ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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CONCILE
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* CONCILE, s. m. concilium, (Hist. anc.) assemblée
publique chez les Romains, où il ne se trouvoit
aucun patricien: elle étoit tenue & convoquée par
les tribuns du peuple; s'il s'y trouvoit quelques patriciens;
l'assemblée s'appelloit comice. Voyez Comice. Les auteurs ont souvent confondu les comices
avec les conciles.
Concile,
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Concile, (Hist. ecclés. & Jurispr. canoniq.) Le
concile est une assemblée de prélats catholiques, convoquée
pour décider les questions de foi, ou regler
ce qui concerne la discipline. Nous le définissons une
assemblée de prélats; parce que, suivant la discipline
moderne, les simples prêtres n'ont point séance, ni
droit de suffrage dans les conciles. A l'égard des premiers
siecles de l'Eglise, quelques - uns pensent que
non - seulement les évêques, mais même les prêtres &
les dia cres y étoient admis; & il faut convenir que plusieurs
textes leur sont favorables. Nous voyons dans
le concile de Jérusalem, le plus ancien de tous, & dans
lequel on décida la fameuse question qui s'étoit élevée
à Antioche sur l'observation des cérémonies légales;
nous voyons, dis - je, que les prêtres y prirent séance
avec les apôtres; convenerunt apostoli & seniores videre
de verbo hoc, disent les actes des apôtres, c. xv. ver. 6.
Le mot latin seniores, & le mot grec PR>U/T>ROI, ne
signifient point autre chose que les prétres. Au verset
22 du même chapitre, où l'on conclud d'envoyer à
Antioche avec Paul & Barnabé, deux hommes choisis
& des premiers d'entre les freres, Barsabas & Silas, & où on les charge d'une lettre qui contient la
décision du concile, cette résolution paroît être également l'avis des prêtres, comme celui des évêques; tunc placuit apostolis & senioribus, &c. Suivant
même le texte grec, la lettre est conçûe au nom
des apôtres, des prêtres, & de tous les freres>
OI( A)PO/STOLOI XAI/ OI( R>SBUTI/ROI XAI\ OI( A) DIL>OI\. Il y a lieu
de croire pareillement qu'au concile de Nicée les
prêtres & les diacres prirent séance avec les évêques; & que dans le nombre des trois cents dix - huit
peres dont ce concile fut composé, on ne doit compter
que deux cents cinquante évêques, ensorte que
les autres étoient des prêtres & des diacres. En effet
Eusebe, vie de Constantin, liv. III. ch. viij. dit
qu'il y eut à ce concile plus de deux cents cinquante
évêques, & un nombre considérable de prêtres, de
diacres, d'acolytes, & autres. Le témoignage d'Eustathe rapporté par Théodoret, liv. I. de son hist. eccl
chap. viij. vient à l'appui de celui d'Eusebe. Eustathe
prétend que plus de 270 évêques se trouverent au
concile de Nicée. Or Eusebe de Césarée & Eustathe
d'Antioche sont des témoins oculaires. L'opinion
néanmoins la plus générale, est que les évêques
étoient au nombre de trois cents dix - huit, rassemblés
de toutes les provinces de l'empire. Voyez Socrate, liv. I. chap. v. Théodoret, liv. I. chap. vij.
Athanase dans sa lettre à l'empereur Jovien; Epiphane, heresie lxjx. Ruffin, liv. I. ch. j. Et si dans les actes
qui nous restent de ce concile, nous ne trouvons
pas ce nombre d'évêques par les souseriptions, il
faut l'attribuer à l'injure des tems. Mais quoi qu'il
en soit, ceux qui veulent que les prêtres & les diacres
ont eu anciennement droit de suffrage conjointement
avec les évêques, se fondent sur ce que ces
différens auteurs font mention qu'Athanase, pour lors
diacre d'Alexandre, patriarche d'Alexandrie, assista
au concile & y soûtint tout le poids des affaires; que
Vite & Vincent simples prêtres, y représenterent
le pape Sylvestre; d'où ils concluent en général que
les prêtres & les diacres y prirent séance, & y souscrivirent.
Ils s'autorisent encore d'un endroit des actes
du concile d'Aquilée tenu en l'année 381. S. Valérien
d'Aquilée tenoit le premier rang dans ce concile, &
S. Ambroise en étoit l'ame: celui - ci interrogeant le
prêtre Attale, lui demanda s'il avoit souscrit au concile de Nicée; mais Attale qui favorisoit la cause de
Pallade & des Ariens, gardant le silence, saint Ambroise insista en ces termes: Attalus presbyter, licet
inter Arianos sit, tamen habet autoritatem loquendi;
profiteatur utrum subscripserit in tractatu concilii sub episcopo
suo Aggrippino, an non. tom. II. des conciles,
pag. 979. & suiv. Ces paroles, disent - ils, annoncent
clairement que les simples prêtres avoient le droit de
parler dans les conciles, & pouvoient souscrire aux
actes qu'on y dressoit. Ils tirent un nouvel avantage
de ce qu'Eusebe, liv. VII. ch. xxjx. & xxxjx. dit qu'on
tint à Antioche un concile contre Paul de Samosate;
que Malchion qui de préfet de l'école d'Antioche
avoit été promû à l'ordre de prêtrise à cause de la
pureté de sa foi, & qui d'ailleurs étoit fort savant &
grand philosophe, convainquit l'hérésiarque, découvrit
ses artifices, & manifesta malgré lui ses sentimens.
Or il paroît que dans ce concile, les prêtres
opinerent aussi - bien que les évêques, si l'on fait
attention à l'inscription de la lettre synodale adressée
aux autres églises après la condamnation des
dogmes impies de Paul. Eusebe nous a conservé
cette lettre, dont voici l'inscription: Dionisio &
Maximo, & omnibus per universum orbem comminis -
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tris nostris, episcopis, presbyteris, & ecclesi> qua sub
c>lo est, Helenus & Hymaneus, Theophylus, &c. &
reliqui omnes qui nobiscum sunt vicinarum urbium &
provinciarum episcopi, presbyteri ac diaconi, & ecclesia
Dei; carissimis sratribus in Domino salutem. Enfin,
pour derniere preuve de ce qu'ils avancent, ils sont
valoir l'autorité que Louis Aleman, vulgairement
appellé le cardinal d'Arles, employe dans la harangue
qu'il prononça au concile de Bale, pour réfuter
>'anorme & Louis Romain qui soûtenoient l'opinion
contraire, & du témoignage que cet illustre prélat
rend en cette occasion sur un fait qui lui est personnel.
L'autorité qu'il employe est celle de S. Augustin in tractatu 3°. in Joan. cap. xij. Suivant ce saint
docteur, les clés ont été données en la personne de
S. Pierre à toute l'Eglise, & par conséquent aux
évêques & aux prêtres; de - là ce cardinal infere
que les prêtres font partie du concile, quoiqu'il soit
principalement composé d'évêques. Ensuite il ajoûte
que pour lui il s'est trouvé & a donné sa voix
au concile de Constance, dans le tems qu'il n'étoit
que docteur & simple prêtre, & que les conciles précédens
fournissent d'autres exemples de ce genre.
Cela s'accorde parfaitement avec le système du célebre
Gerson chancelier de l'université de Paris,
d'Almain professeur en Théologie à Navarre, & de
Simon Vigor conseiller au grand - conseil, qui pensent
que les prélats du second ordre, c'est - >dire les
curés, doivent avoir dans le concile voix décisive.
Voyez Gerson, de origine juris & legum; Almain, de
supremá potestate ecclesi>; & Vigor, de statu & regimine
ecclesi>, liv. IV. cap. ult. Cependant M. Doujat,
homme versé dans les matieres du droit canon, est
d'un sentiment opposé; il prétend que les évêques
joüissent seuls de la prérogative de donner leurs
suffrages, tant aux conciles oecuméniques que nationaux
& provinciaux; & que si quelquefois dans les
anciens conciles il est fait mention de prêtres & de
clercs, ou d'abbés & autres personnes religieuses
dans ceux qui sont plus récens, tels que les conciles de Latran, on doit entendre simplement qu'ils
étoient consultés, & non pas qu'ils ayent eu voix.
Pranot. can. lib. II. cap. j. Il s'appuie principalement
sur ces paroles du concile de Chalcédoine, synodus
episcoporum est, non clericorum; superfluos foras mittite.
Action j. t. IV. des cone. p. 111. Mais on >éplique que
ces paroles ne sont autre chose que les clameurs
qu'exciterent dans le concile les évêques d'Egypte.
Ils étoient du parti de Dioscore qui avoit tenu le
faux concile d'Ephese contre Flavien de Constantinople. Ces évêques voyant que Dioscore étoit sur le
point d'être condamné, & que les clercs qui avoient
assisté au faux concile d'Ephese s'excusoient d'y avoir
souscrit sur les menaces & la violence qu'on leur
avoit faites, demanderent à grands cris & en se servant
de ces paroles, qu'on chassât les clercs du concile.
Ils ajoûtoient pour raison, que l'empereur n'avoit
mandé que les évêques, ibid. pag. 115. mais ils ne furent
point écoutés, & les clercs ne sortirent point.
Cette réponse est celle que fit autrefois le cardinal
d'Arles à l'objection qu'on tire de ce passage, dans la
harangue citée ci - dessus. Enée Sylvius, depuis le
pape Pie II. l'a rapportée toute entiere, liv. I. des
mém. sur ce qui s'est passé au concile de Bâle. Cette harangue
est d'une éloquence mâle, & mérite d'être
lûe. Nous avouerons ici de bonne foi que l'éloignement
des tems jette sur cette matiere une grande
obscurité: si d'un côté on cite des exemples de simples
prêtres qui ont souscrit aux conciles, & même
ont opiné comme membres de l'assemblée; d'un autre
côté on peut dire 1°. que la souscription toute
seule n'est pas une preuve qu'on ait eu la qualité de
juge dans le concile, mais uniquement une marque
de soûmission & d'acquiescement à ses décisions:
2°. que même dans les cas où il est manifeste que
des prêtres & des diacres ont donné leurs voix, ce
sont des exceptions du droit commun, fondées vraissemblablement
sur ce qu'ils étoient des représentans,
soit du pape, comme dans le concile de Nicée, soit
des évêques. C'est ainsi que les Théologiens, pour
la plûpart, expliquent les divers passages qu'on allegue
en faveur des prêtres & autres clercs. Au reste,
nous nous abstiendrons de prononcer sur ces
difficuliés, qui ne regardent, comme nous l'avons
déjà observé, que les premiers siecles de l'Eglise,
la discipline des tems postérieurs étant certaine.
Nous allons maintenant examiner l'onrigine des conciles, nous passerons ensuite à leurs divisions, & nous
développerons les principes de chacun d'eux en particulier.
Isidore, dans le premier canon de la distinction dixseptieme
du decret de Gratien, fait remonter l'origine
des conciles au tems de Constantin. Avant lui, ditil,
pendant le cours des persécutions on n'avoit pas
la liberté d'instruire les peuples; c'est ce qui donna
lieu aux diverses sectes d'héretiques qui s'éleverent
parmi les Chrétiens. Pour remédier à ces desordres,
Constantin accorda aux évêques la permission de s'assembler.
On célebra différens conciles, dont le plus
remarquable est celui de Nicée, où l'on dressa un
second symbole, à l'imitation des apòtres. Il faut
avouer néanmoins qu'avant ce concile il s'en étoit
déjà tenu plusieurs nationaux, par exemple en Afrique du tems de S. Cyprien, & d'autres particuliers,
tels que celui d'Elvire au commencement du jv. siecle,
& celui d'Icone en l'an 251. Ainsi ce que dit Isidore doit s'appliquer aux conciles généraux. En effet
si vous en exceptez celui de Jérusalem, du tems des
apôtres, le premier concile général est celui de Nicée,
célebré dans un tems où la paix fut rendue à l'Eglise,
& où elle se vit à l'abri des persécutions des Payens.
Mais quoique les conciles, & principalement ceux
qui sont généraux, ne remontent de fait qu'au tems
où les prélats ont pû s'assembler & traiter ouvertement
de la foi & de la discipline, il n'en est pas moins
vrai qu'ils prennent leur source dans la nature même
de l'Eglise. Le corps de l'Eglise composé de plusieurs
membres, est lié par la charité & la communion des
Saints. J. C. lui - même est la base de cette union, &
le Saint - Esprit y coopere, épître premiere aux Corinth.
ch. xij. Et dans l'épitre aux Ephésiens, ch. v. il est dit
que J. C. est le chef & l'époux de l'Eglise, dont il est
le sauveur; qu'il a aimé l'Eglise, & s'est livré à la
mort pour elle; qu'il l'a fait paroître devant lui pleine
de gloire, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien de
semblable, mais étant sainte & irrépréhensible; qu'il
la nourrit & l'entretient, parce que nous sommes les
membres de son corps, formés de sa chair & de ses
os. Ce langage de l'apôtre est conforme à celui de J.
C. dans S. Matthieu, ch. xv. vers. 18. où après avoir
donné les clés à ses disciples, c'est - à - dire la puissance
de lier & de délier, il leur adresse ces paroles: Iterum dico vobis, quia si duo ex vobis consenserint super
terram, de omni re qua>cumque petierint, fiet illis à patre
meo qui est in calis; nbi enim sunt duo vel tres congregati
in nomine meo, ibi sum in medio eorum. Et dans
S. Jean, chap. xvij. après avoir prié son pere pour
les apôtres, il le prie encore pour ceux qui doivent
croire en lui par leur parole; & il ajoûte, vers. 23.
