ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"697"> ment un avantage pour l'exportation, sur ceux qui le sont moins. Enfin plus les denrées seront nécessaires & parfaites, plus la dépendance des étrangers sera grande.

Une grande population est un des avantages qui met un peuple en état de fournir le plus qu'il est possible aux besoins des autres peuples; & réciproquement, son commerce extérieur occupe tous les hommes que le commerce intérieur n'auroit pû nourrir.

La population dépend de la facilité que trouvent les citoyens à se procurer une subsistance aisée par le travail, & de leur sûreté. Si ce travail ne suffit pas à leur subsistance, il est d'expérience qu'ils vont se la procurer dans d'autres états. Aussi lorsque des circonstances extraordinaires ont causé ces nonvaleurs, le législateur a soin d'en prévenir les effets: il nourrit ses ouvriers, ou leur fournit du travail. De ce que la population est si nécessaire, il s'ensuit que l'oisiveté doit être reprimée: les maisons de travail sont le principal remede que les peuples policés y employent.

Un peuple ne fournira rien aux autres, s'il ne donne ses denrées à aussi bon marché que les autres peuples qui possedent les mêmes denrées: s'il les vend moins cher, il aura la préférence dans leur propre pays.

Quatre moyens y conduisent sûrement: la concurrence, l'OEconomie du travail des hommes, la modicité des frais d'exportation, & le bas prix de l'intérét de l'argent.

La concurrence produit l'abondance, & celle - ci le bon marché des vivres, des matieres premieres, des artistes, & de l'argent. La concurrence est un des plus importans principes du Commerce, & une partie considérable de sa liberté. Tout ce qui la gêne ou l'altere dans ces quatre points, est ruineux pour l'état, diamétralement opposé à son objet, qui est le bonheur & la subsistance aisée du plus grand nombre d'hommes possible.

L'OEconomie du travail des hommes consiste à le suppléer par celui des machines & des animaux lorsqu'on le peut à moins de frais, on que cela les conserve: c'est multiplier la population, bien loin de la détruire. Ce dernier préjugé s'est soûtenu plus longtems dans les pays qui ne s'occupoient que du commerce intérieur: en effet, si le commerce extérieur est médiocre, l'objet général ne seroit pas rempli si l'intérieur n'occupoit le plus d'hommes qu'il est possible. Mais si le commerce extérieur, c'est - à - dire, la navigation, les colonies, & les besoins des autres peuples peuvent occuper encore plus de citoyens qu'il ne s'en trouve, il est nécessaire d'OEconomiser leur travail pour remplir de son mieux tous ces objets. L'expérience démontre, comme nous l'avons déjà remarqué, que l'on perd son commerce lorsque l'on ne cultive pas tout celui que l'on pourroit entreprendre. Enfin il est évident que la force d'un corps politique dépend du meilleur & du plus grand emploi des hommes, qui lui attirent ses richesses politiques: combinaison qu'il ne faut jamais perdre de vûe. L'OEconomie du travail des hommes ne détruira donc point la population, lorsque le législateur ne fera que détourner avec précaution leur travail d'un objet à un autre: ce qui est la matiere d'une police particuliere.

La modicité des frais d'exportation est la troisieme source du bon marché, & par conséquent de la vente des productions d'un pays.

Ces frais sont ceux du transport, & les droits de sortie. Le transport se fait ou par terre, ou par eau. Il est reconnu que la voiture par terre est infiniment plus coûteuse. Ainsi dans les états commerçans, les canaux pour suppléer au défaut des rivieres navigables, l'entretien & la commodité de celles - ci, la franchise absolue de cette navigation intérieure, sont une partie essentielle de l'administration.

Les droits des doüanes (voyez Douane), soit à la sortie, soit dans l'intérieur, sur les productions d'une nation, sont les frais auxquels les étrangers se soûmettent avec le plus de peine. Le négociant les regarde comme un excédent de la valeur réelle, & la politique les envisage comme une augmentation de richesse relative.

Les peuples intelligens, ou suppriment ces droits à la sortie de leurs productions, ou les proportionnent au besoin que les autres peuples en ont; surtout ils comparent le prix de leurs productions rendues dans le lieu de la consommation, avec le prix des mêmes productions fournies en concurrence par les nations rivales. Cette comparaison est très - importante: quoiqu'entre deux peuples manufacturiers la qualité & le prix d'achat des étoffes soient semblables, les droits de sortie ne doivent pas être les mêmes, si le prix du transport n'est pas égal: la plus petite différence décide le consommateur.

