ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"310"> roüet, il auroit le défaut de se friser comme les cheveux d'une perruque, il manqueroit de force, il seroit cassant: pour y remédier, on fait bouillir les fuseaux tels qu'ils sortent de dessus le roüet, dans de l'eau commune, l'espace d'une minute. C'est pour résister à ce débouilli qu'on a fait les fuseaux d'ivoire; ceux de bois deviennent ovales en - dedans, & ne peuvent servir deux fois s'ils ne sont doublés de cuivre.

Une fileuse bien habile peut filer mille aulnes de fil du numéro 16, & prêter son coton pour les filer chaque jour. Il est presq inutile de filer plus fin. Elle ne fileroit pas plus d'un fil plus gros, parce qu'il lui faudroit apprêter plus de coton. Mais elle n'en fileroit pas quatre cents aulnes des numéros 8 & 10, qui n'ont été filés que par curiosité.

On donne le nom de coton en laine au coton au sortir de la coque, par opposition au coton au sortir des mains de la fileuse, qu'on appelle coton filé.

Devider le coton filé. Le fil de coton ne s'employe facilement, qu'autant qu'il est bien filé, & qu'on ne l'a pas fatigué par trop de travail. Il est donc à propos de le manier le moins qu'il est possible. Ainsi le mettre en écheveau, puis le devider ensuite pour en ourdir les chaînes, est un travail inutile & nuisible, qu'il convient d'éviter; & c'est en même tems une oeconomie considérable pour le fabriquant, tant à cause du prix du devidage, que parce que dans cette manoeuvre on ne pourroit manquer de perdre beaucoup de fil de coton. Les Indiens ont senti cet inconvénient; ils ourdissent leur toile du fuseau même sur lequel le fil a été filé. Mais comme il est essentiel de se rendre compte de ce que peut devenir un établissement avant que de former aucune entreprise, M. Jore qui étoit dans ce cas s'est servi d'un devidoir à aspe pour mesurer la longueur des écheveaux, auxquels il a donné deux cents aulnes; il a comparé ces écheveaux par poids & longueur avec les mousselines fabriquées aux Indes; & leur rapport lui ayant paru favorable, il a poussé ses essais jusqu'à faire fabriquer des mousselines unies & rayées, caladans & mouchoirs imités des Indes; enfin il a fait fabriquer des bas aux métiers les plus fins qui soient à Paris. Mais son avis est que dans la pratique il faut ourdir à l'indienne, & ne mesurer que par le moyen qui sera indiqué dans la fabrique de la mousseline. On expliquera la maniere de se servir de l'aspe, à l'article qui faivra des instrumens.

Une femme qui commence à filer se donne bien de la peine les premiers jours, sans pouvoir faire un bout de fil qui soit propre à quelque chose, tant il est tors & inégal; mais elle parvient en huit jours à filer passablement.

Des instrumens qui servent au filage des cotons fins. Il y en a de trois sortes; les cardes, le roüet, & le devidoir.

Des cardes. Elles ne different de celles qu'on employe pour carder les laines fines & les cotons que l'on fabrique en ce pays, qu'en ce qu'elles sont plus petites & différemment montées. Ce sont des pointes de fil - de - fer peu aiguës, coudées & passées par couple dans une peau de basane ou autre; elles ont un pouce de largeur sur huit de longueur. La petite planche qui sert de monture doit avoir dix lignes de largeur, dix à onze pouces de longueur, sur quatre lignes d'épaisseur; elle doit être plate d'un côté, & bombée de l'autre sur la largeur. On attache la carde sur un bout de la planchette du côté bombé, les pointes courbes disposées vers la gauche, laissant au - dessous de la partie qu'elles occupent quelques pouces de bois pour servir de poignée. Le bombé de la planchette fait séparer les pointes, ce qui donne au coton plus de facilité pour y entrer & pour en sortir. Lorsque quelques - unes des pointes du premier & second rang se renversent en arriere, se mêlent, ou font un mauvais effet, on les coupe dans le pli avec des ciseaux; le bout qui reste a son usage dans l'emploi de la carde; à l'égard des autres pointes, on les r'arrange quand elles se déplacent.

Les petites cardes sont des grandes cardes dont on auroit supprimé le manche, & qu'on auroit divisées en deux. Les cardes noires ont été faites pour les dames qui ont voulu essayer de filer par amusement. Voyez ces cardes grandes & petites chargées de coton, Pl. II. fig. 1, 2, 3, 4, &c.