Ego in eis, & tu in me, ut sint consummati in unum.
Or l'Eglise a toûjours crû qu'elle ne pouvoit jamais
mieux représénter cette unité, & n'avoit point de
moyen plus efficace pour l'affermir, pour conserver
la communion de la foi lorsque les impies s'efforcent
d'y porter atteinte, que de rassembler les évêques
envoyés par Jesus - Christ en la personne des apôtres,
pour apprendre aux nations la parole de la
foi qui leur a été transmise. Ce sont eux qui sont
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les dépositaires de la promesse qu'il a faite d'être
avec son Eglise jusqu'à la consommation des siecles,
d'empêcher que les portes de l'enfer ne prévalent
jamais contr'elle; S. Matthieu, ch. xvj. vers. 18.
ch. xxviij. vers. 20. Aussi voyons - nous que le cardinal
Bellarmin, lib. I. de conciliis & ecclesiâ, cap. ij.
fonde la nécessité des conciles, 1° sur ces paroles de
Jesus - Christ, ubi sunt duo vel tres, &c. qui doivent
s'entendre des conciles, suivant l'interprétation du
concile de Chalcedoine dans la lettre synodale au pape
Léon: 2° sur ce que les apôtres ont pratiqué eux - mêmes;
quoique chacun d'eux eût une autorité suffisante
pour décider les contestations qui s'élevoient,
ils ne voulurent pas cependant, sans un concile, prononcer
sur l'observation des cérémonies legales,
dans la crainte de paroître négliger une voie que
Jesus - Christ leur avoit enseignée: 3° sur la coûtume
que l'Eglise a observée dans tous les siecles, de
tenir concile toutes les fois qu'il s'agissoit de questions
douteuses. C'est donc au soin important de conserver
l'unité de la foi, c'est à la nécessité d'avoir le
sentiment général de l'Eglise, qu'il faut rapporter
l'origine des conciles. Un nombre infini de passages
des SS. peres, sur - tout l'homelie xxjx. de S. Basile,
adversus calumniatores sancta Trinitatis, & sa lettre
lxxxij. nous confirment que l'usage de les convoquer
est établi sur ces puissans motifs. Les conciles en sont
d'autant plus respectables aux yeux des Fideles,
puisqu'on leur doit la même vénération qu'à l'Eglise qu'ils représentent.
On divise les conciles en généraux & particuliers.
Les généraux ou oecuméniques sont ceux où l'on appelle
les évêques de toute la chrétienté. Ces conciles, qui tiennent avec raison le premier rang, offrent
une matiere dont les principes ne sont pas admis universellement;
c'est pourquoi nous tâcherons de les
discuter avec la plus scrupuleuse exactitude: voici
l'ordre que nous nous proposons de suivre: Nous
verrons 1° par qui ces conciles doivent être indiqués;
2° comment on doit les convoquer; 3° quelle est la
matiere qu'on y traite; 4° la forme suivant laquelle
se tient le concile; 5° quelle est l'autorité des conciles
généraux. A l'égard de la premiere question, si l'on
consulte les neut premiers siecles de l'Eglise, ils semblent
déposer en faveur des princes. En effet, nous
trouvons que pendant ce long espace de tems, les
princes ont été en possession de convoquer les conciles généraux; c'est ce qu'il nous est facile de démontrer
en marquant la suite des conciles. Le premier concile général, tenu à Nicée l'an 325, sous le consulat
de Paulin & de Julien, fut indiqué & convoqué par
Pempereur Constantin, suivant le témoignage d'Eusebe auteur contemporain, vie de Constantin, liv. III.
chap. vj. où il dit que ce prince convoqua le concile
& invita par ses lettres les évêques de s'y trouver
au - plùtôt. Socrate, liv. I. ch. viij. Sozomene, liv. I.
ch. xvij. & enfin Théodoret, liv. I. ch. vij. non - seulement sont d'accord sur ce point avec Eusebe, mais
même aucun de ces écrivains ne fait mention que le
pape Sylvestre eut part à cette convocation, ce qu'ils
n'eussent point omis, s'il étoit vrai qu'on eût assemblé
le concile par les ordres du pape. M. Bignon,
qui est de cet avis, cite Ruffin, liv. X. ch. j. où cet
auteur rapporte que le concile fut indiqué par Constantin d'après le sentiment des évê ques. Mais les paroles
de Ruffin ne signifient rien autre chose, sinon
que l'empereur avant d'assembler le concile demanda
aux évêques leur avis, ce qui n'empêche pas qu'il
n'ait, en le convoquant, fait un acte d'autorité; les
princes ne rougissent point de consulter ceux de leurs
sujets en qui ils ont le plus de confiance, & les ordres
qu'ils donnent ensuite n'en sont pas moins émanés du trône. Le second concile général, ou le premier
de Constantinople, qui se tint l'an 381, sous le
consulat de Siagre & d'Eucher, fut convoqué par
l'autorité seule de Théodose le Grand. Aucun historien
n'attribue la convocation de ce concile au pape
Damase, qui occupoit alors le saint siége; personne
même n'y assista de sa part. M. Doujat néanmoins
pense le contraire, se fondant sur le témoignage tiré
de la lettre synodale que rapporte Théodoret, liv. I.
ch. jx. Dans cette lettre les P P. du concile de Constantinople assurent le pape Damase qu'ils se sont assemblés
dans cette ville, conformément, disent - ils,
aux lettres que votre révérence a écrites l'année précédente,
après le concile d'Aquilée, au très - religieux
empereur Théodose. Mais il est à remarquer, 1° que
cette lettre n'est pas simplement adressée au pape Damase, mais encore à Ambroise, Britton, & plusieurs
autres, dont les noms sont à la tête de la lettre, &
même à tous les évêques qui pour lors tenoient un
concile à Rome: 2° que cette lettre n'est point des PP.
du premier concile de Constantinople, mais d'un autre
concile de Constantinople qu'on ne compte point
parmi les conciles oecuméniques, & qui se tint l'année
suivante 382, après le concile d'Aquilée. Dans
le courant de l'année 381, immédiatement après le
premier concile de Constantinople, on avoit tenu celui
d'Aquilée; & dans ce concile les peres écrivirent
à Théodose, & le supplierent d'assembler un concile
à Alexandrie pour appaiser les dissensions de l'église
d'Orient L'empereur touché de la priere des Occidentaux, convoqua un autre concile, non à Alexandrie, mais à Constantinople; c'est de la convocation
de ce second concile de Constantinople dont parlent
les Orientaux dans la lettre dont il est ici question,
& qu'ils adresserent aux mêmes évêques qui s'étoient
auparavant assemblés au concile d'Aquilée. Le troisieme
concile général, ou le premier d'Ephese, tenu
l'an 431, sous le consulat d'Annius Bassus & de Flavius Antiochus, fut convoqué par Théodose le jeune: nous en avons la preuve dans la lettre de ce
prince à Cyrille, patriarche d'Alexandrie, & aux
métropolitains, partie premiere du concile d'Ephese,
ch. xxxij. >om. III. des conciles, pag. 436. Théodose
leur ordonne par cette lettre, de se trouver après la
pâque prochaine, le jour même de la pentecôte,
dans la ville d'Ephese pour y tenir concile. Le pape
Célestin non - seulement envoya ses légats pour se
conformer aux intentions de l'empereur, mais il reconnoît
encore expressément que le concile fut convoqué
par ce prince, dans la lettre qu'il lui écrit.
Ces paroles de la lettre sont remarquables: Huic synodo,
dit le pape, quam esse jussistis, nostram prasentiam
in his quos mittimus, exhibemus: tom. III. des
conciles, pag. 619. Le concile de Chalcedoine, ou le
quatrieme concile général, fut célebré l'an 451, à la
vérité sur les vives instances de S. Léon, pour lors
souverain pontife; mais ce fut l'empereur Marcien
qui le convoqua, comme le prouvent deux lettres
impériales, à la tête desquelles sont les noms de Valentinien & de Marcien. L'une de ces lettres est adressée
à tous les évêques de ce tems - là, & l'autre à
Anastase évêque de Constantinople, partie premiere
du concile de Chalcedoine, chap. xxxvj. & xxxvij. tom.
IV. des conciles, p. 66. & 67. Marcien leur enjoint
de s'assembler aux prochaines kalendes de Septembre, dans la ville de Nicée de la province de Bithinie, pour y tenir concile. On a une autre lettre de
l'empereur, par laquelle il transfere le concile de Nicée à Chalcedoine, tom. IV. des conciles, p. 70. La
raison de ce changement fut qu'il vouloit assister au
concile, & que ne pouvant aller à Nicée, il lui étoit
plus commode qu'on le tînt à Chalcedoine, ville située
dans le voisinage de la capitale de l'empire. Le
pape Léon est bien éloigné de desavoüer que cette
convocation du concile ait été faite par le prince>
Fraterna universitas, dit - il lettre lxj. ou lxxxvij. sui<pb->
[p. 809]
vant les nouvelles éditions, & omnium fidelium corda
cognoscant, me non solum per fratres qui vicem meam
exsecuti sunt, sed etiam per approbationem gestorum synodalium
propriam vobiscum inivisse sententiam, in solâ
videlicet sidei causâ, quod sape dicendum est, propter
quam generale concilium ex praecepto christiano>um
principum & ex consensu apostolica sedis placuit congregari.
On voit aslez clairement par ces paroles,
que Leon distingue l'ordre des princes du consentement
du saint siege. D'ailleurs plusieurs autres lettres
de ce pape nous apprennent qu'il avoit consenti avec
peine que le concile se tînt en Olient, aimant mieux
qu'il se célebrât en Italie. Or s'il eût crû que le droit
d'indiquer le concile lui eût appartenu, il n'eût pas
manqué, vû les dispositions où il étoit, de le convoquer
dans une des villes d'ltalie. Le cinquieme
concile oecuménique, ou le second de Constantinople, fut indiqué par Justinien. Evagre, liv. IV. ch.
xxxvij. Nicephore, liv. XVII. chap. xxvij. Nous
avons de plus une lettre de cet empereur, dans laquelle
il annonce qu'il a mandé à Constantinople les
métropolitains; &, ce qui est digne de remarque, il
y prescrit aux peres du concile l'ordre suivant lequel
on y traitera les différentes affaires. tom. V. des conciles,
pag. 419. Vigile, sous le pontificat duquel se
tint le concile l'an 553, étoit pour lors à Constantinople. Il fut invité d'y assister, mais il le refusa; &
quoiqu'il eût condamné par son judicatum la doctrine
impie de Théodore de Mopsueste, il desaprouva
au cómmencement la conduite du concile, en ce qu'il
prononçoit l'excommunication & l'anatheme contre
des morts, qui, selon lui, devoient être abandonnés
au jugement de Dieu. Cependant le pape dans la suite
changea d'avis, & six mois après la conclusion du
concile, ratifia tout ce qui s'y etoit passé. Le sixieme
concile général, ou le troisieme de Constantinople, fut indiqué par l'empereur Constantin Pogonat,
& tenu contre les Monothelites l'an 680 & 681, en
présence des légats d'Agathon, souverain pontife.
Constantin avoit écrit à ce sujet au pape Domne,
prédécesseur d'Agathon, & l'avoit invité d'envoyer
au concile des personnes qui pussent y être atiles, qui
fussent versées dans la connoissance des saintes écritures, & recommandables par leur modestie. La lettre
est rapportée tom. VI. des conciles, pag. 594. on
y trouve aussi la réponse d'Agathon, successeur du
pape Domne, dont on fit lecture dans l'action quatrieme
du même concile, tom. VI. pag. 630. Il déclare
dans cette réponse, que pour obeir efficacement &
comme il le doit aux ordres de l'empereur, il a fait
choix de personnes telles que le prince les demande,
& qu'il les envoie à Constantinople. Le septieme
concile général, ou le second de Nicée, fut convoqué
l'an 785 par l'impératrice Irene & Constantin son
fils. C'est ce que nous apprend la le>tre impériale
adressée au pape Adrien premier, par laquelle on
l'invite de se trouver au concile qui devoit se tenir
incessamment: tom. V II. des conciles, pag. 32. Ce
souverain pontife envoya en effet des légats qui assisterent
au concile, & lui - même ensuite en ratifia
les actes. Enfin le huitieme concile général ou le quatrieme
de Constantinople, fut indiqué par l'empereur
Basile surnommé le Macédonien, dans un tems
où Rome & l'Italie ne faisoient plus partie de l'empire
d'Orient. Ce concile se tint l'an 869 sous le pontificat
d'Adrien II. qui en approuva la décision. Nous
trouvons la preuve que la convocation fut faite par
l'empereur Basile, dans l'histoire de ce concile écrite
par Anastase le bibliothecaire, & dans l'action cinquieme
du même concile, telle qu'Anastase l'a traduite
en Latin. On y rapporte qu'Hélie prêtre & syncelle
de l'église de Jérusalem voulant prouver la légitimité
du concile, adressa la parole en ces termes
aux peres dont il étoit composé: Scitis quia in pr> -
teritis temporibus imperatores erant qui congregabant synodos,
& ex toto terrarum orbe vicarios ad dispositionem
hujusmodi causarum colligebant; quorum more, &
Dei cultor imperator noster universalem hanc synodum
fecit, &c. Anastase remarque dans une note
marginale qu'il est ici question des conciles généraux,
& que les conciles particuliers n'ont jamais, ou rarement,
été convoqués par les empereurs. Nous verrons
dans la suite si cette observation est juste.
