ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"757"> par des restes d'alimens grossiers, visqueux, pourris, ou par des matieres indigestes ramassées à la suite de plusieurs mauvaises digestions; par un reflux de bile trop abondante dans l'estomac. 4°. Parce que le tissu de ce viscere ayant souffert de trop grandes distensions, comme après de grands repas, où on mange immodérément, ce qui en relâche le ressort; ou parce que ne recevant pas assez du fluide nerveux qui doit être distribué aux fibres de cet organe, ou parce que étant trop abreuvé de sérosités, il n'est presque plus sensible aux causes qui peuvent exciter l'appétit.

Le goût pour les alimens est entierement aboli, 1°. par les vices des fermens digestifs de même nature, mais d'une plus grande intensité. 2°. Par le défaut de l'estomac, s'il est calleux, oedémateux ou paralytique, & par - là même insensible à tout ce qui peut exciter l'appétit. Astruc, Pathol.

On voit par l'exposition de toutes ces causes de dégoût, qu'il peut être produit dans les uns, dit Nicolas Pison, par une intempérie chaude, & dans les autres par une intempérie froide de l'estomac, mais plus souvent par celle - ci.

La soif & l'ardeur que l'on ressent dans l'épigastre, l'haleine forte, les rapports comme d'oeufs couvés, la digestion facile d'alimens froids & pesans, sont les signes d'une trop grande tension, de roideur dans les fibres de l'estomac: dans les cas opposésil n'y a point de soif, on ne digere pas les alimens froids, les rapports sont aigres. Si c'est une humeur bilieuse qui cause le dégoût, on ressent comme une morsure à l'orifice supérieur de l'estomac, avec soif & nausée, & quelquefois amertume de bouche & vomissement. Si c'est par des matieres indigestes corrompues, il y a quelquefois fievre. Si c'est par des humeurs lentes, visqueuses, il n'y a ni soif, ni érosions, on ressent une pesanteur; & communément dans ce cas, on a toûjours des envies de vomir, si elles sont attachées ou rencoignées dans l'estomac; & après qu'elles en sont détachées, le vomissement suit. Si elles ont leur siége dans l'intérieur des vaisseaux secrétoires de l'estomac, & que ses tuniques on soient comme farcies, on n'a que des nausées, &c.

Le prognostic du dégoût varie suivant ses degrés, ses causes & les circonstances dans lesquelles il a lieu. Si c'est au commencement des maladies, ou environ l'état, dans ce tems où il y a encore assez de forces pour supporter le défaut de nourriture, il n'est pas nuisible, parce que les malades n'ont pas alors besoin d'en prendre beaucoup: il annonce du danger à la fin d'une maladie, ou à la suite d'une longue foiblesse, d'une abondante évacuation; le dégoût annonce aussi souvent la rechute. Il est très - nuisible aux enfans, qui sont naturellement mangeurs; il indique une grande dépravation de fonctions. Il vaut mieux être dégoûté au commencement des maladies, ensuite prendre les alimens sans répugnance, l'appétit vient au déclin; & au contraire, ceux qui en ont au commencement, le perdent dans la suite, & le dégoût est alors nuisible. C'est un bon signe dans les maladies, de n'avoir pas du dégoût pour les alimens quand ils sont présentés. Il y a toûjours à craindre les longues inappétences, sur - tout quand la maladie vient d'intempérie froide. Pison, liv. III. c. v.

L'expérience journaliere a appris que dans les hommes & les animaux, certaines maladies étant établies, excitent souvent, comme par instinct, à faire usage de certaines choses par remedes, dont on ne connoît pas la propriété; qu'il naît souvent un desir insurmontable d'y avoir recours, & qu'au contraire on prend de l'aversion pour certains alimens qui sont présentés: nous ne comprenons pas pourquoi & comment cela se fait, mais la vérité du fait est incontestable. Dans les grandes chaleurs qui des<cb-> séchent le corps, la soif nous oblige, même malgré nous, à nous procurer de la boisson: si l'on a quelque matiere pourrie dans le corps, on se sent en conséquence un dégoût souvent invincible pour tout ce qui est susceptible de pourrir, la nature répugne à ce qui peut augmenter la cause du mal. S'il se présente des oranges, des citrons, des fruits, on les saisit avidement; il n'est donc pas déraisonnable d'avoir égard à ce que la nature indique dans ces cas, & de se relâcher un peu de la régularité du régime, pour rappeller l'appétit même par le moyen d'une sorte d'alimens ou de boissons qui ne sont pas des plus loüables.