Du roüet. Il ne differe des roüets ordinaires que l'on fait marcher au pié pour filer le lin, qu'en quelques petites particularités qui le rendent plus doux, & qui le font tordre davantage. Plus un fil est fin, plus il le faut tordre, pour que les filamens qui le composent puissent se tenir liés, & se soûtenir au point de former un continu solide. Cependant quand le tors excede ce qu'il lui en faut pour le soûtenir, le fil devient cassant, & ne peut être employé à aucun ouvrage. Cet excès du tors est très - sensible à qui a l'habitude de filer le coton. Le remede est de former son fil plus promptement, sans rallentir le mouvement du roüet. La fileuse pressée obéit au roüet, s'y accoûtume, & par ce moyen fait beaucoup plus de fil. C'est pour ces raisons qu'on a donné vingt - deux pouces de diametre à la roue de celui qu'on voit Pl. III. qu'on l'a faite pesante, & que la corde porte sur une noix de dix - huit lignes de diametre: on y a ajoûté une autre noix qui a trois pouces pour servir à celles qui commenceront; mais il convient de n'en plus faire usage aussi - tôt que l'ouvriere se perfectionnera; il faut alors passer à la tête du roüet une nouvelle noix de neuf à dix lignes de diametre, où l'on aura creusé une rainure comme aux autres noix: on augmentera ainsi le mouvement de la broche, & l'on forcera la fileuse à former son fil plus promptement.

Ce roüet est monté à gauche, & doit tourner de gauche à droite pour les raisons qu'on a dites au paragraphe du filage. Les jentes de la roue portent une rainure profonde, & terminée dans le fond à angle aigu. Les noix qui sont à la tête du roüet en ont de toutes semblables; elles servent à comprimer la corde, & à lui faire communiquer du mouvement de la roue à la tête du roüet, sans être serré sensiblement, ce qui donne de la douceur au roüet. La corde est de laine, & doit être grosse au moins comme une forte plume. L'élasticité de la laine contribue encore à rendre le mouvement plus doux. Elle est faite de trois cordons réunis ensemble; on l'ajuste sur le roüet en faisant un noeud qui joigne les deux bouts; on observe de diviser ce noeud en tiers, en noüant séparément entre eux les cordons qui composent la corde, ensorte que les noeuds ne passent pas ensemble sur la noix.

La tête du roüet est faite comme celle du roüet à filer le lin, mais elle est plus petite; le fuseau est d'ivoire, pour résister au débouilli sans perdre sa rondeur, sur - tout dans l'intérieur; parce que n'étant pas rond, il tourneroit inégalement sur la broche.

La délicatesse du fil de coton fin a obligé de donner huit à neuf lignes de diametre au corps du fuseau: si le dia metre étoit plus petit, comme de quatre lignes, ainsi qu'on le pratique pour le lin, le fil de coton casseroit en commençant les fuseaux; au lieu que le rayon du fuseau étant deux fois plus long, le fil en altere le mouvement avec un effort quatre fois moins grand. C'est par le même principe qu'on a donné à la noix du fuseau la même hauteur qu'aux joues; le boyau qui y porte pour servir de frein, en fait le tour entier. Comme ce boyau agit par le frottement, le frottement est bien plus considérable sur une grande noix, que sur une plus petite, & dans [p. 311] un tour entier, que sur une portion de la circonférence; d'où il arrive qu'on n'est pas obligé de comprimer fortement ce fuseau contre la broche, & que le mouvement de la broche reste plus libre pour les autres opérations du filage.

L'ouverture intérieure du fuseau passe sur un fourreau de drap qui enveloppe la broche: l'usage de ce morceau de drap est de servir de coussinet entre le fuseau & la broche, pour éviter le bruit que feroit le battement de l'ivoire contre la broche de fer.

L'épinguer est bas, afin qu'il trouve peu de résistance dans l'air qui le feroit bruir, donneroit un mouvement irrégulier à la tête du roüet, & feroit casser le fil.

On a mis au bout de la broche un bouton d'ivoire percé des deux côtés, tant pour y passer commodément le fil, que parce que l'ivoire étant doux, il ne le coupe pas.

A la tête du roüet est attaché à un fil un crochet de fil - de - laiton qu'on introduit dans les trous qui sont au bouton d'ivoire, pour accrocher le fil de coton lorsqu'on le veut passer dans le bouton.

Devidoir. C'est une espece de lanterne qui a une demi - aulne de tour, tournant sur un pivot par le moyen d'une poignée ou manivelle qu'on voit à sa partie supérieure, Pl. III. Sous la lanterne est une pointe qui s'engage dans les dents d'une roue, dont elle en fait passer une à chaque tour: cette roue a vingt dents, de sorte que quand la lanterne a fait vingt tours, la roue en a fait un. Cette roue porte elle - même une pointe qui s'engage dans les dents d'une roue toute semblable, de sorte que la premiere fait vingt tours avant que celle ci en ait fait un; & conséquemment la lanterne fait vingt fois 20 tours, ou 400 tours, avant que la derniere roue en ait fini un, au bout duquel un ressort se détend, & avertit que la piece de coton est complette, c'est - à - dire qu'elle a quatre cents tours, qui valent 200 aulnes: l'on forme ainsi deux pieces à la fois.