Quelquefois le législateur au lieu de prendre des droits sur l'exportation, l'encourage par des récompenses. L'objet de ces récompenses est d'augmenter le profit de l'ouvrier, lorsqu'il n'est pas assez considérable pour soûtenir un genre de travail utile en concurrence: si la gratification va jusqu'à diminuer le prix, la préférence de l'étranger pendant quelques années, suffit pour établir cette nouvelle branche de commerce, qui n'aura bientôt plus besoin de soûtien. L'effet est certain; & la pratique n'en peut être que salutaire au corps politique, comme l'est dans le corps humain la communication qu'un membre fait à l'autre de sa chaieur, lorsqu'il en a besoin.

Un peuple ne forniroit point aux autres le plus qu'il est possible, s'il ne faisoit que le commerce de ses propres denrées. Chacun sait par sa propre expérience, qu'il est naturel de se pourvoir de ses besoins dans le magasin qui a les plus grands assortimens, & que la variété des marchandises provoque les besoins. Ce qui se passe chez un marchand, arrive dans la communication générale.

Les peuples commerçans vont chercher chez d'autres peuples les denrées qui leur manquent, pour les distribuer à ceux qui les consomment. Cette espece de commerce est proprement le commerce d'OEconomie. Une nation habile ne renonce à aucun; & quoiqu'elle ait un grand commerce de luxe, si elle a beaucoup d'hommes & beaucoup d'argent à bon marché, il est évident qu'elle les fera tous avec succès. J'avancerai plus: le moment où ses négocians y trouveront de l'avantage, sera l'époque la plus sure de sa richesse.

Parmi ces denrées étrangeres, il en est dont le législateur a défendu l'usage dans le commerce intérieur; mais, comme nous l'avons remarqué, il est dans un état forcé dans la partie du commerce extérieur.

Pour ne pas priver la nation du profit qu'elle peut faire sur les marchandises étrangeres, & accroître conséquemment sa richesse relative, dans quelques états on a établi des ports où l'on permet l'importation franche de tout ce qu'il est avantageux de réexporter: on les appelle ports - francs. Voyez Port franc.

Dans d'autres états, on entrepose ces marchandises; & pour faciliter la réexportation générale des denrées étrangeres, même permises, lorsqu'elle se fait on rend la totalité ou partie des droits d'entrée.

Le commerce extérieur d'un peuple ne sera point à son plus haut degré de perfection, si son superflu n'est exporté, & si ses besoins ne lui sont importés de la maniere la plus avantageuse pour lui.

Cette exportation & cette importation se font ou par ses propres vaisseaux, ou par ceux d'une autre nation; voyez Navigation: par des commission<pb-> [p. 698] naires nationaux, ou par des commissionnaires étrangers. Voyez Commissionnaires.

Ainsi il y a un commerce actif & un commerce passif. Il est évident que le commerce passif diminue le bénéfice de l'exportation, & augmente le prix de l'importation. Il est contraire à l'objet du commerce dans un état, puisqu'il dérobe à son peuple le travail & les moyens de subsister; il en arrête l'effet, puisqu'il diminue la richesse relative de cet état.

Le commerce passif produit encore un autre desavantage: la nation qui s'est emparée du commerce actif d'une autre, la tient dans sa dépendance; si leur union vient à cesser, celle qui n'a qu'un commerce passif reste sans vigueur: son agriculture, son industrie, ses colonies sont dans l'inaction, sa population diminue, jusqu'à ce que par des efforts dont les progrès sont toûjours lents & incertains, elle reprenne un commerce passif.

La différence qui résulte de la compensation des exportations & des importations pendant un certain espace de tems, s'appelle la balance du Commerce. Elle est toûjours payée ou reçûe en argent; puisque l'échange des denrées contre les métaux qui en font la mesure, est indispensable lorsque l'on n'a plus d'autre équivalent à donner. Les états soldent entre eux comme les particuliers.

Ainsi lorsque la balance du commerce d'une nation lui est avantageuse, son fonds capital des richesses de convention est augmenté du montant de cette balance: si elle est desavantageuse, le fonds capital est diminué de toute la somme qui a été payée.

Cette balance doit être envisagée comme particuliere & comme générale.

La balance particuliere est celle du commerce entre deux états: elle est l'objet des traités qu'ils font entre eux, pour établir autant qu'il se peut l'égalité du commerce. Ces traités reglent la nature des denrées qu'ils pourront se communiquer l'un à l'autre; les facilités qu'ils apporteront réciproquement à leur introduction; les droits que les marchandises payeront aux doüanes soit d'entrée, soit de l'intérieur.

Si deux nations n'avoient que les mêmes especes de productions à se communiquer, elles n'auroient point de traité entre elles que celui de l'humanité & du bon traitement des personnes; parce que celle des deux qui auroit l'avantage sur l'autre, envahiroit enfin son commerce intérieur & extérieur: alors le commerce est réduit entre ces deux nations à celui qu'une troisieme leur occasionne par la réexportation dont nous avons parlé.

