ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"885"> tent que couvertes d'un voile d'horreur, qui fait qu'on ne les regarde que comme des crimes; de sorte que ces mots signifient plûtôt le crime de ces actions, que les actions mêmes: au lieu qu'il y a de certains mots qui les expriment sans en donner de l'horreur, & plûtôt comme plaisantes que comme criminelles, & qui y joignent même une idée d'impudence & d'effronterie. Ce sont ces mots - là qu'on appelle infames & deshonnêtes, à cause des idées accessoires que l'esprit joint aux idées principales des choses, par un effet de l'institution humaine & de l'usage reçû.

Il en est de même de certains tours, par lesquels on exprime honnêtement des actions que la bienséance ne veut pas qu'on fasse en public. Les tours délicats dont on se sert pour les exprimer sont honnêtes, parce qu'ils n'expriment pas simplement ces choses, mais aussi la disposition de celui qui en parle de cette sorte, & qui témoigne par sa retenue qu'il les envisage avec peine, & qu'il les cache autant qu'il peut, & aux autres & à soi - même; au lieu que ceux qui en parleroient d'une autre maniere, feroient juger qu'ils prendroient plaisir à regarder ces sortes d'objets: & ce plaisir étant blâmable, il n'est pas étrange que les mots qui impriment cette idée, soient estimés contraires à l'honnêteté.

Il est donc nécessaire de se servir en parlant & en écrivant, de paroles honnêtes, pour ne point présenter des images honteuses ou dangereuses aux autres. L'honnêteté des expressions s'accorde toûjours avec l'utile, excepté dans quelques sciences où il se rencontre des matieres qu'il est permis, quelquefois même nécessaire, de traiter sans enveloppe; & alors on ne doit pas blâmer un physicien lorsqu'il se trouve dans le cas particulier, de ne pouvoir entrer dans certains détails avec la sage retenue qui fait la décence du style, & dont il ne s'écarte qu'à regret. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DESIGNATEUR (Page 4:885)

DESIGNATEUR, s. m. (Hist. anc.) vieux mot qui vient de designare, marquer; officier romain qui désignoit, qui marquoit à chacun sa place & son rang dans les cérémonies publiques.

C'étoit une espece de maître des cérémonies qui régloit la séance, l'ordre, la marche, & c. Il y avoit des désignateurs dans les pompes funebres, dans les jeux, aux théatres, aux spectacles, qui non - seulement assignoient à chacun sa place, mais l'y conduisoient, comme il paroît par le prologue du poenulus de Plaute.

L'agonotheta des Grecs étoit à - peu - près la même chose.

Quand le désignateur alloit lever un corps mort pour le mettre sur le bûcher, il étoit accompagné d'une troupe d'officiers des funérailles, que Séneque appelle les ministres de Libitine, Libitinarios; tout ce cortége vêtu de noir, marchoit devant lui, comme les huissiers devant les magistrats. Sa fonction dans ces cas - là répondoit â celle de juré - crieur dans nos enterremens. (G)

DESIGNATION (Page 4:885)

DESIGNATION, s. f. (Hist. anc.) est l'action de marquer, d'indiquer, ou de faire connoître une chose. La désignation d'un tel état ou d'un tel pays, se fait par ceux qui y tiennent & qui s'y terminent.

Parmi les Romains il y avoit des désignations de consuls & d'autres magistrats, qui se faisoient quelque tems avant leur élection. On disoit consul ou préteur, ou censeur désigné. (G)

DESIMBRINGUER (Page 4:885)

DESIMBRINGUER, v. act. (Jurispr.) ce terme usité dans les provinces de droit écrit, & dans les îles françoises de l'Amérique, signifie affranchir, libérer, ou décharger un héritage qui étoit affecté ou hypothéqué à quelque charge réelle ou hypothécaire. Il est opposé à imbringuer, qui signifie charger. On appelle biens imbringués, ceux qui sont chargés de beaucoup de redevances ou de dettes. (A)

DESINENCE (Page 4:885)

DESINENCE, s. f. (Gramm.) il est synonyme à terminaison, & ils se disent l'un & l'autre de la derniere syllabe d'un mot.

DESINTÉRESSÉMENT (Page 4:885)

DESINTÉRESSÉMENT, sub. m. (Morale.) c'est cette disposition de l'ame qui nous rend insensibles aux richesses, & contens du plus étroit nécessaire. C'est peut - être en un sens la premiere des vertus, parce qu'elle est comme la sauve - garde des autres, & qu'elle les affermit en nous. C'est aussi en général celle que les malhonnêtes gens connoissent le moins; celle à laquelle ils croyent le moins; celle enfin qu'ils craignent, & qu'ils haissent le plus dans les autres, quand ils sont forcés de l'y reconnoître. (O)

DESIR, SOUHAIT (Page 4:885)

DESIR, SOUHAIT, syn. (Gram.) ces mots désignent en général le sentiment par lequel hous aspirons à quelque chose; avec cette différence que desir ajoûte un degré de vivacité à l'idée de souhait, & que souhait est quelquefois uniquement de compliment & de politesse: ainsi on dit les desirs d'une ame chrétienne, les souhaits de la nouvelle année, & c. (O)

Desir (Page 4:885)

Desir, (Métaph. & Morale.) espece d'inquiétude dans l'ame, que l'on ressent pour l'absence d'une chose qui donneroit du plaisir si elle étoit présente, ou du moins à laquelle on attache une idée de plaisir. Le desir est plus où moins grand, selon que cette inquiétude est plus ou moins ardente. Un desir très foible s'appelle velléité.

