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Ces gens là aiguisoient l'appétit de leurs maîtres par le nombre, la force, la diversité des ragoûts, & ils avoient étendu cette diversité jusqu'à faire changer de figure à tous les morceaux qu'ils vouloient apprêter; ils imitoient les poissons qu'on desiroit & qu'on ne pouvoit pas avoir, en donnant à d'autres poissons le même goût & la même forme de ceux que le climat ou la saison refusoient à la gourmandise. Le cuisinier de Trimalcion composoit même de cette maniere, avec de la chair de poisson, des animaux différens, des pigeons ramiers, des tourterelles, des poulardes, &c. Athénée parle d'un cochon à demirôti, préparé par un cuisinier qui avoit eu l'adresse de le vuider & de le farcir sans l'éventrer.
Du tems d'Auguste, les Siciliens l'emporterent sur les autres dans l'excellence de cet art trompeur; c'est pourquoi il n'y avoit point à Rome de table délicate qui ne fût servie par des gens de cette nation.
Non siculoe dapes Dulcem elaborabunt saporem. dit Horace. Apicius, qui vivoit sous Trajan, avoit trouvé le secret de conserver les huîtres fraîches; il en envoya d'Italie à ce prince pendant qu'il étoit au pays des Parthes, & elles étoient encore très - saines quand elles arriverent: aussi le nom d'Apicius longtems affecté à divers ragoûts, fit une espece de secte parmi les gourmands de Rome. Il ne faut point douter que le nom de quelque voluptueux de cette capitale, mieux placé à la suite d'un ragoût qu'à la tête d'un livre, ne s'immortalise plus sûrement par son cuisinier que par son Imprimeur.
Les Italiens ont hérité les premiers des débris de la cuisine romaine; ce sont eux qui ont fait connoître aux François la bonne chere, dont plusieurs de nos rois tenterent de réprimer l'excès par des édits; mais enfin elle triompha des lois sous le regne d'Henri II. alors les cuisiniers de de - là les monts vinrent s'établir en France, & c'est une des moindres obligations que nous ayons à cette foule d'Italiens corrompus qui servirent à la cour Catherine de Médicis.
J'ai vû, dit Montagne, parmi nous, un de ces artistes qui avoit servi le cardinal Caraffe: il me fit un discours de cette science de gueule avec une gravité & contenance magistrale, comme s'il eût parlé de quelque grand point de Théologie; il me déchiffra les différences d'appétit, celui qu'on a à jeun, & celui qu'on a après le second & tiers service, les moyens tantôt de lui plaire, tantôt de l'éveiller & piquer; la police des sauces, premierement en général, & puis particularisant les qualités des ingrédiens & leurs effets; les différences des salades selon leur besoin, la façon de les orner & embellir
Hoc salsum est, hoc adustum est, hoc lautum est
parùm;
Illud rectè; iterùm sic memento. Ter. Adelph.
Les François saisissant les saveurs qui doivent dominer dans chaque ragoût, surpasserent bientôt leurs maîtres, & les firent oublier: dès - lors, comme s'ils s'étoient défié d'eux - mêmes sur les choses importantes, il semble qu'ils n'ont rien trouvé de si flateur que de voir le goût de leur cuisine l'emporter sur celui des autres royaumes opulens, & régner sans concurrence du septentrion au midi.
Il est vrai cependant que graces aux moeurs & à la corruption générale, tous les pays riches ont des Lucullus qui concourent par leur exemple à perpétuer l'amour de la bonne chere. On s'accorde assez à défigurer de cent manieres différentes les mets que donne la nature, lesquels par ce moyen perdent leur bonne qualité, & sont, si on peut le dire, autant de poisons flateurs préparés pour détruire le tempérament, & pour abréger le cours de la vie.
Ainsi la cuisine simple dans les premiers âges du monde, devenue plus composée & plus rafinée de siecle en siecle, tantôt dans un lieu, tantôt dans l'autre, est actuellement une étude, une science des plus pénibles, sur laquelle nous voyons paroître sans cesse de nouveaux traités sous les noms de Cuisinier François, Cuisinier royal, Cuisinier moderne, Dons de Comus, Ecole des officiers de bouche, & beaucoup d'autres qui changeant perpétuellement de méthode, prouvent assez qu'il est impossible de réduire à un ordre fixe, ce que le caprice des hommes & le déréglement de leur goût, recherchent, inventent, imaginent, pour masquer les alimens.
Il faut pourtant convenir que nous devons à l'art de la cuisine beaucoup de préparations d'une grande utilité, & qui méritent l'examen des Physiciens. De ces préparations, les unes se rapportent à la conservation des alimens, & d'autres à les rendre de plus facile digestion.
La conservation des alimens est un point très - important. Indépendamment de la disette dont les régions les plus fertiles sont quelquefois affligées, les voyages de long cours exigent nécessairement cette conservation. La méthode pour y parvenir est la même par rapport aux alimens du regne végétal, comme à l'égard des alimens du regne animal. Cette méthode dépend de l'addition, ou de la soustraction de quelques parties qui tendent à empêcher la corruption, & ce dernier moyen de conserver les alimens tirés des animaux, est le plus simple. Il consiste dans la dessiccation qui s'opere à feu lent & doux, & dans les pays chauds à la chaleur du Soleil. C'est, par exemple, de cette derniere maniere, qu'on fait dessécher les poissons qui servent ensuite de nourriture.
