ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"872"> rien, au lieu que les terminaisons du subjonctif sont toûjours subordonnées à un indicatif exprimé ou sous - entendu. Le subjonctif est ainsi appellé, dit Priscien, parce qu'il est toûjours dépendant de quelque autre verbe qui le précede, quod alteri verbo omnimodo subjungitur. Perisonius dans ses notes sur la Minerve de Sanctius, observe que l'indicatif est souvent précédé de conjonctions, & que le subjonctif est toûjours précedé & dépendant d'un verbe de quelque membre de période. Etiam indicativus conjunctiones dum, quum, quando, quanquam, si, &c. sibi prmissas habet, & vel maximè sibi - subjungit alterum verbum. At subjunctivi proprium est omnimodo, & semper subjungi verbo alterius commatis. Perisonius in Sanctii Minervâ. l. I. c. xiij. n. 1. Ainsi conservons le terme de subjonctif, & regardons - le comme mode adjoint & dépendant, non d'une conjonction, mais d'un sens énoncé par un indicatif. (F)

CONJONCTION (Page 3:872)

CONJONCTION, s. f. terme de Grammaire. Les conjonctions sont de petits mots qui marquent que l'esprit, outre la perception qu'il a de deux objets, apperçoit entre ces objets un rapport ou d'accompagnement, ou d'opposition, ou de quelque autre espece: l'esprit rapproche alors en lui - même ces objets, & les considere l'un par rapport à l'autre selon cette vûe particuliere. Or le mot qui n'a d'autre office que de marquer cette considération relative de l'esprit est appellé conjonction.

Par exemple, si je dis que Cicéron & Quintilien sont les auteurs les plus judicieux de l'antiquité, je porte de Quintilien le même jugement que j'énonce de Cicéron: voilà le motif qui fait que je rassemble Cicéron avec Quintilien; le mot qui marque cette liaison est la conjonction.

Il en est de même si l'on veut marquer quelque rapport d'opposition ou de disconvenance; par exemple, si je dis qu'il y a un avantage réel à être instruit, & que j'ajoute ensuite sans aucune liaison qu'il ne faut pas que la science inspire de l'orgueil, j'énonce deux sens séparés: mais si je veux rapprocher ces deux sens, & en former l'un de ces ensembles qu'on appelle période, j'apperçois d'abord de la disconvenance, & une sorte d'éloignement & d'opposition qui doit se trouver entre la science & l'orgueil.

Voilà le motif qui me fait réunir ces deux objets, c'est pour en marquer la disconvenance; ainsi en les rassemblant j'énoncerai cette idée accessoire par la conjonction mais; je dirai donc qu'il y a un avantage réel à être instruit, mais qu'il ne faut pas que cet avantage inspire de l'orgueil; ce mais rapproche les deux propositions ou membres de la période, & les met en opposition.

Ainsi la valeur de la conjonction consiste à lier des mots par une nouvelle modification ou idée accessoire ajoûtée à l'un par rapport à l'autre. Les anciens Grammairiens ont balancé autrefois, s'ils piaceroient les conjonctions au nombre des parties du discours, & cela par la raison que les conjonctions ne représentent point d'idées de choses. Mais qu'estce qu'être partie du discours? dit Priscien, « sinon énoncer quelque concept, quelque affection ou mouvement intérieur de l'esprit:» Quid enim est aliud pars orationis, nisi vox indicans mentis conceptum id est cogitationme? (Prisc. lib. XI. sub initio.) Il est vrai que les conjonctions n'énoncent pas comme font les noms des idées d'êtres ou réels ou métaphysiques, mais elles expriment l'état ou affection de l'esprit entre une idée & une autre idée, entre une proposition & une autre proposition; ainsi les conjonctions supposent toùjours deux idées & deux propositions, & elles font connoître l'espece d'idée accessoire que l'esprit conçoit entre l'une & l'autre.

