ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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CONARDS ou CORNARDS (Page 3:801)

CONARDS ou CORNARDS, sub. m. plur. nom d'une ancienne société qui subsistoit autrefois dans les villes d'Evreux & de Rouen, & qui y a fleuri pendant plus d'un siecle. L'objet de cette compagnie étoit ridicule, & ressembloit assez à celle des fous & à celle de la mere folle de Dijon.

Le premier but cependant étoit de corriger les moeurs en riant; mais cette liberté ne demeura pas long tems dans les bornes qu'elle s'étoit prescrites; & les railleries, ou pour mieux dire les satyres, devinrent si sanglantes, que l'autorité royale de concert avec la puissance ecclésiastique détruisit cette compagnie. On appelloit le chef l'abbé des conards ou des cornards. Cette place qu'on n'obtenoit qu'à la pluralité des voix, étoit fort enviée, comme on le voit par deux vers de ce tems - là; [p. 802]

Conards sont les Busots & non les Rabillis, O fortuna potens quàm variabilis!

Les Busots & les Rabillis sont deux familles qui subtent encore à Evreux ou dans le pays, & qui avoient fourni des abbés à la compagnie. Les conards avoient droit de jurisdiction pendant leur divertissement, & ils l'exerçoient à Evreux dans le lieu où se tenoit alors le baillage, mais qui n'est plus le même depuis l'établissement du présidial. Tous les ans ils obtenoient un arrêt sur requête du parlement de Paris avant l'établissement de celui de Rouen, & de celui - ci depuis le xvj siecle, pour exercer leurs facéties. Taillepied, dans son livre des antiquités & singularités de la ville de Rouen, dit que dans cette ville les conards avoient leur confrairie à Nôtre - Dame de bonnes nouvelles, où ils avoient un bureau pour consulter de leurs affaires: « ils ont succedé, dit - il, aux Coque - luchiers, qui se présentoient le jour des rogations en diversité d'habits; mais parce qu'on s'amusoit plûtôt à les regarder qu'à prier Dieu, celà fut reservé pour les jours gras à ceux qui joüent des faits vicieux qu'on appelle vulgairement conards ou cornards, auxquels par choix & élection préside un abbé mitré, crossé, & enrichi de perles, quand solennellement il est traîné en un chariot à quatre chevaux le dimanche gras & autres jours de bachanales ». A Evreux on le menoit avec beaucoup moins de pompe; on le promenoit par toutes les rues & dans tous les villages de la banlieue monté sur un âne & habillé grotesquement. Il étoit suivi de sa compagnie, qui pendant la marche chantoit des chansons burlesques moitié Latin moitié François, & la plûpart du tems très - satyriques; ce dernier excès fit supprimer la compagnie des conards, dont la principale fête se célébroit à la saint Barnabé; & à sa place Paul de Capranic nommé à l'évêché d'Evreux en 1420, établit une confrairie dite de S. Barnabé, pour réparer, dit - il, les crimes, malfaçons, excès, & autres cas inhumains commis par cette compagnie de conards, au deshonneur & irréverence de Dieu notre créateur, de S. Barnabé, & de sainte Eglise. Voyez le glossaire de Ducange, & le supplement de Morery. Il y a dans de vieux imprimés des arrêts de l'abbé des conards ou des cornards; lorsque ces pieces misérables se trouvent, on les achete fort chérement. Quis leget hac? (G)

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