On ne peut donc pas douter que pendant un tems
très - considérable les princes n'ayent convoqué les
conciles généraux. Mais étoient - ils en droit de le faire?
étoit - ce une usurpation de leur part? c'est ce qu'une
simple réflexion va décider. Les princes ont été établis par Dieu même pour gouverner les peuples &
maintenir l'ordre public dans l'étendue de leur domination: d'un autre côté la conservation de la religion
contribue au bien & à la tranquillité de l'état;
or il n'y a point de voie plus sûre pour préserver la
religion de toute atteinte, que d'assembler des conciles; c'est par eux que la vérité se fait jour, que la
saine doctrine se trouve raffermie jusque dans ses
fondemens, que les liens de la charité & de la communion
fraternelle sont resserrés entre les fideles.
Cela étant ainsi, on a crû avec raison pendant les
premiers siecles de l'Eglise, que le droit de convoquer
les conciles appartenoit à celui qui en vertu de
la dignité dont il est revêtu, se trouve chargé du
soin de veiller au bien de l'état. Ajoûtez à cela que
lorsqu'il s'agit de la soi & des moeurs, les hommes
impies ou déreglés se servent de toute sorte de ruses,
soit pour éviter une condamnation, soit pour
se soustraire à la peine prononcée contr'eux; que
d'ailleurs l'Eglise n'a point de puissance coactive,
mais simplement la voie de l'exhortation, & ne
peut mettre en usage que des peines spirituelles &
médicinales. Il est donc nécessaire de recourir à
ceux qui sont armés du glaive, c'est - à - dire aux
princes, afin que personne n'ose résister aux conciles
assemblés par leur autorité.
Ce sentiment à la vérité est entierement opposé
à celui qu'embrasse Gratien dans la distinction dixseptieme
de son decret, où il suppose comme un
principe incontestable, que le droit de convoquer
les conciles généraux n'appartient qu'au saint siége.
De - là même les interpretes ont conçû ainsi la rubrique
de cette distinction: Papa est generalia concilia
congregare. Gratien y a rassemblé tous les canons
qu'il a cru favorables à cette prétention des souverains
pontifes. Mais un court examen de ces canons
appuyé sur la saine critique, en détruira bien - tôt
l'authenticité.
Dans le premier canon il est dit que l'empereur
ne peut régulierement célébrer un concile sans l'autorité
du pape, ni condamner un évêque si - tôt qu'il
a une fois appellé au saint siége: mais ce canon est
tiré de la fausse decrétale du pape Marcel au tyran
Maxence. Nous disons qu'elle est fausse, non - seulement parce que ce vice est commun à toutes les decrétales
attribuées aux souverains pontifes qui ont
précédé le pape Sirice; mais encore parce que le contexte
entier de la lettre qui est remplie de barbarismes,
& qui contient divers passages de l'Ecriture tirés de
la version appellée vulgate, très - postérieure au pape
Marcel, nous fournit des preuves de fausseté qui
sont particulieres à cette decrétale. D'ailleurs, est - il
vraissemblable que le tyran Maxence, prince idolatre,
ait jamais pensé à assembler un concile d'évêques,
& conséquemment que le pape Marcel ait eu
lieu de lui tenir un pareil langage, savoir qu'il ne
peut célébrer un concile sans l'autorité du saint siége?
Enfin, quand même Maxence n'auroit point été
livré à la superstition du paganisme, le pape auroit - il
pù lui dire qu'il n'a plus le droit de condamner un
[p. 810]
évêque si - tôt que celui - ci a appellé au saint siége,
comme si, du moins avant cet appel, la condamnation
d'un évêque étoit du ressort de la jurisdiction
d'un prince séculier? Le second canon renferme la
même maxime, que l'autorité du pape est nécessaire
pour la célébration des conciles généraux; aussi
n'a - t - il pas une source plus pure. Il est tiré d'une lettre
faussement attribuée au pape Jules I. qui contient un
rescrit contre les Orientaux en faveur d'Athanase.
M. Bignon, dans ses notes, avoue que cette decrétale
est altérée, pleine d>fautes, & composée de différens
fragmens. Le pere Labbe va plus loin, & n'hésite
point à dire qu'elle est entierement fausse, & n'hésite
à plaisir, tome III. des conc. p. 483. & 494. Elle paroît
écrite en haine du concile d'Antioche, tenu l'an
341; & c'est ce qui en fait voir la fausseté; car elle
est adressée aux consuls Félicien & Titien, qui, suivant
les fastes consulaires, étoient consuls en l'an
337, par conséquent quatre ans avant la tenue du
concile qu'elle blâme. Les canons iij. & jv. sur lesquels
Gratien croit pouvoir fonder son opinion, &
qu'il cite dans cette vûe, ne prouvent nullement
que le concile oecuménique doive être convoqué par
l'autorité du pape. Dans le canon iij. on y statue
en général, que personne n'ait la témérité de
s'arroger ce qui n'appartient qu'au souverain pontife,
sous peine d'être privé de tous les honneurs ecclésiastiques.
Cette décision ainsi conçûe d'une façon
générale, ne regarde en aucune maniere les conciles, si ce n'est en ce qu'elle est tirée de la lettre qui
passe pour être la quatrieme de celles qui sont attribuées
au pape Damase, & adressées à Etienne archevêque
d'Asrique, & aux conciles de la même province.
Or la fausseté de cettre lettre paroît, tant par
les reserves fréquentes qu'on y fait au saint siége des
causes majeures (quoiqu'elles fussent alors inconnues
de nom & d'effet), que par la date du consulat
qui rapporte la lettre à l'an 400, quoique le
pape Damase fût mort dès l'année 384. Dans le
canon jv. il est question de quelques évêques qui,
lorsqu'il s'élevoit des doutes sur ce qui avoit été statué
par les conciles généraux, s'assembloient dans
des conciles particuliers, & là jugeoient le concile général;
ce que le pape Pélage I. condamne. Il desapprouve
donc qu'un concile particulier ose juger un
concile universel, dont la décision est celle de toute
l'Eglise; & il ordonne que dans le cas où les évêques auront quelques doutes sur les statuts des conciles généraux, ils en écrivent au plûtôt aux siéges
apostoliques, c'est - à - dire fondés par les apôtres,
dans les archives desquels on gardoit les vrais actes
des conciles, afin qu'ils trouvent là sûrement ce qu'ils
cherchent. On ajoûte dans ce canon, que si ces
évêques sont tellement opiniâtres qu'ils refusent d'être
instruits, alors il est nécessaire qu'ils soient attirés
au salut de quelque façon que ce soit par les siéges
apostoliques, ou qu'ils soient réprimés suivant
les canons par les puissances séculieres. Cette addition
nous semble suspecte, en ce que nous ne voyons
pascomment les siéges apostoliques peuvent attirer au
salut ceux qui refusent opiniâtrement d'être instruits:
ainsi nous présumons que la fin du canon n'est point de
Pélage I; peut - être même la lettre entiere, d'où le canon
est tiré, est - elle fausse. Ce qu'il y a de certain,
c'est qu'elle ne se trouve pas parmi les lettres de Pélage, & qu'elle n'a paru que depuis environ un siecle,
tems auquel Luc Holstein nous l'a restituée d'après
plusieurs fragmens. Le canon v. est tiré de la lettre
qui porte le nom de Pélage II. avec cette inscription: Dilectissimis fratribus, universis episcopis qui illicitâ
vocatione Joannis Constantinopolitani episcopi ad
synodum Constantinopolim convenerunt, Pelagius. On
reconnoît la supposition de cette lettre à tant de marques,
que le pere Labbe, tome V. des conc. p. 948.
assûre avec confiance dans une note marginale, que
ce seroit être de mauvaise foi que de ne pas la mettre
au rang des fausses decrétales dont Isidore nous
a infectés; qu'à la vérité Pélage II. avoit écrit à ce
sujet, mais qu'on a perdu la véritable lettre, & qu'on
y a substitué celle - ci qui a été fabriquée à dessein,
comme le démontrent le style, qui n'est pas celui
du tems, & plusieurs autres choses renfermées
dans le contexte de la lettre. De - là on peut juger
de quel poids est ce canon, lorsqu'il prononce qu'on
ne doit pas célébrer de concile sans l'avis du souverain
pontife; qu'autrement ce n'est point un concile,
mais un conciliabule. Le mot Latin sententia, dont
se sert ici l'imposteur, signifie la convocation dans le
sens qu'il lui donne, au lieu que nous nous contentons
de dire qu'il faut demander le consentement du
saint siége. A l'égard du canon vj. on ne peut lui imputer
d'être falsifié; mais c'est mal - à - propos que
Gratien le cite pour appuyer son système; il n'en
peut rien conclure qui lui soit favorable. Voici en
peu de mots l'histoire & l'exposition de ce canon.
Les patriciens Faustinus & Probinus intenterent divers
chefs d'accusation contre le pape Simmaque,
pardevant Théodoric roi d'Italie, qui renvoya la
connoissance de cette affaire au concile de Rome.
Simmaque ayant été déchargé de ces accusations
dans le quatrieme concile de Rome, ses ennemis écrivirent contre le concile, & donnerent ce titre à leur
ouvrage: Adversus synodum absolutionis incongr>.
Ennodius évêque de Pavie entreprit l'apologie du
concile, & cette apologie fut approuvée dans le
cinquieme concile. Dans cette apologie Ennodius
fait tous ses efforts pour relever l'autorité du saint
siége & du pape; il lui arrive même très - souvent de
passer les bornes légitimes: par exemple, il prétend
que le successeur de S. Pierre ne peche jamais; il
fonde ce privilége de ne point pécher, tant sur les
mérites du chef des apôtres, que sur la prééminence
de la dignité en laquelle le pape lui a succédé. C'est
de cette apologie rapportée tom. IV. des conc. p. 1340,
jusqu'à la page 1359, qu'est tiré le canon dont nous
parlons ici. Les adversaires d'Ennodius objectoient
ce qui se lit au commencement du canon: Numquid
ob id quod prasentiam papa non habuerint, instituta ex
regulis ecclesiasticis per singulos annos in quibusque provinciis
concilia, eâ ratione invalida sint? ce qui seroit
absurde, de l'aveu même des correcteurs Romains.
Ennodius répond: Legistis, insanissimi, &c. & il se
laisse tellement emporter à son zele, qu'il soûtient
qu'on ne trouve rien d'établi dans les conciles provinciaux
contre la décision du saint siége, & même
que les causes majeures doivent y être renvoyées;
ce qu'il faut entendre des provinces voisines de Rome, & non des autres, où certainement on célébroit
alors des conciles provinciaux sans que le pape
s'en mêlât, & qu'il y eût la moindre part. Il est donc
évident qu'il ne s'agit point dans ce canon des conciles oecuméniques; & d'ailleurs l'on voit par les
faits qui ont donné lieu à l'apologie d'Ennodius,
combien dans ces tems - là le pape étoit peu respecté
en Italie.
Nous avons démontré le peu de solidité des autorités
compilées par Gratien, pour établir que le
pape a le droit de convoquer les conciles généraux à
l'exclusion de toute autre puissance. Nous sommes
parvenus à ce but en arrachant le masque de l'antiquité
que portoient la plûpart de ces autorités, ou en
rendant sensible la fausseté des applications. Par - là
les réflexions que nous avons faites pour justifier la
conduite des empereurs qui ont convoqué des conciles, demeurent dans toute leur force: s'ils ont cessé
d'exercer ce droit après l'époque que nous avons marquée,
c'est - à - dire après les huit premiers conciles,
nous devons l'attribuer sans doute aux changeme>s
[p. 811]
arrivés depuis dans la Chrétienté. Lorsqu'elle n'obéissoit
qu'à un souverain, il lui étoit facile d'ordonner
par un édit aux évêques de s'assembler dans un
certain lieu pour y tenir concile: mais depuis que
l'empire a été divisé, & que le monde Chrétien s'est
partagé en divers royaumes, cela est devenu, pour
ainsi dire, impraticable: car les évêques étant soûmis
à différens princes, dont l'un est indépendant de
l'autre, il faudroit autant de convocations qu'il y a
de souverains, qu'ils convinssent d'abord du lieu
de l'assemblée, pour y convoquer ensuite les métropolitains
& les évêques de leur royaume. Les inconvéniens
qui auroient résulté de la difficulté de s'accorder
entre eux, ont été cause que le droit de convoquer
les conciles oecuméniques a été déféré au pape
par l'usage & du consentement des églises. On a
jugé convenable que celui qui occupe la chaire de
S. Pierre, d'où naît l'unité sacerdotale, fût chargé
du soin d'assembler l'Eglise universelle. Observons
néanmoins à ce sujet que le pape ne peut pas conyoquer
un concile général, à moins que les princes
Chrétiens n'y consentent; premierement parce que
les évêques sont sujets du prince, & par cette raison
ne peuvent quitter leurs églises sans son consentement;
secondement parce que c'est le seul moyen
de maintenir l'union entre le sacerdoce & l'empire,
sans laquelle la société ne peut subsister. Le concours
des deux puissances étant donc essentiel dans
les choses qui regardent la foi, il en faut conclure
que le consentement des princes Chrétiens est nécessaire
toutes les fois qu'il est question de célebrer
un concile oecuménique. Ajoûtez à cela que le consentement
des princes représente celui des peuples;
car dans chaque état le prince est le représentant de
la nation. Or ce consentement des peuples opere celui
de toute l'Eglise, qui, selon la réponse de Philippe - le - Bel à une bulle de Boniface VIII. n'est pas
seulement composée du clergé, mais encore des laïcs.
