ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"260"> l'épaisseur par c; en sorte que par leur multiplication mutuelle elles produisent le solide a b c.

Comme dans les quarrés, cubes, 4es puissances, &c. la multiplication des dimensions ou degrés est exprimée par la multiplication des lettres, & que le nombre de ces lettres peut croître jusqu'à devenir trop incommode, on se contente d'écrire la racine une seule fois, & de marquer à la droite l'exposant de la puissance, c'est - à - dire le nombre des lettres dont est eomposée la puissance ou le degré qu'il s'agit d'exprimer, comme a2, a3, a4, a5: cette derniere expression a5, veut dire la même chose que a élevé à la cinquiéme puissance; & ainsi du reste. V. Puissance, Racine, Exposant , &c.

Quant aux symboles, caracteres, &c. dont on fait usage en Algebre, avec leur application, &c. Voyez les articles Caractere, Quantité, &c.

Pour la méthode de faire les différentes opérations de l'Algebre, voyez Addition, Soustraction, Multiplication , &c.

Quant à l'origine de cet art, nous n'avons rien de fort clair là - dessus: on en attribue ordinairement l'invention à Diophante, auteur Grec, qui en écrivit treize livres, quoiqu'il n'en reste que six. Xylander les publia pour la premiere fois en 1575. & depuis ils ont été commentés & perfectionnés par Gaspar Bachet, Sieur de Meziriac, de l'Académie Fran çoise, & ensuite par M. de Fermat.

Néanmoins il semble que l'Algebre n'a pas été totalement inconnue aux anciens Mathématiciens, qui existoient bien avant le siecle de Diophante: on en voit les traces en plusieurs endroits de leursouvrages, quoiqu'ils paroissent avoir eu le dessein d'en faire un mystere. On en apperçoit quelque chose dans Euclide, ou au moins dans Theon qui a travaillé sur Euclide. Ce Commentateur prétend que Platon avoit commencé le premier à enseigner cette science. Il y en a encore d'autres exemples dans Pappus, & beaucoup plus dans Archimede & Apollonius.

Mais la vérité est que l'Analyse dont ces Auteurs ont fait usage, est plûtôt géométrique qu'algébrique, comme cela paroît par les exemples que l'on en trouve dans leurs ouvrages; en sorte que l'on peut dire que Diophante est le premier & le seul Auteur parmi les Grecs qui ait traité de l'Algebre. On croit que cet art a été fort cultivé par les Arabes: on dit même que les Arabes l'avoient reçu des Perses, & les Perses des Indiens. On ajoûte que les Arabes l'apporterent en Espagne, d'où, suivant l'opinion de quelques-uns, il passa en Angleterre avant que Diophante y fût connu.

Luc Paciolo, ou Lucas à Burgo, Cordelier, est le premier dans l'Europe qui ait écrit sur ce sujet: son Livre, écrit en Italien, fut imprimé à Venise en 1494. Il étoit, dit - on, disciple d'un Léonard de Pise & de quelques autres dont il avoit appris cette méthode: mais nous n'avons aucun de leurs écrits. Selon Paciolo l'Algebre vient originairement des Arabes: il ne fait aucune mention de Diophante; ce qui feroit croire que cet Auteur n'étoit pas encore connu en Europe. Son Algebre ne va pas plus loin que les équations simples & quarrées; encore son travail sur ces dernieres équations est - il fort imparfait, comme on le peut voir par le détail que donne sur ce sujet M. l'Abbé de Gua, dans un excellent Mémoire imprimé parmi ceux de l'Académie des Sciences de Paris 1741. Voyez Quarré ou Quadratique, Équation, Racine , &c.

Après Paciolo parut Stifelius, auteur qui n'est pas sans mérite: mais il ne fit faire aucun progrès remarquable à l'Algebre. Vinrent ensuite, Scipion Ferrei, Tartaglia, Cardan, & quelques autres, qui pousserent cet art jusqu'à la résolution de quelques équations cubiques: Bombelli les suiyit. On peut voir dans la dissertation de M. l'Abbé de Gua que nous venons de citer, l'histoire très - curieuse & très exacte des progrès plus ou moins grands que chacun de ces Auteurs fit dans la science dont nous parlons: tout ce que nous allons dire dans la suite de cet article sur l'histoire de l'Algebre, est tiré de cette dissertation. Elle est trop honorable à notre Nation pour n'en pas insérer ici la plus grande partie. « Tel étoit l'état de l'Algebre & de l'Analyse, lorsque la France vit naître dans son sein François Viete, ce grand Géometre, qui lui fit seul autant d'honneur que tous les Auteurs dont nous venons de faire mention en avoient fait ensemble à l'Italie.

Ce que nous pourrions dire ici à son éloge, seroit certainement au - dessous de ce qu'en ont dit déja depuis long - tems les Auteurs les plus illustres, même parmi les Anglois, dans la bouche desquels ces loüanges doivent être moins suspectes de partialité que dans celle d'un compatriote. Voyez ce qu'en dit M. Halley, Trans. Phil. n°. 190. art. 2. an. 1687.

