ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"808"> les dépositaires de la promesse qu'il a faite d'être avec son Eglise jusqu'à la consommation des siecles, d'empêcher que les portes de l'enfer ne prévalent jamais contr'elle; S. Matthieu, ch. xvj. vers. 18. ch. xxviij. vers. 20. Aussi voyons - nous que le cardinal Bellarmin, lib. I. de conciliis & ecclesiâ, cap. ij. fonde la nécessité des conciles, 1° sur ces paroles de Jesus - Christ, ubi sunt duo vel tres, &c. qui doivent s'entendre des conciles, suivant l'interprétation du concile de Chalcedoine dans la lettre synodale au pape Léon: 2° sur ce que les apôtres ont pratiqué eux - mêmes; quoique chacun d'eux eût une autorité suffisante pour décider les contestations qui s'élevoient, ils ne voulurent pas cependant, sans un concile, prononcer sur l'observation des cérémonies legales, dans la crainte de paroître négliger une voie que Jesus - Christ leur avoit enseignée: 3° sur la coûtume que l'Eglise a observée dans tous les siecles, de tenir concile toutes les fois qu'il s'agissoit de questions douteuses. C'est donc au soin important de conserver l'unité de la foi, c'est à la nécessité d'avoir le sentiment général de l'Eglise, qu'il faut rapporter l'origine des conciles. Un nombre infini de passages des SS. peres, sur - tout l'homelie xxjx. de S. Basile, adversus calumniatores sancta Trinitatis, & sa lettre lxxxij. nous confirment que l'usage de les convoquer est établi sur ces puissans motifs. Les conciles en sont d'autant plus respectables aux yeux des Fideles, puisqu'on leur doit la même vénération qu'à l'Eglise qu'ils représentent.

On divise les conciles en généraux & particuliers. Les généraux ou oecuméniques sont ceux où l'on appelle les évêques de toute la chrétienté. Ces conciles, qui tiennent avec raison le premier rang, offrent une matiere dont les principes ne sont pas admis universellement; c'est pourquoi nous tâcherons de les discuter avec la plus scrupuleuse exactitude: voici l'ordre que nous nous proposons de suivre: Nous verrons 1° par qui ces conciles doivent être indiqués; 2° comment on doit les convoquer; 3° quelle est la matiere qu'on y traite; 4° la forme suivant laquelle se tient le concile; 5° quelle est l'autorité des conciles généraux. A l'égard de la premiere question, si l'on consulte les neut premiers siecles de l'Eglise, ils semblent déposer en faveur des princes. En effet, nous trouvons que pendant ce long espace de tems, les princes ont été en possession de convoquer les conciles généraux; c'est ce qu'il nous est facile de démontrer en marquant la suite des conciles. Le premier concile général, tenu à Nicée l'an 325, sous le consulat de Paulin & de Julien, fut indiqué & convoqué par Pempereur Constantin, suivant le témoignage d'Eusebe auteur contemporain, vie de Constantin, liv. III. chap. vj. où il dit que ce prince convoqua le concile & invita par ses lettres les évêques de s'y trouver au - plùtôt. Socrate, liv. I. ch. viij. Sozomene, liv. I. ch. xvij. & enfin Théodoret, liv. I. ch. vij. non - seulement sont d'accord sur ce point avec Eusebe, mais même aucun de ces écrivains ne fait mention que le pape Sylvestre eut part à cette convocation, ce qu'ils n'eussent point omis, s'il étoit vrai qu'on eût assemblé le concile par les ordres du pape. M. Bignon, qui est de cet avis, cite Ruffin, liv. X. ch. j. où cet auteur rapporte que le concile fut indiqué par Constantin d'après le sentiment des évê ques. Mais les paroles de Ruffin ne signifient rien autre chose, sinon que l'empereur avant d'assembler le concile demanda aux évêques leur avis, ce qui n'empêche pas qu'il n'ait, en le convoquant, fait un acte d'autorité; les princes ne rougissent point de consulter ceux de leurs sujets en qui ils ont le plus de confiance, & les ordres qu'ils donnent ensuite n'en sont pas moins émanés du trône. Le second concile général, ou le premier de Constantinople, qui se tint l'an 381, sous le consulat de Siagre & d'Eucher, fut convoqué par l'autorité seule de Théodose le Grand. Aucun historien