ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"880"> tion est relative à un tems, puisqu'elle se passe dans le tems. Ces rapports de l'action au tems sont marqués en quelques langues par des particules ajoûtées au verbe. Ces particules sont les signes du tems; mais il est plus ordinaire que les tems soient désignés par des terminaisons particulieres, au moins dans les tems simples: tel est l'usage en Grec, en Latin, en François, &c.

Il y a trois tems principaux; 1°. le présent, comme amo, j'aime; 2°. le passé ou prétérit, comme amavi, j'ai aimé; 3°. l'avenir ou futur, comme amabo, j'aimerai.

Ces trois tems sont des tems simples & absolus, auxquels on ajoûte les tems relatifs & combinés, comme je lisois quand vous étes venu, &c. Voyez Tems, terme de Grammaire.

Les nombres. Ce mot, en termes de Grammaire, se dit de la propriété qu'ont les terminaisons des noms & celles des verbes, de marquer si le mot doit être entendu d'une seule personne, ou si on doit l'entendre de plusieurs. Amo, amas, amat, j'aime, tu aimes, il aime; chacun de ces trois mots est au singulier: amamus, amatis, amant, nous aimons, vous aimez, ils aiment; ces trois derniers mots sont au pluriel, du moins selon leur premiere destination; car dans l'usage ordinaire on les employe aussi au singulier: c'est ce qu'un de nos Grammairiens appelle le singulier de politesse. Il y aussi un singulier d'autorité ou d'emphase; nous voulons, nous ordonnons.

A ce, deux nombres les Grecs en ajoûtent encore un troisieme, qu'ils appellent duel: les terminaisons du duel sont destinées à marquer qu'on ne parle que de deux.

Enfin il faut savoir ce qu'on entend par les personnes grammaticales; & pour cela il faut observer que tous les objets qui peuvent faire la matiere du discours sont 1°. ou la personne qui parle d'elle - même; amo, j'aime.

2°. Ou la personne à qui l'on adresse la parole; amas, vous aimez.

3°. Ou enfin quelqu'autre objet qui n'est ni la personne qui parle, ni celle à qui l'on parle; rex amat populum, le roi aime le peuple.

Cette considération des mots selon quelqu'une de ces trois vûes de l'esprit, a donné lieu aux Grammairiens de faire un usage particulier du mot de personne par rapport au discours.

Ils appellent premiere personne celle qui parle, parce que c'est d'elle que vient le discours.

La personne à qui le discours s'adresse est appellée la seconde personne.

Enfin la troisieme personne, c'est tout ce qui est considéré comme étant l'objet dont la premiere personne parle à la seconde.

Voyez combien de sortes de vûes de l'esprit sont énoncées en même tems par une seule terminaison ajoùtée aux lettres radicales du verbe: par exemple, dans amare, ces deux lettres a, m, sont les radicales ou immuables; si à ces deux lettres j'ajoûte o, je forme amo. Or en disant amo, je fais connoître que je juge de mol, je m'attribue le sentiment d'aimer; je marque donc en même tems la voix, le mode, le tems, le nombre, la personne.

Je fais ici en passant cette observation, pour faire voir qu'outre la propriété de marquer la voix, le mode, la personne, &c. & outre la valeur particuliere de chaque verbe, qui énonce ou l'essence, ou l'existence, ou quelqu'action, ou quelque sentiment, &c. le verbe marque encore l'action de l'esprit qui applique cette valeur à un sujet, soit dans les propositions, soit dans les simples énonciations; & c'est ce qui distingue le verbe des autres mots, qui ne sont que de simples dénominations. Mais revenons au mot conjugaison.

On peut aussi regarder ce mot comme un terme métaphorique tiré de l'action d'atteler les animaux sous le joug, au même char & à la même charrue; ce qui emporte toûjours l'idée d'assemblage, de liaison, & de jonction. Les anciens Grammairiens se sont servi indifféremment du mot de conjugaison, & de celui de déclinaison, soit en parlant d'un verbe, soit en parlant d'un nom: mais aujourd'hui on employe declinatio & declinare, quand il s'agit des noms; & on se sert de conjugatio & de conjugare, quand il est question des verbes.

Les Grammairiens de chaque langue ont observé qu'il y avoit des verbes qui énonçoient les modes, les tems, les nombres, & les personnes, par certaines terminaisons, & que d'autres verbes de la même langue avoient des terminaisons toutes différentes, pour marquer les mêmes modes, les mêmes tems, les mêmes nombres, & les mêmes personnes: alors les Grammairiens ont fait autant de classes différentes de ces verbes, qu'il y a de varictes entre leurs terminaisons, qui malgré leurs différenecs, ont cependant une égale destination par rapport au tems, au nombre, & à la personne. Par exemple, amo, amavi, amatum, amare; j'aime, j'ai aimé, aimé, aimer; moneo, monui, monitum, monere, avertir; lego, legi, lectum, legere, lire; audio, audivi, auditum, audire, entendre. Ces quatre sortes de terminaisons différentes entr elles, énoncent également des vûes de l'esprit de même espece: amavi, j'ai aimé; monui, j'ai averti; legi, j'ai lû; audivi, j'ai entendu: vous voyez que ces différentes terminaisons marquent également la premiere personne au singulier & au tems passé de l'indicatif; il n'y a de différence que dans l'action que l'on attribue à chacune de ces premieres personnes, & cette action est marquée par les lettres radicales du verbe, am, mon, leg, aud.