Ce témoignage, quelqu'avantageux qu'il soit pour Viete, est à peine égal à celui qu'Harriot, autre Algébriste Anglois, rend au même Auteur dans la préface du livre qui porte pour titre Artis Analyticoe praxis.

Les éloges qu'il lui donne sont d'autant plus remarquables, qu'on les lit à la tête de ce même ouvrage d'Harriot, où Wallis a prétendu appercevoir les découvertes les plus importantes qui se soient faites dans l'Analyse, quoiqu'il lui eût été facile de les trouver presque toutes dans Viete, à qui elles appartiennent en effet pour la plûpart, comme on le va voir.

On peut entr'autres en compter sept de ce genre.

La premiere, c'est d'avoir introduit dans les calculs les lettres de l'alphabet, pour désigner même les quantités connues. Wallis convient de cet article, & il explique au ch. xiv. de son traité d'Algebre l'utilité de cette pratique.

La seconde, c'est d'avoir imaginé presque toutes les transformations des équations, aussi bien que les différens usages qu'on en peut faire pour rendre plus simples les équations proposées. On peut consulter là - dessus son traité de Recognitione AEquationum, à la page 91. & suivantes, édit. de 1646. aussi bien que le commencement du traité de Emendatione AEquationum, page 127. & suivantes.

La troisieme, c'est la méthode qu'il a donnée pour reconnoître par la comparaison de deux équations, qui ne différeroient que par les signes, quel rapport il y a entre chacun des coefficiens qui leur sont communs, & les racines de l'une & de l'autre. Il appelle cette méthode syncrisis, & il l'explique dans le traité de Recognitione, page 104. & suivantes.

La quatrieme, c'est l'usage qu'il fait des découvertes précédentes pour résoudre généralement les équations du quatrieme degré, & même celles du troisieme. Voyez le traité de Emendatione, page 140. & 147.

La cinquieme, c'est la formation des équations composées par leurs racines simples, lorsqu'elles sont toutes positives, ou la détermination de toutes les parties de chacun des coefficiens de ces équations, ce qui termine le livre de Emendatione, page 158.

La sixieme & la plus considérable, c'est la résolution numérique des équations, à l'imitation des extractions de racines numériques, matiere qui fait elle seule l'objet d'un livre tout entier.

Enfin on peut prendre pour une septieme découverte ce que Viete. a enseigné de la méthode [p. 261] pour construire géométriquement les équations, & qu'on trouve expliquée page 229. & suivantes.

Quoiqu'un si grand nombre d'inventions propres à Viete dans la seule Analyse, l'ayent fait regarder avec raison comme le pere de cette Science, nous fomines néanmoins obligés d'avoüer qu'il ne s'étoit attaché à reconnoître combien il pouvoit y avoir dans les équations de racines de chaque espece, qu'autant que cette recherche entroit dans le dessein qu'il s'étoit proposé, d'assigner en nombre les valeurs ou exactes ou approchées de ces racines. Il ne considéra donc point les racines réelles négatives, non plus que les racines impossibles, que Bombelli avoit introduites dans le calcul; & ce ne fut que par des voies indirectes qu'il vint à bout de déterminer, lorsqu'il en eut besoin, le nombre des racines réelles positives. L'illustre M. Halley lui fait même avec fondement quelques reproches sur les regles qu'il donne pour cela.

Ce que Viete avoit omis de faire au sujet du nombre des racines, Harriot qui vint bientôt apres, le tenta inutilement dans son Artis analyticoe Praxis. L'idée que l'on doit se former de cet ouvrage, est précisément celle qu'en donne sa préface: car pour celle qu'on pourroit en prendre par la lecture du traité d'Algebre de Wallis, elle ne seroit point du tout juste. Non - seulement ce livre ne comprend point, comme Wallis voudroit l'insinuer, tout ce qui avoit été découvert de plus intéressant dans l'Analyse lorsque Wallis a écrit; on peut même dire qu'il mérite à peine d'être regardé comme un ouvrage d'invention. Les abregés qu'Harriot a imaginés dans l'Algebre, se réduisent à marquer les produits de différentes lettres, en écrivant ces lettres immédiatement les unes après les autres: (car nous ne nous arrêterons point à observer avec Wallis qu'il a employé dans les calculs les lettres minuscules au lieu des majuscules). Il n'a point simplifié les expressions où une même lettre se trouvoit plusieurs fois, c'est - à - dire, les expressions des puissances, en écrivant l'exposant à coté. On verra bientôt que c'est à Descartes qu'on doit cet abregé, ainsi que les premiers élémens du calcul des puissances; découverte qui en étoit la suite naturelle, & qui a été depuis d'un si grand usage.

