ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"772"> la portée & le caractere des voix & des instrumens; les chants qui sont de facile ou difficile exécution; ce qui fait de l'effet & ce qui n'en fait pas; sentir le caractere des différentes mesures, celui des différentes modulations, pour appliquer toûjours l'une & l'autre à propos; savoir toutes les regles particulieres que le goût a établies, comme les fugues, les imitations, les canons, les basses - contraintes (Voy. ces mots); & enfin être capable de saisir ou de former l'ordonnance de tout un ouvrage, d'en suivre les nuances, & de se remplir en quelque maniere de l'esprit du poëte, sans s'amuser à courir après les mots. C'est avec raison que nos musiciens ont donné le nom de paroles aux poëmes qu'ils mettent en chant. On voit bien en effet par leur maniere de les rendre, que ce ne sont pour eux que des paroles.

Les regles fondamentales de la composition sont toûjours les mêmes; mais elles reçoivent plus ou moins d'extension ou de relâchement, selon le nombre des parties: car à mesure qu'il y a plus de parties, la composition devient plus difficile, & les regles sont aussi moins séveres. La composition à deux parties s'appelle duo, quand les deux parties chantent également, & que le sujet (Voyez ce mot) est partagé entre elles. Que si le sujet est dans une partie seulement, & que l'autre ne fasse qu'accompagner, on appelle alors la premiere récit, ou solo, & l'autre accompagnement, ou basse - continue si c'est une basse. Il en est de même du trio ou de la composition à trois parties, du quatuor, du quinque, &c. Voyez ces mots.

On compose, ou pour les voix seulement, ou pour les seuls instrumens, ou pour les instrumens & les voix. Les chansons sont les seules compositions qui ne soient que pour les voix; encore y joint - on souvent quelqu'accompagnement pour les soûtenir. Voyez Accompagnement. Les compositions instrumentales sont pour un choeur d'orchestre, & alors elles s'appellent symphonies, concerto; ou pour quelqu'espece particuliere d'instrument, & elles s'appellent sonates. Voyez ces mots.

Quant aux compositions destinées pour les voix & pour les instrumens, elles se divisent parmi nous en deux especes principales; savoir musique latine ou musique d'église, & musique françoise. Les musiques destinées pour l'église, soit pseaumes, hymnes, antiennes, répons, portent le nom générique de motets. Voyez ce mot. La musique françoise se divise encore en musique de théatre, comme nos opéra, & en musique de chambre, comme nos cantates ou cantatilles. Voyez aussi les mots Cantate, Opéra, &c. En général la musique latine demande plus de science de composition; la musique françoise, plus de génie & de goût. Voyez Compositfur. (S)

Composition, (Page 3:772)

* Composition, en Peinture; c'est la partie de cet art qui consiste à représenter sur la toile un sujet quel qu'il soit, de la maniere la plus avantageuse. Elle suppose 1°. qu'on connoît bien, ou dans la nature, ou dans l'histoire, ou dans l'imagination, tout ce qui appartient au sujet; 2°. qu'on a reçû le génie qui fait employer toutes ces données avec le goût convenable; 3°. qu'on tient de l'étude & de l'habitude au travail le manuel de l'art, sans lequel les autres qualités restent sans effet.

Un tableau bien composé est un tout renfermé sous un seul point de vûe, où les parties concourent à un même but, & forment par leur correspondance mutuelle un ensemble aussi réel, que celui des membres dans un corps animal; ensorte qu'un morceau de peinture fait d'un grand nombre de figures jettées au hasard, sans proportion, sans intelligence, & sans unité, ne mérite non plus le nom d'une véritable composition, que des études éparses de jambes, de nez, d'yeux, sur un même carton, ne méritent celui de portrait, ou même de figure humaine.

D'où il s'ensuit que le peintre est assujetti dans sa composition aux mêmes lois, que le poëte dans la sienne; & que l'observation des trois unités, d'action, de lieu, & de tems, n'est pas moins essentielle dans la peinture historique que dans la poésie dramatique.

Mais les lois de la composition étant un peu plus vagues dans les autres peintures que dans l'historique, c'est à celle - ci sur - tout que nous nous attacherons, observant seulement de répandre dans le cours de cet article les regles communes à la représentation de tous les sujets, historiques, naturels, ou poétiques.

