ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"83"> ou applique un qualificatif à un sujet, de quelque maniere que cette application se fasse.

J'ai dit sur - tout à quelque mode fini; car l'infinitif est souvent pris pour un nom, je veux lire: & lors même qu'il est verbe, il forme un sens partiel avec un nom, & ce sens est exprimé par une énonciation qui est ou le sujet d'une proposition logique, ou le terme de l'action d'un verbe, ce qui est trésordinaire en latin. Voici des exemples de l'un & de l'autre; & premierement d'une énonciation, qui est le sujet d'une proposition logique. Ovide fait dire au noyer, qu'il est bien fâcheux pour lui de porter des fruits, nocet esse feracem; mot à mot, être fertile est nuisible à moi, où vous voyez que ces mots, être fertile, font un sens total qui est le sujet de est nuifible, nocet. Et de même, magna ars est, non apparere artem; mot à mot, l'art ne point paroître est un grand art: c'est un grand art de cacher l'art, de travailler de façon qu'on ne reconnoisse pas la peine que l'ouvrier a eue; il faut qu'il semble que les choses se soient faites ainsi naturellement. Dans un autre sens cacher l'art, c'est ne pas donner lieu de se défier de quelque artifice; ainsi l'art ne point paroître, voilà le sujet dont on dit que c'est un grand art. Te duci ad mortem, Catilina, jam pridem oportebat. (Cic. primo Catil.) mot à mot, toi être mené à la mort, est ce qu'on auroit dû faire il y a long - tems. Toi être mené à la mort, voilà le sujet: & quelques lignes après Cicéron ajoûte, interfectum te esse Catilina convenit: toi être tué Catilina convient à la république: toi être tué, voilà le sujet; convient à la république, c'est l'attribut. Hominem esse solum, non est bonum hominem esse solum; voilà le sujet, non est bonum, c'est l'attribut.

2°. Ce sens formé par un nom avec un infinitif, est aussi fort souvent le terme de l'action d'un verbe: cupio me esse clementem: Cic. prim. Catil. sub initio. Cupio, je desire: & quoi? me esse clementem, moi être indulgent: où vous voyez que me esse clementem fait un sens total qui est le terme de l'action de cupio. Cupio hoc nempe, me esse clementem. Il y en latin un trés - grand nombre d'exemples de ce sens total, formé par un nom avec un infinitif; sens, qui étant équivalent à un nom, peut également être ou le sujet d'une proposition, ou le terme de l'action d'un verbe.

Ces sortes d'énonciations qui déterminent un verbe, & qui en font une application, comme quand on dit je veux être sage; être sage, détermine je veux: ces sortes d'énonciations, dis - je, ou de déterminations ne se font pas seulement par des infinitifs, elles se font aussi quelquefois par des propontions même, comme quand on dit, je ne sai qui a fait cela; & en latin nescio quis fecit, nescio uter, &c.

Il y a donc des propositions ou énonciations qui ne servent qu'à expliquer ou à déterminer un mot d'une proposition précédente: mais avant que de parler de ces sortes de propositions, & de quitter la période, il ne sera pas inutile de faire les observations suivantes.

Chaque phrase ou assemblage de mots qui forme un sens partiel dans une période, & qui a une certaine étendue, est appellée membre de la période, XW= LON. Si le sens est énoncé en peu de mots, on l'appelle incise, XO)MMA, segmen, incisum. Si tous les sens particuliers qui composent la période sont ainsi énoncés en peu de mots; c'est le style coupé: c'est ce que Cicéron appelle incisim dicere, parler par incise. C'est ainsi, comme nous l'avons déjà vû, que M. Fléchier a dit: Turenne est mort; la victoire s'arrête; la fortune chancelle: tout le camp demeure immobile: voilà quatre propositions qui ne sont regardées que comme des incises, parce qu'elles sont courtes; le style périodique employe des phrases plus longues.

Ainsi une période peut être composée, ou seulement de membres, ce qui arrive lorsque chaque membre a une certaine étendue; ou seulement d'incises, lorsque chaque sens particulier est énoncé en peu de mots; ou enfin une période est composée de membres & d'incises.

III. Proposition explicative, proposition déterminative. La proposition explicative est différente de la déterminative, en ce que celle qui ne sert qu'à expliquer un mot, laisse le mot dans toute sa valeur sans aucune restriction; elle ne sert qu'à faire remarquer quelque propriété, quelque qualité de l'objet: par exemple, l'homme, qui est un animal raisonnable, devroit s'attacher à regler ses passions; qui est un animal raisonnable, c'est une proposition explicative qui ne restreint point l'étendue du mot d'homme. L'on pourroit dire également, l'homme devroit s'attacher à regler ses passions: cette proposition explicative fait seulement remarquer en l'homme une propriété, qui est une raison qui devroit le porter à regler ses passions.

