ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Dans un royaume que la nature a favorisé de plusieurs grandes rivieres, leur entretien n'exige pas de dépenses autant qu'une vigilance continuelle dans la police; mais sans cette vigilance, la cupidité des particuliers se sera bientôt créé des domaines au milieu des eaux: les îles s'accroîtront continuellement aux dépens des rivages, & le canal perdra toûjours en profondeur ce qu'il gagne en largeur. Si les îles viennent à s'élever au - dessus des rivages, chaque année le mal deviendra plus pressant, & le remede plus difficile; cependant le rétablissement d'une bonne police suffira le plus souvent pour arrêter le desordre & le réparer insensiblement. Puisqu'il ne s'agit que de rendre au continent ce que les îles lui ont enlevé, l'opération consiste à empêcher dans celles - ci l'usage des moyens qui les ont accrues, tandis qu'on oblige les riverains à employer ces mêmes moyens qui ne sont pas dispendieux, & avec la même assiduité.

Ces avantages de l'art & de la nature pourroient encore exister dans un pays, sans qu'il en ressentît les bons effets; ce seroit infailliblement parce que des droits de doüanes particulieres mettroient les provinces dans un état de prohibition entr'elles, ou parce qu'il seroit levé des péages onéreux sur les voitures, tant par terre que par eau.

Si ces doüanes intérieures sont d'un tel produit que les revenus publics fussent altérés par leur suppression, il ne s'agiroit plus que de comparer leur produit à celui qu'on pourroit espérer de l'augmentation des richesses sur les terres, & parmi les hommes qui seroient occupés à cette occasion. A égalité de produit, on auroit gagné sur la population; mais un calcul bien fait prouvera que dans ces cas l'état reçoit son capital en revenus: il ne faut qu'attendre le terme. Si ces droits rendent peu de chose au prince, & que cependant ils produisent beaucoup à ses fermiers, il devient indispensable de s'en procurer une connoissance exacte, & de convenir à l'amiable du bénéfice modéré qu'ils auront été censés devoir faire, pour le comparer au profit réel.

A Pégard des péages, il convient de partir d'un principe certain; les chemins & les rivieres appartiennent au Roi. Les péages légitimes sont, ou des aliénations anciennes en faveur d'un prêt, ou les fonds d'une réparation publique.

Le domaine est inaliénable, ainsi le souverain peut toûjours y rentrer. Le dédommagement dépend de l'augmentation du revenu du péage à raison de celles du commerce: si cette augmentation a suffi pour rembourser plusieurs fois le capital & les intérêts de la somme avancée, eu égard aux différences des monnoies, & aux différens taux des intérêts; l'état en rentrant purement & simplement dans ses droits, répare un oubli de la justice distributive. Si après cette opération les fermiers du domaine continuoient à percevoir le péage, l'agriculture, le commerce, & l'état, n'auroient point amélioré leur condition; le fermier seroit plus riche.

Lorsque les péages sont considérés comme les fonds d'une réparation publique, il reste à examiner si ces réparations sont faites, si la somme perçue est suffisante ou si elle ne l'est pas: dans ces deux derniers cas, il ne seroit pas plus juste qu'un particulier y gagnât, que de le forcer d'y perdre. En général le plus sûr est que le soin des chemins, des canaux, & des rivieres, appartienne au prince qui en est le propriétaire immédiat.

Cessons un moment d'envisager l'agriculture du côté du commerce, nous verrons nécessairement s'élever l'un après l'autre tous les divers obstacles dont nous venons d'exposer le danger. Ils n'ont existé, que parce qu'on avoit négligé cette face importante du premier de tous les objets qui doivent oc<cb-> cuper les législateurs. Cette remarque est une preuve nouvelle qui confirme que les progrès de l'agriculture sont toûjours plus décidés dans un pays à mesure qu'il se rapproche des saines maximes, ou qu'il les conserve mieux.

Cependant comme un principe ne peut être à la fois général & juste dans toutes ses applications, nous ajoûterons à celui - ci une restriction très - essentielle, & que nous avons déjà trouvée être une conséquence de nos premiers raisonnemens.

L'établissement de l'équilibre le plus parfait qu'il est possible entre les diverses occupations du peuple, étant un des principaux soins du législateur, il lui est également important dans l'agriculture de favoriser les diverses parties en raison du besoin qu'il en ressent. On n'y parviendra point par des gênes & des restrictions, ou du moins ce ne peut être sans desordre; & à la fin les lois s'éludent lorsqu'il y a du profit à le faire. C'est donc en restraignant les profits qu'on fixera la proportion.