Une autre observation à faire est que les princes Chrétiensn'ont pas perdu irrévocablement le droit de convoquer
les conciles oecuméniques. En effet, comme ils
sont obligés en qualité de magistrats politiques de
veiller à ce que le bien de l'état, qui est intimement
lié avec celui de la religion, ne reçoive aucune atteinte;
il résulte de - là que s'il arrivoit qu'ils convinssent
unaniniement de la tenue d'un concile, du
lieu de l'assemblée, & qu'ils ordonnassent par leurs
édits aux évêques leurs sujets de s'y trouver, pour
lors le concile seroit convoqué légitimement; un usage
contraire, introduit par la seule difficulté de se
concilier sur un même objet, n'ayant pû les faire décheoir
de leurs droits.
On a même été plus loin pendant le schisme d'Avignon. La chaire de S. Pierre, quoiqu'indivisible,
étant occupée dans ce tems - là par deux contendans,
dont l'un sous le nom de Grégoire XII. siégeoit à
Rome, l'autre à Avignon sous le nom de Benoît XIII.
& aucun des deux ne voulant abdiquer le pontificat,
ce qui étoit cependant le seul moyen de rétablir l'union
& la concorde, les cardinaux se séparerent,
tant de Grégoire que de Benoît; & s'étant assemblés
à Livourne afin de délibérer sur les mesures à prendre
pour éteindre le schisme, & célébrer un concile,
on éleva la question, si dans le cas où deux papes,
au mepris manifeste de leur serment, diviseroient
l'Eglise, & par une collusion frauduleuse entretiendroient
le schisme, les cardinaux ne pourroient pas
convoquer le concile. Sur cette question Laurent Rodolphe, célebre docteur ès droits, soûtint dans une
dispute qui dura trois jours, que le concile convoqué
dans ce cas par les cardinaux seroit légitime, M. Lenfant, hist. du conc. de Pise, liv. III. chap. vij. Gerson
prouva la même chose dans son traité de auferibilitate
pap> ab Eccles. savoir que dans un tems de schis<cb->
me, lorsqu'il s'agit de juger le pape, le droit de convoquer
le concile cesse de lui appartenir, comme
étant partie intéressée, & que ce soin regarde les
cardinaux & les évêques, conjointement avec les
princes temporels. Dans le siecle suivant, lorsque
les fameuses divisions du pape Jules II. & de Louis
XII. éclaterent, cinq cardinaux, Bernardin de Carjaval, François de Borgia, René de Prié, Fréderic de
S. Severin, & Guillaume Briçonnet, ne pouvant plus
supporter l'ambition de ce pontife, & mécontens de
ce qu'il ne tenoit pas de concile général, comme il
avoit promis avec serment de le faire deux ans après
son exaltation, l'abandonnerent dans son voyage
de Rome à Bologne, se rendirent à Milan, & delà
à Pise, où ils assemblerent un concile l'an 1511,
sous le bon plaisir de Maximilien empereur & de
Louis XII. Dans ce tems - là on agita de nouveau la
question, si le pouvoir d'assembler l'Eglise appartenoit
aux cardinaux, ou même à la plus petite partie
d'entre eux. Philippe Décius de Milan, docteur ès
droits, assez connu par ses écrits, se signala dans
cette occasion, & devint par - là si agréable au roi
Louis XII. qu'il en obtint une place de conseiller au
parlement de Grenoble. On a sa consultation qui parut
la même année 1511, & le discours qu'il publia
ensuite pour la justification du concile de Pise. Dans
ces deux ouvrages Décius, après avoir accumulé les
uns sur les autres & textes & glossateurs, suivant la
méthode de raisonner de son tems, conclud qu'il y
a des cas où les cardinaux, même en plus petit nombre,
sont en droit de convoquer un concile; par exemple,
si le pape & les cardinaux de son parti négligent
ou refusent de le faire, quoique les besoins de
l'Eglise le demandent. Il eût pris une voye plus simple
pour rendre sensible cette vérité, s'il se fût restraint à
dire, comme quelques - uns l'osent avancer, que depuis
long - tems les cardinaux constituent le collége de l'église
Romaine, & que le droit de convoquer le concile n'a pas tant été accordé à la personne du pape,
qu'au siége qu'il occupe; qu'ainsi dans les cas dont
nous parlons, l'église Romaine à laquelle président
les cardinaux qui lui sont demeurés fidelement attachés,
peut inviter les autres évêques à s'assembler
avec elle pour tenir concile.
Mais si ce droit appartient quelquefois aux seuls
cardinaux, à plus forte raison un concile général peutil
en indiquer un autre, du consentement des princes,
puisqu'il représente l'Eglise universelle, qui
certainement a le pouvoir de s'assembler elle - même.
Nous en avons un exemple illustre dans le respectable
conciie de Bâle, que la France a reçû solennellement,
& dont Charles VII. a fait insérer les decrets
dans la pragmatique sanction. Ce concile fut indiqué
par ceux de Constance & de Sienne, c'est - à - dire que
dans la session 24 du concile de Constance, du 19
Avril 1418, on indiqua le concile à Pavie, tome XII.
des conc. pag. 257. Il y commença l'an 1423; mais à
cause de la peste qui ravageoit Pavie il fut bien - tôt
transféré à Sienne, où l'on convint le 19 Février
1424, que le prochain concile qu'on devoit assembler
sept ans après en exécution du decret du concilé
de Constance, se tiendroit dans la ville de Bâle.
Voyez tome XII. des conc. pag. 463. où l'on rapporte
le decret du concile de Sienne, qui fut lû dans la
premiere session de celui de Bâle.
Le droit de ceux auxquels il appartient de convoquer
les conciles, selon les diverses circonstances,
étant solidement établi, il faut expliquer la maniere
dont se fait cette convocation. Les exemples dont
nous nous sommes servis pour faire voir que les
princes ont été en possession d'indiquer les conciles,
prouvent en même tems qu'ils rendoient à ce sujet
des édits par lesquels ils mandoient au concile les prélats,
sur - tout l'evêque de Rome & ceux des princi<pb->
[p. 812]
paux siéges, tels que Constantinople, Alexandrie,
Antioche, Jérusalem. A l'égard de l'évêque de Rome,
comme il est de droit divin le chef de l'Eglise, il est
de regle qu'on ne peut tenir de concile général, à
moins qu'on ne demande en forme son consentement,
& qu'on ne l'invite d'y assister: aussi cet usage
a - t - il été constamment pratiqué dans l'Eglise dès
les premiers tems, si nous en croyons tous les historiens
ecclésiastiques. Socrate, liv. II. chap. viij. reproche
entr'autres choses au concile d'Antioche, que
Jules évêque de Rome n'y ait point assisté, ni envoyé
personne à sa place, quoiqu'il soit, dit - il, ordonné
par les canons de ne statuer sur rien dans l'Eglise sans
que l'évêque de Rome en ait connoissance. Sozomene, liv. III. chap. x. rapporte qu'après la condamnation
d'Athanase, le pape Jules écrivit aux
évêques qui avoient tenu le concile d'Antioche, &
se plaignit amerement de ce que, contre les lois ecclésiastiques,
on ne l'avoit point appellé au concile.
On doit pareillement inviter les évêques de l'univers
entier; car si l'on ne convoque que ceux d'une
certaine nation, ou d'une certaine province, alors
le concile n'est point oecuménique, mais simplement
national ou provincial: ainsi pour qu'il soit réputé
universel, il est nécessaire d'observer les deux regles
que Bellarmin propose, lib. I. de concil. cap. xvij.
La premiere de ces regles est que la convocation soit
notifiée à toutes les grandes provinces de la Chrétienté. Cette notification se fait par les métropolitains,
qui autrefois après avoir reçû les ordres des
empereurs, les communiquoient aux évêques de
leurs provinces, & les amenoient avec eux au con<->
cile. Depuis que la coûtume a déféré au pape le droit
de convoquer les conciles, il adresse aux princes &
aux métropolitains une bulle solemnelle d'indiction,
qui marque le tems & le lieu du concile. Par cette
bulle il exhorte les princes d'y assister, ou du moins
d'en voyer leurs ambassadeurs conjointement avec les
évêques de leurs royaumes, & enjoint à ces mêmes évêques de s'y trouver. Ensuite lorsque les métropolitains
ont obtenu la permission du souverain, ils avertissent
leurs suffragans par des lettres circulaires d'aller
au concile. La seconde regle de Bellarmin est qu'on
ne donne l'exclusion à aucun évêque, de quelqu'endroit qu'il vienne, pourvû qu'il soit constant
qu'il est évêque, & qu'il n'est pas excommunié. Au
reste, quoique tous les évéques doivent être appellés
au concile, il n'est pas cependant nécessaire que
tous s'y trouvent, autrement il n'y auroit pas encore
eû dans l'Eglise de concile général.
« N'est - ce pa>
assez, dit M. Bossuet, qu'il en vienne tant & de tant
d'endroits, & que les autres consentent si évidemment à leur assemblée, qu'il sera clair qu'on y aula
porté le sentiment de toute la terre »?
Hist. des
variations, liv. XV. n°. 100. Nous ne nous étendrons
pas davantage sur la maniere de convoquer les conciles, & nous verrons aussi en peu de mots quelles
sont les matieres qu'on y traite.
Nous avons déjà indiqué au commencement de
cet article, en donnant la définition du concile, que
les décisions ecclésiastiques ont deux objets principaux,
la foi & la discipline; ce qui est conforme à la
lettre des peres du concile de Nicée aux Egyptiens,
où ils se servent de ces deux mots Grecs, XANONIZ>IN,
XA>DOGMATIZEIN, c'est - à - dire dresser des articles de foi &
faire des canons; ainsi ces deux points font la matiere
des conciles généraux. La foi est contenue dans les
dogmes qui la proposent, dans les symboles ou formules
qui distinguent les fideles des payens, des
Juifs, & des hérétiques, & qui sont comme la marque
à laquelle on reconnoît les troupes de J. C. Elle
est aussi renfermée dans les lettres synodales dan
lesquelles les évêques assemblés au concile exposent
leur croyance; & enfin dans les decrets & anathè<cb->
mes prononcés contre les hérétiques. On ne peut
rien statuer de nouveau par rapport à la foi, parce
qu'elle est un don de Dieu auquel les hommes ne
peuvent rien ajoûter, comme ils n'en peuvent rien
ôter. L'Eglise déclare seulement ce qui est de foi ou
non; mais elle fait des lois par rapport à la discipline.
Or ce qui appartient à la discipline a coûtume
d'être expliqué dans les canons, ainsi appellés du
mot Grec XAGWG, qui signifie regle. Isidore, lib. VI.
etymologiarum, cap. xvj. nous apprend la raison pour
laquelle on s'est servi de ce mot: Regula dicta est canon,
eo quod rectè ducit, nec aliquando aliorsum trahit:
alii dixerunt regulam dictam, vel quod regat, vel quod
normam rectè vivendi pr>beat, vel quod distortum pravumque
corrigat. Il y a une autre différence très - remarquable entre les dogmes & les canons. La foi est
une, & immuable; regula fidei una est, omnino sola,
immobilis & irreformabilis. Tertull. lib. I. de velandis
virginibus. La discipline au contraire peut être différente,
suivant la difference des nations & des lieux:
car on doit regarder comme indifférent, & ne se faire
aucune peine d'observer ce qui ne blesse ni la foi
ni les bonnes moeurs, afin que par - là on conserve
l'union avec ceux avec qui l'on vit. La diversité de
ces regles n'empêche pas les églises d'entretenir la
concorde, lorsqu'elles sont réunies dans la foi: &
pour nous servir des paroles de Fulbert évêque de
Chartres: Ubi fidei non scinditur unitas, nos non offendit
ecclesi> diversitas; sic enim stat sancta Ecclesia regina
à dextris Dei in vestitu deaurato circumdata varietate.
De - là naît encore une autre différence entre
les dogmes & les canons: les dogmes ont par eux - même
le sceau de l'autorité, & astreignent également tous les fideles; au lieu que les canons ont besoin
d'acceptation & du concours des deux puissances,
pour avoir à l'extérieur leur exécution. Cette
même raison que la foi est une, & la discipline différente,
suivant la différence des lieux, est cause
qu'on traite séparément dans les conciles de ces deux
objets. Il est même arrivé que dans plusieurs conciles
on n'a examiné que des questions de foi, & dans d'autres
que ce qui regarde la discipline. Par exemple, le
cinquieme & le sixieme concile se sont contentés de
condamner les hérétiques; & dans celui de Trulle,
qui a été comme une suite de ces conciles, on n'a fait
que des canons pour le maintien de la discipline, &
il ne s'est point agi de la foi.
