ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"234"> relâchement des fibres en tems de pluie. L'air sec produit le contraire. Le relâchement des fibres dans les endroits où la circulation du sang est imparfaite, comme dans les cicatrices & dans les parties luxées ou contuses, cause de grandes douleurs. M. Formey.

Un des exemples de l'efficacité merveilleuse de l'air, c'est qu'il peut changer les deux regnes, l'animal & le végétal, l'un en l'autre. Voyez Animal, &c.

En effet il paroît que c'est de l'air que procede toute la corruption naturelle & l'altération des substances; & les métaux, & singulierement l'or, ne sont durables & incorruptibles, que parce que l'air ne les sauroit pénétrer. C'est la raison pourquoi on a vû des noms écrits dans le sable ou dans la poussiere sur de hautes montagnes se lire encore bien distinctement au bout de quarante ans, sans avoir été aucunement défigurés ou effacés. Voyez Corruption, Altération, &c.

Quoique l'air soit un fluide fort délié, il ne pénetre pourtant pas toutes sortes de corps. Il ne pénetre pas, comme nous venons de dire, les métaux: il en est même quelques - uns qu'il ne pénetre pas, quoique leur épaisseur ne soit que de 1/24 de pouce; il passeroit à travers le plomb, s'il n'étoit battu à coups de marteau: il ne traverfe pas non plus le verre, ni les pierres dures & solides, ni la cire, ni la poix, la résine, le suif & la graisse: mais il s'insinue dans toutes sortes de bois, quelque durs qu'ils puissent être. Il passe à travers le cuir sec de brebis, de veau, le parchemin sec, la toile seche, le papier blanc, bleu, ou gris, & une vessie de cochon tournée à l'envers. Mais lorsque le cuir, le papier, le parchemin ou la vessie se trouvent pénétrés d'eau, ou imbibés d'huile ou de graisse, l'air ne passe plus alors à travers: il pénetre aussi bien plus facilement le bois sec que celui qui est encore verd ou humide. Cependant lorsque l'air est dilaté jusqu'à un certain point, il ne passe plus alors à travers les pores de toutes sortes de bois. Mussch.

Venons aux effets que les différentes substances mêlées dans l'air produisent sur les corps inanimés. L'air n'agit pas uniquement en conséquence de sa pesanteur & de son élasticité; il a encore une infinité d'autres effets qui résultent des différens ingrédiens qui y sont confondus.

Ainsi 1°. non - seulement il dissout & atténue les corps par sa pression & son froissement, mais aussi comme étant un chaos qui contient toutes sortes de menstrues, & qui conséquemment trouve partout à dissoudre quelque sorte de corps. V. Dissolution.

On sait que le fer & le cuivre se dissolvent aisément & se rouillent à l'air, à moins qu'on ne les garantisse en les enduisant d'huile. Boerhaave assûre avoir vû des barres de fer tellement rongées par l'air, qu'on les pouvoit mettre en poudre sous les doigts. Pour le cuivre, il se convertit à l'air en une substance à peu près semblable au verd - de - gris qu'on fait avec le vinaigre. Voyez Fer, Cuivre, Verd - de - gris, Rouille , &c.

M. Boyle rapporte que dans les régions méridionales de l'Angleterre, les canons se rouillent si promptement, qu'au bout de quelques années qu'ils sont restés exposés à l'air, on en enleve une quantité considérable de crocus de Mars.

Acosta ajoûte que dans le Pérou l'air dissout le plomb, & le rend beaucoup plus lourd; cependant l'or pa généralement pour ne pouvoir être dissous par l'ai, parce qu'il ne contracte jamais de rouille, quelque long - tems qu'on l'y laisse exposé. La raison en est que le sel marin, qui est le seul menstrue capable d'agir sur l'or, étant très - difficile à volatiliser, il n'y en a qu'une très - petite quantité dans l'air à proportion des autres substances. Dans les laboratoires de Chimie, où l'on prépare l'eau régale, l'air étant imprégné d'une grande quantité de ce sel, l'or y contracte de la rouille comme les autres métaux. Voyez Or, &c.