Mais en général, pour la guérison du dégoût, on doit avoir égard aux cinq indications suivantes, 1°. d'employer les remedes convenables pour évacuer l'estomac de toutes les crudités qui s'y sont ramassées, pour qu'elles ne continuent pas à corrompre ses fermens. Les délayans pris en grande quantité avec du vinaigre ou autres acides, si les matieres sont bilieuses, ardentes; avec des sels muriatiques, si elles sont lentes, visqueuses, pourront produire cet effet en entraînant dans les intestins, & précipitant par la voie des selles la saburre de l'estomac: si elles résistent, il faut avoir recours aux doux vomitifs & aux purgatifs minoratifs, aux eaux thermales. 2°. D'exciter une plus grande secrétion du suc gastrique, pour qu'il ranime l'appétit par son activité: ce que l'on pourra faire par une diete analeptique, par l'usage modéré des aromates infusés, confits, en opiate, en poudre prise à jeun; par celui des stomachiques, des électuaires, des baumes, par celui des sels & substances salines appropriées séparément ou unies aux précédens remedes. 3°. D'émousser l'acrimonie bilieuse chaude de la salive stomacale, qui donne trop de tension, de rigidité aux fibres du viscere, par le moyen des juleps adoucissans, tempérans, des émulsions, des bouillons rafraîchissans, des iaitages purs ou coupés, selon qu'il convient, avec des infusions ou décoctions appropriées, des eaux minérales froides, de la limonade; par les bains, les demi - bains. 4°. De corriger l'acidité dominante des fermens de l'estomac, qui les affoiblit; les aromatiques peuvent aussi convenir pour cet effet: on peut encore l'obtenir par le moyen des amers, des absorbans; des boissons de caffé, de chocolat, assez continuées. 5°. De remédier au relâchement des tuniques internes du ventricule, qui engourdit le sentiment de cet organe, en employant les remedes mentionnés pour remplir la seconde & quatrieme indication; les eaux de Balaruc modérément & à reprises; les infusions des herbes vulnéraires de Suisse; les bochets sudorifiques pour boisson ordinaire; les breuvages spiritueux, les bons vins cuits, comme les vins d'Espagne, de Canarie, mais surtout le vin d'Alicante, &c. Extrait d'Astruc, Therap. Voyez Anorexie. (d)

DEGRADATION (Page 4:757)

DEGRADATION (Jurisprudence.) d'un bien, est tout ce qui peut y causer du dommage ou le détériorer; par exemple, si ce sont des terres qu'on néglige de cultiver, si ce sont des bois qu'on abatte ou coupe contre les ordonnances, si ce sont des bâtimens qu'on néglige de réparer & entretenir.

Celui qui se plaint des dégradations commises, demande qu'elles soient réparées; & en cas de contestations, il demande que les lieux soient vûs & visités par experts, pour constater les dégradations, & évaluer les dommages & intérêts. (A)

Degradation d'un Beneficier (Page 4:757)

Degradation d'un Beneficier. Voy. ci - après Degradation d'un Ecclesiastique.

Degradation d'une dignite' (Page 4:757)

Degradation d'une dignite'. Voy. ci - après Degradation d'un ordre.

Dégradation d'un Ecclésiastique (Page 4:757)

Dégradation d'un Ecclésiastique, est lorsqu'étant condamné pour crime à subir quelque [p. 758] peine afflictive ou infamante, on le dégrade avant l'exécution, c'est - à - dire qu'on le dépouille de toutes les marques extérieures de n caractere.

La dégradation des personnes consacrées au culte divin, a été en usage chez différens peuples dans les tems les plus reculés; il n'y avoit pas jusqu'aux vesrales chez les payens, qui ne pouvoient être exécutées à mort qu'elles n'eussent été solennellement dégradées par les pontifes, qui leur ôtoient les bandelettes & autres ornemens du sacerdoce.

Chez les Juifs, les prêtres convaincus de crime étoient dégradés.

L'Ecriture - sainte nous en fournit un premier exemple bien remarquable en la personne d'Aaron, que Dieu ayant condamne à mort pour son incrédulité, il ordonna à Moyse de le dégrader auparavant du sacerdoce, en le dépouillant pour cet effet de la robe de grand - prêtre, & d'en revêtir Eléazar fils d'Aaron; ce que Moyse exécuta comme Dieu le lui avoit ordonné. Nomb. ch. xx.

Il y avoit aussi une autre sorte de dégradation semblable à celle que les Romains appelloient regradatio, dont l'effet étoit seulement de reculer la personne à un grade plus éloigné, sans la priver totalement de son état.

C'est ainsi que dans Ezechiel, ch. xljv. il est dit que les lévites qui auront quitté le Seigneur pour suivre les idoles, seront employés dans le sanctuaire de Dieu à l'office de portiers.

S. Jérome, in chronicis, fait mention de cette dégradation ou regradation; il dit qu'Heraclius d'évêque fut réduit à être simple prêtre, in presbyterum regradatus est.

Pour ce qui est de la dégradation telle que nous l'entendons présentement, c'est - à - dire celle qui emporte privation absolue de la dignité ou office, dans la primitive Eglise on dégradoit les prêtres avant de les livrer à l'exécuteur de la justice: on pensoit alors qu'à cause de l'onction sacrée qu'ils ont, la justice ne pouvoit mettre la main sur eux en quelque façon que ce fût; qu'étant dégradés, cette prohibition cessoit, parce qu'alors l'onction leur étoit ôtée & essuyée, & que l'Eglise elle - même les rendoit au bras séculier, pour être traités selon les lois comme le commun des hommes.