Parmi les verbes latins, les uns ont leurs terminaisons semblables à celles d'amo, les autres à celles de moneo, d'autres à celles d'audio. Ce sont cesclasses différentes que les grammairiens ont appellées conjugaisons. Ils ont donné un paradigme, RDMA, exemplar, c'est - à - dire, un modele à chacune de ces différentes classes; ainsi amare est le paradigme de vocare, de nuntiare, & de tous les autres verbes terminés en are: c'est la premiere conjugaison.

Monere doit être le paradigme de la seconde conjugaison, selon les rudimens de la méthode de P. R. à cause de son supin monitum; parce qu'en effet, il y adans cette conjugaison un plus grand nombre de verbes qui ont leur supin terminé en itum, qu'il n'y en a qui le terminent comme doctum.

Legere est le paradigme de la troisieme conjugaison; & enfin audire l'est de la quatrieme.

A ces quatre conjugaisons des verbes latins, quelques grammairiens pratiques en ajoutent une cinquieme qu'ils appellent mixte, parce qu'elle est composée de la troisieme & de la quatrieme; c'est celle des verbes en ere, io; ils lui donnent accipere, accipio pour paradigme; il y a en effet dans ces verbes des terminaisons qui suivent legere, & d'autres audire. On dit audior, audiris, au lieu qu'on dit accipior, acciperis, comme legeris, & l'on dit, accipiuntur, comme audiuntur, &c.

Ceux des verbes latins qui suivent quelqu'un de ces paradigmes sont dits être réguliers, & ceux qui ont des terminaisons particulieres, sont appelles anomaux, c'est - à - dire, irréguliers, (R. privatif, & NOMO/S, regle.) comme fero, sers, sert; volo, vis, vult, &c. on en fait des listes particulieres dans les rudimens; d'autres sont seulement désectiss, c'est - à - dire, qu'ils manquent ou de prétérit ou de supin, ou de quelque mode, ou de quelque tems, ou de quelque personne, comme oportet, pnitet, pluit, &c. [p. 881]

Un très - grand nombre de verbes s'écartent de leur paradigme, ou à leur prétérit, ou à leur supin; mais ils conservent toujours l'analogie latine; par exemple, sonare fait au prétérit sonui, plutôt que sonavi; dare fait dedi, & non pas davi, &c. On se contente d'observer ces différences, sans pour cela regarder ces verbes comme des verbes anomaux. Au reste ces irrégularités apparentes viennent de ce que les Grammairiens n'ont pas rapporté ces prétérits à leur véritable origine; car sonui vient de sonere, de la troisieme conjugaison, & non de sonare: dedi est une syncope de dedidi prétérit de dedere. Tuli, latum, ne viennent point de sero. Tuli qu'on prononçoit touli, vient de tollo; sustuli vient de sustulo; & latum vient de TLA/W par syncope de TALAW suffero, sustineo.

L'auteur du Novitius dit, que latum vient du prétendu verbe inusité, lare, lo; mais il n'en rapporte aucune autorité. Voyez Vossius, de art. gramm. t. II. p. 150.

C'est ainsi que sui ne vient point du verbe sum: nous avons de pareilles pratiques en François: je vas, j'ai été, j'irai, ne viennent point d'aller. Le premier vient de vadere, le second de l'italien stato, & le troisieme du latin ire.

S'il eût été possible que les langues eussent été le résultat d'une assemblée générale de la nation, & qu'apres bien des discussions & des raisonnemens, les philosophes y eussent été écoutés, & eussent eu voix délibérative; il est vraissemblable qu'il y auroit eu plus d'uniformité dans les langues. Il n'y auroit eu par exemple, qu'une seule conjugaison, & un seul paradigme, pour tous les verbes d'une langue. Mais comme les langues n'ont été formées que par une sorte de métaphysique d'instinct & de sentiment, s'il est permis de parler ainsi; il n'est pas étonnant qu'on n'y trouve pas une analogie bien exacte, & qu'il y ait des irrégularités: par exemple, nous designons la même vûe de l'esprit par plus d'une maniere; soit que la nature des lettres radicales qui forment le mot, amene cette différence, ou par la seu e raison du caprice & d'un usage aveugle; ainsi nous marquons la premiere personne au singulier, quand nous disons j'aime; nous designons aussi cette premiere personne en disant; je finis, ou bien je reçois, ou je prends, &c. Ce sont ces différentes sortes de terminaisons auxquelles les verbes sont assujettis dans une langue, qui font les différentes conjugaisons, comme nous l'avons déja observé. Il y a des langues où les différentes vûes de l'esprit sont marquées par des particules, dont les unes précedent & d'autres suivent les radicales: qu'importe comment, pourvú que les vûes de l'esprit soient distinguées avec netteté, & que l'on apprenne par usage à connoître les signes de ces distinctions?

