ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"881"> de guerre, doit être livré à l'exécuteur de justice, après sa sentence lûe à la tête des troupes qui battent aux champs dès qu'il entre dans leur enceinte, le sergent de la compagnie dont il étoit, l'arme de pié en cap; il tient de la main droite la crosse du fusil, & lui dit: Te trouvant indigne de porter les armes, nous t'en dégradons. Il lui ôte ensuite le fusil par derriere avec son ceinturon, il lui fait passer son fourniment par les piés; il se retire ensuite: l'exécuteur alors se saisit du criminel.

S'il doit être passé par les armes après la sentence lûe, le détachement qui l'escorte le mene au lieu de l'exécution; le sergent de sa compagnie lui bande les yeux avec un linge; six ou huit grenadiers du détachement ôtent la bayonnette pendant cet appareil; ceux qui sont à sa droite tirent à la tête, ceux qui sont à sa gauche le tirent au coeur, les uns & les autres au signal que donne le major.

Avant la lecture de la sentence, les tambours battent un ban, ensuite le major dit à haute voix & chapeau bas: De par le Roi, défense sous peine de la vie de crier grace.

Les troupes défilent devant le mort après l'exécution. D'Héricourt, tome II. (Q)

Deserteur (Page 4:881)

Deserteur, (Morale & Politique.) L'illustre auteur de l'Esprit des Lois remarque que la peine de mort infligée parmi nous aux deserteurs ne paroît pas avoir diminué les desertions; il croit qu'une peine infamante qui les laisseroit vivre, seroit plus efficace. En effet, un soldat par son état méprise ou est fait pour mépriser la mort, & au contraire pour craindre la honte. Cette observation paroît judicieuse; mais ce seroit à l'expérience à la confirmer. (O)

Les historiens nous parlent d'une loi que fit Charondas contre les deserteurs; elle portoit qu'au lieu d'être punis de mort, ils seroient condamnés à paroître pendant trois jours dans la ville revêtus d'un habit de femme; mais les mêmes historiens ne nous disent point si la crainte d'une telle honte produisit plus d'effet que celle de la mort. Quoi qu'il en soit, Charondas retiroit deux grands avantages de sa loi, celui de conserver des sujets, & celui de leur donner occasion de réparer leurs fautes, & de se couvrir de gloire à la premiere action qui se présenteroit.

Nous avons adopté des Francs la loi de peine de mort contre les deserteurs; & cette loi étoit bonne pour un peuple chez qui le soldat alloit librement à la guerre, avoit sa part des honneurs & du butin. Le cas est - il le même parmi nous?

Comme personne n'ignore les diverses causes qui rendent les desertions si fréquentes & si considérables, je n'en rapporterai qu'une seule, c'est que les soldats sont réellement dans les pays de l'Europe où on les prend par force & par stratagême, la plus vile partie des sujets de la nation, & qu'il n'y a aucune nation qui ne croye avoir un certain avantage sur Jes autres. Chez les Romains (dit encore l'auteur de l'esprit des lois dans un autre de ses ouvrages) les desertions étoient très - rares: des soldats tirés du sein d'un peuple si fier, si orgueilleux, si sûr de commander aux autres, ne pouvoient guere penser à s'avilir jusqu'à cesser d'être Romains.

On demande s'il est permis de se servir à la guerre des deserteurs & des traîtres qui s'offrent d'eux - mêmes, & même de les corrompre par des promesses ou des récompenses. Quintilien dans sa déclamation 255, soûtient qu'il ne faut pas recevoir des deserteurs de l'armée ennemie. Cette idée pouvoit être bonne pour les Romains, elle ne le seroit pas de même pour nous. Grotius distingue ici: il prétend que, selon le droit des gens, on peut se servir des deserteurs, mais non pas des traîtres. Cette décision n'est pourtant point sans difficulté; car posez un juste su<cb-> jet de guerre, on a droit certainement d'ôter à l'ennemi tout ce qui lui est de quelque secours. Or d'après ce principe, il semble qu'il doit être permis de travailler à appauvrir l'ennemi, en gagnant ses sujets par argent, ou autre semblable attrait. Cependant il faut bien prendre garde, en s'y prenant ainsi, de ne pas se nuire à soi - même, par l'exemple qu'on donne aux autres; & c'est toûjours un acte de générosité de s'abstenir, tant qu'on le peut, de ces sortes de voies. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DESERTION (Page 4:881)

DESERTION D'APPEL, (Jurispr.) est la négligence de relever dans le tems marqué par la loi un appel que l'on a interjetté d'une sentence ou autre acte.

Un appel est desert ou abandonné, lorsqu'il n'est pas relevé dans le tems.

La peine de la desertion d'appel est que l'appel est déclaré nul & comme non - avenu.

