ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"266"> partie de la salure dans le sang, & que l'émétique l'emporte de l'estomac & purge seul ce viscere de la façon la plus efficace. Cependant c'est au Médecin à examiner les cas, la façon & les précautions que demande l'émétique.

Le second moyen consiste à empêcher la salure ou les crudités de se former de nouveau; les remedes les meilleurs sont le régime & la diete, qui consistent à éviter les causes dont on a parlé ci - dessus: ainsi on doit changer la quantité, la qualité des alimens, & les régler selon les tems indiqués par le régime. Voyez Régime. (N)

* Si certains alimens très - sains sont, par la raison qu'ils nourrissent trop, des alimens dangereux pour un malade, tout aliment en général peut avoir des qualités ou contraires ou favorables à la santé de celui qui se porte le mieux. Il seroit peut - être très - difficile d'expliquer physiquement comment cela se fait, ce qui constitue ce qu'on appelle le tempérament n'étant pas encore bien connu; ce qui constitue la nature de tel ou tel aliment ne l'étant pas assez; ni par conséquent le rapport qu'il peut y avoir entre tels & tels alimens & tels & tels tempéramens. Il y a des gens qui ne boivent jamais de vin, & qui se portent fort bien; d'autres en boivent, & même avec excès, & ne 'en portent pas plus mal. Ce n'est pas un homme rare qu'un vieil ivrogne: mais comment arrivet - il que celui - ci seroit enterré à l'âge de vingt - cinq ans, s'il faisoit même un usage modéré du vin, & qu'un autre qui s'enivre tous les jours parvienne à l'âge de quatre - vingts ans? Je n'en sai rien: je conjecture seulement que l'homme n'étant point fait pour passer ses jours dans l'ivresse, & tout excès étant vraissemblablement nuisible à la santé d'un homme bien constitué, il faut que ceux qui font excès continuel de vin sans en être incommodés, soient des gens mal constitués, qui ont eu le bonheur de rencontrer dans le vin un remede au vice de leur tempérament, & qui auroient beaucoup moins vécu s'ils avoient été plus sobres. Une belle question à proposer par une Académie, c'est comment le corps se fait à des choses qui lui semblent très - nuisibles: par exemple, les corps des forgerons, à la vapeur du charbon, qui ne les incommode pas, & qui est capable de faire périr ceux qui n'y sont pas habitués; & jusqu'où le corps se fait à ces qualités nuisibles. Autre question, qui n'est ni moins intéressante ni moins difficile, c'est la cause de la répugnance qu'on remarque dans quelques personnes pour les choses les meilleu & d'un goût le plus général; & celle du goût qu'on remarque dans d'autres pour les choses les plus malsaines & les plus mauvaises.

Il y a selon toute apparence dans la nature un grand nombre de lois qui nous sont encore inconnues, & d'où dépend la solution d'une multitude de phénomenes. Il y a peut - être aussi dans les corps bien d'autres qualités ou spécifiques ou générales, que celles que nous y reconnoissons. Quoi qu'il en soit, on sait par des expériences incontestables qu'entre ceux qui nous servent d'alimen, ceux qu'on soupçonneroit le moins de contenir des oeufs d'insectes, en sont imprégnés, & que ces oeufs n'attendent qu'un estomac, & pour ainsi dire, un four propre à les faire éclorre. Voyez Mém. de l'Acad. 1730. page 217. & Hist. de l'Acad. 1707. page 9. où M. Homber dit qu'un jeune homme qu'il connossoit, & qui se portoit bien, rendoit tous les jours par les selles depuis quatre ou cinq ans une grande quantité de vers longs de cinq ou six lignes, quoiqu'il ne mangeât ni fruit ni salade, & qu'il eût fait tous les remedes connus. Le même Auteur ajoûte que le même jeune homme a rendu une fois ou deux plus d'une aune & demie d'un ver plat divisé par noeuds: d'où l'on voit, conclut l'Historien de l'Académie, combien il y a d'oeufs d'insectes dans tous les alimens.

M. Lemery a prouvé dans un de ses Mémoires, que de tous les alimens ceux qu'on tire des végétaux étoient les plus convenables aux malades, parce qu'ayant des principes moins développés, ils semblent être plus analogues à la nature. Cependant le bouillon fait avec les viandes est la nourriture que l'usage a établie, & qui passe généralement pour la plus saine & la plus nécessaire dans le cas de maladie, où elle est presque toûjours la seule employée: mais ce n'est que par l'examen de ses principes qu'on se peut garantir du danger de la prescrire trop forte dans les circonstances où la diete est quelquefois le seul remede; ou trop foible, lorsque le malade extenué par une longue maladie a besoin d'une nourriture augmentée par degrés pour réparer ses forces. Voilà ce qui détermina M. Geoffroy le cadet à entreprendre l'analyse des viandes qui sont le plus d'usage, & ce qui nous détermine à ajoûter ici l'analyse de la sienne.