Parmi les auteurs qui ont composé des grammaires pour la langue hébraïque, les uns comptent sept conjugaijons, d'autres huit Masclef n'en veut que cinq, & il ajoûte qu'à parler exactement ces cinq devroient être réduites à trois. Quinque ill, accurate loquendo, ad tres essent reducend. Gramm. Hebraïc. ch. iv. n. 4. p. 79. édit. 2.

Nous nous contenterons d'observer ici que les verbes hébreux ont voix active & voix passive. Ils ont deux nombres, le singulier & le pluriel; ils ont trois personnes, & en conjugant, on commence par la troisieme personne, parce que les deux autres sont formées de celle - là, par l'addition de quelques lettres.

En Hébreu, les verbes ont trois genres, comme les noms, le genre masculin, le féminin, & le genre commun; ensorte quel'on connoît par la terminaison du verbe, si l'on parle d'un nom masculin, ou d'un nom féminin; mais dans tous les tems la premiere personne est toujours du genre commun. Au reste les Hébreux n'ont point de genre neutre; mais lorsque la même terminaison sert également pour le masculin, ou pour le feminin, on dit que le mot est du genre commun; c'est ainsi que l'on dit en latin, hic adolescens, ce jeune homme, & ha adolescens, cette jeune fille; civis bonus, bon citoyen, & civis bona, bonne citoyenne; & c'est ainsi que nous disons, sage, utile, fidele, tant au masculin qu'au feminin; on pourroit dire aussi que dans les autres langues telles que le Grec, le Latin, le François, &c. toutes les terminaisons des verbes dans les tems énoncés par un seul mot sont du genre commun; ce qui ne signifieroit autre chose sinon qu'on se sert également de chacune de ces terminaisons, soit qu'on parle d'un nom masculin ou d'un nom féminin.

Les Grecs ont trois especes de verbes par rapport à la conjugaison; chaque verbe est rapporté à son espece suivant la terminaison du thême. On appelle thême, en termes de grammaire greque, la premiere personne du présent de l'indicatif. Ce mot vient de TIHMI pono, parce que c'est de cette premiere personne que l'on forme les autres tems; ainsi l'on pose d'abord, pour ainsi dire ce présent, afin de parvenir aux formations régulieres des autres tems.

La premiere espece de conjugaison est celle des verbes qu'on appelle barytons, de BARÈS2 grave, & de ton, acent, parce que ces verbes étoient prononcés avec l'accent grave sur la derniere syllabe; & quoique aujourd'hui cet accent ne se marque point, on les appelle pourtant toujours barytons, TW tendo; TPW verbero, sont des verbes barytons.

2. La seconde sorte de conjugaison, est celle des verbes circonflexes: ce sont des verbes barytons qui souffrent contraction en quelques - unes de leurs terminaisons, & alors ils sont marqués d'un accent circonsleve; par exemple A)APAW amo, est le baryton, & A) le circonflexe.

Les barytons & les circonflexes sont également terminés en W à la premiere personne du présent de l'indicatif.

3. La troisieme espece de verbes grecs, est celle des verbes en MI, parce qu'en effet ils sont terminés en MI, MI sum.

Il y a six conjugaisons des verbes barytons; elles ne sont distinguées entr'elles que par les lettres qui précedent la terminalson.

On distingue trois conjugaisons de verbes circonflexes: la premiere est des barytons en EW; la seconde de ceux en AW, & la troisieme de ceux en W: cestrois sortes de verbes deviennent circonflexes par la contraction en W=.

On distingue quatre conjugaisons des verbes en MI; & ces quatre jointes à celles des verbes barytons, & à celles des circonflexes, cela fait treize conjugaisons dans les verbes grecs.

Tel est le systême commun des Grammairiens; mais la méthode de P. R. réduit ces treize conjugaisons à deux: l'une des verbes en W qu'elle divise en deux especes: 1. celle des verbes qui se conjuguent sans contraction, & ce sont les barytons: 2. celle de ceux qui sont conjugués avec contraction, & alors ils sont appellés circonstexes. L'autre conjugaison des verbes grecs est celle des verbes en MI.

Il y a quatre observations à faire pour bien conjuguer les verbes grecs: 1. il faut observer la terminaison. Cette terminaison est marquée ou par une simple lettre, ou par plus d'une lettre.

2. La figurative, c'est - à - dire, la lettre qui précede la terminaison: on l'appelle aussi caracterisique, ou lettre de marque. On doit faire une attention particuliere à cette lettre, 1. au présent, 2. au prétérit parfait, 3. & au futur de l'indicatif actif; parce que c'est de ces trois tems que les autres sont formés. La

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.