Les pierres même subissent le sort commun aux métaux: ainsi en Angleterre on voit s'amollir & tomber en poussiere la pierre de Purbec, dont est bâtie la Cathédrale de Salisbury; & M. Boyle dit la même chose de la pierre de Blackington. Voyez Pierre.

Il ajoûte que l'air travaille considérablement sur le vitriol, même lorsque le feu n'a plus à y mordre. Le même auteur a trouvé que les fumées d'une liqueur corrosive agissoient plus promptement & plus manife stement sur un métal exposé à l'air, que ne faisoit la liqueur elle - même sur le même métal, qui n'étoit pas en plein air.

2°. L'air volatilise les corps fixes: par exemple, si l'on calcine du sel, & qu'on le fonde ensuite, qu'on le seche & qu'on le refonde encore, & ainsi de suite plusieurs fois; à la fin il se trouvera tout - à - fait évaporé, & il ne restera au fond du vase qu'un peu de terre. Voyez Volatil, Volatilisation, &c.

Van - Helmont fait un grand secret de Chimie de volatiliser le sel fixe de tartre: mais l'air tout seul suffit pour cela. Car si l'on expose un peu de ce sel à l'air dans un endroit rempli de vapeurs acides, le sel tire à lui tout l'acide; & quand il s'en est soûlé, il se volatilise. Voyez Tartre, &c.

3°. L'air fixe aussi les corps volatils: ainsi quoique le nitre ou l'eau - forte s'évaporent promptement au feu, cependant s'il y a près du feu de l'urine putréfiée, l'esprit volatil se fixera & tombera au fond.

4°. Ajoûtez que l'air met en action les corps qui sont en repos, c'est - à - dire, qu'il excite leurs facultés cachées. Si donc il se répand dans l'air une vapeur acide, tous les corps dont cette vapeur est le menstrue en étant dissous, sont mis dans un état propre à l'action. Voyez Acide, &c.

En Chimie, il n'est point du tout indifférent qu'un procédé se fasse à l'air ou hors de l'air, ou même à un air ouvert, ou à un air enfermé. Ainsi le camphre brûlé dans un vaisseau fermé se met tout en sels; au lieu que si pendant le procédé on découvre le vaisseau, & qu'on en approche une bougie, il se dissipera tout en fumée. De même pour faire du soufre inflammable, il faut un air libre. Dans une cucurbite fermée, on pourroit le sublimer jusqu'à mille fois sans qu'il prît feu. Si l'on met du soufre sous une cloche de verre avec du feu dessous, il s'y élevera un esprit de soufre: mais s'il y a la moindre fente à la cloche par où l'air enfermé puisse avoir communication avec l'air extérieur, le soufre s'enflammera aussi - tôt. Une once de charbon de bois enfermée dans un creuset bien luté, y restera sans déchet pen dant quatorze ou quinze jours à la chaleur d'un fourneau toûjours au feu; tandis que la millieme partie du feu qu'on y a consumé, l'auroit mis en cendres dans un air libre. Van - Helmont ajoûte que pendant tout ce tems - là le charbon ne perd pas même sa couleur noire; mais que s'il s'y introduit un peu d'air, il tombe aussi - tôt en cendres blanches. Il faut dire la même chose de toutes les substances animales & végétales, qu'on ne sauroit calciner qu'à feu ouvert, & qui dans des vaisseaux fermés ne peuvent être réduits qu'en charbons noirs.