Quelquefois encore dans les conciles on agite les
causes ecclésiastiques, & elles y sont terminées par
un jugement de l'Eglise assemblée. Souvent celui qui
avoit été excommunié par son évêque ou par un premier
concile, obtenoit que sa cause seroit examinée
de nouveau; & quelquefois il parvenoit à se faire
absoudre; comme Théodoret, qui après avoir été
condamné dans le concile d'Ephese, fut admis & restitué
dans celui de Chalcédoine. C'est pourquoi Zonare sur le canon 7 du concile de Laodicée, observe
que les conciles se tiennent pour finir les disputes qui
s'élevent sur la vérité des dogmes, ou sur l'équité
des peines, ou pour y traiter les autres affaires; &
attendu que les générales intéressent toute l'Eglise,
il est d'usage qu'on traite d'abord de celles - là, avant
de passer aux particulieres, ainsi que l'ordonne le
premier canon du premier concile d'Auvergne, qui a
été parmi nous un concile national.
Ce que nous venons de dire sur la matiere des
conciles, nous paroît suffire; mais nous ne pouvons
nous dispenser en parlant de la forme suivant laquelle
se tient le concile, d'entrer dans un plus grand
détail. Cette forme consiste principalement dans l'ordre
de la séance, dans le partage du concile en différentes
assemblées, & enfin dans la liberté des suffrages.
Il est évident par la nature même du concile oecuménique,
que l'un des prélats dont il est composé,
[p. 813]
doit y présider; car étant une assemblée de l'Eglise
universelle, il est d'une nécessité absolue que quelqu'un recueille les voix, & prononce les décisions
du concile sur chaque question. Jesus - Christ est le chef
de toute l'Eglise. Dans chaque église particuliere il
est représenté par l'évêque; mais il s'agit de savoir
lorsque les évêques sont assemblés, quel est celui
parmi eux qui doit être à leur tête. Les peres du concile de Chalcédoine nous l'apprennent dans la lettre
synodale au pape Leon. Si enim, disent - ils, ubi sunt
duo aut tres congregati in nomine ejus (Christi), ibi se
Chrislus in medio eorum fore perhibuit, quantam circa
quingentos viginti sacerdotes familiaritatem potuit demonstrare,
qui & patri> & labori su> confessionis notitiam
pr>tulerunt? Quibus tu quidem, sicut membris
caput pr>eras, in his qui tuum tenebant ordinem, benevolentiam
pr>ferens, imperatores vero fideles ad ordinandum
decentissimè pr>sidebant, sicut Zorobabel &
Jesus, ecclesi> tanquam Jerusalem, >dificationem, circa
dogmata renovare annitentes. Ce passage fait voir
que les peres du concile de Chalcédoine distinguent
deux sortes de présidences dans les conciles: l'une
qui appartient aux pontifes, & l'autre aux princes.
En effet le prince étant seul armé du glaive, & ayant
seul la force coactive, il doit y présider afin que
tout s'y passe d'une maniere conforme aux lois &
aux canons dont il est le protecteur. Au reste pour
ne parler ici que de la présidence hiérarchique, il
paroît par ces paroles, sicut membris caput pr>eras
in his qui tuum tenebant ordinem, qu'elle est déférée
à l'évêque de Rome. Cela mérite cependant quelque
explication. Il est bien vrai que dans le cas où
le souverain pontife assiste en personne au concile,
tous les canonistes reconnoissent pour incontestable
le droit qu'il a d'y présider, comme étant l'évêque
du premier siége, le centre de l'unité catholique, &
le chef de toutes les églises: mais ils ne conviennent
point également que cette prérogative dans les premiers
tems ait passé aux légats. Plusieurs d'entr'eux
ne font pas remonter l'origine de ce droit plus haut
que le concile de Chalcédoine; d'autres pensent que
dès le concile de Nicée, les légats du pare ont présidé.
Parmi ces derniers se trouve M. de Marca, qui
dans son fameux traité de concordiâ sacerdotii & imperii,
lib. V. cap. iij. jv. v. vj. & vij. réduit la question
de la prééminence du pape dans les conciles, à trois
chefs principaux qu'il s'efforce de démontrer; savoir
à la prérogative de la séance, au droit de recueillir
les voix, à la ratification de tout ce qui a été
fait; & il prétend que cette ratification ne nuit point
à la liberté des suffrages qui est absolument nécessaire,
mais il la compare au rapport qu'autrefois les
consuls & qu'ensuite les princes faisoient au sénat,
afin qu'il eût à prononcer, ensorte que le sénat néanmoins
décidoit ce qu'il jugeoit à propos. Le souverain
pontife, dit cet illustre prélat, exerce un droit
semblable dans les conciles, ce qui n'empêche pas
qu'on n'y joüisse de la liberté des suffrages. Il ajoûte,
chap. vij. que cette prérogative passe à ses légats,
& même nécessairement, puisqu'il est certain
que les papes n'ont point été présens aux premiers
conciles, & qu'ils se sont contentés d'y envoyer des
légats. La comparaison que fait M. de Marca n'est
point du tout exacte, & ne s'accorde pas avec ce
que nous avons prouvé ci - dessus, que ce sont les
empereurs qui ont convoqué les premiers conciles,
& y ont invité les papes par leurs édits. De plus si
on attribuoit ce droit de rapport dans les premiers
siecles au souverain pontife, ce seroit lui donner par
là une autorité supreme sur l'Eglise; car ce droit de
rapport faisoit partie de la souveraineté. Les termes
de la loi royale renouvellée sous Vespasien, que cite
M. de Marca, en sont une preuve authentique.
Les voici: Ut ei senatum habere, relationem facere
remittere, senatusconsultum per relationem, discussionemque
facere liceat. M. de Marca n'appelle - t - il pas lui - même
ce droit jus imperatorium, & n'est - il pas constant
que sans ce rapport, le sénatusconsulte ne pouvoit
avoir lieu? Nous en avons un exemple dans
Tacite, lib. XV. ann. c. 22. où après avoir rapporté
le discours que Thraseas prononça au sénat, il ajoûte
tout de suite ces paroles: magno assensu celebrat>
sententia, non tamen sctûm eâ de re perfici potuit, abnuentibus
consulibus eâ de re relatum. Ce passage montre
assez que quoique ce droit de rapport n'ôtât pas
tout - à - fait la liberté des suffrages; cependant celui
de délibérer & de décider du tems de la république
dépendoit de la volonté des consuls, & dans la suite,
des empereurs, qui même en ont entierement
privé le sénat. Novelle 78. de Léon surnommé le
philosophe. Or il est manifeste que les conciles, surtout
dans les premiers siecles, ne dépendoient en
aucune façon de la volonté du pape. Ainsi réduisons
le droit de présider à deux chefs; au droit de tenir
le premier rang dans la séance, & à celui de recueillir
les voix: séparons - en celui de la ratification,
puisque nous venons de voir que c'est pour concilier
ce droit - là, avec la liberté du concile, que M. de
Marca a imaginé le droit de rapport & la comparaison
qu'il en fait. Le même M. de Marca veut
prouver d'après l'histoire, que le droit de présidence
a passé aux légats des souverains pontifes. Il soûtient
qu'Osius évêque de Cordoue, présida en cette
qualité au concile de Nicée. Il se fonde sur ce qu'Athanase appelle cet évêque l'ame & le chef des conciles, lib de fugâ suâ & epistolâ ad solitarios; & sur
ce que Socrate, liv. I. ch. jx. de la version latine,
ou ch. xiij. de l'original grec, en faisant l'énumération
des prélats les plus distingués qui assisterent
au concile, commence par Osius évêque de Cordoue,
Vite & Vincent prêtres, & nomme ensuite Alexandre
d'Egypte, Eustathe d'Antioche, Macaire de Jérusalem. M. de Marca ajoûte, que personne n'assista de la
part du pape au second concile oecuménique, qu'il
ne fut composé que d'évêques Orientaux, & qu'il
ne devint général que par l'acquiescement de l'église
d'Occident, à la décision de celle d'Orient;
que Cyrille présida au troisieme concile, & qu'il représentoit
le pape Célestin I. comme l'annoncent les
lettres de ce pontife adressées tant au clergé & au
peuple de Constantinople, qu'à Cyrille lui - même.
D'un autre côté Simon Vigor, lib. de conciliis,
cap. vij. prétend que la premiere place dans les conciles est dûe aux patriarches, & qu'ils y président
tous conjointement; mais que parmi eux la préséance
est reservée au souverain pontife, de façon cependant
que s'il est absent, ses légats ne succedent
point à sa place, mais le second patriarche; & au
défaut du second, le troisieme. Ainsi ce ne fut point,
selon lui, le pape Sylvestre qui étoit absent, qui présida
au concile de Nicée; ni Alexandre, patriarche
d'Alexandrie, qui en quelque maniere étoit partie
intéressée, puisqu'il s'agissoit d'Arius qu'il avoit le
premier condamné dans un concile tenu dans son pàtriarchat.
Cet auteur conclud que le concile fut présidé
par Enstathe d'Antioche, & il le prouve par la
lettre qu'écrivit le pape Fclix III. à l'empereur Zenon, contre Pierre Fullon évêque d'Antioche. Cette
lettre est conçûe en ces termes: Petrus primogenitus
diaboli filius, & qui sanct> ecclesi> Antiochen> se indignissime
ingessit, sanctamque sedem Ignatii martyris
polluit, qui Petri dextrâ ordinatus est, Eustathiique
confessoris ac præsidentis trecentorum decem & octo patrum
qui in Nic>a convenerunt, ausus est dicere, &c.
Voyez tome IV. des conciles, p. 1069. Il faut avoüer
que ces dernieres paroles sont favorables au sentiment
de Vigor.
[p. 814]
Mais M. Richer, célebre docteur de Sorbonne,
contrebalance cette autorité dans son histoire des
conciles généraux, liv. I. chap. ij. num. 7. en rapportant,
d'après Socrate & d'après Théodoret, livre I.
ch. jx. la lettre synodale des PP. de Nicée aux Alexandrins, où ils disent que si le concile a statué quelque
chose outre ce dont ils leur parlent, ils l'apprendront
d'Alexandre leur patriarche, qui ayant eu part
& ayant présidé aux décisions du concile, leur en
rendra un compte plus exact. Voilà le sens que donne
Richer au texte grec dans la traduction qu'il en
fait, & on ne peut disconvenir qu'il est conforme à
l'original. Au reste ce docteur s'accorde avec Vigor
en ce qu'il pense comme lui, que le pape doit présider
au concile lorsqu'il est présent, mais que cette
prérogative est attachée à sa personne & au siége
qu'il occupe; que ses légats n'y succedent point, &
qu'en effet ils n'ont pas présidé aux conciles généraux,
jusqu'à celui de Chalcédoine, où cela leur fut
accordé pour la premiere fois.
S'il nous est permis de dire notre sentiment à ce
sujet, nous n'adoptons ni ne rejettons entierement
l'opinion de M. de Marca; & nous en faisons de même
à l'égard de celle de Vigor & de Richer. Nous
convenons avec chacun d'eux, que le droit de présider
appartient au pape en vertu de sa dignité, qu'il
appartient encore aux autres patriarches. Nous
croyons pareillement avec Richer & Vigor, que les
légats n'ont point présidé jusqu'au concile de Chalcédoine; qu'à l'exception cependant du premier
concile de Constantinople, ils y ont assisté, & qu'ils
y ont eu une place honorable, quoique ce ne fût
point la premiere. Examinons d'abord la chose par
rapport à Osius. Il est certain qu'il fut présent au concile de Nicée. Eusebe, témoin oculaire, dit, liv. III.
chap. vij. de la vie de Constantin, que cet homme
venu d'Espagne & exalté par beaucoup de personnes,
assista au concile & prit séance avec les autres;
que l'évêque de la ville impériale, c'est - à - dire le pape
Sylvestre (suivant l'interprétation d'Henri de Valois) ne s'y trouva point à cause qu'il étoit d'un âge
fort avancé; qu'il envoya des prêtres pour le représenter.
Socrate d'après Eusebe, rapporte la même
chose, liv. I. c. v. Ni l'un ni l'autre n'exprime si Osius
assista au concile comme légat de Sylvestre, ou bien
jure suo, comme évêque de Cordoue. Et même Sozomene, liv. I. ch. xvj. & Théodoret, liv. I. ch. vij.
sans faire aucune mention de lui, disent simplement
que Vite & Vincent prêtres, vinrent au concile à la
place de l'évêque de Rome; d'ailleurs Sozomene se
trompe en ce qu'il donne au pape le nom de Jules,
quoique ce ne fût point encore lui, mais Sylvestre
qui occupa pour lors le saint siége. Ces différens passages
semblent prouver qu'Osius ne fut point légat
du souverain pontife.
Mais, dira - t - on, Osius eut la préséance sur tous
les autres évêques. Or elle n'étoit certainement point
dûe à son siége inférieur de beaucoup à ceux des patriarches,
auxquels il convenoit de la céder; c'est
donc en vertu de sa légation qu'il a obtenu cette préséance.