On observoit la même chose chez les Romains; l'appellant ne pouvoit poursuivre son appel qu'il n'obtînt du juge à quo des apôtres. C'est ainsi que l'on appelloit des lettres dimissoires ou libelles appellatoires, par lesquelles le juge à quo certifioit l'appel interjetté de sa sentence au juge où devoit ressortir l'appel; il falloit que l'appellant fît apparoir de ces lettres avant d'être reçû à la poursuite de son appel. Ces lettres devoient être obtenues dans les trente jours de l'appel, faute de quoi l'appel étoit réputé desert, & l'effet de cette desertion étoit qu'on pouvoit mettre à exécution la sentence, à moins que les parties n'eussent transigé.

L'usage de ces apôtres ou libelles appellatoires a été observe dans les provinces de France régies par le droit écrit, jusqu'à l'ordonnance de 1539, qui les a abroges art. 117. Voyez Relief d'appel.

Présentement l'usage général est que l'appel doit être relevé par des lettres de cnancellerie dans le tems de l'ordonnance, autrement il est desert: mais cette desertion n'est pas acquise de plein droit, il faut la faire prononcer; & pour cet effet l'intimé obtient en chancellerie des letties de desertion, en vertu desquelles il fait assigner l'appellant pour voir declarer son appel desert.

Lorsque l'appellant a comparu sur cette demande en desertion, on lui offre un appointement devant un ancien avocat conformément à l'ordonnance, qui veut que ces sortes de demandes soient vuidées par l'avis d'un ancien avocat.

Si la desertion est acquise, l'avocat donne son avis portant que l'appel est desert; si au contraire la desertion n'est pas acquise, il convertit la demande en desertion, en anticipation.

Le premier appel étant déclaré desert, l'appellant en peut interjetter un autre en refondant les dépens, pourvu qu'il soit encore dans le tems d'appeller: en quoi la desertion differe de la péremption; car quand un appel relevé est péri par le défaut de poursuites pendant trois ans, on ne peut ni le poursuivre, ni en interjetter un autre.

Pour éviter le circuit d'un nouvel appel, l'intimé accélere, au lieu de demander la desertion, obtient des lettres d'anticipation: il a même été fait une délibération de la communauté des procureurs du parlement en 1692, portant que les procureurs passeront arrêt par lequel la desertion sera convertie en anticipation, & que les parties concluront comme en procès par écrit, joint les fins de non - recevoir, défenses au contraire; au moyen dequoi l'on n'examine plus si la desertion est acquise ou non, que pour la refusion des dépens.

La desertion d'appel n'a pas lieu dans les appels comme d'abus ni en matieres criminelles; ce qui est conforme à la loi properandum, cod. de judiciis, & fondé sur ce que la négligence d'un particulier ne [p. 882] doit pas préjudicier à l'intérêt public. Voyez au cod. liv. VII. tit. lxiij. l. 2. & liv. VIII. tit. lxij. l. 18: Ordonn. de 1667. tit. vj. art. 4. Journ. du palais. Arrêt du 31. Mai 1672. (A)

Desertion d'un bénéfice (Page 4:882)

Desertion d'un bénéfice, est lorsqu'un bénéficier a disparu sans que l'on sache ce qu'il est devenu: après un an de son absence, on peut obtenir des provisions de son bénéfice comme vacant par desertion; & celui qui est ainsi pourvû doit être maintenu quant à présent préférablement à celui qui est pourvû per obitum, jusqu'à ce que la vérité du fait soit éclaircie, parce la présomption de droit est qu'il est vivant. Au reste cette maintenue n'est qu'une espece de provision qui cesse dès que l'ancien titulaire reparoît. Voyez le journ. des aud. tome V. pag. 1015. arr. du 14 Juill. 1699. (A)

Desertion des maisons, terres, et autres (Page 4:882)

Desertion des maisons, terres, et autres héritages; c'est lorsque celui qui en étoit propriétaire ou possesseur les abandonne, & les laisse vuides, vagues, & en friche.

La desertion des héritages est fort différente du déguerpissement qui se fait entre les mains du bailleur de fonds, & du délaissement soit par hypotheque ou délaissement simple pro derelicto, qui prive à l'instant le propriétaire de sa chose & la défere au premier occupant. La desertion se fait sans aucun acte ou formalité, par la seule négligence du détenteur qui laisse les héritages vacans, & néanmoins ne laisse pas d'en demeurer toûjours propriétaire, comme le remarque Cujas sur le titre de omni agro deserto.

Les terres desertes sont encore différentes de celles que les coûtumes appellent terres hermes, terres gayves, communes, ou vains pâturages, qui sont des terres stériles & de nulle valeur, ou qui n'ont jamais été occupées par aucun particulier.

Si les héritages deserts sont chargés de rentes foncieres, le bailleur n'est pas pour cela en droit de rentrer aussi - tôt dans son héritage: il faudroit qu'il y eût cessation de payement pendant trois années; encore la peine n'est - elle que comminatoire, & cesse-t - elle par le payement des arrérages.

Quelques coûtumes portent que si le propriétaire étoit trois ans sans labourer, le seigneur peut reprendre les héritages & les réunir à son domaine: telles sont les coûtumes de la Marche, Berri, Vastang, Clermont, Romorentin, & Blois. Mais cela est particulier à ces coûtumes; & ailleurs le seigneur ou bailleur n'a qu'une action pour son cens ou sa rente, & pour ses dommages & intérêts.