Au commencement, les évêques & les prêtres ne pouvoient être déposés que dans un concile ou synode; mais comme on ne pouvoit pas toûjours attendre la convocation d'une assemblée si nombreuse, il fut arrêté au second concile de Carthage, qu'en cas de nécessité, ou si l'on ne pouvoit pas assembler un si grand nombre d'évêques, il suffiroit qu'il y en eût douze pour juger un évêque, six pour un prêtre, & trois avec l'évêque du lieu pour dégrader un diacre.

Boniface VIII. ch. ij. de poenis, in 6°. décide que pour exécuter la dégradation il faut le nombre d'évêques requis par les anciens canons.

Mais cette décision n'a jamais été suivie parmi nous, & l'on a toûjours pensé avec raison qu'il ne falloit pas plus de pouvoir pour dégrader un prêtre que pour le consacrer; aussi le concile de Trente, sess. 13. cap. jv. décide - t - il qu'un seul évêque peut dégrader un prêtre, & même que le vicaire général de l'évêque, in spiritualibus, a le même pouvoir, en appellant toutefois six abbés, s'il s'en trouve assez dans la ville, sinon six autres personnes constituées en dignité ecclésiastique.

La novelle 83 de Justinien ordonne que les clercs seront dégradés par l'évêque avant d'être exécutés. Il étoit d'usage chez les Romains, que l'ecclésiastique dégradé étoit incontinent curioe traditus; ce qui ne signifioit pas qu'on le livrât au bras séculier pour le punir, comme quelques ecclésiastiques ont autre<cb-> fois voulu mal - à - propos le faire entendre, puisque ce criminel étoit déjà jugé par le juge séculier, mais cela vouloit dire qu'on l'obligeoit de remplir l'emploi de décurion, qui étoit devenu une charge trèsonéreuse, & une peine sur - tout pour ceux qui n'en avoient pas les honneurs, comme cela avoit lieu pour les prêtres dégradés & pour quelques autres personnes. Et en effet, Arcadius ordonna que quiconque seroit chassé du clergé, seroit pris pour décuriori ou pour collégiat, c'est - à - dire du nombre de ceux qui dans chaque ville étoient choisis entre les assistans pour servir aux nécessités publiques.

En France, suivant une ordonnance de l'an 1571, les prêtres & autres promûs aux ordres sacrés, ne pouvoient être exécutés à mort sans dégradation préalable.

Cette dégradation se faisoit avec beaucoup de cérémonie. L'évêque ôtoit en public les habits & ornemens ecclésiastiques au criminel, en proférant certaines paroles pour lui reprocher son indignité. La forme que l'on observoit alors dans cet acte paroît assez semblable à ce qui est prescrit par le chapitre de poenis in 6°, excepté par rapport au nombre d'évêques que ce chapitre requiert.

Juvenal des Ursins rapporte un exemple d'une dégradation de deux Augustins, qui ayant - trompé le roi Charles V I. sous prétexte de le guérir, furent condamnés à mort en 1398, & auparavant dégradés en place de Grève en la forme qui suit.

On dressa des échaffauts devant l'hôtel - de - ville & l'église du S. Esprit, avec une espece de pont de planches qui aboutissoit aux fenêtres de la salle du S. Esprit, de maniere qu'une de ces fenêtres servoit de porte; l'on amena par - là les deux Augustins habillés comme s'ils alloient dire la messe.

L'évêque de Paris en habits pontificaux leur fit une exhortation, ensuite il leur ôta la chasuble, l'étole, le manipule, & l'aube; puis en sa présence on rasa leurs couronnes.

Cela fait, les ministres de la jurisdiction séculiere les dépouillerent & ne leur laisserent que leur chemise & une petite jacquette par - dessus; ensuite on les conduisit aux halles où ils furent décapités.

M. le Prêtre tient qu'un ecclésiastique condamné à mort pour crime atroce, peut être exécuté sans dégradation préalable; ce qui est conforme au sentiment des canonistes, qui mettent l'assassinat au nombre des crimes atroces.

Quelques évêques prétendoient que pour la dégradation on devoit se conformer au chapitre de poenis, & qu'il falloit qu'elle fût faite par le nombre d'évêques porté par ce chapitre; d'autres faisoient difficulté de dégrader en conséquence du jugement de la justice séculiere, prétendant que pour dégrader en connoissance de cause, ils devoient juger de nouveau, quoiqu'une sentence confirmée par arrêt du parlement suffise pour déterminer l'Eglise à dégrader le condamné, autrement ce seroit ériger la justice ecclésiastique au - dessus de la justice séculiere. Comme toutes ces difficultés retardoient beaucoup l'exécution du criminel, & que par - là le crime demeuroit souvent impuni, les magistrats ont pris sagement le parti de supprimer l'usage de la dégradation, laquelle au fond n'etoit qu'une cérémonie superflue, attendu que le criminel est suffisamment dégradé par le jugement qui le condamne à une peine afflictive.

On ne doit point confondre la dégradation avec la simple suspension, qui n'est que pour un tems, ni même avec la déposition qui ne prive pas absolument de l'ordre ni de tout ce qui en dépend, mais seulement de l'exercice. Voyez Déposition & Suspension. Voyez Loiseau, tr. des ordres, chap. jx. n. 29. & suivans. (A)

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