Joignez à cela le témoignage de Gelase de
Cyzique, qui vers l'an 689 a recueilli les actes du
concile de Nicée. Cet auteur avance qu'Osius tint la
place de Sylvestre évêque de l'ancienne Rome, conjointement
avec les prêtres Vite & Vincent. Pour
répondre à ces objections, nous commencerons par
observer avec tous les savans, principalement avec
l'auteur de l'avertissement qui est à la tête de l'édition
de Rome des conciles, & qu'on trouve tom. II.
des conciles de Labbe, pag. 103. nous observerons,
dis - je, que l'histoire de Gelase de Cyzique ne mé>ite pas qu'on y ajoûte foi, parce qu'elle renferme
beaucoup de choses qui ne s'accordant pas avec ce
que disent les meilleurs écrivains, la rendent suspec<cb->
te à juste titre. C'est pourquo'on ne doit point assurer
qu'Osius présida au nom de Sylvestre sur le seul
témoignage de Gelase. Celui de S. Athanase qui appelle
l'éveque de Cordoue, l'ame & le chef des conciles, est sans contredit d'une plus grande autorité,
& jetteroit plus de doute sur le rang que celui - ci
eut au concile de Nicée, si ce n'est qu'il suffiloit à
S. Athanase pour tenir un pareil langage, d'envisager
le personnage important que fit Osius dans l'affaire
d'Arius. Cette hérésie dès sa naissance ayant
excité beaucoup de troubles & de divisions dans
l'Eglise, l'empereur Constantin employa tous ses
soins pour rétablir la paix. Ce fut dans cette vûe qu'avant
de convoquer le concile de Nicée, il envoya à
Alexandrie Osius en qui il avoit une confiance particuliere,
& le chargea d'une lettre adressée conjointement
à Alexandre & à Arius, où il parle de leur
différend suivant l'idée qu'on lui en avoit alors donnée,
& les exhorte à se réunir. Eusebe de Nicomédie, partisan secret d'Arius, avoit eu l'adresse de faire
entendre à l'empereur que la cause du mal étoit l'aversion
de l'évêque Alexandre contre le prêtre Arius,
& qu'il étoit de sa piété de faire usage de son autorité
pour lui imposer silence. Mais l'empereur ayant
appris par Osius le peu d'effet de sa lettre, & la grandeur
des maux de l'Eglise qui exigeoient un remede
plus efficace, il assembla le concile où Osius eut occasion
de se signaler. Quelque tems après ce concile,
le même Osius fut encore le principal moteur de la
tenue du concile de Sardique: ce qui irrita contre
lui les Ariens. Ils le détestoient comme un de leurs
plus puissans adversaires, & ils mirent tout en oeuvre
pour l'abattre. Il n'est donc point étonnant que
S. Athanase parle en termes extrèmement honorables
d'un vieillard digne de vénération, évêque depuis
trente ans, confesseur dans la persécution de
Maximien, renommé par toute l'Eglise, & qui récemment
venoit de rendre à la bonne cause des services
essentiels. Au reste il ne dit rien d'où il faille
absolument conclure qu'Osius tint au concile la place
de légat du pape. Enfin si à la tête des souseriptions
du concile, telles que nous les avons aujourd'hui, nous trouvons le nom d'Osius, & qu'il soit
suivi de ceux de Vite & de Vincent, cela vient de
ce que les évêques ont souscrit suivant l'ordre de
leurs provinces, d'abord les Occidentaux, & ensuite
ceux des différentes provinces d'Orient. Les Occidentaux souscrivirent les premiers, attendu que le
patriarchat d'Occident qui embrasse la moitié du
monde chrétien, est l> premier de tous. Osius est à
leur tête comme étant le seul évêque de ce patriarchat;
& après lui se trouvent les prêtres Vite & Vincent. Après les souscriptions des Latins, l'on compte
celles des évêques de la province d'Egypte, ayant
à leur tête Alexandre patriarche d'Alexandrie; ensuite
les évêques qui lui sont soûmis, savoir ceux de
l'Egypte, de la Thébaïde, & de la Lybie: pour lors
le patriarchat d'Alexandrie suivoit immédiatement
celui de Rome. Après le patriarchat d'Alexandrie,
l'on trouve les évêques de celui de Jérusalem qui est
le troisieme, & à la tête Macaire leur patriarche.
Vient ensuite le patriarchat d'Antioche, à la tête duquel
étoit Eustathe. Ainsi les présidens du concile furent
Osius; Alexandre, Macaire, & Eustathe, que
nous avons vû ci - dessus dénommé président par le
pape Felix III. & qui en cette qualité adressa un discours
à Constantin. Osius & les autres évêques se
trouverent tous au concile jure suo, en vertu de leur
dignité, & non d'aucun droit de légation. Cette description
de la présidence du concile, faite d'après le
concile même, détruit entierement la prétendue présidence
de Vite & de Vincent. Pour résumer en deux
mots tout ceci, si Osius eût présidé au concile comme
légat du pape Sylvestre, les prêtres Vite & Vin<pb->
[p. 815]
cent, certainement envoyés par le pape en cette
qualité, eussent présidé conjointement avec lui. Nous
venons de voir qu'ils n'ont point présidé: donc ce
n'est point comme légat qu'Osius a été un des présidens
du concile. Dans les deux conciles généraux qui
suivirent, & qui se tinrent avant celui de Chalcédoine, les légats du pape ne paroissent pas y avoir présidé.
Nous avons vû plus haut qu'au premier concile
de Constantinople, il ne se trouva aucun évêque de
l'église d'occident, & que les Grecs même s'en plaignirent: mais ce concile fut ensuite reçû par le pape
Damase & les autres évêques de l'église Latine; c'est
pourquoi on l'a toûjours reconnu pour oecuménique.
Les légats du pape Célestin I. Arcadius & Projectus
évêques, & Philippe prêtre, assisterent au concile
d'Ephese; mais ils n'y présiderent point: ce fut Cyrille d'Alexandrie qui présida; ce droit lui appartenoit
au défaut de Nestorius patriarche de Constantinople, qui étoit absent & accusé, car dès ce temslà
le patriarche de Constantinople avoit le second
rang. Il est bien vrai que dans ce concile le pape Célestin commit Cyrille à sa place; mais comme il avoit
d'ailleurs, à raison de son siége, le droit de présider,
on ne peut inférer d'un pareil exemple que les légats
du pape présidassent alors au concile jure suo. Enfin
le concile de Chalcédoine qui condamna & déposa
Dioscore, fut présidé par les légats du pape S. Léon,
savoir Paschasin & Lucentius évêques, & Boniface
prêtre. Vigor, lib. de conciliis, cap. vij. prétend que
cela se passa ainsi, parce que tous les patriarches, à
l'exception de celui de Constantinople, étoient au
nombre des accusés, vû qu'ils s'étoient joints à Dioscore pour condamner Flavien dans le faux concile
d'Ephese, & par conséquent ne pouvoient présider
à un concile où ils devoient être jugés. Mais il paroît
par les souscriptions rapportées tome IV. des conciles,
p. 448. & suiv. qu'Anatole patriarche de Constantinople, souscrivit après les légats, & après lui
Maxime d'Antioche: ce qui réfute l'opinion de Vigor. Il est très - vraissemblable que l'empereur Marcien, prince religieux, seconda la déférence qu'on
eut en cette occasion pour le S. siége. Quoi qu'il en
soit, c'est d'après cet exemple que les légats du pape
ont présidé dans tous les conciles.
A l'égard de l'ordre, suivant lequel les autres évêques assistent au concile, le dernier canon de la distinction
dix - sept du decret de Gratien, établit pour
regle que les évêques doivent se conformer à la date
de leur ordination, tant pour le rang qu'ils occupent
dans la séance, que pour celui des souscriptions.
On décida la même chose dans le premier concile de Brague, canon vj. & cette discipline fut pareillement
observée dans l'église d'Afrique, où l'on
ordonna que pour terminer les contestations qui s'élevoient
au sujet de la préséance, chaque évêque seroit
tenu de rapporter des lettres de celui dont il auroit
reçu la consécration, & qui en continssent la date.
Canons viij. & jx. du code des canons de l'église d'Afrique. On s'est néanmoins quelquefois écarté de cette
regle en faveur de plusieurs siéges privilégiés.
Outre l'ordre de la séance, la forme du concile
consiste encore dans la division des assemblées, &
la liberté des suffrages. Comme tout ce dont on doit
traiter dans un concile, ne peut se finir en un jour,
on a coûtume de partager les affaires en differens
tems, & de distinguer les diverses assemblées en
actions ou sessions, ainsi qu'on les appelle aujourd'hui: dans ces actions ou sessions, on propose les
questions & on prononce les decrets; ce qui ne se
fait cependant qu'après avoir tenu des congrégations,
c'est - à - dire, des assemblées privées d'évêques.
Les peres du concile déliberent entr'eux d'abord
dans une congrégation particuliere, sur ce qui
fait la matiere de la question. Ensuite on fait le rap<cb->
port de ce qui y a été agité dans une congrégation
plus générale, où l'on convoque ceux même des
evêques qui n'ont point assisté à la premiere. De
cette façon aucun d'eux n'ignore ce dont il s'agit.
On discute de nouveau la question, & on la décide,
avant que de la porter dans la session publique. Cela
a été introduit afin qu'il ne restât plus aucun sujet
d'altercation entre les evêques, & que les sessions
publiques se passassent avec plus de décence: cette
précaution néanmoins ne s'est prise que dans les
derniers conciles. On ne trouve rien de semblable
dans les anciens, & chaque affaire se dis>utoit dans
les actions publiques. Il étoit pareillement d'usage
autrefois de prendre les voix de chaque membre de
l'assemblée; ce qui a été observé jusqu'au concile
de Constance, où il parut nécessaire de recueillir les
suffrages par nation, c'est - à - dire, que chaque évêque opinoit dans sa nation, & qu'on rapportoit dans
le concile les suffrages des nations. De puissantes
raisons obligerent les peres du concile de Constance
d'introduire cette nouveauté. Il y avoit pour lors
trois contendans à la papauté, Gregoire XII. Benoist XIII. & Jean XXIII. Chacun d'eux avoit ses adhérans
parmi les evêques. Il étoit à craindre si on
comptoit les voix suivant l'ancien usage, que les
evêques d'une nation l'emportant par le nombre
sur les autres, on ne pût parvenir au rétablissement
de la paix & à l'extinction du schisme, qui étoient
le but principal de la tenue du concile. On suivit la
même methode au concile de Basle, & il est sensible
que c'est un moyen sûr pour réunir le consentement
de toute l'Eglise. Quant à la liberté des suffrages,
elle doit être très - grande; autrement le concile cesse
d'être oecuménique, & ne contient plus la décision
de l'Eglise universelle. Il n'y a point de marque
plus certaine pour connoître si un concile a été oecuménique,
ou non, que la liberté des suffrages. Nous
en avons un exemple dans le faux concile d'Ephese,
tenu par Dioscore, & cassé par celui de Chalcédoine.
Ce faux concile avoit été convoqué dans la même
forme que les trois précédens conciles généraux.
Theodose le grand avoit interposé son autorité
pour la convocation de ce concile, le pape S. Leon
avoit donné son consentement & envoyé ses légats;
ainsi rien ne paroissoit manquer à l'extérieur, de ce
qui constitue la forme des conciles. Mais on n'y eut
point la liberté de déliberer; les evêques, les prêtres
& les clercs furent forcés par les soldats à coups
d'épée & de bâton de signer un papier blanc. Plusieurs moururent de cette violence, entr'autres
Flavien de Constantinople. Dioscore avoit conspiré
sa perte, & il le fit condamner & déposer par ces
voies de fait dans cette assemblée; c'est pourquoi
on l'a toujours regardée comme un conciliabule.
Il est donc très imporrant d'avoir une regle sûre pour
discerner si le concile a la liberté des suffrages; car il
est à craindre que sous ce prétexte quelqu'un ne s'éleve
contre l'autorité des conciles généraux la mieux
fondée, & ne veuille s'y soustraire, en disant que
le concile n'a pas été libre. Or on peut juger qu'il a été
libre par l'acquiescement de l'Eglise universelle; si
au contraire toutes les eglises se plaignent, & rejettent
les décisions du concile, c'est une preuve manifeste
qu'il n'a joui d'aucune liberté. Par exemple
on reclama de toute part contre le brigandage du
faux concile d'Ephese; on demanda un autre concile,
& il parut évidemment que celui d'Ephese n'avoit
point été libre; c'est ce que prouvent les actes du
concile de Chalcédoine. L'Eglise universelle reclama
pareillement contre le faux concile de Rimini, où
l'on avoit également employé la violence, & à la
formule duquel le pape Libere avoit souscrit.