Quant à l'Analyse, le seul pas qu'Harriot paroisse proprement y avoir fait, c'est d'avoir employé dans la formation des équations du 3e & du 4e degré, les racines négatives, & même des produits de deux racines impossibles; ce que n'avoit point fait Viete dans son dernier chapitre de Emendatione: encore trouve - t - on ici une faute; c'est que l'Auteur forme les équations du 4e degré, dont les quatre racines doivent être tout à la fois impossibles, par le produit de be + aa = o, & df + aa = o, ce qui n'est pas assez général, les quatre racines ne devant pas être tout à la fois supposées des imaginaires pures, mais tout au plus deux imaginaires pures, & deux mixtes imaginaires ».

M. l'Abbé de Gua fait encore à Harriot plusieurs autres reproches, qu'on peut lire dans son Mémoire. « Il n'est presque aucune Science qui n'ait dû au grand Descartes quelque degré de perfection: mais l'Algebre & l'Analyse lui sont encore plus redevables que toutes les autres. Vraissemblablement il n'avoit point lû ce que Viete avoit découvert dans ces deux Sciences, & il les poussa beaucoup plus loin. Non - seulement il marque, ainsi qu'Harriot, les produits de deux lettres, en les écrivant à la suite l'une de l'autre; il a ajoûté à cela l'expression du produit de deux polynomes, en se servant du signe de la multiplication, & en tirant une ligne sur chacun de ces polynomes en particulier, ce qui soulage beaucoup l'imagination. C'est lui qui a introduit dans l'Algebre les exposans, ce qui a donné les principes élémentaires de leurs calculs: c'est lui qui a imaginé le premier des racines aux équations, dans les cas même où ces racines sont impossibles; de façon que les imaginaires & les réelles remplissent le nombre des dimensions de la proposée: c'est lui qui a donné le premier des moyens de trouver les limites des racines des équations, qu'on ne peut résoudre exactement: enfin il a'beaucoup ajoûté aux effections géométriques de l'Algebre que Viete nous avoit laissées, en déterminant ce que c'est que les lignes négatives, c'est - à - dire, celles qui répondent aux racines des équations qu'il nomme fausses; & en enseignan à multiplier & à diviser les lignes les unes par les autres. Voyez le commencement de sa Géonétrie. Il forme, comme Harriot, les équations par la multiplication de leurs racines simples, & ses découvertes dans l'Analyse pure se réduisent principalement à deux. La premiere, d'avoir enseigné combien il se trouve de racines positives ou négatives dans les équations qui n'ont point de racines imaginaires. Voyez Racine. La seconde, c'est l'emploi qu'il fait de deux équations du second degré à coefficiens indéterminés, pour former par leur multiplication une équation qui puisse être comparée terme à terme, avec une proposée quelconque du 4e degré, afin que ces comparaisons différentes fournissent la détermination de toutes les déterminées qu'il avoit prises d'abord, & que la proposée se trouve ainsi décomposée en deux équations du second degré, faciles à résoudre par les méthodes qu'on avoit déjà pour cet effet. Voyez sa Géomét. pag. 89. édit. d'Amst. an. 16 49. Cet usage des indéterminées est si adroit & si élégant, qu'il a fait regarder Descartes comme l'inventeur de la méthode des indéterminées; car c'est cette méthode qu'on a depuis appellée & qu'on nomme encore aujourd'hui proprement l'Analyse de Descartes; quoiqu'il faille avoüer que Ferrei, Tartaglia, Bombelli, Viete sur - tout, & après lui Harriot, en eussent eu connoissance.

Pour l'Analyse mixte, c'est - à - dire l'application de l'Analyse à la Géométrie, elle appartient presque entierement à Descartes, puisque c'est à lui qu'on doit incontestablement les deux découvertes qui en sont comme la base. Je parle de la détermination de la nature des courbes par les équations à deux variables (p. 26.), & de la construction générale des équations du 3e & du 4e degré (p. 95). On peut y ajoûter l'idée de déterminer la nature des courbes à double courbure par deux équations variables (p. 74.); la méthode des tangentes, qui est comme le premier pas qui se soit fait vers les infiniment petits (p. 46.); enfin la détermination des courbes propres à réfléchir ou à réunir par réfraction en un seul point les rayons de lumiere; application de l'Analyse & de la Géométrie à la Physique, dont on n'avoit point vû jusqu'alors d'aussi grand exemple. Si on réunit toutes ces différentes productions, quelle idée ne se formera - t - on pas du grand homme de qui elles nous viennent! & que sera - ce en comparaison de tout cela, que le peu qui restera à Harriot, lorsque des découvertes que Wallis lui avoit attribuées sans fondement dans le chapitre 53 de son Algebre historique & pratique, on aura ôté, comme on le doit, ce qui appartient à Viete ou à Descartes, suivant l'énumération que nous en avons faite?

Outre la détermination du nombre des racines vraies ou fausses, c'est - à - dire positives ou négatives, dans les équations de tous les degrés qui n'ont point de racines imaginaires, Descartes a mieux déterminé, qu'on n'avoit fait jusqu'alors, le nom<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.