Les fuseaux qui portent le coton qui vient d'être débouilli, se placent tout mouillés à des broches entre les deux montans opposés à la lanterne. On attache les bouts du coton à un des montans de la lanterne, où la piece doit être refaite: on le passe aussi auparavant dans un oeil de laiton qui est sur le bâton placé debout vers le milieu du devidoir; ensorte que les deux fils que vous devidez forment un écheveau vers le haut de la lanterne, & l'autre dans le milieu.

Quand les deux pieces sont completes, on met les fils dans d'autres yeux, & l'on continue de former de nouvelles pieces; ainsi de suite jusqu'à ce que la lanterne soit couverte. On laisse sécher le fil sur la lanterne; après quoi on attache les pieces séparément les unes des autres. Mais pour les tirer de dessus la lanterne sans les endommager, on déplace deux montans de la lanterne qui sont mobiles, & les écheveaux sortent librement.

De l'ouvrage, ou des moyens de mettre le fil de coton en oeuvre, & des instrumens qu'on y employe. Avant que d'aller plus loin, il ne sera pas inutile d'exposer sommairement ce qu'on pratique en Normandie dans la fabrication des pieces de toile de coton qui s'y font. La fileuse forme du coton qu'elle a filé, des écheveaux dont la longueur est indéterminée; on blanchit & l'on teint ces écheveaux de toutes couleurs; on les devide ensuite sur des fuseaux appellés rochets, pour en ourdir des chaînes, sur un moulin à ourdir semblable à celui sur lequel on ourdit les chaînes des toiles de toute autre matiere. Trente ou quarante fils, & même un plus grand nombre, se devident à la fois sur le moulin. Si la toüe est de diverses couleurs en chaîne, l'ouvrier en dispose le dessein, de sorte que la chaîne ourdie contient le dessein des raiyures. On observe vers les extrémités de la chaîne de croiser, en ourdissant les fils qui la composent sur des chevilles qui sont au moulin, & cela pour conserver l'ordre dans lequel ces fils ont été placés sur le moulin. On appelle ces fils ainsi croisés, les encroix de la chaine. Apres plusieurs tours du moulin, la chaîne ayant le nombre de fils convenable, sur une longueur de 80 à 100 aulnes, l'on passe des fils dans les deux bouts de cette chaîne, au lieu & place des chevilles; ces fils passés maintiennent les encroix dans l'ordre qu'ils ont été formés sur le moulin. Cette chaîne étant hors de dessus le moulin, on lui donne l'apprêt; c'est - à - dire qu'on la trempe en entier dans une colle legere faite de ligamens, nerfs, & cartilages de boeufs: lorsqu'elle en est bien imbibée, l'ouvrier la porte dans un champ, l'étend sur des chevalets selon toute sa longueur; il remet l'ordre dans les fils au moyen des encroix qui sont observés au bout de la chaîne; il empêche que ces fils ne se collent en séchant. Cette manoeuvre n'est pas très - longue; & avec quelque négligence qu'on la fasse, elle suffit.

Un second apprêt se donne sur le métier, lorsque la chaîne est montée, à mesure que l'ouvrier la trame. Cet apprêt est une colle faite de farine de froment, long - tems pourrie & aigrie par la force du levain. L'ouvrier étend cette colle sur les fils de la chaîne avec de fortes vergettes de bruyere, & il ne cesse de frotter que tous les fils ne soient secs.

Ourdissage du fil de coton fin par la fileuse même. Les pieces de mousseline ont ordinairement seize aulnes; on en peut ourdir deux à la fois, qui font trente - deux aulnes. Comme il y a toûjours de la perte sur les longueurs des chaînes, il faut leur en donner au moins trente - quatre.

L'ourdissoir consiste en des chevilles placées par couple dans une muraille, à la distance d'un pié les unes des autres, toutes sur une même ligne; de sorte que sur la longueur de trente - quatre aulnes, il se trouve cent vingt couples de chevilles de six pouces de longueur, rangées comme on les voit ici. [omission: other; to see, consult fac-similé version]

Le fil étant attaché à la premiere cheville A, on le conduit en B, en le passant contre les autres chevilles; puis on le ramene en A en le croisant sur le premier fil (on nomme ces croisures des encroix); ainsi de suite jusqu'au vingtieme encroix complet, qui font enfemble le nombre de quarante fils que l'on nomme une portée. L'on marque ces portées par le moyen de deux gros fils attachés en C & en D, que l'on passe de l'un à l'autre toutes les fois que la portée est complette; de sorte que tout le coton de la fileuse étant à l'ourdissoir, il se trouve partagé par petits paquets de quarante fils chacun, sur une longueur de trente - quatre aulnes, dont trois fils font cent deux aulnes, que l'on payera à la fileuse pour cent aulnes.

Le premier des avantages de cet ourdissoir est de pouvoir comparer une portée de quarante fils dont le poids est inconnu, avec une pareille portée dont le poids est connu, & juger dans l'instant par le volume de l'un & de l'autre de la finesse du fil de la fileuse, & par la longueur de l'ourdissoir de la quantité du fil. Cette méthode l'intéresse à faire son fil le

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