ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"216">

Prenez deux aimans ab, AB, (fig. 64. physiq.) mettez - les chacun dans une petite boîte de sapin pour qu'ils puissent aisément flotter sur une eau dormante & à l'abri des mouvemens de l'air; faites ensorte qu'ils ne soient pas plus éloignés l'un de l'autre que ne s'étend léur sphere d'activité: vous verrez qu'ils s'approcheront avec une vitesse accélérée, & qu'ils s'uniront enfin dans un point C qui sera le milieu de leur distance mutuelle, si les aimans sont égaux en force & en masse, & si les deux boîtes sont parfaitement semblables: marquez les points b, A, par lesquels ces aimans se sont unis, & éloignez - les l'un de l'autre de la même distance, ils s'approcheront avec la même vitesse, & s'uniront par les mêmes points: mais si vous changez l'un de ces aimans de situation, de maniere qu'il présente à l'autre le point directement contraire à celui qui étoit attiré, ils se fuiront réciproquement avec une égale vitesse jusqu'à ce qu'ils soient hors de la sphere d'activité l'un de l'autre.

L'expérience fait connoître que ces deux aimans s'attirent par les poles de différent nom; c'est - à - dire, que le pole boréal de l'un attire le pole austral de l'autre, & le pole boréal de celui - ci attire le pole austral du premier: au contraire les deux poles du nord se fuient aussi - bien que les deux poles du sud; ensorte que c'est une loi constante du magnétisme, que l'attraction mutuelle & réciproque se fait par les poles de différent nom; & la répulsion, par les poles de même dénomination.

On a cherché à découvrir si la force qui fait approcher ou fuir ces deux aimans, agit sur eux seulement jusqu à un terme déterminé; si elle agit uniformément à outes les distances en deçà de ce terme: ou si elle étoit variable, dans quelle proportion elle croîtroit ou décroîtroit par rapport aux différentes distances: mais le résultat d'un grand nombre d'expériences a appris que la force d'un aimant s'étend tantôt plus loin, tantôt moins. Il y en a dont l'activité s'étend jusqu'à 14 piés; d'autres dont la vertu est insensible à 8 ou 9 pouces. La sphere d'activité d'un aimant donné, a elle - même une étendue variable; elle est plus grande en certains jours que dans d'autres, sans qu'il paroisse que ni la chaleur, ni l'humidité, ni la secheresse de l'air ayent part à cet effet.

D'autres expériences ont fait connoître que vers les termes de la sphere d'activité, la force magnétique agit d'abord d'une maniere insensible; qu'elle devi ent plus considerable à mesure que le corps attiré s'approche de l'aimant, & qu'elle est la plus gran de de toutes dans le point de contact: mais la proportion de cette force dans les différentes distances, n'est pas la même dans les différens aimans; ce qui fait qu'on ne sauroit établir de regle générale.

Voici le résultat d'une expérience faite avec soin par M, du Tour.

Il a rempli d'eau un grand bassin M, (Pl. physiq. fig. 63.) & il a fait nager par le moyen d'une fourchette une aiguille à coudre A B qu'il avoit aimantée (qu'on peut par conséquent regarder comme un aimant, ainsi que nous le verrons par la suite); il a présenté une pierre d'aimant T à la distance de 13 pouces de cette aiguille, ce qui étoit à peu pres le terme de sa sphere d'activité, & il a examiné le rapport des vitesses de l'aiguille à différentes distances. Voici le résultat de son observation.

L'aiguille a employé à parcourir

le 1er pouce 120"
 2e        110
 3                   70
 4                   72
 5                   56
 6                   44

 7                   28
 8                   16
 9                   12
10                    6
11                    3
12 & 13        1

Total pour les 13 pouces, 546"=9'6"

Ce qu'on a observé de la répulsion, est en quelque sorte semblable aux circonstances du phénomene de l'attraction; c'est - à - dire, que la sphere de répulsion varie dans les différens aimans, aussi - bien que la force répulsive dans les différentes distances. Plusieurs Auteurs ont cru que la force répulsive ne s'étend dans aucun aimant aussi loin que la force attractive, & qu'elle n'est nulle part aussi forte que la vertu attractive, pas même dans le point de contact, où elle est la plus grande. La force attractive des poles de différens noms de deux aimans étoit, par une observation de M. Musschenbroek, de 340 grains dans le point de contact, tandis que la force répulsive des poles de même nom de ces deux aimans, n'étoit que de 44 grains dans le point de contact de ces deux poles.