Je dis que le desir est un état d'inquiétude; & quiconque réfléchit sur soi - même, en sera bientôt convaincu: car qui est - ce qui n'a point éprouvé dans cet état, ce que le sage dit de l'espérance (ce sentiment si voisin du desir), qu'étant dissérée elle fait languir le coeur? Cette langueur est proportionnée à la grandeur du desir, qui quelquefois porte l'inquiétude à un tel point, qu'il fait crier avec Rachel: donnez - moi ce que je souhaite, donnez - moi des enfans, ou je vais mourir.

Quoique le bien & le mal présent & absent agissent sur l'esprit, cependant ce qui détermine immédiatement la volonté, c'est l'inquiétude du desir fixé sur quelque bien absent quel qu'il soit; ou negatif, comme la privation de la douleur à l'égard d'une personne qui en est actuellement atteinte; ou positif, comme la jouissance d'un plaisir.

L'inquiétude qui naît du desir, détermine done la volonté; parce que c'en est le principal ressort, & qu'en effet il arrive rarement que la volonté nous pousse à quelque action, sans que quelque desir l'accompagne. Cependant l'espece d'inquiétude qui fait partie, ou qui est du moins une suite de la plûpart des autres passions, produit le même effet; car la haine, la crainte, la colere, l'envie, la honte, &c. ont chacune leur inquiétude, & par - là operent sur la volonté. On auroit peut - être bien de la peine à trouver quelque passion qui soit exempte de desir. Au milieu même de la joie, ce qui soûtient l'action d'où dépend le plaisir présent, c'est le desir de continuer ce plaisir, & la crainte d'en être privé. La fable du rat de ville & du rat des champs, en est le tableau. Toutes les fois qu'une plus grande inquiétude vient à s'emparer de l'esprit, elle détermine aussitôt la volonté à quelque nouvelle action, & le plaisir présent est négligé.

Quoique tout bien soit le propre objet du desir en général, cependant tout bien, celui - là même qu'on reconnoît être tel, n'émeut pas nécessairement le desir de tous les hommes; il arrive seulement que chacun desire ce bien particulier, qu'il regarde comme devant faire une partie de son bonheur.

Il n'y a je crois personne assez destitué de raison pour nier qu'il n'y ait du plaisir dans la recherche & la connoissance de la vérité. Mallebranche à la [p. 886] lecture du traité de l'homme de Descartes, avoit de tels transports de joie, qu'il lui en prenoit des battemens de coeur qui l'obligeoient d'interrompre sa lecture. Il est vrai que la vérité invisible & méprisée n'est pas accoûtumée à trouver tant de sensibilité parmi les humains, mais les veilles des gens de lettres prouvent du moins qu'elle n'est pas indifférente à tout le monde. Et quant aux plaisirs des sens, ils ont trop de sectateurs pour qu'on puisse mettre en doute, si les hommes y sont sensibles ou non. Ainsi prenez deux hommes, l'un épris des plaisirs senfuels, & l'autre des charmes du savoir; le premier ne desire point ce que le second aime passionnément. Chacun est content sans joüir de ce que l'autre possede, sans avoir la volonté ni l'envie de le rechercher.

Les choses sont représentées à notre ame sous différentes faces: nous ne fixons point nos desirs ni sur le même bien, ni sur le bien le plus excellent en réalité, mais sur celui que nous croyons le plus nécessaire à notre bonheur: de cette maniere, les desirs sont souvent causés par de fausses idées, toùjours proportionnés aux jugemens que nous portons du bien absent, ils en dépendent de même; & à cet égard nous sommes sujets à tomber dans plusieurs égaremens par notre propre faute.

Enfin chacun peut observer tant en soi - même que dans les autres, que le plus grand bien visible n'excite pas toûjours les desirs des hommes, à proportion de l'excellence qu'il paroît avoir, & qu'on y reconnoît. Combien de gens sont persuadés qu'il y aura après cette vie un état infiniment heureux & infiniment au - dessus de tous les biens dont on peut joüir sur la terre? Cependant les desirs de ces gens - là ne sont point émûs par ce plus grand bien, ni leurs volontés déterminées à aucun effort qui tende à le leur procurer. La raison de cette inconséquence, c'est qu'une portion médiocre de biens présens suffit pour donner aux hommes la satisfaction dont ils sont susceptibles.