Son procédé général peut se distribuer en quatre parties: 1°. par la simple distillation au bain - marie, & sans addition, il tire d'une certaine quantité, comme de quatre onces d'une viande crue, tout ce qui peut s'en tirer: 2°. il fait bouillir quatre autres onces de la même viande autant & dans autant d'eau qu'il faut pour en faire un consommé, c'est - à - dire, pour n'en plus rien tirer; après quoi il fait évaporer toutes les eaux où la viande a bouilli, & il lui reste un extrait aussi solide qu'il puisse être, qui contient tous les principes de la viande, dégagés de phlegme & d'humidité: 3°. il analyse cet extrait, & sépare ces principes autant qu'il est possible: 4°. après cette analyse il lui reste encore de l'extrait une certaine quantité de fibres de la viande très - desséchées, & il les analyse aussi.

La premiere partie de l'opération est en quelque sorte détachée des trois autres, parce qu'elle n'a pas pour sujet la même portion de viande, qui est le sujet des trois dernieres. Elle est nécessaire pour déterminer combien il y avoit de phlegme dans la portion de viande qu'on a prise; ce que les autres parties de l'opération ne pourroient nullement déterminer.

Ce n'est pas cependant qu'on ait par - là tout le phlegme, ni un phlegme absolument pur; il y en a quelques parties que le bain - marie n'a pas la force d'enlever, parce qu'elles sont trop intimement engagées dans le mixte, & ce qui s'enleve est accompagné de quelques sels volatils, qui se découvrent par les épreuves chimiques.

La chair de boeuf de tranche, sans graisse, sans os, sans cartilages ni membranes, a donné les principes suivans: de quatre onces mises en distillation au bain - marie, sans aucune addition, il est venu 2. onces 6. gros 36. grains de plegme ou d'humidité qui a passé dans le récipient. La chair restée seche dans la cornue s'est trouvée réduite au poids d'une once 1. gros 36. grains. Le phlegme avoit l'odeur de bouillon. Il a donné des marques de sel volatil en précipitant en blanc la dissolution de mercure sublimé corrosif; & le dernier phlegme de la distillation en a donné des marques encore plus sensibles en précipitant une plus grande quantité de la même dissolution. La chair desséchée qui pesoit 1. once 1. gros 36. grains, mise dans une cornue au fourneau de reverbere, a d'abord donné un peu de phlegme chargé d'esprit volatil, qui pesoit 1. gros 4. grains; puis 3. gros 46. grains de sel volatil & d'huile fétide qui n'a pu s'en séparer. La tête morte pesoit 3. gros 30. grains: c'étoit un charbon noir, luisant & léger, qui a été calciné dans un creuset à feu très - violent. Ses cendres exposées à l'air se sont humectées, & ont augmenté de poids: lessivées, l'eau de leur lessive [p. 267] n'a point donné de marques de sel alkali, mais de sel marin, en précipitant en blanc la dissolution du mercure dans l'esprit de nitre. Elle n'a causé aucun changement à la dissolution du sublimé corrosis, si ce n'est qu'après quelque tems de repos il s'est formé au bas du vaisseau une espece de nuage, en forme de coagulum léger. Or nous ne connoissons jusqu'à présent que les sels qui sont de la nature du sel ammoniac, ou le sel marin, qui précipitent en blanc la dissolution de mercure par l'esprit de nitre, & seulement les terres absorbantes animales qui précipitent légerement la dissolution du sublimé corrosif.

Quatre onces de chair de boeuf séchée au bainmarie, ensuite arrosée d'autant d'esprit - de - vin bien rectifié, & laissée en digestion pendant un très - long tems, n'ont donné à l'esprit - de - vin qu'une foible teinture: l'esprit n'en a détaché que quelques gouttes d'huile; la couleur qu'il a prise étoit rousse, & son odeur étoit fade. L'huile de tartre, mêlée avec cet esprit, en a développé une odeur urineuse: son mêlange avec la dissolution de mercure par l'esprit de nitre a blanchi; il s'y est fait un précipité blanc jaunâtre; puis cette liqueur est devenue ardoisée, à cause du sel ammoniac urineux dont l'esprit - devin s'étoit imbu. L'essai de cet esprit - de - vin, mêlé avec la dissolution du sublimé corrosis, a produit un précipité blanc qui est devenu un peu jaune: la précipitation ne s'est faite dans le dernier cas que par le développement d'une portion du sel volatil urineux, qui a passé dans l'esprit - de - vin avec le sel ammoniacal.

Quatre onces de chair de boeuf ayant été cuites dans un vaisseau bien fermé avec trois chopines d'eau, & la cuisson répétée six fois avec pareille quantité dè nouvelle eau, tous les bouillons mis ensemble, & les derniers n'ayant plus qu'une odeur de veau très légere, on les a fait évaporer à feu lent; on les a filtrés vers la fin de l'évaporation pour en séparer une portion terreuse, & il est resté dans le vaisseau un extrait médiocrement solide qui s'humectoit à l'air très - facilement & qui s'est trouvé peser 1 gros 56 grains; c'est - à - dire, que quatre onces de boeuf bouilli donnant 1 gros 56 grains d'extrait, une livre de semblable boeuf eût donné 7 gros 8 grains de pareil extrait; plus 11 onc. 16 gros 64 grains de phlegme, & 3 onces 2 gros de fibres dépouillées de tout suc. On conçoit que ce produit doit varier selon la qualité du boeuf. Au reste, le bouillon fait d'une bonne chair de boeuf, dénuée de membranes, de tendons, de cartilages, ne se met presque jamais en gelée: j'entens par gelée une masse claire & tremblante.

