ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"207"> sui - là sur - tout qu'il faudroit obtenir des ouvriers. Ne consiste - t - il que dans la manoeuvre suivante? nous l'ignorons. Lorsque le talart est garni de boyaux tords, on les frotte les uns après les autres avec des cordes de crin; on passe dessus la corde de crin cinq ou six fois de suite, ce qui acheve de les dégraisser & de les dégrossir en les arrondissant. Lorsque chaque boyau ou corde aura été frottée ainsi à deux reprises de la corde de crin, & qu'on la trouvera fort nette, on portera le talart tout garni de ses cordes, dans une étuve proportionnée à sa grandeur, c'est - à - dire d'un peu plus de deux aulnes de long, & d'environ une demi - aulne pour ses autres dimensions; on les y laissera tendues pendant cinq ou six jours, pour y sécher lentement à la vapeur du soufre, & y prendre de l'élasticité. L'étuve est échauffée par un peu de feu de charbon, qu'on y introduit dans un réchaud sur lequel on jette deux onces de fleur de soufre. Cet ensoufrement se donne toûjours en mettant le talart dans l'étuve, & se répete deux jours après. On a soin de tenir l'étuve fermée, afin que la fumée du soufre ne s'échappant point, produise son effet. Au bout de cinq à six jours on sort les talarts de l'étuve; on frotte chaque corde avec un peu d'huile d'olive; on les plie à l'ordinaire, apres les avoir coupées de la longueur de deux aulnes aux deux extrémités du talart. C'est de la même maniere que se préparent les grosses cordes à boyau, avec cette différence qu'on apporte un peu moins de précautions pour les dégraisser, qu'on les tord & file comme le chanvre; qu'on y employe les boyaux les plus communs, & qu'on les laisse plus long - tems à l'étuve. Nous n'avons pû nous procurer des connoissances plus étendues sur cet objet. Peut - être n'y a - t - il rien de plus à savoir, peut - être aussi n'est - ce là que le gros de l'art, que ce dont les ouvriers ne se cachent point, & n'avons - nous rien dit des tours de main particuliers, des préparations singulieres, & des manoeuvres requises pour la perfection des cordes. Au reste, celui qui portera ces instructions préliminaires dans un attelier, y acquérera d autant plus facilement les autres, si en effet il en reste quelques - unes à suppléer; car j'ai toûjours remarqué que les ouvriers se livroient facilement aux gens dont ils espéroient tirer quelque lumiere. On ne trouvera que le roüet, le chassis & le talart dans nos planches, parce que les autres instrumens n'ont rien de particulier. Le roüet est, comme on voit, un roüet de cordier; le talart n'est qu'un chassis ordinaire, & le lavoir se connoît assez facilement sur ce que nous en avons dit; une table commune y suppléeroit. Ce sont les noeuds qu'on fait aux cordes, quand les boyaux sont trop courts, qui ordinairement les rendent fausses, par l'inégalité qu'ils occasionnent. Quand on choisit des cordes d'instrumens, il faut d'abord prendre les plus claires, les plus rondes & les plus égales, & ensuite faire tendre par quelqu'un la corde de la longueur convenable pour l'instrument, en la tirant par les deux bouts; se placer en face du jour, & la pincer. Si en la pinçant on n'apperçoit dans ses oscillations que deux cordes, c'est une preuve certaine qu'elle est juste; si on en apperçoit trois, cette preuve qu'elle est fausse n'est pas moins assurée. Cette seconde apparence peut venir de ce que toutes les parties de la corde n'arrivent pas en même tems à la situation horisontale, & qu'elle oscille en deux tems différens. On tord deux cordes à la fois, quoiqu'on n'en voye qu'une dans le dessein, où l'on n'a pû en montrer davantage.

Des cordes de nerfs, ou, pour parler plus exactement, de tendons ou de ligamens. Les anciens, qui faisoient grand usage de ces cordes dans leurs machines de guerre, désignoient en général les veines, arteres, tendons, ligamens, nerfs, par le mot de nerf, & ils appelloient corde de nerf, une corde filée de ligamens. Ils ont ordonné de choisir entre les tendons, ceux des cerfs & des boeufs; & sur ces animaux les tendons les plus exercés, comme ceux du col dans les boeufs, & ceux de la jambe du cerf. Mais comme il est plus facile de se pourvoir de ceuxlà que de ceux - ci, c'est de cette matiere qu'on a fait à Paris les premieres cordes de nerfs, sous les ordres & la direction de M. le comte d'Herouville, qui fut engagé dans un grand nombre d'expériences sur cet objet, par l'exactitude & l'étendue de ses recherches sur tout cé qui appartient à l'Art militaire. Voici comment ces cordes ont été travaillées. On prend chez le boucher les tendons des jambes, on les fait tirer le plus entiers & le plus longs qu'il est possible. Ils se tirent de l'animal assommé, quand il est encore chaud. On les expose dans des greniers; on fait ensorte qu'ils ne soient point exposés au soleil, de peur qu'ils ne sechont trop vîte, & qu'ils ne durcissent trop. Il ne faut pas non plus que l'endroit soit humide, & qu'ils puissent souffrir de la gelée en hyver; ces accidens les feroient corrompre. Il y a aussi un tems propre à prendre pour les battre: quand ils sont trop secs, ils se rompent; quand ils sont trop frais, on en épure la graisse. Il faut éviter ces deux extremes. Avant que de les battre, il en faut séparer les deux bouts qui sont trop durs & trop secs: le reste d'ailleurs s'en divisera plus facilement sous le marteau. Le nerf ou ligament n'est filé fin qu'autant que ses extrémités se divisent facilement, ce qui ne peut arriver quand on lui laisse les deux bouts qui sont durs & secs comme du bois.