Le moyen le plus simple est de taxer les terres comme les consommations, c'est - à - dire toûjours moins en raison du besoin; de maniere cependant que l'on n'ôte point l'envie de consommer les moindres nécessités: car on tariroit les sources de l'impôt & de la population. Cette méthode seroit sans doute une des grandes utilités d'un cadastre; en attendant il ne seroit pas impossible de l'employer. Si nous avons trop de vignes en raison des terres labourables, cela ne sera arrivé le plus souvent que parce que les vignobles produisent davantage. Pour les égaler, seroit - il injuste que les vignes payassent le quinzieme, tandis que les terres labourables payeroient le vingtieme?

C'est ainsi que chaque espece de terre se trouveroit employée sûrement & sans trouble à ce qui lui convient le mieux. Il ne reste rien de plus à desirer quand une fois les besoins urgens sont assûrés. Quels qu'ils soient d'ailleurs, les lois ne peuvent forcer la terre à produire; leur puissance peut bien limiter ses productions, mais elle limite la population en même tems. De toutes les lois, la plus efficace est celle de l'intérêt.

Quoique mon dessein n'ait point été d'envisager l'agriculture du côté pratique, ce que nous avons dit des progrès de l'Angleterre dans cet art, & en particulier des améliorations prodigieuses faites dans le comté de Norfolk, m'engage à donner ici la traduction d'une lettre écrite l'année derniere dans cette province: elle peut être instructive pour les terres de même nature qui peuvent se rencontrer parmi nous. Mais auparavant il ne sera point inutile de donner une legere esquisse des diverses méthodes de l'agriculture angloise, & de proposer les doutes qui se rencontrent à la lecture de leurs hvres oeconomiques: ils réduisent leurs terres propres à la culture, à six qualités.

1°. Les terres mouillées; celles qu'on cultive sont de trois sortes: les terres qui ont une pente sont desséchées par le moyen de tranchées ou de rigoles; si les eaux viennent d'une source, on tâche d'en détourner le cours en formant une digue avec la terre même qu'on enleve des tranchées.

Les terres voisines des rivieres ne sont jamais si abondantes qu'après les débordemens de l'hyver, parce que les rivieres charient la plûpart un limon gras. Ainsi ces terres sont continuellement en rapport & sans art. Mais ces avantages sont quelquefois payés cher par les ravages que causent les débordemens de l'été. Pour y remédier autant qu'il est possible, ces terres sont enceintes de haies & de fossés très - hauts.

De toutes les terres, les meilleures sont ce qu'on appelle les marais proche la mer: elles sont extrème<pb-> [p. 561] ment propres à engraisser promptement les bestiaux; on a même l'expérience que le mouton n'y contracte jamais cette maladie qui lui corrompt le foie. Lorsqu'on s'apperçoit qu'un troupeau en est infecté, on le descend promptement dans les marais; & si l'on n'a point trop attendu, il se rétablit. C'est du moins ce qu'on a jugé par l'ouverture de plusieurs de ces animaux qui avoient été visiblement attaqués de ce mal, & dont la partie du foie corrompue s'étoit desséchée: preuve sans replique de la nécessité de mêler beaucoup de sel dans la nourriture des bestiaux. Ces terres exigent une grande dépense en chaussées & en fosses profondes pour empêcher l'eau d'y séjourner, sur - tout celle de la mer. Elles sont aussi sujettes à manquer d'eau douce; on y supplée par des citernes. On a également soin de planter des arbres & des haies élevées pour servir d'abri aux troupeaux, soit pendant les chaleurs, soit pendant l'hyver.

2°. Les terres marneuses. Voyez Marne. Je ne sais cependant si je dois rendre ainsi chalkly - lands. Le mot anglois chalk dérive du mot teutonique kalck, & tous deux signifient chaux & craie. Ce dernier n'est appliqué dans notre langue à la marne, que lorsqu'elle est calcinée: mais en anglois on la distingue en ce dernier état par le mot lime. Au contraire ils nomment marle ou marne, une terre grasse froide de sa nature; ce qui est bien différent de notre marne dont la qualité est brûlante. Cette terre grasse & froide est bonne & propre à s'enfoncer par sa pesanteur, moins cependant que la pierre à chaux lime. On en distingue cinq especes.

La premiere est brune, veinée de bleu, mêlangée de petites mottes de pierre à chaux lime - slone: ils nomment cette espece cowshut - marle, ce qui je crois veut dire terre à bauge; dès - lors c'est une espece de glaise.

La seconde est une maniere d'ardoise grasse; elle en a pris le nom de slate - marle: elle est bleue ou bleuâtre, & se dissout aisément à la gelée ou à l'eau.

La troisieme espece est appellée diving - marle: ce mot signifie l'action de fouiller une mine; cette espece est serrée, forte, & très - grasse.

La quatrieme est nommée clay - marle ou marne argilleuse, fort semblable à la glaise, tenant de sa nature, mais plus grasse, & quelquefois mêlée de craie en pierres, chalkstones.