L'air peut produire une infinité de changemens dans les substances, non - seulement par rapport à ses propriétés méchaniques, sa gravité, sa densité, &c. mais aussi à cause des substances hétérogenes qui y sont mêlées. Par exemple, dans un endroit où il y a beaucoup de marcassites, l'air est imprégné d'un sel vitriolique mordicant, qui gâte tout ce qui est sur terre en cet endroit, & se voit souvent à terre en forme d'efflorescence blanchâtre. A Fahlun en Suede, ville connue par ses mines de cuivre, qui lui ont [p. 235] fait aussi donner le nom de Copperberg, les exhalaisons minérales affectent l'air si sensiblement, que la monnoie d'argent & de cuivre qu'on a dans la poche en change de couleur. M. Bayle apprit d'un Bourgeois qui avoit du bien dans cet endroit, qu'au dessus des veines de métaux & de minéraux qui y sont, on voyoit souvent s'élever des especes de colonnes de fumée, dont quelques - unes n'avoient point du tout d'odeur, d'autres en avoient une très - mauvaise, & quelques - unes en avoient une agréable. Dans la Carniole, & ailleurs, où il y a des mines, l'air devient de tems en tems fort mal sain, d'où il arrive de fréquentes maladies épidémiques, &c. Ajoûtons que les mines qui sont voisines du cap de Bonne - Espérance, envoyent de si horribles vapeurs d'arsénic dont il y a quantité, qu'aucun animal ne sauroit vivre dans le voisinage; & que dès qu'on les a tenues quelque tems ouvertes, on est obligé de les refermer.

On observe la même chose dans les végétaux: ainsi lorsque les Hollandois eurent fait abbatre tous les girofliers dont l'Isle de Ternate étoit toute remplie, afin de porter plus haut le prix des clous de girofle, il en résulta un changement dans l'air qui fit bien voir combien étoient salutaires dans cette Isle les corpuscules qui s'échappoient de l'arbre & de ses fleurs: car aussi - tôt après que les girofliers eurent été coupés, on ne vit plus que maladies dans toute l'Isle. Un Medecin qui étoit sur les lieux, & qui a rapporté ce fait à M. Bayle, attribue ces maladies aux exhalaisons nuisibles d'un volcan qui est dans cette Isle, lesquelles vraissemblablement étoient corrigées par les corpuscules aromatiques que répandoient dans l'air les girofliers.

L'air contribue aussi aux changemens qui arrivent d'une saison à l'autre dans le cours de l'année. Ainsi dans l'hyver la terre n'envoye guere d'émanations au - dessus de sa surface, par la raison que ses pores sont bouchés par la gelée ou couverts de neige. Or pendant tout ce tems la chaleur soûterraine ne laisse pas d'agir au - dedans, & d'y faire un fond dont elle se décharge au printems. C'est pour cela que la même graine semée dans l'automne & dans e printems, dans un même sol & par un tems également chaud, viendra pourtant tout différemment. C'est encore pour cette raison que l'eau de la pluie ramassée dans le printems, a une vertu particuliere pour le froment, qui y ayant trempé, en produit une beaucoup plus grande quantité qu'il n'auroit fait sans cela. C'est aussi pourquoi il arrive d'ordinaire, comme on l'observe assez constamment, qu'un hyver rude est suivi d'un printems humide & d'un bon été.

De plus, depuis le solstice d'hyver jusqu'à celui d'été, les rayons du soleil donnant toûjours de plus en plus perpendiculairement, leur action sur la surface de la terre acquiert de jour en jour une nouvelle force, au moyen de laquelle ils relâchent, amollissent & putréfient de plus en plus la glebe ou le sol, jusqu'à ce que le soleil soit arrivé au tropique où avec la force d'un agent chimique, il résout les parties superficielles de la terre en leurs principes, c'est - à - dire, en eau, en huile, en sels, &c. qui s'élevent dans l'atmosphere. Voyez Chaleur.

Voilà comme se forment les météores qui ne sont que des émanations de ces corpuscules répandus dans l'air. Voyez Météore.

Ces météores ont des effets très - considérables sur l'air. Ainsi, comme on sait, le tonnerre fait fermenter les liqueurs. Voyez Tonnerre, Fermentation, &c.