Les outils de cette espece de corderie se réduisent à un marteau de fer, une pierre & un peigne. Le bloc de pierre doit être un cube, dont la surface polie du côté qu'il doit servir, ait huit à dix pouces en quarré. Le marteau peut peser une demi - livre, & le peigne a huit ou dix dents éloignées les unes des autres d'environ six lignes, & toutes dans la même direction. Le ligament ne doit point être dépouillé de ses membranes; on les bat ensemble jusqu'à ce qu'on s'apperçoive que la membrane est entierement séparée des fibres. Sept à huit ligamens battus & fortement liés ensemble, suffisent pour faire une poignée; on passe la poignée dans les dents du peigne: cette opération en sépare la membrane, & divise les fibres les unes des autres. Le point le plus important dans tout ce qui précede, est de bien battre, c'est de - là que dépend la finesse du nerf. Si le nerf n'est pas assez battu, on a beau le peigner; on l'accourcit en en rompant les fibres, sans le rendre plus fin. Le seul parti qu'il y ait à prendre dans ce cas, est de l'écharpir avec les mains, en séparant les fibres des brins qui ont résisté au peigne, pour n'avoir pas été suffisamment travaillés sous le marteau.

Quant au cordelage de cette matiere, il n'a rien de particulier. On file le nerf comme le chanvre, & on le commet soit en aussiere, soit en grelin. V. l'article Corderie. Avant que de se servir de ces cordes, il faut les faire tremper dans l'huile la plus grasse: elles sont très - élastiques & très - fortes. Voici une expérience dans laquelle M. d'Herouville a fait comparer la force d'une corde de chanvre, d'une corde de crin, & d'une corde de nerf. On prit le nerf le plus long qu'on put trouver; on le peigna avec beaucoup de douceur; on en fila du fil de carret; on prit six bouts de ce fil, de neuf piés chacun; on les commit au tiers, c'est - à - dire que ces neuf piés se réduisirent à six dans le commettage. Cette corde se trouva de quinze lignes de circonférence, & tout - à - fait semblable à une corde de chanvre très - parfaite qui avoit servi à quelques expériences de M. Duhamel sur la résistance des cordes, & qui avoit été faite [p. 208] du chanvre d'Italie le mieux choisi. On tint aussi toute prête une corde de crin de même poids, & commise au même point que la corde de nerf, mais qui se trouva de dix - huit lignes de circonférence. On fit rompre ces cordes, & l'on éprouva que la corde de nerf étoit une fois plus forte que celle de crin, & d'un sixieme plus que la corde de chanvre la plus parfaite. La corde de nerf soûtint 780 livres avant sa rupture. On remarqua qu'en s'allongeant par les charges successives qu'on lui donnoit, les pertes que faisoit son diametre étoient à - peu - près en même raison que les accroissemens que prenoit sa longueur, & qu'après la rupture elle se restitua exactement à sa longueur & grosseur premieres.

On a substitué ces cordes aux ressorts des chaises de poste & d'autres voitures, & elles y ont très - bien réussi. Elles n'ont pas encore toute la vogue qu'elles méritent & qu'elles obtiendront, parce qu'il en est dans ce cas comme dans une infinité d'autres; on consulte toûjours des ouvriers intéressés à faire prévaloir les anciens usages. C'est à un serrurier qui fait des ressorts qu'on s'adresse pour savoir si les cordes de nerfs sont ou ne sont pas meilleures que les ressorts. M. de Lanore, dont M. le comte d'Herouville s'est particulierement servi, soit à recueillir ce que les anciens tacticiens grecs & latins avoient écrit des catapultes, ballistres, & autres machines de guerre auxquelles ils employoient les cordes de nerf, soit à fabriquer les premieres, en a obtenu le privilége exclusif; & il seroit à souhaiter que les ouvriers allassent prendre des instructions chez un homme à qui cet objet est très - bien connu, ils s'épargneroient aussi à eux - mêmes tout le tems & le travail qu'on perd nécessairement en essais.