On fait seulement une différence pour les vignes tenues à rente; car si le détenteur est un an sans les tailler, quelques - uns tiennent que le bailleur peut s'en faire envoyer en possession, à cause qu'elles seroient ruinées pour toûjours si on les négligeoit plus long - tems. C'est l'opinion de Balde sur l'auth. qui rem, & la disposition de la coûtume de Poitou, art. 61. cependant cette loi pénale ne s'étendroit pas non plus aux autres coûtumes; le bailleur auroit seulement son action en dommages & intérêts comme pour les autres héritages.

Si la rente dûe sur l'héritage est à prendre en nature de fruits, en ce cas le bailleur seroit bien fondé à faire cultiver l'héritage pour assûrer sa rente.

Il y a même quelques coûtumes qui permettent au premier occupant de cultiver les terres desertes, & cela pour le bien public; mais hors ces coûtumes, le cultivateur ne gagneroit pas les fruits, & seroit tenu de les rendre au propriétaire qui les reclameroit, à la déduction seulement des frais de labours & semences. Voyez Terres hermes, Terres desertes , & Loyseau du déguerpissement, liv. VI. ch. xj. (A)

DESESPOIR (Page 4:882)

DESESPOIR, s. m. (Morale.) inquiétude accablante de l'ame causée par la persuasion où l'on est qu'on ne peut obtenir un bien après lequel on soûpire, ou éviter un mal qu'on abhorre.

Cette triste passion qui nous trouble & qui nous fait perdre toute espérance, agit différemment dans l'esprit des hommes: quelquefois elle produit l'indolence & le repos; la nature accablée succombe sous la violence de la douleur: quelquefois en se privant des seules ressources qui lui restoient pour remedes, elle se fâche contre elle - même, & exige de soi la peine de son malheur, si l'on peut parler ainsi; alors, comme dit Charron, cette passion nous rend semblables aux petits enfans, qui par dépit de ce qu'on leur ôte un de leurs joüets, jettent les autres dans le feu. Quelquefois au contraire le desespoir produit les actions les plus hardies, redouble le courage, & fait sortir des plus grands périls.

Una salus victis, nullam sperare salutem.

C'est une des plus puissantes armes d'un ennemi, qu'il ne faut jamais lui laisser. L'histoire ancienne & moderne en fournissent plusieurs preuves. Mais si l'on y prend garde, ces mêmes actions du desespoir sont souvent fondées sur un nouvel espoir qui porte à tenter toutes choses extrèmes, parce qu'on a perdu l'espérance des autres. Les consolations ordinaires sont trop foibles dans un desespoir causé par des malheurs affreux; elles sont excellentes dans des accidens passagers & réparables. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

DESHABILLE (Page 4:882)

DESHABILLE, terme fort en usage en France, & que les Anglois ont adopté depuis peu. Il signifie proprement une robbe de chambre, & les autres choses dont on se couvre quand on est chez soi en négligé. On dit: On ne peut voir M. un tel, il est encore en deshabillé; c'est - à - dire qu'il est en robe de chambre, & n'est pas habillé.

DESHARNACHER (Page 4:882)

DESHARNACHER, v. act. (Maréch.) c'est ôter les harnois du cheval. Voyez Harnois. (V)

DESHERENCE (Page 4:882)

DESHERENCE, s. f. (Jurisprud.) qui vient du latin deserere, est le droit qui appartient au Roi ou aux seigneurs hauts justiciers, de prendre chacun dans l'étendue de leur haute justice les biens délaissés par un regnicole françois né en légitime mariage, décédé ab intestat & sans aucun héritier apparent habile à lui succéder.

On ne dit pas que le droit de deshérence soit un droit de succéder, parce qu'en effet ce n'est pas une véritable hérédité, ni même une succession à titre universel; le Roi ou les seigneurs ne sont chacun que des successeurs particuliers, & à certains biens: ils ne succedent point en tous les droits du défunt; & c'est moins par translation du droit du défunt en leur personne, que par forme de réunion de la seigneurie privée vacante à la seigneurie publique.

Ce droit consiste, a - t - on dit, à recneillir les biens vacans d'un regnicole; parce que si c'étoit un étranger non naturalisé, sa succession appartiendroit au Roi par droit d'aubaine & non de desherence, à l'exclusion des seigneurs hauts justiciers dans la justice desquels pourroient se trouver les biens.

On a ajoùté d'un regnicole né en légitime mariage, parce que si c'étoit un bâtard sa succession appartiendroit par droit de bâtardise au Roi ou aux seigneurs; mais avec cette différence que ceux - ci n'y peuvent prétendre qu'en cas de concours de certaines circonstances. Voyez ci - devant l'article Batard; voyez aussi Testament.

Le droit de deshérence ne comprend donc que les successions qui sont dévolues au Roi ou aux seigneurs par le seul défaut d'héritier, & non par les autres manieres par lesquelles des biens vacans peuvent appartenir au Roi ou aux seigneurs.

L'origine du droit de deshérence remonte jusqu'aux Grecs, dont il paroit que les Romains avoient em<pb->

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