n'attribue la convocation de ce concile au pape Damase, qui occupoit alors le saint siége; personne même n'y assista de sa part. M. Doujat néanmoins pense le contraire, se fondant sur le témoignage tiré de la lettre synodale que rapporte Théodoret, liv. I. ch. jx. Dans cette lettre les P P. du concile de Constantinople assurent le pape Damase qu'ils se sont assemblés dans cette ville, conformément, disent - ils, aux lettres que votre révérence a écrites l'année précédente, après le concile d'Aquilée, au très - religieux empereur Théodose. Mais il est à remarquer, 1° que cette lettre n'est pas simplement adressée au pape Damase, mais encore à Ambroise, Britton, & plusieurs autres, dont les noms sont à la tête de la lettre, & même à tous les évêques qui pour lors tenoient un concile à Rome: 2° que cette lettre n'est point des PP. du premier concile de Constantinople, mais d'un autre concile de Constantinople qu'on ne compte point parmi les conciles oecuméniques, & qui se tint l'année suivante 382, après le concile d'Aquilée. Dans le courant de l'année 381, immédiatement après le premier concile de Constantinople, on avoit tenu celui d'Aquilée; & dans ce concile les peres écrivirent à Théodose, & le supplierent d'assembler un concile à Alexandrie pour appaiser les dissensions de l'église d'Orient L'empereur touché de la priere des Occidentaux, convoqua un autre concile, non à Alexandrie, mais à Constantinople; c'est de la convocation de ce second concile de Constantinople dont parlent les Orientaux dans la lettre dont il est ici question, & qu'ils adresserent aux mêmes évêques qui s'étoient auparavant assemblés au concile d'Aquilée. Le troisieme concile général, ou le premier d'Ephese, tenu l'an 431, sous le consulat d'Annius Bassus & de Flavius Antiochus, fut convoqué par Théodose le jeune: nous en avons la preuve dans la lettre de ce prince à Cyrille, patriarche d'Alexandrie, & aux métropolitains, partie premiere du concile d'Ephese, ch. xxxij. om. III. des conciles, pag. 436. Théodose leur ordonne par cette lettre, de se trouver après la pâque prochaine, le jour même de la pentecôte, dans la ville d'Ephese pour y tenir concile. Le pape Célestin non - seulement envoya ses légats pour se conformer aux intentions de l'empereur, mais il reconnoît encore expressément que le concile fut convoqué par ce prince, dans la lettre qu'il lui écrit. Ces paroles de la lettre sont remarquables: Huic synodo, dit le pape, quam esse jussistis, nostram prasentiam in his quos mittimus, exhibemus: tom. III. des conciles, pag. 619. Le concile de Chalcedoine, ou le quatrieme concile général, fut célebré l'an 451, à la vérité sur les vives instances de S. Léon, pour lors souverain pontife; mais ce fut l'empereur Marcien qui le convoqua, comme le prouvent deux lettres impériales, à la tête desquelles sont les noms de Valentinien & de Marcien. L'une de ces lettres est adressée à tous les évêques de ce tems - là, & l'autre à Anastase évêque de Constantinople, partie premiere du concile de Chalcedoine, chap. xxxvj. & xxxvij. tom. IV. des conciles, p. 66. & 67. Marcien leur enjoint de s'assembler aux prochaines kalendes de Septembre, dans la ville de Nicée de la province de Bithinie, pour y tenir concile. On a une autre lettre de l'empereur, par laquelle il transfere le concile de Nicée à Chalcedoine, tom. IV. des conciles, p. 70. La raison de ce changement fut qu'il vouloit assister au concile, & que ne pouvant aller à Nicée, il lui étoit plus commode qu'on le tînt à Chalcedoine, ville située dans le voisinage de la capitale de l'empire. Le pape Léon est bien éloigné de desavoüer que cette convocation du concile ait été faite par le prince Fraterna universitas, dit - il lettre lxj. ou lxxxvij. sui<pb-> [p. 809] vant les nouvelles éditions, & omnium fidelium corda cognoscant, me non solum per fratres qui vicem meam exsecuti sunt, sed etiam per approbationem gestorum synodalium propriam vobiscum inivisse sententiam, in solâ videlicet sidei causâ, quod sape dicendum est, propter quam