Ces Auteurs joignent à ces observations une autre, qui n'est pas moins singuliere: c'est qu'on trouve des aimans (& la même chose arrive à des corps aimantés) dont les poles de même nom se repoussent tant qu'ils sont à une distance moyenne des termes de leur sphere d'activité, & s'attirent au contraire dans le point de contact; d'autres se repoussent avec plus de vivacité vers le milieu de leur sphere d'activité qu'aux environs du point de contact, où il semble que la répulsion diminue. Néanmoins M. Mitchell prétend avoir observé par le moyen des aimans artificiels, que les deux poles attirent & repoussent également aux mêmes distances, & dans toute sorte de direction; que l'erreur de ceux qui ont cru la répulsion plus foible que l'attraction, vient de ce que l'on affoiblit toûjours les aimans & les corps magnétiques, en les approchant par les poles de même nom, au lieu qu'on augmente leur vertu lorsqu'on les approche par les poles de différente dénomination; que cette augmentation ou diminution de force occasionnée par la proximité de deux aimans, devient insensible à mesure qu'on les éloigne: c'est pourquoi l'on voit qu'à une grande distance l'attraction & la répulsion approchent de plus en plus de l'égalité; & réciproquement s'éloignent de l'égalité à mesure que la distance réciproque des deux aimans diminue, & qu'ils agissent l'un sur l'autre; ensorte que si un aimant est assez fort & assez près pour endommager considérablement un aimant foible qui l'approche par les poles de même nom, il arrivera que le pole de celui - ci sera détruit & changé en un pole d'une dénomination différente, au moyen dequoi la répulsion sera convertie en attraction. Plusieurs expériences au reste font croire à M. Mitchell que l'attraction & la répulsion croissent & décroissent en raison inverse des quarrés des distances respectives des deux poles.

Tous ces effets d'attraction & de répulsion réciproques de deux aimans, n'éprouvent aucun obstacle de la part des corps solides, ni des fluides. L'attraction & la répulsion de deux aimans étoit egalement forte, soit qu'il y eût une masse de plomb de 100 livres d'épaisseur entre - deux, soit qu'il n'y eût que de l'air libre. M. Boyle a éprouvé que la vertu magnétique pénétroit au - travers du verre scellé hermétiquement, qu'on sait être un corps des plus impénétrables par aucune sorte d'écoulement particulier: le fer seul paroît intercepter la matiere magnétique; car une plaque de fer battu interposée entre deux aimans, affoiblit considérablement leurs forces attractives & répulsives.

De même ni le vent, ni la flamme, ni le courant des eaux n'interrompent les effets d'attraction & de répulsion de deux aimans; ces actions sont aussi vives dans l'air commun, que dans l'air raréfié ou condensé dans la Machine pneumatique. Planche physiq. fig. 32. & 35. [p. 217]

. 2. De l'attraction réciproque de l'aimant & du fer.

L'aimant attire le fer avec encore plus de vigueur qu'il n'attire un autre aimant: qu'on mette sur un liége A, Planche phys. fig. 62.. un morceau de fer cubique B qui n'ait jamais été aimanté, & que le tout flotte sur l'eau, & qu'on lui présente un aimant C par quelque pole que ce soit, le fer s'en approchera avec vivacité; & réciproquement si on met l'aimant sur le liége & qu'on lui présente le morceau de fer, il s'approchera de celui - ci avec la même vitesse; ensorte qu'il paroît que l'action de l'aimant sur le fer & de celui - ci sur l'aimant est égale & réciproque.

Cette attraction de l'aimant sur le fer s'étend jusques sur tous les corps qui contiennent des particules de ce métal, & le nombre en est très - grand dans la nature: il attire des particules de toutes les especes de terres, de sables, de pierres; des sels & des résidences de toutes les fontaines; des cendres & des suies de toutes sortes de bois & de tourbes; des charbons, des huiles & des graisses de toute espece; du miel, de la cire, du castor, & une infinité d'autres matieres. En un mot l'aimant est la pierre de touche par le moyen de laquelle on démêle jusqu'aux plus petites parties ferrugineuses que renferme un corps.

A la vérité pour découvrir que ces corps renferment du fer, il est souvent nécessaire d'employer le moyen de la calcination pour soûmettre ce métal à l'action de l'aimant: mais cette préparation n'est employée que pour les corps qui ne tiennent pas le fer sous une forme métalliqu, ou lorsque ses particules sont confondues d'une maniere particuliere avec d'autres métaux: dans ce cas le fer obéit souvent à l'action d'un aimant très - foible, tandis qu'il se refuse à celle d'un aimant fort. Ainsi on a vû à Petersboug un alliage de fer & d'étain qu'un foible aimant attiroit, & sur lequel un excellent aimant n'avoit aucune action.

Aucuns corps solides ou fluides n'empêchent en rien l'action mutuelle du fer & de l'aimant, si ce n'est le fer lui - même, comme nous l'avons remarqué précédemment. La chaleur excessive du fer ne diminue pas non plus ces effets; car on a appliqué le pole boréal d'un aimant sur un clou à latte tout rouge, qui a été vivement attiré & qui est resté suspendu: mais on a remarqué aussi que la chaleur excessive de l'aimant diminue sa vertu du moins pour un tems: on a fait rougir l'aimant qui avoit servi dans l'expérience précédente, & quand il a été bien rougi, on a appliqué son pole boréal sur un autre clou à latte semblable, qui a été attiré foiblement, quoiqu'il soit resté suspendu: néanmoins au bout de deux ou trois jours la pierre attiroit le clou aussi vivement qu'avant d'avoir été au feu. La plus grande force attractive d'un aimant est aux environs de ses poles: il y a des aimants qui peuvent lever des clous assez considérables par leurs poles, & qui ne sauroient lever les plus petites parties de limaille par leur équateur. Cependant si on fait ensorte que différentes parties de l'équateur deviennent des poles, comme nous avons dit qu'il arrive en coupant l'aimant en plusieurs parties, la force attractive sera très - sensible dans ces nouveaux poles, de maniere que la somme des poids que pourra lever un - gros aimant ainsi coupé par parties excedera de beaucoup ce que ce morceau pouvoit soûlever, lorsqu'il étoit entier.