De l'unité de tems en Peinture. La loi de cette unité est beaucoup plus sévere encore pour le peintre que pour le poëte: on accorde vingt - quatre heures à celui - ci, c'est - à - dire qu'il peut, sans pécher contre la vraissemblance, rassembler dans l'intervalle de trois heures que dure une représentation, tous les évenemens qui ont pû se succéder naturellement dans l'espace d'un jour. Mais le peintre n'a qu'un instant presque indivisible; c'est à cet instant que tous les mouvemens de sa composition doivent se rapporter: entre ces mouvemens, si j'en remarque quelques - uns qui soient de l'instant qui précede ou de l'instant qui suit, la loi de l'unité de tems est enfreinte. Dans le moment où Calchas leve le couteau sur le sein d'Iphigénie, l'horreur, la compassion, la douleur, doivent se montrer au plus haut degre sur les visages des assistans; Clitemnestre furieuse s'élancera vers l'autel, & s'efforcera, malgré les bras des soldats qui la retiendront, de saisir la main de Calchas, & de s'opposer entre sa fille & lui; Agamemnon aura la tête couverte de son manteau, &c.

On peut distinguer dans chaque action une multitude d'instans différens, entre lesquels il y auroit de la maladresse à ne pas choisir le plus intéressant; c'est, selon la nature du sujet, ou l'instant le plus pathétique, ou le plus gai ou le plus comique; à moins que des lois particulieres à la peinture n'en ordonnent autrement; que l'on ne regagne du côté de l'effet des couleurs, des ombres & des lumieres, de la disposition générale des figures, ce que l'on perd du côté du choix de l'instant & des circonstances propres à l'action; ou qu'on ne croye devoir soûmettre son goût & son génie à une certaine puérilité nationale, qu'on n'honore que trop souvent du nom de délicatesse de goût. Combien cette délicatesse qui ne permet point au malheureux Philoctete de pousser des cris inarticulés sur notre scene, & de se rouler à l'entrée de sa caverne, ne bannit - elle pas d'objets intéressans de la Peinture!

Chaque instant a ses avantages & ses desavantages dans la Peinture; l'instant une fois choisi, tout le reste est donné. Prodicus suppose qu'Hercule dans sa jeunesse, après la défaite du sanglier d'Erimanthe, fut accueilli dans un lieu solitaire de la forêt par la déesse de la gloire & par celle des plaisirs, qui se le disputerent: combien d'instans différens cette fable morale n'offriroit - elle pas à un peintre qui la choisiroit pour sujet? on en composeroit une galerie. Il y a l'instant où le héros est accueilli par les déesses; l'instant où la voix du plaisir se fait entendre; celui où l'honneur parle à son coeur; l'instant où il balance en lui - même la raison de l'honneur & celle du plaisir; l'instant où la gloire commence à l'emporter; l'instant où il est entierement décidé pour elle.

A l'aspect des déesses il doit être saisi d'admination & de surprise: il doit s'attendrir à la voix du plaisir; il doit s'enflammer à celle de l'honneur: dans l'instant où il balance leurs avantages, il est rêveur, incertain, suspendu; à mesure que le combat intérieur augmente, & que le moment du sacrifice ap<pb-> [p. 773] proche, le regret, l'agitation, le tourment, les angoisses, s'emparent de lui: & premitur ratione animus, vincique laborat.

Le peintre qui manqueroit de goût au point de prendre l'instant où Hercule est entierement décidé pour la gloire, abandonneroit tout le sublime de cette fable, & seroit contraint de donner un air affligé à la déesse du plaisir qui auroit perdu sa cause; ce qui est contre son caractere. Le choix d'un instant interdit au peintre tous les avantages des autres. Lorsque Calchas aura enfoncé le couteau sacré dans le sein d'Iphigénie, sa mere doit s'évanoüir; les efforts qu'elle feroit pour arrêter le coup sont d'un instant passé: revenir sur cet instant d'une minute, c'est pécher aussi lourdement que d'anticiper de mille ans sur l'avenir.

Il y a pourtant des occasions où la présence d'un instant n'est pas incompatible avec des traces d'un instant passé: des larmes de douleur couvrent quelquefois un visage dont la joie commence à s'emparer. Un peintre habile saisit un visage dans l'instant du passage de l'ame d'une passion à une autre, & fait un chef - d'oeuvre. Telle est Marie de Medicis dans la galerie du Luxembourg; Rubens l'a peinte de maniere que la joie d'avoir mis au monde un fils n'a point effacé l'impression des douleurs de l'enfantement. De ces deux passions contraires, l'une est présente, & l'autre n'est pas absente.