generale concilium ex praecepto christianoum principum & ex consensu apostolica sedis placuit congregari. On voit aslez clairement par ces paroles, que Leon distingue l'ordre des princes du consentement du saint siege. D'ailleurs plusieurs autres lettres de ce pape nous apprennent qu'il avoit consenti avec peine que le concile se tînt en Olient, aimant mieux qu'il se célebrât en Italie. Or s'il eût crû que le droit d'indiquer le concile lui eût appartenu, il n'eût pas manqué, vû les dispositions où il étoit, de le convoquer dans une des villes d'ltalie. Le cinquieme concile oecuménique, ou le second de Constantinople, fut indiqué par Justinien. Evagre, liv. IV. ch. xxxvij. Nicephore, liv. XVII. chap. xxvij. Nous avons de plus une lettre de cet empereur, dans laquelle il annonce qu'il a mandé à Constantinople les métropolitains; &, ce qui est digne de remarque, il y prescrit aux peres du concile l'ordre suivant lequel on y traitera les différentes affaires. tom. V. des conciles, pag. 419. Vigile, sous le pontificat duquel se tint le concile l'an 553, étoit pour lors à Constantinople. Il fut invité d'y assister, mais il le refusa; & quoiqu'il eût condamné par son judicatum la doctrine impie de Théodore de Mopsueste, il desaprouva au cómmencement la conduite du concile, en ce qu'il prononçoit l'excommunication & l'anatheme contre des morts, qui, selon lui, devoient être abandonnés au jugement de Dieu. Cependant le pape dans la suite changea d'avis, & six mois après la conclusion du concile, ratifia tout ce qui s'y etoit passé. Le sixieme concile général, ou le troisieme de Constantinople, fut indiqué par l'empereur Constantin Pogonat, & tenu contre les Monothelites l'an 680 & 681, en présence des légats d'Agathon, souverain pontife. Constantin avoit écrit à ce sujet au pape Domne, prédécesseur d'Agathon, & l'avoit invité d'envoyer au concile des personnes qui pussent y être atiles, qui fussent versées dans la connoissance des saintes écritures, & recommandables par leur modestie. La lettre est rapportée tom. VI. des conciles, pag. 594. on y trouve aussi la réponse d'Agathon, successeur du pape Domne, dont on fit lecture dans l'action quatrieme du même concile, tom. VI. pag. 630. Il déclare dans cette réponse, que pour obeir efficacement & comme il le doit aux ordres de l'empereur, il a fait choix de personnes telles que le prince les demande, & qu'il les envoie à Constantinople. Le septieme concile général, ou le second de Nicée, fut convoqué l'an 785 par l'impératrice Irene & Constantin son fils. C'est ce que nous apprend la letre impériale adressée au pape Adrien premier, par laquelle on l'invite de se trouver au concile qui devoit se tenir incessamment: tom. V II. des conciles, pag. 32. Ce souverain pontife envoya en effet des légats qui assisterent au concile, & lui - même ensuite en ratifia les actes. Enfin le huitieme concile général ou le quatrieme de Constantinople, fut indiqué par l'empereur Basile surnommé le Macédonien, dans un tems où Rome & l'Italie ne faisoient plus partie de l'empire d'Orient. Ce concile se tint l'an 869 sous le pontificat d'Adrien II. qui en approuva la décision. Nous trouvons la preuve que la convocation fut faite par l'empereur Basile, dans l'histoire de ce concile écrite par Anastase le bibliothecaire, & dans l'action cinquieme du même concile, telle qu'Anastase l'a traduite en Latin. On y rapporte qu'Hélie prêtre & syncelle de l'église de Jérusalem voulant prouver la légitimité du concile, adressa la parole en ces termes aux peres dont il étoit composé: Scitis quia in pr - teritis temporibus imperatores erant qui congregabant synodos, & ex toto terrarum orbe vicarios ad dispositionem hujusmodi causarum colligebant; quorum more, & Dei cultor imperator noster universalem hanc synodum fecit, &c. Anastase remarque dans une note marginale qu'il est ici question des conciles généraux, & que les conciles particuliers n'ont jamais, ou rarement, été convoqués par les empereurs. Nous verrons dans la suite si cette observation est juste.