Maintenant pour terminer ce qui concerne les
conciles généraux, nous allons examiner quelle est
[p. 816]
leur autorité. Divers passages de l'Ecriture, & la
tradition constante de l'Eglise nous enseignent, qu'il
n'y en a point de plus respectable. Nous avons dejà
eu occasion de citer ces paroles de Jesus - Christ, ubi
sunt duo vel tres, &c. Nous avons vû que les peres
de Chalcedoine en font l'application aux conciles, &
en tirent cette conséquence, qu'à plus forte raison
Jesus - Christ ne refusera point son assistance à cinq
cens vingt evêques assemblés en son nom. Nous
ajoûterons ici que le cinquieme concile général, ou
le second de Constantinople, prend dans le même
sens ce texte de l'évangile, & reconnoit l'autorité
suprême des conciles généraux, qu'il démontre en se
servant de differentes preuves. Il se fonde 1°. sur ce
que les apôtres, quoiqu'ils fussent tellement remplis
de la grace du Saint - Esprit qu'ils n'eussent pas besoin
les uns des autres pour être instruits de ce qu'ils devoient
faire, cependant ne voulurent rien statuer à
l'égard des cérémonies légales, qu'ils n'eussent déliberé
ensemble, & que chacun d'eux n'cût appuyé
son avis sur les saintes Ecritures. 2°. Sur ce que la décision
des apôtres concûe en ces termes, visum est
spiritui sancto & nobis, &c. témoigne assez qu'elle est
faite & prononcée en commun. L'on peut étendre
plus loin la réflexion des peres de Constantinople,
& avancer avec confiance comme une suite naturelle
de cette réflexion, que les apôtres en attribuant
à l'inspiration divine ce qu'ils ont défini, nous autorisent
à regarder comme décidé par le Saint - Esprit, tout ce quil'est par l'Eglise assemblée. 3°. Sur
l'exemple non interrompu de l'Eglise: car les saints
peres en differens tems, (c'est le concile qui parle)
se sont assemblés dans les conciles pour décider en
commun les questions qui s'étoient élevées, & pour
condamner les hérésies, parce qu'ils étoient fermement
persuadés que les examens qui se font en commun,
& où l'on pese les raisons alleguées de part &
d'autre, faisoient briller la lumiere de la verité, &
dissipoient les ténebres du mensonge; tom. V. des
conciles, pag. 461. & suivantes. Mais non - seulement
les peres de Chalcedoine & ceux de Constantinople
relevant l'autorité des conciles oecuméniques au dessus
de toute autre, nous voyons encore que les souverains
pontifes ont tenu le même langage. Celestin
premier nous en donne une haute idée dans une lettre
au concile d'Ephese, où il dit que les apôtres ont été
instruits par Jesus - Christ, que les evêques ont succédé
aux apôtres, qu'ils ont reçu leur puissance du
même Jesus - Christ; par consequent que le concile
est saint, & mérite la plus profonde vénération. tom.
III. des conciles, p. 614. Gregoire le grand est encore
plus énergique sur ce sujet, dans une lettre adressée
aux patriarches Jean de Constantinople, Elogius
d'Alexandrie, Jean de Jérusalem, Anastase d'Antioche, pour leur faire part de son élection & leur envoyer
sa profession de foi, suivant l'usage de ce temslà,
observé par les papes & autres evêques des
grands siéges, nouvellement élûs. Voici comme ce
saint pontife s'exprime vers la fin de cette lettre:
sicut sancti evangelii quatuor libros, sic quatuor concilia
suscipere ac venerari me fateor .... & quisquis eorum soliditatem
non tenet, etiamsi lapis esse cernitur, tamen
extra >dificium jacet ..... cunctas vero, quas proefata
concilia veneranda personas respuunt, respuo; quas venerantur,
amplector; quia dum universali sunt consensu
constituta, se, & non illa destruit, quisquis presumit aut
solvere quos ligant, aut ligare quos solvunt. Lib. 1. regesti,
epist. 24. Le commencement du canon 3. de la
distinction 15, renferme à - peu - près les mêmes sentimens.
Gratien attribue ce canon à Gelase, mais il
est incertain qu'il soit de ce pape; quelques - uns le
donnent à Damase, & d'autres sur la foi de plusieuis
manuscrits, pretendent qu'il est du pape Hormisdas.
M. Baluze dans sa note sur ce canon, conjecture
que le decret qu'il contient, a d'abord été fait par
le pape Damase, & ensuite renouvellé par Gelase &
Hormisdas. Quoi qu'il en soit, l'auteur de ce canon
déclare que la sainte église romaine après les livres
de l'ancien & du nouveau testament, ne reçoit rien
avec plus de respect que les quatre premiers conciles.
En effect la vénération pour ces conciles a été poussée
si loin, que Gregoire le grand, comme nous venons
de le voir, les compare aux quatre évangiles; &
Isidore de Seville dans le canon premier, paragraphe
premier de la même distinction, assure qu'ils renferment
toute la foi, étant comme quatre évangiles,
& autant de fleuves du paradis. Les papes ont reçù
avec le même respect les quatre conciles qui ont suivi
ces premiers; c'est ce que prouve la profession de
foi qu'ils faisoient d'une maniere solennelle, & sous
la religion du serment, si - tôt qu'ils étoient élevés
au pontificat, avant même que d'être consacrés.
Cette profession de foi étoit ensuite rédigée par écrit
par les notaires de l'église romaine, & déposée sur
l'autel & le corps de saint Pierre. On en trouve la
formule dans le Diurnal romain & dans les notes de
M. Bignon sur le huitiéme concile général, tom. VIII.
des conciles, pag. 492. Suivant cette formule, le nouveau
pape promettoit d'observer en tout & avec le
dernier scrupule les huit conciles généraux, d'avoir
pour eux la vénération convenable, d'enseigner ce
qu'ils enseignoient, & de condamner de coeur & de
bouche ce qu'ils condamnoient.
Ces témoignages non suspects en faveur des conciles, font voir combien il est déraisonnable de penser
que les conciles oecuméniques soient sujets à l'erreur.
Ceux qui n'ont pas là - dessus des idées saines,
abusent d'un passage de saint Augustin: lib. II. de baptisino
contra donatistas, cap. iij. où ce saint docteur
enseigne que les conciles qui se tiennent dans chaque
province, cedent à l'autorité des conciles universels
composés de toute la chrétienté; mais que ces mêmes
conciles universels, lorsque l'expérience nous a appris
ce que nous ignorions, sont souvent réformés
par d'autres qui leur sont postérieurs, & qui ont
également l'avantage d'être oecuméniques. lpsa concilia,
(ce sont les propres termes de ce pere) qu>
per singulas religiones vel provincias fiunt, plenariorum
conciliorum autoritati, qu> fiunt ex universo orbe
christiano, sine ullis ambagibus cedunt: ipsaque plenaria,
s>pe priora posterioribus emendantur, cum aliquo
experimento rerum aperitur quod clausum erat, &
cognoscitur quod latebat. Quelques - uns croyent écarter la difficulté que ce passage semble faire naître, en
l'appliquant au concile général d'une nation, de l'Afrique par exemple; mais cette conjecture est détruite
par cela seul, que saint Augustin appelle ici
les conciles généraux, ceux qui sont composés de
toute la chrétienté. On ne répond pas avec plus de
solidité, en disant que ces paroles doivent s'entendre
des statuts des conciles généraux, dans les causes
de fait & de pure discipline, & non des questions
de foi. En effet ce saint pere dans cet ouvrage traite
la fameuse question, si on doit réïterer le baptême
conséré par les hérétiques, qui avoit été agitée auparavant
entre saint Cyprien & le pape Etienne:
or cette question appartient certainement à la foi &
à la doctrine de l'Eglise, & non à la pure discipline.
Saint Augustin réfute en cet endroit les Donatistes
qui objectoient l'autorité de saint Cyprien & des
conciles tenus à l'occasion de la dispute sur le baptême,
& il dit que les conciles, &c. Je crois donc
qu'il faut ici expliquer saint Augustin, non par les
noms, mais par la chose même, & la forme intérieure
suivant laquelle les conciles ont été célebrés.
Il y a des conciles qui paroissent généraux à cause de
la forme extérieure dont ils sont revêtus, mais qui
ont un vice intérieur qui porte atteinte à leur vali<pb->
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dité. Ces conciles, eu égard à ce vice, ne doivent
point être réputés généraux; ils ne le sont que de
nom & nullement d'effet; tels sont les faux conciles
d'Ephese & de Rimini, dont nous avons déja parlé:
les conciles de cette espece, peuvent être réformés
par des conciles vraiment oecuméniques, & qui ne
donnent aucune prise pour les attaquer. Voilà, si je
ne me trompe, le sens de saint Augustin; ces paroles,
s>pe priora posterioribus emendantur, semblent
l'indiquer. S>pe, dit - il, c'est - à - dire que cela arrivoit
non pas quelquefois, mais fréquemment; &
cependant nous ne trouvons nulle part aucun exemple
que des conciles reconnus pour oecuméniques par
toute l'Eglise, ayent jamais été réformés par d'autres
conciles postérieurs; ainsi c'est une entreprise
téméraire que de vouloir jetter des doutes sur l'infaillibilité
des conciles généraux. Il n'est pas moins
absurde, & contraire à l'esprit des anciens papes,
de prétendre qu'ils n'ont de validité qu'autant que
les souverains pontifes les approuvent. Les defenseurs
de cette opinion ont eu recours, pour établir
leur système, aux canons de la distinction 17; la critique
que nous en avons faite, suffit pour ruiner de
fond en comble les inductions qu'on veut tirer de
ces canons. Nous avons lieu au contraire de conclure
d'après les passages que nous avons rapportés,
que les conciles tirent d'eux - mêmes leur autorité, &
qu'ils n'ont pas besoin de la confirmation du pape.
Nous ne dissimulons point que le consentement du
souverain pontife ne soit d'un grand poids, & qu'il
ne soit à desirer que l'évêque du premier siege, le
chef visible & ministeriel de l'église catholique, acquiesce
à ce qu'elle a décidé; afin qu'on puisse opposer
avec plus de force & d'une façon plus évidente le consentement de l'église universelle à ceux qui
veulent en troubler la paix. Mais si le pape refuse de
souscrire au concile, s'il n'adopte point la décision de
l'Eglise universelle, alors le concile général peut exercer
envers lui son autorité comme envers les autres
membres de l'Eglise; c'est ce qu'à décidé formellement
le concile de Constance, sess. 3. & celui de Basle,
sess. 2. Cette décision que les ultramontains qualifient
d'erronée, contient la doctrine de l'eglise gallicane
& des universités du royaume, principalement
de celle de Paris. Elle a été soutenue par Gerson
chancelier de cette université, par Pierre d'Ailly
grand maître de la maison de Navarre, ensuite evêque
de Cambrai & cardinal, & par un nombre infini
de théologiens & de canonistes. Charles VII. roi
de France, qui connoissoit bien les dioits de sa couronne,
l'a fait insérer dans la pragmatique sanction,
de l'avis de tous les ordres du royaume: voici les
paroles tirées tant du decret du concile de Basle, que
de la pragmatique sanction. Et primo declarat quod
ipsa synodus, in Spiritu sancto legitimè congregata, generale
concilium faciens, & ecclesiam militantem representans,
potestatem habet a Chris>o immediatè. Cui quìlibet
cujuscumque status, conditionis, vel dignitatis,
etiamsi papalis existat, obedire tenetur in his qu> pertinent
ad fidem, & extirpationem schismatis, & generalem
reformationem ecclesi> Dei, in capite & in membris.
prag. sanct. tit. 1 p. 3 & 4. On trouve cette doctrine
mise dans tout son jour dans le chapitre douzieme des
preuves des libertés de l'eglise gallicane, & dans M.
Dupin, docteur de Sorbonne, dissert. 6 de antiquâ
ellesi> disciplinâ, & vetutissim> disciplin> monumentis,
où il démontre 1°. que l'autorité du concile général
est supérieure à celle du pape: 2°. que le concile
général a la puissance de faire des canons qui astreignent
même le pape: 3°. que le concile général a le
droit de juger le pape, & de le déposer s'il erre dans
la foi. Il est donc suivant nos moeurs permis d'appeller
des décisions du pape au concile général, comme
d'un juge inférieur à un supérieur, chapit. 12 des
mêmes preuves, où l'on rapporte des exemples très remarquables
de ces sortes d'appels, tel que celui
de Philippe le Bel de la bulle de Boniface VIII,
celui des prélats, des sujets & des universités du
royaume dans la même cause; tels sont encore les
appels au future concile, interjettés par les procureurs
généraux, lorsqu'il fut question d'abroger la pragmatique
sanction, & plusieurs autres de cette espece
interjettés en diverses occasions par l'université de
Paris, & conçus dans les termes les plus forts. Nous
renvoyons le lecteur aux sources que nous venons
d'indiquer.
Au reste, ce que nous avons dit de l'autorité suprème
des conciles ne regarde que la foi qui est immuable,
& non la discipline qui peut changer; &
c'est pourquoiles différentes églises ont reçû ou rejetté
divers canons des conciles, suivant qu'elles les ont
jugés conformes ou contraires à leurs usages. Par
exemple, l'église de Rome a reçû les canons du concile de Sardique, en vertu desquels il étoit permis à
un évêque qui se croyoit injustement condamné, de
s'adresser au pape, & de faire examiner de nouveau
sa cause: les Orientaux & les Grecs n'ont point voulu
les admettre, comme étant contraires aux canons des
conciles de Nicée & d'Antioche. De même ceux du concile d'Antioche ont été adoptés par l'Eglise universelle,
quoiqu'elle ait constamment rejetté la soi de
ce concile où les Ariens furent les maîtres. D'un autre
côté, l'église Romaine a souscrit au symbole du
second concile général, mais elle a toûjours refusé
d'admettre le cinquieme canon de ce concile, qui ordonne
que l'évêque de Constantinople aura la place
d'honneur aprês l'évêque de Rome, attendu que
Constantinople étoit la nouvelle Rome. Le canon
vingt - huitieme du concile de Chalcédoine, par lequel
on étend & on augmente les priviléges déjà
accordes à l'église de Constantinople, déplut pareillement
aux Romains: les légats du pape S. Léon résisterent
vigoureusement à ce decret, & S. Léon lui - même
témoigna beaucoup de zele contre cette entreprise.