. 3. De l'armure de l'aimant.

La force attractive d'un aimant nouvellement sorti de la mine ne consiste qu'à lui faire lever de petits clous ou d'autres morceaux de fer d'une pesanteur peu considérable; c'est pourquoi on est obligé de l'armer pour augmenter sa force: d'ailleurs l'armure réunit, dirige & condense toute sa vertu vers les poles, & fait que ses émanations sont toutes dirigées vers la masse qu'on met sous ses poles.

Il est essentiel avant que d'armer un aimant, de bien reconnoître la situation de ses poles: car l'armure lui deviendroit inutile si elle étoit placée partout ailleurs que sur ces parties. Afin donc de reconnoître exactement les poles d'un aimant, on le mettra sur un carton blanc lissé, & on répandra par - dessus de la limaille de fer qui ne soit point rouillée, ce qui se fera plus uniformement par le moyen d'un tamis: on frappera doucement sur le carton, & on verra bien - tôt se former autour de l'aimant un arrangement symmétrique de la limaille qui se dirigera en lignes courbes E E (Planche phys. fig. 58.) vers l'équateur, en suivant les lignes droites A B vers les poles qui seront dans les deux parties de l'aimant où tendront toutes ces lignes droites: mais on les déterminera encore plus précisément en placant dessus une aiguille fort fine & très - courte: car elle se tiendra perpendiculairement élevée à l'endroit de chaque pole, & elle sera toûjours oblique sur tout autre point.

Lorsqu'on a bien déterminé où sont les poles de l'aimant, il faut le scier de maniere qu'il soit bien plan & bien poli à l'endroit de ces poles: de toutes les figures qu'on peut lui donner, la plus avantageuse sera celle où l'axe aura la plus grande longueur, sans cependant trop diminuer les autres dimensions.

Maintenant pour déterminer les proportions de l'armure, il faut commencer par connoître la force de l'aimant qu'on veut armer; car plus cette force est grande, plus il faut donner d'épaisseur aux pieces qui composent l'armure. Pour cet effet on aura de petits barreaux d'acier bien polis & un peu plats, qu'on appliquera sur un des poles de l'aimant: on présentera à ce barreau d'acier immédiatement au - dessous du pole un petit anneau de fer auquel sera attaché le bassin d'une balance, & l'on éprouvera quelle est la plusgrande quantité de poids que l'aimant pourra supporter, sans que l'anneau auquel tient le plan de la balance se sépare du barreau d'acier: on fera successivement la même expérience avec plusieurs barreaux semblables, mais de différentes épaisseurs, & on découvrira facilement par le moyen de celui qui soûlevera le plus grand poids, quelle épaisseur il faudra donner aux boutons de l'armure.

Lorsqu'on aura déterminé cette épaisseur, on choisira des morceaux d'acier bien fins & non trempés qu'on taillera de cette maniere. A B (fig. 59.) est une des jambes de l'armure, dont la hauteur & la largeur doivent être égales respectivement à l'épaisseur & à la largeur de l'aimant: B E D est un bouton de la même piece d'acier dont le plan S B D est perpendiculaire à A B: sa largeur à l'endroit où il touche le plan A B doit être des deux tiers de G G, largeur de la plaque A B, & l'épaisseur du bouton S E doit avoir la même dimension: enfin la longueur B D, qui est la quantité dont le bouton sera avancé au - dessous de la pierre, sera des deux tiers de D S ou de S E. Il est nécessaire que ce bouton devienne plus mince, & aille en s'arrondissant par - dessous depuis S & D jusqu'en E, de maniere que sa largeur en E soit d'un tiers ou d'un quart de la largeur S D. Il est encore fort important de faire attention à l'épaisseur de la jambe A B; car si on la fait trop épaisse ou trop mince, l'armure en aura moins de force: or c'est ce qu'on ne sauroit bien déterminer qu'en tâtonnant; c'est pourquoi il y faudra procéder comme on a fait pour déterminer l'épaisseur du bouton. On observe en général que l'extrémité supérieure C C, doit être arrondie, & un peu moins élevée que l'aimant, & que l'épaisseur de la plaque doit être moindre vers C C, que vers G G. On appliquera donc ces deux plaques avec leurs boutons sur les poles respectifs de l'aimant, de

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.