On peut aussi soustraire aux sucs des animaux toute leur humidité superflue, & la leur rendre à - propos; puisqu'ils sont mucilage, ils peuvent éprouver cette vicissitude: de - là vient l'invention des gelées & des tablettes de viande, qui souffrent le transport des voyages de long cours; mais comme ces tablettes ne sont pas sans addition, elles appartiennent plus particulierement à l'espece de conservation qui est très - ordinaire, & qui se fait par l'addition de quelque corps étranger capable d'éloigner la putréfaction par [p. 539]
On conserve aussi les viandes tirées des animaux par des sels volatils atténués par la déflagration des végétaux, & par des sels acides - volatils mêlés intimement avec une huile fort atténuée; tels sont les alimens fumés: mais cette préparation est composée de la dessiccation qui en fait une grande partie; cependant il est certain que l'huile qui sort de la fumée, & ces sels très - subtils prenant la place de l'eau qui s'évapore du corps de la viande, doivent la rendre beaucoup moins altérable. L'expérience le démontre tous les jours, car les viandes & les poissons que l'on prépare de cette façon se gardent davantage que par toute autre méthode.
Il est plusieurs autres manieres de conserver les alimens; mais comme elles sont fondées sur les mêmes principes, je ne m'y dois pas arrêter. Ainsi en cuisant les viandes, soit qu'on les fasse bouillir ou rôtir, on les conserve toûjours mieux qu'autrement, parce qu'on retranche beaucoup de leur mucilage. On peut aussi conserver pendant quelque tems les parties des animaux & les végétaux, sous la graisse, sous l'huile, sous les sucs dépurés, qui empêchent leur fermentation ou leur pourriture en les défendant de l'air extérieur. Enfin les aromatiques, tels que le poivre, les épices, sont des conservatifs d'autant plus usités, qu'ils donnent ordinairement une saveur agréable aux alimens: cependant il est rare que le sel n'entre pas pour beaucoup dans cette préparation. Ajoûtons que la dessiccation concourt toûjours ou presque toûjours avec les aromatiques, pour les alimens qu'on veut long - tems conserver.
Dans ce qui concerne l'art de rendre les alimens des deux regnes plus faciles à digérer, la premiere regle en usage est une préparation de feu préalable & forte, sur - tout à l'égard des viandes, parce que les fibres de la chair crue adherent trop fortement ensemble pour que l'estomac des hommes puisse les séparer, & que le mucilage qui les joint a besoin d'une atténuation considérable, afin d'être plus soluble & de digestion plus aisée. C'est pourquoi on employe l'ébullition dans quelque liquide, comme dans l'eau, dans l'huile, dans le vin, &c. ou l'action d'un feu sec qui les rôtit & les cuit dans leur suc intérieur.
L'addition des différentes substances qu'on joint à cette premiere préparation, concourt encore à faciliter la digestion, ou à servir de correctif. L'assaisonnement le plus ordinaire pour faciliter la digestion, est le sel, qui en petite dose irrite légerement l'estomac, augmente son action & la secrétion des liqueurs. Tout correctif consiste à donner aux alimens le caractere d'altération contraire à leur excès particulier.
Mais à l'égard de la science de la gueule, si cultivée, qui ne s'exerce qu'à réveiller l'appétit, par l'apprêt déguisé des alimens, comme j'ai dit ci - dessus ce qu'on devoit penser de ces sortes de recherches expérimentales de sensualité, je me contente d'ajoûter ici, que quelque agréables que puissent être les ragoûts préparés par le luxe en tout pays, suivant les caprices de la Gastrologie, il est certain que ces ragoûts sont plûtôt des especes de poisons, que des alimens utiles & propres à la conservation de la santé. On trouvera dans l'essai sur les alimens par M. Lorry, Médecin de la Faculté de Paris 1754, in<-> 12, une judicieuse théorie physiologique sur cette
Cuisine (Page 4:539)
Cuisines (Page 4:539)
Cuisine (Page 4:539)
CUISINIER (Page 4:539)
CUISINIER, s. m. celui qui sait faire la cuisine
& apprêter à manger. Voyez
CUISSARD (Page 4:539)
CUISSARD, s. m. arme défensive qui s'attachoit au bas du devant de la cuirasse, pour défendre les cuisses. (Q)
CUISSE (Page 4:539)
CUISSE, s. f. (Anat.) La cuisse est une partie du
corps de l'homme, des quadrupedes, & des oiseaux,
située entre la jambe & le tronc. Voyez
Les parties qui composent la cuisse ont différens noms; sa partie interne & supérieure forme les aînes; les côtés latéraux, externes, & supérieurs, forment les hanches; la partie supérieure postérieure, les fesses; l'inférieure postérieure, le jarret; & la partie antérieure, le genou.
L'os de la cuisse est le plus gros & le plus fort de tous ceux qui composent le corps humain, dont il porte tout le poids; c'est ce qui lui a fait donner le nom de fémur, de fero, je porte.
On donne encore le nom de cuisse à différentes autres
parties du cerveau; les cuisses du cerveau, les
cuisses du cervelet, les cuisses de la moelle allongée.
On leur donne aussi le nom de bras. Voyez
Cuisses (Page 4:539)
Renfermer un cheval dans les cuisses, voyez
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