En effet tout ce qui produit du changement dans le degré de chaleur de l'atmosphere, doit aussi en produire dans la matiere de l'air. M. Boyle va plus loin sur cet article, & prétend que les sels & autres sub<cb-> stances mêlées dans l'air, sont maintenus par le chaud dans un état de fluidité, qui fait qu'étant mêlés ensemble ils agissent conjointement; & que par le froid ils perdent leur fluidité & leur mouvement, se mettent en crystaux, & se séparent les uns des autres. Si les colonnes d'air sont plus ou moins hautes, cette différence peut causer aussi des changemens, y ayant peu d'exhalaisons qui s'élevent au - dessus des plus hautes montagnes. On en a eu la preuve par certaines maladies pestilentielles, qui ont emporté tous les habitans qui peuploient un côté d'une montagne, sans que ceux qui peuploient l'autre côté s'en soient aucunement sentis.

On ne sauroit nier non plus que la secheresse & l'humidité ne produisent de grands changmens dans l'atmosphere. En Guinée, la chaleur jointe à l'humidité cause une telle putréfaction, que les meilleures drogues perdent en peu de tems toutes leurs vertus, & que les vers s'y mettent. Dans l'isle de S. Jago, on est obligé d'exposer le jour les confitures au soleil, pour en faire exhaler l'humidité qu'elles ont contractée pendant la nuit, sans quoi elles seroient bien - tôt gâtées.

C'est sur ce principe que sont fondés la construction & l'usage de l'Hygrometre. Voyez Hygrometre.

Ces différences dans l'air ont aussi une grande influence sur les expériences des Philosophes, des Chimistes & autres.

Par exemple, il est difficile de tirer l'huile du soufre, per campanam, dans un air clair & sec, parce qu'alors il est très - facile aux particules de ce minéral de s'échapper dans l'air: mais dans un air grossier & humide, elle vient en abondance. Ainsi tous les sels se mêlent plus aisément, & étant fondus agissent avec plus de force dans un air épais & humide; toutes les séparations de substances s'en font aussi beaucoup mieux. Si le sel de tartre est exposé dans un endroit où il y ait dans l'air quelque esprit acide flottant, il s'en impregnera, & de fixe deviendra volatil. De même les expériences faites sur des sels à Londres, où l'air est abondamment impregné du soufre qui s'exhale du charbon de terre qu'on y brûle, réussissent tout autrement que dans les autres endroits du Royaume où l'on brûle du bois, de la tourbe, ou autres matieres. C'est aussi pourquoi les ustnciles de métal se rouillent plus vîte ailleurs qu'à Londres, où il y a moins de corpuscules acides & corrosifs dans l'air & pourquoi la fermentation qui est facile à exciter dans un lieu où il n'y a point de soufre, est impraticable dans ceux qui abondent en exhalaisons sulphureuses. Si du vin tiré au clair après qu'il a bien fermenté est transporté dans un endroit où l'air soit imprégné des fumées d'un vin nouveau qui fermente actuellement, il recommencera à fermenter. Ainsi le sel de tartre s'enfle comme s'il fermentoit, si on le met dans un endroit où l'on prépare de l'esprit denitre, du vitriol, ou du sel marin. Les Brasseurs, les Distillateurs & les Vinaigriers font une remarque qui mérite bien d'avoir place ici: c'est qu'il n'y a pas de meilleur tems pour la fermentation des sucs des plantes, que celui où ces plantes sont en fleurs. Ajoutez que les taches faites par les sucs des substances végétales ne s'enievent jamais mieux de dessus les étoffes, que quand les plantes d'où ils proviennent sont dans leur primeur. M. Boyle dit qu'on en a fait l'expérience sur des taches de jus de coing, de houblon & d'autres végétaux; & que singulierement une qui étoit de jus de houblon, & qu'on n'avoit pas pû emporter quelque chose qu'on y fît, s'en étoit allée d'elle - même dans la saison du houblon.

Outre tout ce que nous venons de dire de l'air, quelques Naturalistes curieux & pénétrans ont encore observé d'autres effets de ce fluide, qu'on ne

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.