A l'égard de la définition de foi, il se hâta
d'en faire part aux églises d'Occident, de leur apprendre
que la vérité avoit triomphé, & que l'hérésie
avoit été condamnée avec ses auteurs & ses
partisans. Enfin la foi du concile de Trente a été reçûe
par l'église Gallicane; mais elle en a rejetté tous
les points de discipline, qui ne s'accordent ni avec
l'ancienne ni avec nos moeurs.
Après avoir rempli les différens objets que nous
nous étions proposés par rapport aux conciles généraux,
il nous reste à parler des conciles particuliers,
sur lesquels nous nous étendrons peu, cette matiere
étant & plus simple, & moins importante. Ces conciles sont de trois sortes, savoir les nationaux, les
provinciaux, & les diocésains.
Les conciles nationaux sont ceux qui sont convoqués,
soit par le prince, soit par le patriarche, soit
par le primat, & où l'on rassemble les évêques de
toutes les provinces du royaume. Nous disons que
ces conciles sont convoqués soit par le prince, soit par
le patriarche, ou même le primat, car il n'est pas douteux
que ce droit n'appartienne aux souverains; nos
conciles de France fournissent à ce sujet une foule
d'exemples. Du tems de l'empire Romain, nous
voyons les conciles des Gaules convoqués par les
empereurs, comme le concile d'Arles qui fut convoqué
par Constantin l'an 314, dans la cause des Donatistes; celui d'Aquilée, qui est plûtôt un concile
d'Italie que des Gaules, convoqué par Gratien l'an
381. Nous lisons dans les actes de ce concile ces
paroles de S. Ambroise: Nos in Occidentis partibus
constituti, convenimus ad Aquileiensium civitatem, juxta
imperatoris pr>ceptum. Et dans la lettre synodale
du même concile adressée aux empereurs, les peres
[p. 818]
les remercient de ce que pour terminer les disputes
ils ont eu soin de les assembler. Cette forme de convoquer
les conciles de France a subsisté sous nos rois.
Le premier concile d'Orléans a été convoqué par
Clovis l'an 511; le second, par Childebert & les
rois ses freres, l'an 533; le concile d'Auvergne, par
Théodebert, l'an 535; le troisieme concile d'Orléans,
par Childebert, l'an 549, pour ne rien dire des autres
qui se sont tenus fréquemment sous la premiere
race, & qui ont été indiqués par nos rois. Mais sous
la seconde race principalement, la puissance royale a
paru à cet égard dans tout son éclat: c'est dans les
conciles tenus sous cette race qu'ont été faits nos capitulaires;
& non - seulement nos rois convoquoient
ces conciles, mais même ils y assistoient, & étoient
les arbitres & les moteurs de tout ce qui s'y passoit.
Nous nous contenterons de citer l'action premiere
du concile de Rome tenu sous Léon III. contre Félix
évêque d'Urgel, qui prouve que nos rois, pour lors
maîtres de l'Italie, ont pareillement indiqué les conciles dans ce pays, & que les papes, conformément
aux ordres du prince, y ont assisté. Depuis que la
troisieme race a commencé à régner, les rois ont
continué de joüir de la même prérogative, ils ont
convoqué tous les conciles qui se sont tenus; ensorte
que c'est une regle certaine parmi nous, que les évêques ne peuvent s'assembler ni délibérer entre eux
sur quoi que ce soit, sans la permission du prince.
Les papes les plus recommandables par leur sainteté
ont reconnu ce droit dans la personne de nos rois;
entr'autres S. Grégoire le grand, liv. vij. reg. ep. 113.
& 114. Dans la premiere de ces lettres il supplie la
reine Brunehaut d'ordonner la tenue d'un concile; &
dans la seconde, il fait la même priere aux rois Théodoric & Théodebert, afin qu'on puisse y prendre les
moyens d'abolir la pernicieuse coûtume qui s'étoit
introduite dans le royaume de vendre les ordinations.
Le lecteur peut consulter sur ce droit de nos
rois le chap. xj. des preuves des libertés de l'église Gallicane; & M. de Marca, lib. VI. de concordiâ sacerdotii
& imperii, cap. xvij. & suiv.
L'autorité des conciles nationaux est considérable
dans l'Eglise; comme ils en font une partie, ils approchent
beaucoup des conciles oecuméniques, &
c'est pour cela qu'on leur a donné quelquefois ce
nom. Cette autorité est plus grande dans le royaume
où ils ont été célebrés, que chez les autres nations
de la Chrétienté. En effet, une nation n'ayant aucun
empire sur une autre nation également libre &
indépendante, elle ne peut l'astreindre par les lois
& les regles qu'elle établit. Néanmoins les conciles
nationaux de France ont été en grande vénération
chez les peuples étrangers, & leur ont souvent servi
de modeles: c'est le fruit de la sagesse de l'église Gallicane, & de l'attachement inviolable qu'elle a témoigné
dans tous les tems pour l'ancienne discipline.
Les conciles provinciaux sont ceux qui sont convoqués
par le métropolitain ou l'archevêque, & dans
lesquels il rassemble tous les évêques & autres clercs
de sa province. La lettre du clergé de Rome à S. Cyprien, & qui est la vingt - sixieme parmi celles de ce
pere, nous apprend que les prêtres, les diacres, &
autres clercs, assistoient & opinoient anciennement
à ces conciles. Consultis, dit la lettre, episcopis, presbyteris,
diaconis, confessoribus, & ipsis stantibus laicis.
On agite & on décide dans ces conciles les questions
qui s'élevent sur la foi; on y fait des statuts
concernant la discipline, l'administration des biens
ecclésiastiques, la réformation des abus, & la perfection
des moeurs. Ils doivent être convoqués par
les métropolitains, canon xx. du concile d'Antioche,
ensorte qu'il n'est pas permis aux évêques de la province
de célébrer un concile sans le consentement de
l'archevêque. Mais d'un autre côté, si celui - ci ne le
convoque pas au moins une fois l'année, il encourt
les peines canoniques. Le canon vj. du septieme concile général excepte cependant les cas où la nécessité,
la violence, ou quelqu'autre raison légitime,
l'ont empêché de le faire.
Lorsque le métropolitain veut convoquer un concile provincial, il avertit chacun de ses suffragans de
s'y trouver, & cela par des lettres qu'on appelloit
autrefois tractoires ou tractatoires, du même nom que
les ordonnances qu'on délivroit à ceux qui voyageoient
par ordre du prince, & en vertu desquelles
on leur fournissoit libéralement les voitures, les
chevaux, & la commodité de ce que les Romains
appelloient la course publique. Depuis on a donné à
ces lettres du métropolitain le nom de lettres évocatoires, encycliques ou circulaires.
Les évêques de la province convoqués par le métropolitain
sont obligés de se trouver au concile, canon
xl. du concile de Laodicée; & ce concile en donne
une raison qui mérite d'être remarquée, savoir que
les évêques qui négligent de le faire paroissent s'accuser
eux - mêmes, c'est - à - dire avoir été détournés
d'aller au concile par les remords de leur conscience,
qui leur font craindre qu'on n'y découvre les fautes
qu'ils ont commises, & qu'on ne leur inflige la
peine qui leur est dûe. Le canon vj. du concile de
Chalcédoine prescrit la même chose; & il ajoûte
que ceux qui ne s'y trouveront pas subiront l'admonition
de la charité fraternelle. Les conciles d'Afrique
ont été plus séveres, comme il paroît par le canon
xxj. du quatrieme concile de Carthage, & le canon x.
du cinquieme. Suivant ces canons, ceux qui n'auront
point eu d'obstacle légitime, ou qui n'en auront
point fait mention dans la lettre circulaire, ou enfin
qui n'en auront point rendu compte au primat, sont
menacés de l'excommunication épiscopale. Nous
l'appellons épiscopale, parce qu'il ne s'agit point ici
d'une véritable excommunication qui retranche le
coupable de la communion des fideles & du corps
de l'Eglise, ou le prive de la participation des sacremens;
mais d'une sorte d'excommunication qui étoit
en usage alors entre les évêques; de façon que celui
qui l'avoit encourue ne communioit avec aucun
évêque, si ce n'étoit dans l'étendue son diocese; lett.
209. de S. Augustin, n. 8. & pour me servir des termes
du canon x. du cinquieme concile de Carthage,
il devoit se contenter de la communion de son église.
Nous avons un exemple de cette espece d'excommunication
dans la lettre 40 (nouv. édit. 60°.) de saint
Léon, adressée à Anatole de Constantinople. Ce pape
ordonne dans cette lettre que les évêques qui auront
eu part au faux concile l'Ephese, se restraignent
à la communion de leur église. Nous en trouvons un
autre exemple dans le canon lxxxvij. du code des
canons de l'église d'Afrique, dans l'affaire de Quodvultdeus: Placuit, dit le canon, omnibus episcopis
ut nullus ei communicet, donec causa ejus terminum sumat.
L'église Gallicane a tenu une conduite aussi rigoureuse
à l'égard des évêques qui manquoient de venir
au concile de leur province, canon xvij. du concile
d'Arles, l'an 452. Cette sévérité s'est étendue à
ceux qui abandonnoient le concile avant qu'il fût
terminé, canon xxxv. du concile d'Agde, l'an 506.
Ce qui a pareillement été statué dans le premier canon
du deuxieme & troisieme concile de Tours. L'Espagne a embrassé la même discipline dans ses conciles, & on y a décidé que l'évêque qui étant averti
par son métropolitain négligeroit de venir au concile, seroit privé jusqu'à la tenue du concile suivant de
la communion de tous les évêques, canon vj. du concile
de Tarragone, l'an 516. Les causes qui peuvent
dispenser un évêque mandé au concile de s'y trouver,
sont exprimées dans ces différens conciles: tel<pb->
[p. 819]
les sont l'urgente nécessité, l'âge avancé, l'insirmité
habituelle, la maladie, les ordres du Roi qui retiennent
l'évêque dans un autre endroit.
Les conciles provinciaux, suivant le canon v. du
concile de Nicée, se tenoient deux fois tous les ans,
une fois au printems, une fois à l'automne. Le premier
devoit se tenir avant le carême, afin, dit le
concile, que toute animosité étant effacée, on présente
a Dieu une offrande pure. Ce canon a été longtems
en vigueur; & il n'étoit pas difficile de l'observer,
parce que le nombre des évêques étoit grand
sous chaque métropolitain, ensorte qu'ils pouvoient
venir tour - à - tour, leurs confreres résidans pendant
ce tems - là, & prenans soin de l'église des absens. Les
conciles furent négligés dans la suite: les évêques les
moins zélés craignoient la fatigue & la dépense de
ces fréquens voyages; & vers le viij. fiecle on se
réduisit à les obliger de tenir au moins un concile par
an; c'est l'ordonnance du concile de Trulle, qui fut
confirmée par le septieme & le huitieme concile oecuménique.
En Occident les conciles provinciaux furent
rares sous la seconde race de nos rois, tant à
cause des assemblées d'état qui se tenoient deux fois
par an, & où tous les évêques étoient obligés de se
trouver, qu'à cause des guerres civiles, des incursions
des Normands qui infesterent le royaume depuis
Charles - le - Chauve, & de la division des petits
seigneurs qui fut un nouvel obstacle. Ainsi dans le
onzieme & douzieme siecle on ne tint presque pas
de ces conciles. Néanmoins Innocent III. au concile de
Latran renouvella la regle des conciles annuels, mais
elle fut mal observée. Dans le siecle suivant un concile de Valence en Espagne les ordonna seulement
tous les deux ans, jusqu'à ce qu'enfin le concile de
Bàle réduisit à trois ans l'obligation de les tenir; ce
que le concile de Trente a confirmé sous les peines
portées par les canons. En France l'édit de Melun,
celui de 1610, & une déclaration de 1646, ont ordonné
l'exécution du decret du concile de Trente.
Des lois aussi sages ont été sans aucun fruit & n'ont
pû faire revivre la coûtume de célébrer, sinon tous
les trois ans, du moins fréquemment, des conciles
provinciaux. De nos jours il ne s'en est point tenu
d'autre que celui d'Embrun en 1728, où un des prélats
les plus distingués parmi les appellans de la constituion
Unigenitus, fut condamné, suspendu des
fonctions d'évêque & de prêtre, & réduit à la communion
laïque.
Les conciles diocésains, qu'on appelle proprement
synodes, suivant l'usage moderne, sont ceux qui sont
célébrés par chaque évêque, & composés des abbés,
des prêtres, diacres, & autres clercs de son
diocese. Le canon vj. du seizieme concile de Tolede
nous apprend la raison pour laquelle on tient ces
sortes de conciles; c'est afin, dit - il, que l'évêque notifie
à son clergé & à ses oüailles tout ce qui s'est
passé & tout ce qui a été décidé au concile provincial;
& l'évêque qui manque à ce devoir est privé de
la communion pendant deux mois. Mais quoique les
conciles provinciaux ne soient plus en usage, néanmoins
on tient encore les synodes, & on doit les célébrer
tous les ans dans chaque diocese; c'est là principalement
que les prélats veillent à réformer ou à
prévenir les abus.
Nous n'en dirons pas davantage sur les conciles
particuliers. Au reste nous croyons n'avoir rien
avancé dans tout cet article des conciles (telle a été
du moins notre intention), qui ne soit conforme à
l'esprit de la Religion, aux maximes du royaume,
& qu'on ne puisse concilier avec le vrai respect dû
au saint siége. Cet article est de M. Bouchaud, Docteur aggrege de la Faculté de Droit.
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