On dit que ces cordes sont facilement endommagées par l'humidité, mais on peut les en garantir en très - grande partie par des fourreaux: on présume qu'une lessive, telle que celle que les ouvriers en cordes à boyau, soit pour machines, soit pour instrumens de musique, donnent à leurs boyaux avant que de les tordre, pourroit ajoûter & à l'élasticité & à la durée des cordes de nerf, si on faisoit passer par cette lessive le nerf, soit avant que de le battre, soit après qu'il est battu & peigné. Pourquoi ne suppléeroit - elle pas au roüir du chanvre, en séparant la membrane des fibres, de même que le roüir separe l'écorce de la chenevote. C'est à l'expérience à confirmer ou détruire cette idée qui nous a été communiquée par un homme que sa fortune & son état n'empêchent point de s'occuper de la connoissance & de la perfection des Arts; ainsi qu'il vient de le prouver par quelques vûes qu'il a communiquées au public sur le tirage des voitures; c'est de la même personne que nous tenons le dessein du roüet des faiseurs de cordes d'instrumens de musique, & des éclaircissemens sur l'art de les fabriquer.

Des cordes de cheveux. Les anciens ont aussi fait filer des cordes de cheveux, dans des circonstances fâcheuses qui les y déterminoient. Les dames de Carthage se couperent les cheveux, pour fournir des cordes aux machines de guerre qui en manquoient. Les femmes Romaines en firent autant dans une extrémité semblable: maluerunt pudicissimoe matronoe, deformato capite, liberè vivere cum maritis, quam hostibus, integro decore, servire. Je ne cite que ces deux exemples, entre un grand nombre d'autres que j'omets, & dont je ne ferois qu'un éloge très - modéré si je les rapportois, le sacrifice des cheveux me paroissant fort au - dessous de ce que des femmes honnêtes & courageuses ont fait en tout tems & font encore tous les jours.

Les Méchaniciens se proposent sur les cordes en général plusieurs questions, telles que les suivantes; quelle est la force des cordes en elle - même? quel est leur effet dans les machines? quelles sont leurs vibrations quand elles sont frappées. Voyez là - dessus les articles suivans.

Corde (Page 4:208)

Corde, (Méchaniq.) Quelle est la force d'une corde relativement à celle des fils dont elle est composée, si on en prend la somme, en les éprouvant séparément? Le tortillement ajoute - t - il à la force des cordes ou la diminue - t - il? Voyez l'article Corderie.

Corde (Page 4:208)

Corde, (Méchaniq.) De la résistance des cordes. La résistance des cordes est fort considérable, & doit par toutes sortes de raisons entrer dans le calcul de la puissance des machines. M. Amontons remarque dans les mém. de l'académie royale des Sciences, 1699,qu'une corde est d'autant plus difficile à courber 1°. qu'elle est plus roide & plus tendue par le poids qu'elle porte: 2°. qu'elle est plus grosse: & 3°. qu'elle est plus courbéc, c'est - à - dire qu'elle enveloppe un plus petit cylindre.

Il rapporte des expériences qu'il a faites pour s'assûrer des proportions dans lesquelles ces différentes résistances augmentent; ces expériences apprennent que la roideur de la corde occasionnée par le poids qui la tire, augmente à proportion du poids, & que celle qui vient de l'épaisseur de la corde augmente à proportion de son diametre: enfin que celle qui vient de la petitesse des poulies autour desquelles elle doit être entortillée, est plus forte pour les petites circonférences que pour les grandes, quoiqu'elle n'augmente pas dans la même proportion que ces circonférences diminuent.

D'où il s'ensuit que la résistance des cordes dans une machine, étant estimée en livres, devient comme un nouveau fardeau qu'il faut ajoûter à celui que la machine devoit élever: & comme cette augmentation de poids rendra les cordes encore plus roides, il faudra de nouveau calculer cette augmentation de résistance. Ainsi on aura plusieurs sommes décroissantes, qu'il faudra ajoûter ensemble comme quand il s'agit du frottement, & qui peuvent se monter très - haut. Voyez Frottement.

En effet, lorsqu'on se sert de cordes dans une machine, il faut ajoûter ensemble toutes les résistances que leurs roideurs produisent, & toutes celles que le frottement occasionne; ce qui augmentera si considérablement la difficulté du mouvement, qu'une puissance méchanique qui n'a besoin que d'un poids de 1500 liv. pour en élever un de 3000 liv. par le moyen d'une moufle simple, c'est - à - dire d'une poulie mobile & d'une poulie fixe, doit, selon M. Amontons, en avoir un de 3942 livres, à cause des frottemens & de la résistance des cordes.

Ce que nous venons de dire des poulies doit servir de regle dans l'usage des treuils, des cabestans, &c. & des autres machines pour lesquelles on se sert de cordes: si on négligeoit de compter leur roideur, on tomberoit infailliblement dans des erreurs considérables, & le mécompte se trouveroit principalement dans les cas où il est très - important de ne se point tromper, je veux dire dans les grands effets; car alors les cordes sont nécessairement fort grosses & fort tendues.

C'est d'après ce principe, qu'on examine dans les mémoires de l'académie de 1739, quelle est la meilleure maniere d'employer les seaux pour élever de l'eau. Car il est certain que de la maniere dont on les employe ordinairement, le poids de la corde s'ajoute à celui du seau; de sorte que si le puits a 150 piés, par exemple, de profondeur, on aura un plus grand effort à faire au commencement de l'action ou de l'élevation du seau que vers la fin, parce qu'au commencement on aura à soûtenir le poids dú seau, plus celui de toute la corde, qui, si elle pese deux livres par toise, en pesera 50 pour ce puits de 25

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