Si l'on ne regarde dans les conjonctions que la seule propriété de lier un sens à un autre, on doit recon<cb-> noître que ce service leur est commun avec bien d'autres mots: 1°. le verbe, par exemple, lie l'attribut au sujet: les pronoms lui, elle, eux, le, la, les, leur lient une proposition à une autre; mais ces mots tirent leur dénomination d'un autre emploi qui leur est plus particulier.

2°. Il y a aussi des adjectifs relatifs qui font l'office de conjonction; tel est le relatif qui, lequel, laquelle: car outre que ce mot rappelle & indique l'objet dont on a parlé, il joint encore & unit une autre proposition à cet objet, il identifie même cette nouvelle proposition avec l'objet; Dieu que nous adorons est tout - puissant; cet attribut, est tout - puissant, est affirmé de Dieu entant qu'il est celui que nous adorons.

Tel, quel, talis, qualis; tantus, quantus; tot, quot, &c. font aussi l'office de conjonction.

3°. Il y a des adverbes qui, outre la propriété de marquer une circonstance de tems ou de lieu, supposent de plus quelqu'autre pensée qui précede la proposition où ils se trouvent: alors ces adverbes font aussi l'office de conjonction: tels sont afin que: on trouve dans quelques anciens, & l'on dit même encore aujourd'hui en certaines provinces, à celle fin que, ad hunc fiem secundum quem, où vous voyez la préposition & le nom qui font l'adverbe, & de plus l'idée accessoire de liaison & de dépendance. Il en est de même de, à cause que, propterea quod. Parce que, quia; encore, adhuc; déjà, jam, &c. ces mots doivent être considérés comme adverbes conjonctifs, puisqu'ils font en même tems l'office d'adverbe & celui de conjonction. C'est du service des mots dans la phrase qu'on doit tirer leur dénomination.

A l'égard des conjonctions proprement dites, il y en a d'autant de sortes, qu'il y a de différences dans les points de vûe sous esquels notre esprit observe un rapport entre un mot & un mot, ou entre une pensée & une autre pensée; ces différences font autant de manieres particulieres de lier les propositions & les périodes.

Les Grammairiens, sur chaque partie du discours, observent ce qu'ils appellent les accidens; or ils en remarquent de deux sortes dans les conjonctions: 1°. la simplicité & la composition; c'est ce que les Grammairiens appellent la figure. Ils entendent par ce terme, la propriété d'être un mot simple ou d'être un mot composé.

Il y a des conjonctions simples, telles sont &, ou, mais, si, car, ni, aussi, or, donc, &c.

Il y en a d'autres qui sont composées, à moins que, pourvû que, de sorte que, parce que, par consequent, &c.

2°. Le second accident des conjonctions, c'est leur signification, leur effet ou leur valeur; c'est ce qui leur a fait donner les divers noms dont nous allons parler, sur quoi j'ai crû ne pouvoir mieux faire que de suivre l'ordre que M. l'abbé Girard a gardé dans sa Grammaire au traité des conjonctions (les véritab. princ. de la Lang. Franç. xij. disc.) L'ouvrage de M. l'abbé Girard est rempli d'observations utiles, qui donnent lieu d'en faire d'autres que l'on n'auroit peut - être jamais faites, si on n'avoit point lu avec réflexion l'ouvrage de ce digne académicien.

1°. Conjonctions copulatives. Et, ni, sont deux conjonctions qu'on appelle copulatives du Latin copulare, joindre, assembler, lier. La premiere est en usage dans l'affirmation, & l'autre dans la négative; il n'a ni vice ni vertu. Ni vient du nec des Latins, qui vaut autant que & - non. On trouve souvent & au lieu de ni dans les propositions négatives, mais cela ne me paroît pas exact:

Je ne connoissois pas Almanzor & l'Amour.
J'aimerois mieux ni l'Amour. De même: la Poésie n'admet pas les expressions & les transpositions particulieres, qui ne peuvent pas trouver quelquefois leur place [p. 873] en prose dans le style vif & élevé. Il faut dire avec le P. Buffier, la Poésie n'admet ni expression ni transposition, &c.

