on le peut commodément, & à mesure que l'on en a. Cette dissolution de cuivre s'appelle eau seconde ou verte, dans le langage des ouvriers. On doit laisser cette eau verte dans les baquets, jusqu'à ce qu'un morceau de fer poli trempé dedans pendant quelques minutes ne se couvre d'aucune particule de cuivre. Alors on décante cette liqueur qui est une dissoution de fer, on la rejette comme très - inutile, & l on sépare le cuivre du vieux fer par le moyeu de l'eau commune qu'on jette dans le baquet, dans laquelle on lave ce fer en le roulant fortement dans cette eau qu'on verse sur le champ à grands flots en agitant toûjours: on ramasse ensuite le cuivre qu'elle a entraîné & qui s'est déposé par le repos, & on le fond selon l'art.

Dans ces reprises de l'argent & du cuivre toute l'eau - forte est perdue. On trouve dans les Mém. de l'acad. royale des Scienc. ann. 1728, un moyen de la conserver, qui avoit été communiqué à M. Dufay par Antoine Amand, qui consiste à retirer par la distillation une partie de l'eau - forte de l'eau seconde ou de l'eau verte. Mais comme on peut aussi - bien distiller l'eau - forte chargée d'argent, il paroit que c'est multiplier les manoeuvres sans nécessité, que de précipiter l'argent par le cuivre pour distiller ensuite la dissolution de ce dernier métal. Et il ne paroît pas que l'avantage d'être exposé à une moindre perte par la fracture des cucurbites qui contiennent une dissolution de cuivre, que si ces vaisseaux étoient chargés d'une dissolution d'argent; il ne paroît pas, dis - je, que cet avantage soit assez considérable pour que le procédé d'Amand puisse être regardé comme utile, quand même on retireroit plus d'eau - forte de la dissolution du cuivre que de la dissolution d'argent; ce qui n'est point dit dans la description du procédé. Il paroît donc qu'on doit se borner à profiter de quelque circonstance de manuel, & des commodités de l'appareil, s'il y en a en effet, pour en perfectionner la distillation de la dissolution d'argent. Voyez les mémoires de l'acad. des Sciences, loc. cit. ou le Schlutter de M. Hellot, tome I. pag. 368.

Quoi qu'il en soit, voici comme on s'y prend pour retirer immédiatement une partie de l'eau - forte de la dissolution d'argent, en même tems qu'on retire l'argent. Ce qui suit est tiré de l'ouvrage de Schlutter, qui nous a tant fourni pour cet article.

Cette opération demande beaucoup d'attention, pour éviter que les cucurbites ne se cassent; parce que l'argent dissout s'étant répandu, il faut le cher<pb->

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