Enfin la cinquieme est connue sous la dénomination de steel - marle ou marne dure. Elle se sépare d'elle - même en petites mottes de forme cubique, & se trouve communément à l'entrée des puits que l'on creuse. Celle - là me sembleroit plûtôt appartenir au genre des terres appellées chalklylands, & être notre véritable marne. Il y a sûrement de la confusion parmi les écrivains oeconomiques de cette nation; car je remarque qu'ils conseillent tantôt l'usage de la marne marle pour les terres froides, tantôt pour les terres chaudes. Ce qui confirme ce soupçon, c'est que dans le dernier cas ils nomment indifféremment cet engrais, clay qui veut dire glaise, & marle que nous rendons par marne.

La bonne ou la mauvaise qualité de cette marne angloise ne se discerne pas, tant par sa couleur que par sa pureté, c'est - à - dire que la moins mêlangée est préférable. Elle doit se briser en petits morceaux cubiques, être égale & douce comme de la mine de plomb, sans aucunes parties graveleuses ni sabloneuses. Si elle s'écaille comme l'ardoise, & qu'après une pluie ou exposée au soleil elle sech e nouveau & se réduise en poussiere, elle est certainement bonne. Quant à la qualité glissante au tact, gluante, ou huileuse, on n'en peut tirer aucune conjecture pour la bonté; car on en trouve dans les mines qui est pu<cb-> re, seche, qui se divise aisément, & qui devient gluante si on la mouille.

Comme j'ai moins eu en vûe d'instruire que de proposer un point d'instruction à éclaircir, & que je n'ai point été en Angleterre, je ne rougis pas de mon embarras: je serois porté à croire que les Anglois ont mal - à - propos établi deux genres dans les terres argilleuses, & que nous n'avons pas assez distingué les especes; il en résulteroit que des expériences & des recherches sur cette matiere pourroient contribuer infiniment à l'avancement de l'Agriculture. Car il est certain que toutes ces terres ont leur utilité pour en engraisser d'autres, & que nous manquons de mots pour rendre les diverses especes comprises sous celui de marle.

Soit que le mot chalkly - lands signifie simplement terres à chaux ou marneuses ou crétacées, cette qualité est assez commune en Angleterre. On en distingue de deux sortes: l'une est dure, seche, forte, & c'est la plus propre à calciner: l'autre est tendre & grasse; elle se dissout facilement à l'eau & à la gelée; elle est propre au labourage, & à améliorer presque toutes les autres terres, principalement celles qui sont froides ou aigres: pour cet effet on en mêle une charretée avec deux ou trois, soit de fumier, soit de vase ou de terreau, & l'on répand ensuite ce mêlange sur les champs ou sur les prairies.

Ces terres produisent naturellement du pavot, & toutes les autres especes d'herbes qui croissent dans des terreins chauds & secs: elles sont propres au sain - foin, au trefle; & si elles sont un peu grasses, la luserne y réussit. Le froment, l'orge, & l'avoine, sont les semences ordinaires qu'on leur donne.

L'engrais de ces terres est le parcage des moutons, le fumier ordinaire, de vieux chiffons, des rognures de draps qu'on coupe en très - petits morceaux, & qu'on jette sur la terre immédiatement après qu'on a semé. Ces rognures se vendent par sac; on en répand quatre par acre: chaque sac contient six boisseaux, qui pesent environ trois cent quatre - vingts livres poids de marc.

S'il vient à pleuvoir immédiatement après les semailles avant que le grain ait levé, cette terre est sujette à se lier de façon que la pointe de l'herbe ne peut la pénétrer.

Dans la province de Hartford on prévient cet inconvénient, en fumant ces sortes de terres avec du fumier à moitié consommé: quelques - uns y mêlent une certaine quantité de sable. Ordinairement on les ensemence avec du froment, du méteil, de l'orge; seulement après le froment on fait une récolte de pois ou de vesces.

Troisieme qualité, les terres argilleuses ou claylands. On distingue cinq sortes de glaises en Angleterre. La premiere appellée pure, est tendre & molle à la dent comme du beurre, sans le moindre mêlange graveleux; du moins elle est plus parfaite à mesure qu'elle est plus pure: elle se divise elle même en plusieurs qualités dont on tire la terre à foulon & l'engrais des terres. La terre à foulon est jaunâtre à Northampton, brune à Hallifax, & blanche dans les mines de plomb de la province de Derby. Cette qualité est la plus rafinée de celles de la premiere espece.

Il se trouve de la glaise pure dans les puits de marne, qui est d'un jaune pâle.

Dans les mines de charbon de terre on en rencontre une qualité qu'on appelle écaille de savon.

Enfin il y a cette glaise brune tirant sur le bleu, que les Anglois appellent indifféremment clay & marle. Ils en font un très - grand usage dans la culture des terres maigres, légeres, & sabloneuses. C'est dans le comté d'York que cette pratique a commencé, ou pour parler plus exactement, s'est renouvel<pb->

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