Observez que comme l'esprit est plus prompt que la parole, l'empressement d'énoncer ce que l'on conçoit, fait souvent supprimer les conjonctions, & surtout les copulatives: attention, soins, crédit, argent, j'ai tout mis en usage pour, &c. cette suppression rend le discours plus vif. On peut faire la même remarque à l'égard de quelques autres conjonctions, surtout dans le style poétique, & dans le langage de la passion & de l'enthousiasme.

2°. Conjonctions augmentatives ou Adverbes conjonctifs - augmentatifs. De plus, d'ailleurs; ces mots servent souvent de transition dans le discours.

3°. Conjonctions alternatives. Ou, sinon, tantot. Il faut qu'une porte soit ouverte ou serntée; lisez ou écrivez. Pratiquez la vertu, sinon vous serez malheureux. Tantôt il rit, tantôt il pleure; tantôt il veut, tantôt il ne veut pas.

Ces conjonctions, que M. l'abbé Girard appelle alternatives parce qu'elles marquent une alternative, une distinction ou séparation dans les choses dont on parle; ces conjonctions, dis - je, sont appellées plus communément disjonctives. Ce sont des conjonctions, parce qu'elles unissent d'abord deux objets, pour nier ensuite de l'un ce qu'on affirme de l'autre; par exemple, on considere d'abord le soleil & la terre, & l'on dit ensuite que c'est, ou le soleil qui tourne autour de la terre, ou bien que c'est la terre qui tourne autour du soleil. De même en certaines circonstances on regarde Pierre & Paul comme les seules personnes qui peuvent avoir fait une telle action; les voilà donc d'abord considerés ensemble, c'est la conjonction; ensuite on les desunit, si l'on ajoûte c'est ou Pierre ou Paul qui a fait cela, c'est l'un ou c'est l'autre.

4°. Conjonctions hypothétiques. Si, soit, pourvû que, à moins que, quand, sauf, M. l'abbé Girard les appelle hypothétiques, c'est - à - dire condition elles, parce qu'en effet ces conjonction, énoncent une condition, une supposition ou hypothese.

Si; il y a un si conditionel, vous deviendrez savant si vous aimez l'étude: si vous aimez l'étude, voilà l'hypothese ou la condition. Il y a un si de doute, je ne sai si, &c.

Il y a encore un si qui vient du sic des Latins; il est si studieux, qu'il deviendra savant; ce si est alors adverbe, si, adeò, à ce point, tellement.

Soit, si; soit gout, soit raison, soit caprice, il aime la retraire. On peut aussi regarder soit, sive, comme une conjonction alternative ou de distinction.

Sauf, défigne une hypothese, mais avec restriction.

5°. Conjonctions adversatives. Les conjontion adveratives rablent les idées, & font servir l'une à contrebalancer l'autre. Il y a sept conjonctions adversatives: mais, quoique, bien que, cependant, pourtant, néanmoin, toutefois.

Il y a des conjonctions que M. l'abbé Girard appelle tensives, parce qu'elles lient par extension de tens; telles sont jusques, encore, aussi, méme, tant que, non, plus, enfin.

Il y a des adverbes de tems que l'on peut aussi regarder comme de véritables conjonctions; par exemple, losque, quand, des que, tanaisque. Le lien que ces mois expriment, consiste dans une correspondance de tems.