Mais si je dis, l'homme qui m'est venu voir ce matin, ou l'homme que nous venons de rencontrer, ou dont vous m'avez parlé, est fort savant; ces trois propositions sont déterminatives; chacune d'elles restreint la signification d'homme à un seul individu de l'espece humaine; & je ne puis pas dire simplement l'homme est fort savant, parce que l'homme seroit pris alors dans toute son étendue, c'est - à - dire qu'il seroit dit de tous les individus de l'espece humaine. Les hommes qui sont créés pour aimer Dieu, ne doivent point s'attacher aux bagatelles; qui sont créés pour aimer Dieu, voilà une proposition explicative, qui ne restreint point l'étendue du mot d'hommes. Les hommes qui sont complaisans se font aimer; qui sont complaisans, c'est une proposition déterminative, qui restreint l'étendue d'hommes à ceux qui sont complaisans; ensorte que l'attribut se font aimer n'est pas dit de tous Jes hommes, mais seulement de ceux qui sont complaisans.

Ces énonciations ou propositions, qui ne sont qu'explicatives ou déterminatives, sont communément liées aux mots qu'elles expliquent ou à ceux qu'elles déterminent par qui, ou par que, ou par dont, duquel, &c.

Elles sont liées par qui, lorsque ce mot est le sujet de la proposition explicative ou déterminative; celui qui craint le Seigneur, &c. les jeunes gens qui étudient, &c.

Elles sont liées par que; ce qui arrive en deux manieres.

1°. Ce mot que est souvent le terme de l'action du verbe qui suit: par exemple, le livre que je lis; que est le terme de l'action de lire. C'est ainsi que dont, duquel, desquels, à qui, auquel, auxquels, servent aussi à lier les propositions, selon les rapports que ces pronoms relatifs ont avec les mots qui suivent.

2°. Ce mot que est encore souvent le représentatif de la proposition déterminative qui va suivre un verbe: je dis que; que est d'abord le terme de l'action je dis, dico quod; la proposition qui le suit est l'explication de que; je dis que les gens de bien sont estimés. Ainsi il y a des propositions qui servent à expliquer ou à déterminer quelque mot avec lequel elles entrent ensuite dans la composition d'une période.

IV. Proposition principale, proposition incidente. Un mot n'a de rapport grammatical avec un autre mot, que dans la même proposition: il est donc essentiel de rapporter chaque mot à la proposition particuliere dont il fait partie, sur - tout quand le rapport des mots se trouve interrompu par quelque proposition incidente, ou par quelqu'incise ou sens détaché.

La proposition incidente est celle qui se trouve entre le sujet personnel & l'attribut d'une autre pro<pb-> [p. 84] position qu'on appelle proposition principale, parce que celle - ci contient ordinairement ce que l'on veut principalement faire entendre.

Ce mot incidente vient du latin incidere, tomber dans: par exemple, Alexandre, qui étoit roi de Macédoine, vainquit Darius; Alexandre vainquit Darius, voilà la proposition principale; Alexandre en est le sujet; vainquit Darius, c'est l'attribut: mais entre Alexandre & vainquit il y a une autre proposition, qui étoit le roi de Macédoine; comme elle tombe entre le sujet & l'attribut de la proposition principale, on l'appelle proposition incidente; qui en est le sujet: ce qui rappelle l'idée d'Alexandre qui, c'est - à - dire lequel Alexandre; étoit roi de Macédoine, c'est l'attribut. Deus quem adoramus est omnipotens, le Dieu que nous adorons est toutpuissant: Deus est omnipotens, voilà la proposition principale; quem adoramus, c'est la proposition incidente; nos adoramus quem Deum, nous adorons lequel Dieu.

Ces propositions incidentes sont aussi des propositions explicatives ou des propositions déterminatives.

V. Proposition explicite, proposition implicite ou elliptique. Une proposition est explicite, lorsque le sujet & l'attribut y sont exprimés.

Elle est implicite, imparfaite, ou elliptique, lorsque le sujet ou le verbe ne sont pas exprimés, & que l'on se contente d'énoncer quelque mot qui par la liaison que les idées accessoires ont entr'elles, est destiné à réveiller dans l'esprit de celui qui lit le sens de toute la proposition.

Ces propositions elliptiques sont fort en usage dans les devises & dans les proverbes: en ces occasions les mots exprimés doivent réveiller aisément l'idée des autres mots que l'ellipse supprime.

Il faut observer que les mots énoncés doivent être présentés dans la forme qu'ils le seroient si la proposition étoit explicite; ce qui est sensible en latin: par exemple, dans le proverbe dont nous avons parlé, ne sus Minervam; Minervam n'est à l'accusatif, que parce qu'il y seroit dans la proposition explicite, à laquelle ces mots doivent être rapportés; sus non doceat Minervan, qu'un ignorant ne se mêle point de vouloir instruire Minerve. Et de même ces trois mots Deo optimo maximo, qu'on ne désigne souvent que par les lettres initiales D. O. M. font une proposition implicite dont la construction pleine est, hoc monumentum, ou thesis hoec, dicatur, vovetur, consecratur Deo optimo maximo.