L'extrait de boeuf qui pesoit 1. gros 56. grains analyté, a fourni 1. gros 2. grains de sel volatil attaché aux parois du récipient, non en ramifications, comme ordinairement les sels volatils, mais en crystaux plats, formés pour la plûpart en parallélepipedes. L'esprit & l'huile qui sont venus ensemble après le sel volatil, pesoient 38. grains. Le sel fixe de tartre, mêlé avec ce sel volatil, a paru augmenter sa force, ce qui pourroit faire soupçonner ce dernier d'être un sel ammoniacal urineux. La tête morte ou le charbon resté dans la cornue, étoit très - rarefié & très léger; il ne pesoit plus que six grains: sa lessive a précipité en blanc la dissolution de mercure, comme a fait la lessive de la cendre de chair de boeuf crue dont j'ai parlé ci - dessus. Les 6. gros 36. grains de la masse des fibres de boeuf desséchées, analysées de la même façon, ont rendu 2. gros d'un sel volatil de la forme des sels volatils ordinaires, & qui s'est attaché aux parois du récipient en ramifications, & mêlé d'un peu d'huile fétide assez épaisse, mais moins brune que celle de l'extrait qui a été tirée du bouillon. L'esprit qui étoit de couleur citrine, séparé de son huile, a pesé 36. grains; la tête morte pesoit 1. gros 60. grains.

'La lessive qu'on a faite après la calcination n'a pû altérer la dissolution du mercure par l'esprit de nitre, parce que lorsqu'on a analysé ces fibres de boeuf desséchées, elles étoient déjà dénuées, non - seulement de tout leur sel essentiel ammoniacal, mais encore de leur sel fixe, qui est de nature de sel marin, puisqu'elles ont passé pour la plus grande partie avec les huiles dans l'eau pendant la longue ébullition de cette chair. Cette lessive a seulement teint légerement de couleur d'opale la dissolution du sublimé corrosif; preuve qu'il y restoit encore une portion huileuse. On sait que les matieres sulphureuses précipitent cette dissolution en noir; ou plûtôt en violet foncé, dont la couleur d'opale est un commencement.

On connoît donc par l'analyse de l'extrait des bouillons, qu'il passe dans l'eau pendant l'ébullition de la chair de boeuf, un sel ammoniacal qu'on peut regarder comme le sel essentiel de cette viande, & qui paroît dans la distillation de l'extrait sous une forme différente de celui qu'on retire de la chair lorsqu'on la distille crue.

M. Geoffroy a fait les mêmes opérations sur la chair de veau, celle de mouton, celle de poulet, de coq, de chapon, de pigeon, de faisan, de perdrix, de poulet - d'inde; & voici la table du produit de ses expériences.

                                 Onces. Gros. Grains.
Chair de boeuf crue, distillée au bain 
                 marie.
              Eau premiere.
Quatre onces de chair de boeuf ont
donné de premiere humidité . . .       2       6  36
Boeuf séche au bain - marie . . . .       1       1  36
 - - - - - - - - 
                Total . . . . .        4
 - - - - - - - - 
  Extrait de boeuf bouilli.
Quatre onces de boeuf ont donné
d'extrait. . . . . . . . . .                   1  56
      Les fibres séchées . . .                 6  36
 - - - - - - - - 
                Total . . . .                  8  20
 - - - - - - - - 
Eau tirée par le bain marie . .         2       6  36
A quoi il faut ajoûter un second fleg 
me que le bain - marie n'a pû en 
lever . . . . . . . . . . . . . .              1  16
Total de l'humidité qui se trouve
contenue dans quatre onc. de chair
de boeuf, 2 onces 7 gros 52 grains.
 - - - - - - - - 
                Total . . . . . . .            4
 - - - - - - - - 
Poids des masses de la chair de boeuf
           pour une livre.
Une livre de seize onces contiendra
en eau . . . . . . . . . . . . . .        11       6  64
       En extrait. . . . . . . . .             7   8
       Fibres séchées. . . . . . .             3   2
 - - - - - - - - 
                Total . . . . . . .   16
 - - - - - - - - 
Analyse de l'extrait de quatre onces
    de boeuf qui ont produit gros
                56 grains.
            Sel volatil . . . . . . .          1   2
            Huile & esprit . . . . . .            38
            Tête - morte ou charbon . .             6
                   Perte . . . . . . .            10
 - - - - - - - - 
                Total . . . .  . . . .         1  56
 - - - - - - - - 
Analyse de six gros trente - six grains
         de fibres desséchées.
        Sel volatil . . . . . . . . . .        2
        Esprit volatil . . . . . . . .            36

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