6°. D'auties marquent un motif, un but, une raison, afin que, parce que, puisque, car, comme, aussi, attendu que, d'autant que; M. l'abbé Girard prétend (t. II. p. 280.) qu'il faut bien distinguer dautant que, conjonction qu'on écrit sans apostrophe, & d'autant ad<cb-> verbe, qui est toûjours séparé de que par plus, mieux ou moins, d'autant plus que, & qu'on écrit avec l'apostrophe. Le P. Jonbert, dans son dictionnaire, dit aussi dautant que, conjonction; on l'écrit, dit - il, sans apostrophe, quia, quoniam. Mais M. l'abbé Regnier, dans sa Grammaire, écrit d'autant que, conjonction, avec l'apostrophe, & observe que ce mot, qui autrefois étoit fort en usage, est renfermé aujourd'hui au style de chancellerie & de pratique; pour moi je crois que d'autant que & d'autant mieux que sont le même adverbe, qui de plus fait l'office de conjonction dans cet exemple, que M. l'abbé Girard cite pour faire voir que d'autant que est conjonction sans apostrophe; on ne devoit pas si fort le louer, d'autant qu'il ne le méritoit pas; n'est - il pas évident que d'autant que répond à ex eo quod, ex eo momento secundum quod, ex eâ ratione secundum quam, & que l'on pourroit aussi dire, d'autant mieux qu'il ne le méritoit p.is. Dans les premieres éditions de Danet on avoit écrit dautant que sans apostrophe, mais on a corrigé cette faute dans l'édition de 1721; la même faute est aussi dans Richelet. Nicot, dictionnaire 1606, écrit toùjours d'autant que avec l'apostrophe.

7°. On compte quatre conjonctions conclusives, c'est - à - dire qui servent à déduire une conséquence, donc, par conséquent, ainsi, partant: mais ce dernier n'est guere d'usage que dans les comptes où il marque un résultat.

8°. Il y a des conjonctions explicatives, comme lorsqu'il se présente une similitude ou une conformité, en tant que, savoir, sur - tout.

Auxquelles on joint les cinq expressions suivantes qui sont des conjonctions composées, de sorte que, ainsi que, de façon que, c'est - à - dire, si bien que.

On observe des conjonctions transitives, qui marquent un passage ou une transition d'une chose à une autre, or, au reste, quant à, pour, c'est - à - dire à l'égard de; comme quand on dit; l'un est venu: pour l'autre, il est demeuré.

9°. La conjonction que: ce mot est d'un grand usage en François, M. l'abbé Girard l'appelle conjonction conductive, parce qu'elle sert à conduire le sens à son complément: elle est toûjours placée entre deux idées, dont celle qui précede en fait toûjours attendre une autre pour former un sens, de maniere que l'union des deux est nécessaire pour former une continuité de sens: par exemple, il est important que l'on soit instruit de ses devoirs: cette conjonction est d'un grand usage dans les comparaisons; elle conduit du terme comparé au terme qu'on prend pour modele ou pour exemple: les femmes ont autant d'intelligence que les hommes, alors elle est comparative. Enfin la conjonction que sert encore à marquer une restriction dans les propositions négatives; par exemple, il n'est fait mention que d'un tel prédicateur, sur quoi il faut observer que l'on présente d'abord une négation, d'où l'on tire la chose pour la présenter dans un sens affirmatif exclusivement à tout autre: Il n'y avoit dans cette assemblée que tel qui de l'esprit; nous n'avons que pe de ts à vivre, & nous ne cherchons qu'à le perdre. M. l'abbé Girard appelle alors cette conjonction resctive.

Au fond cette conjonction que n'est souvent autre chose que le quod des Latins, pris dans le sens de hoc. Je dis que vous êtes sage, dico quod, c'est - à dico hoc, nempe, vous êtes sage. Que vient aussi quelquefois de quam ou de quanum ou enfin de quot.

Au reste on peut se dipenser de charger sa mémoire des divers noms de chaque sorte de conjonction, parce qu'indépendament de quelqu autre fonction qu'il peut avoir, il lie un mot à un autre mot ou un sens à un autre sens, de la maniere que nous l'avons explique d'abord: ainsi il y a des adverbes & des prépositions qui sont aussi des conjonctions com -

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