Mais il faut aussi que ces biens se succedent perpétuellement pour leur procurer cette satisfaction; car nous n'avons pas plûtôt joüi d'un bien, que nous soûpirons après un autre. Nos moeurs, nos modes, nos habitudes, ont tellement multiplié nos faux besoins, que le fonds en est intarissable. Tous nos vices leur doivent la naissance; ils émanent tous du desir des richesses, de la gloire, ou des plaisirs: trois classes générales de desirs, qui se subdivisent en une infinité d'especes, & dont la joüissance n'assouvit jamais la cupidité. Les gens du commun & de la campagne, que le luxe, l'éducation & l'exemple n'ont pas gâtés, sont les plus heureux, & les plus à l'abri de la corruption. C'est pourquoi Lovelace, dans un roman moderne qui fait honneur à l'Angleterre (lettres de Clarisse), desespere d'attraper du messager de sa maitresse les lettres dont elle l'a chargé. « Crois - tu Belford (mande - t - il à son ami) qu'il y eût si grand mal, pour avoir les lettres de mon ange, de casser la tête à ce coquin? un ministre d'état ne le marchanderoit pas: car d'entreprendre de le gagner par des présens, c'est folie; il paroît si tranquille, si satisfait dans son état de pauvreté, qu'avec ce qui lui faut pour manger & pour boire, il n'aspire point à vivre demain plus largement qu'aujourd'hui. Quel moyen de corrompre quelqu'un qui est sans desir & sans ambition »? Tels étoient les Fenniens, au rapport de Tacite: ces peuples, dit cet historien, en sûreté contre les hommes, en sûreté contre les dieux, étoient parvenus à ce rare avantage de n'avoir pas besoin même de desirs.

En effet les desirs naturels, c'est - à - dire ceux que la seule nature demande, sont courts & limités; ils ne s'étendent que sur les nécessités de la vie. Les desirs artificiels, au contraire, sont illimités, immen<cb-> ses, & superflus. Le seul moyen de se procurer le bonheur, consiste à leur donner des bornes, & à en diminuer le nombre. C'est assez que d'être, disoit si bien à ce sujet madame de la Fayette. Ainsi, puisque la mesure des desirs est celle des inquiétudes & des chagrins, gravons bien dans nos ames ces vers admirables de la Fontaine:

Heureux qui vit chez soi, De regler ses desirs faisant tout son emploi!

Il ne sait que par oüi - dire Ce que c'est que la cour, la mer, & ton empire,

Fortune, qui nous fais passer devant le yeux Des dignités, des biens que jusqu'au bout du monde On suit, sans que l'effet aux promesses réponde!

La Fontaine, liv. VII. fable xij. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DESIRADE ou DESCADA (Page 4:886)

DESIRADE ou DESCADA, (Géograph. mod.) petite île des Amilles dont les François sont les maitres: elle est située à l'orient de la grande terie de la Guadeloupe: quoique son terrein soit passable, elle n'est cependant pas habitée, n'ayant point d'eau douce.

La Desirade est célebre par l'heureuse rencontre qu'en fit Christophe Colomb, après avoir été longtems balotté des vagues, lors de son second voyage en Amérique. Article de M. le Romain.

DESISTAT (Page 4:886)

DESISTAT, s. m. (Jurisprud.) au parlement de Toulouse signifie desistement ou petitoire. Ce terme qui est latin, est reçu dans la pratique. On dit une demande en désistat. Voy. le style du parlement de Toulouse, par Cayron, pag. 47 & 48. (A)

DESISTEMENT (Page 4:886)

DESISTEMENT, s. m. (Jurispr.) est une renonciation que l'on fait à quelque chose. Le desistement est de plusieurs sertes.

Il y a desistement par lequel on renonce à user d'un droit, d'une faculté, ou à faire valoir une prétention.

Desistement d'une action ou demande, d'un exploit, d'une requête, d'une plainte, & amres conclusions & procédures, par lequel on renonce à poursuivre ces procédures, & même à tirer avantage de ce qui a été fait.

Desistement d'un héritage, est l'acte par lequel celui qui étoit détenteur d'un héritage, en quitte la possession & la propriété à celui qui le révendique en qualité de propriétaire. Cette derniere espece de desistement differe de l'abandonnement proprement dit, que le débiteur fait à ses créanciers: il differe aussi du délaissement par hypotheque, qui est fait par le propriétaire de l'héritage à un créancier hypothécaire; & enfin du déguerpissement qui est fait au bailleur à rente par le preneur ou ses ayans cause, pour se décharger de la continuation de la rente.

Il ne suffit pas de se desister d'une demande ou de l'héritage qui est revendiqué; il faut en même tems offrir les dépens jusqu'au jour du desistement.

Celui au profit duquel est fait le desistement, en demande acte, si c'est en justice que les parties procedent, & obtient un jugement qui le lui octroye; & en conséquence lui permet d'user du droit que lui donne le desistement. (A)

DESPOTISME (Page 4:886)

DESPOTISME, s. m. (Droit polit.) gouvernement tyrannique, arbitraire & absolu d'un seul homme: tel est le gouvernement de Turquie, du Mogol, du Japon, de Perse, & presque de toute l'Asie. Développons - en, d'après de célebres écrivains, le principe & le caractere, & rendons graces au ciel de nous avoir fait naìtre dans un gouvernement différent, où nous obéissons avec joie au Monarque qu'il nous fait aimer.

Le principe des états despotiques est qu'un seul prince y gouyerne tout selon ses volontés, n'ayant

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