On ne peut donc pas douter que pendant un tems très - considérable les princes n'ayent convoqué les conciles généraux. Mais étoient - ils en droit de le faire? étoit - ce une usurpation de leur part? c'est ce qu'une simple réflexion va décider. Les princes ont été établis par Dieu même pour gouverner les peuples & maintenir l'ordre public dans l'étendue de leur domination: d'un autre côté la conservation de la religion contribue au bien & à la tranquillité de l'état; or il n'y a point de voie plus sûre pour préserver la religion de toute atteinte, que d'assembler des conciles; c'est par eux que la vérité se fait jour, que la saine doctrine se trouve raffermie jusque dans ses fondemens, que les liens de la charité & de la communion fraternelle sont resserrés entre les fideles. Cela étant ainsi, on a crû avec raison pendant les premiers siecles de l'Eglise, que le droit de convoquer les conciles appartenoit à celui qui en vertu de la dignité dont il est revêtu, se trouve chargé du soin de veiller au bien de l'état. Ajoûtez à cela que lorsqu'il s'agit de la soi & des moeurs, les hommes impies ou déreglés se servent de toute sorte de ruses, soit pour éviter une condamnation, soit pour se soustraire à la peine prononcée contr'eux; que d'ailleurs l'Eglise n'a point de puissance coactive, mais simplement la voie de l'exhortation, & ne peut mettre en usage que des peines spirituelles & médicinales. Il est donc nécessaire de recourir à ceux qui sont armés du glaive, c'est - à - dire aux princes, afin que personne n'ose résister aux conciles assemblés par leur autorité.

Ce sentiment à la vérité est entierement opposé à celui qu'embrasse Gratien dans la distinction dixseptieme de son decret, où il suppose comme un principe incontestable, que le droit de convoquer les conciles généraux n'appartient qu'au saint siége. De - là même les interpretes ont conçû ainsi la rubrique de cette distinction: Papa est generalia concilia congregare. Gratien y a rassemblé tous les canons qu'il a cru favorables à cette prétention des souverains pontifes. Mais un court examen de ces canons appuyé sur la saine critique, en détruira bien - tôt l'authenticité.

Dans le premier canon il est dit que l'empereur ne peut régulierement célébrer un concile sans l'autorité du pape, ni condamner un évêque si - tôt qu'il a une fois appellé au saint siége: mais ce canon est tiré de la fausse decrétale du pape Marcel au tyran Maxence. Nous disons qu'elle est fausse, non - seulement parce que ce vice est commun à toutes les decrétales attribuées aux souverains pontifes qui ont précédé le pape Sirice; mais encore parce que le contexte entier de la lettre qui est remplie de barbarismes, & qui contient divers passages de l'Ecriture tirés de la version appellée vulgate, très - postérieure au pape Marcel, nous fournit des preuves de fausseté qui sont particulieres à cette decrétale. D'ailleurs, est - il vraissemblable que le tyran Maxence, prince idolatre, ait jamais pensé à assembler un concile d'évêques, & conséquemment que le pape Marcel ait eu lieu de lui tenir un pareil langage, savoir qu'il ne peut célébrer un concile sans l'autorité du saint siége? Enfin, quand même Maxence n'auroit point été livré à la superstition du paganisme, le pape auroit - il pù lui dire qu'il n'a plus le droit de condamner un

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