Sur le rideau de la comédie Italienne on lit ces mots tirés de l'art poétique d'Horace, sublato jure nocendi, le droit de nuire ôté. Les circonstances du lieu doivent faire entendre au lecteur intelligent, que celui qui a donné cette inscription a eu dessein de faire dire aux comédiens, ridemus vitia, sublato jure nocendi, nous rions ici des défauts d'autrui, sans nous permettre de blesser personne.

La devise est une représentation allégorique, dont on se sert pour faire entendre une pensée par une comparaison. La devise doit avoir un corps & une ame. Le corps de la devise, c'est l'image ou représentation; l'ame de la devise, sont les paroles qui doivent s'entendre d'abord littéralement de l'image ou corps symbolique; & en même tems le concours du corps & de l'ame de la devise doit porter l'esprit à l'application que l'on veut faire, c'est - à - dire à l'objet de la comparaison.

L'ame de la devise est ordinairement une proposition elliptique. Je me contenterai de seul exemple: on a représeté le soleil au milieu d'un cartouche, & autour du soleil on a peint d'abord les planetes; ce qu'on a négligé de faire dans la suite: l'ame de cette devise est nec pluribus impar; mot à mot, il n'est pas insuffisant pour plusieurs. Le roi Louis XIV. fut l'objet de cette allégorie: le dessein de l'auteur fut de faire entendre que comme le soleil peut fournir assez de lumiere pour éclairer ces différentes planetes, & qu'il a assez de force pour surmonter tous les obstacles, & produire dans la nature les différens effets que nous voyons tous les jours qu'il produit; ainsi le Roi est doüé de qualités si éminentes, qu'il seroit capable de gouverner plusieurs royaumes; il a d'ailleurs tant de ressources & tant de forces, qu'il peut résister à ce grand nombre d'ennemis ligués contre lui & les vaincre: de sorte que la construction pleine est, sicut sol non est impar pluribus orbibus illuminandis, ita Ludovicus decimus quartus non est impar pluribus regnis regendis, nec pluribus hostibus profligandis. Ce qui fait bien voir que lorsqu'il s'agit de construction, il faut toûjours réduire toutes les phrases & toutes les propositions à la construction pleine.

VI. Proposition considérée grammaticalement, proposition considérée logiquement. On peut considérer une proposition ou grammaticalement ou logiquement: quand on considere une proposition grammaticalement, on n'a égard qu'aux rapports réciproques qui sont entre les mots; au lieu que dans la proposition logique, on n'a égard qu'au sens total qui résulte de l'assemblage des mots: ensorte que l'on pourroit dire que la proposition considérée grammaticalement est la proposition de l'élocution; au lieu que la proposition considérée logiquement est celle de l'entendement, qui n'a égard qu'aux différentes parties, je veux dire aux différens points de vûe de sa pensée: il en considere une partie comme sujet, l'autre comme attribut, sans avoir égard aux mots; ou bien il en regarde une comme cause, l'autre comme effet; ainsi des autres manieres qui sont l'objet de la pensée: c'est ce qui va être éclairci par des exemples.

Celui qui me suit, dit Jesus - Christ, ne marche point dans les ténebres: considérons d'abord cette phrase ou cet assemblage de mots grammaticalement, c'est - à - dire selon les rapports que les mots ont entr'eux; rapports d'où résulte le sens: je trouve que cette phrase, au lieu d'une seule proposition, en contient trois.

1°. Celui est le sujet de ne marche point dans les tenebres; & voilà une proposition principale; celui étant le sujet, est ce que les Grammairiens appellent le nominatif du verbe.

Ne marche point dans les ténebres, c'est l'atribut; marche est le verbe qui est au singulier, & à la troisieme personne, parce que le sujet est au singulier, & est un nom de la troisieme personne, puisqu'il ne marque ni la personne qui parle, ni celle à qui l'on parle; ne point est la négation, qui nie du sujet l'action de marcher dans les ténebres.

Dans les ténebres, est une modification de l'action de celui qui marche, il marche dans les ténebres; dans est une préposition qui ne marque d'abord qu'une modification ou maniere incompléte; c'est - à - dire que dans étant une préposition, n'indique d'abord qu'une espece, une sorte de modification, qui doit être ensuite singularisée, appliquée, déterminée par un autre mot, qu'on appelle par cette raison le complément de la préposition: ainsi les ténebres est le complément de dans; & alors ces mots, dans les ténebres, forment un sens particulier qui modifie marche, c'est - à - dire qui énonce une maniere particuliere de marcher.

2°. Qui me suit, ces trois mots font une proposition incidente qui détermine celui, & le restreint à ne signifier que le disciple de Jesus - Christ, c'est - à - dire celui qui regle sa conduite & ses moeurs sur les maximes de l'Evangile: ces propositions incidentes énoncées par qui, sont équivalentes à un adjectif.

Qui est le sujet de cette proposition incidente; me suit est l'attribut; suit est le verbe; me est le dé<pb->

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