L'égalité parfaite du commerce entre deux peuples est celle des valeurs, & du nombre d'hommes nécessairement occupés de part & d'autre. Il est presqu'impossible qu'elle se rencontre, & l'on ne calcule ordinairement que l'égalité des valeurs.

Quoique l'on n'évalue pas le nombre des hommes, il semble qu'il devroit être considéré suivant la nécessité réciproque de l'échange. Si la balance n'est pas égale, la différence du nombre des hommes réciproquement employés, ne doit point être considérée par celui qui la gagne: car il est certain que la somme payée en argent augmentera chez lui la circulation intérieure, & par conséquent procurera une subsistance aisée à un plus grand nombre d'hommes.

Lorsqu'un pays est dans la disette absolue d'une denrée, la facilité que l'on apporte pour le rapprocher de l'égalité du commerce dépend du point de concurrence où est cette denrée: car si d'autres peuples la possedent également, & qu'ils offrent de meilleures conditions, on perdra l'occasion de vendre la sienne. Si cet état n'a d'échange à offrir que des marchandises de même genre & de même espece, il convient d'abord de comparer le produit & les avanta<cb-> ges de la vente que l'on peut y faire de sa propre denrée, avec la perte qui pourroit résulter de l'introduction des denrées étrangeres; ensuite les moyens que l'on a pour soûtenir leur concurrence, & la rendre nulle.

Enfin la confection d'un pareil traité exige une profonde connoissance du commerce des deux nations contractantes, de leurs ressources réciproques, de leur population, du prix & de la qualité des matieres premieres, du prix des vivres & de la main - d'uvre, du genre d'industrie, des besoins réciproques, des balances particulieres & générales, des finances, du taux de l'intérêt qui étant bas chez une nation & haut chez l'autre, fait que celle - ci perd où la premiere gagne; il peut arriver que la balance du commerce avec un pays soit desavantageuse, & que le commerce en soit utile, c'est - à - dire qu'il soit l'occasion ou le moyen nécessaire d'un commerce qui dédommage avec profit de cette perte.

La balance générale du commerce d'une nation est la perte ou le gain qui résultent de la compensation des balances particulieres.

Quand même le montant des exportations générales auroit diminué, si celui des importations l'est dans la même proportion, l'état n'a point perdu de son commerce utile; parce que c'est ordinairement une preuve que son commerce intérieur aura occupé un plus grand nombre d'hommes.

Par la même raison, quoique les exportations générales soient moindres, si les importations ont diminué dans une plus grande proportion, le commerce utile s'est accru.

Il est évident qu'entre divers peuples, celui dont la balance générale est constamment la plus avantageuse, deviendra le plus puissant; il aura plus de richesses de convention, & ces richesses en circulant dans l'intérieur, procureront une subsistance aisée à un plus grand nombre de citoyens. Tel est l'effet du Commerce, quand il est porté à sa perfection dans un corps politique: c'est à les lui procurer que tendent les soins de l'administration; c'est par une grande supériorité de vûes, par une vigilance assidue sur les démarches, les réglemens, & les motifs des peuples en concurrence, enfin par la combinaison des richesses réelles & relatives, qu'elle y parvient. Les circonstances varient à l'infini, mais les principes sont toûjours les mêmes; leur application est le fruit du génie qui en embrasse toutes les faces.

Les restrictions que l'intérêt politique apporte au Commerce, ne peuvent être appellées une géne; cette liberté si souvent citée & si rarement entendue, consiste seulement à faire facilement le commerce que permet l'intérêt général de la société bien entendu.

Le surplus est une licence - destructive du Commerce même. J'ai parlé de l'intérét général bien entendu, parce que l'apparence d'un bien n'en est pas toûjours un.

Les fraudes & la mauvaise foi ne peuvent être proserites trop sévérement: l'examen de ces points exige des formalités: leur excès détruit la liberté, leur oubli total introduit la licence: on ne doit donc pas les retrancher tout - à - fait ces formalités, mais les restraindre, & pourvoir à l'extrème facilité de leur exécution.

Nous avons déjà prouvé la nécessité de la concurrence; elle est l'ame de la liberté bien entendue.

Cette partie de l'administration est une des plus délicates: mais ses principes rentrent toûjours dans le plan qui procure à l'état une balance générale plus avantageuse qu'à ses voisins.

Nous nous sommes proposé d'examiner le Commerce comme l'occupation d'un citoyen. Nous n'en parlerons que relativement au corps politique.

Puisque le Commerce en est l'ame, l'occupation

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