Comme il est rare que notre ame soit dans une assicte ferme & déterminée, & qu'il s'y fait presque toûjours un combat de différens intérêts opposés, ce n'est pas assez que de savoir rendre une passion simple; tous les instans délicats sont perdus pour celui qui ne porte son talent que jusque - là: il ne sortira de son pinceau aucune de ces figures qu'on n'a jamais assez vûes, & dans lesquelles on apperçoit sans cesse de nouvelles finesses, à mesure qu'on les considere: ses caracteres seront trop décidés pour donner ce plaisir; ils frapperont plus au premier coup d'oeil, mais ils rappelleront moins.

De l'unité d'action. Cette unité tient beaucoup à celle de tems: embrasser deux instans, c'est peindre à la fois un même fait sous deux points de vûe différens; faute moins sensible, mais dans le fond plus lourde que celle de la duplicité de sujet. Deux actions ou liées, ou même séparées, peuvent se passer en même tems, dans un même lieu; mais la présence de deux instans différens implique contradiction dans le même fait; à moins qu'on ne veuille considérer l'un & l'autre cas comme la représentation de deux actions différentes sur une même toile. Ceux d'entre nos poëtes qui ne se sentent pas assez de génie pour tirer cinq actes intéressans d'un sujet simple, fondent plusieurs actions dans une, abondent en épisodes, & chargent leurs pieces à proportion de leur stérilité. Les peintres tombent quelquefois dans le même défaut. On ne nie point qu'une action principale n'en entraîne d'accidentelles; mais il faut que celles - ci soient des circonstances essentielles à la précédente: il faut qu'il y ait entre elles tant de liaison & tant de subordination, que le spectateur ne soit jamais perplexe. Variez le massacre des Innocens en tant de manieres qu'il vous plaira; mais qu'en quelqu'endroit de votre toile que je jette les yeux, je rencontre par - tout ce massacre; vos épisodes, ou m'attacheront au sujet, ou m'en écarteront; & le dernier de ces effets est toûjours un vice. La loi d'unité d'action est encore plus sévere pour le peintre que pour le poëte. Un bon tableau ne fournira guere qu'un sujet, ou même qu'une scene de drame; & un seul drame peut fournir matiere à cent tableaux différens.

De l'unité de lieu. Cette unité est plus stricte en un sens & moins en un autre pour le peintre que pour le poëte. La scene est plus étendue en peinture, mais elle est plus une qu'en poësie. Le poëte qui n'est pas restraint à un instant indivisible comme le peintre, promene successivement l'auditeur d'un appartement dans un autre; au lieu que si le peintre s'est établi dans un vestibule, dans une salle, sous un portique, dans une campagne, il n'en sort plus. Il peut à l'aide de la Perspective agrandir son théatre autant qu'il le juge à - propos, mais sa décoration reste; il n'en change pas.

De la subordination des figures. Il est évident que les figures doivent se faire remarquer à proportion de l'intérêt que j'y dois prendre; qu'il y a des lieux relatifs aux circonstances de l'action, qu'elles doivent occuper naturellement, ou dont elles doivent être plus ou moins éloignées; que chacune doit être animée & de la passion & du degré de passion qui convient à son caractere; que s'il y en a une qui parle, il faut que les autres écoutent; que plusieurs interlocuteurs à la fois font dans un tableau un aussi mauvais effet que dans une compagnie; que tout étant également parfait dans la nature, dans un morceau parfait toutes les parties doivent être également soignées, & ne déterminer l'attention que par le plus ou moins d'importance seulement. Si le sacrifice d'Abraham étoit présent à vos yeux, le buisson & le bouc n'y auroient pas moins de vérité que le sacrificateur & son fils; qu'ils soient donc également vrais sur votre toile; & ne craignez pas que ces objets subalternes fassent négliger les objets importans. Ils ne produisent point ces effets dans la nature, pourquoi le produiroient - ils dans l'imitation que vous en ferez?

Des ornemens, des draperies & autres objets accessoires. On ne peut trop recommander la sobriété & la convenance dans les ornemens: il est en Peinture ainsi qu'en Poésie une fécondité malheureuse; vous avez une crêche à peindre, à quoi bon l'appuyer contre les ruines de quelque grand édifice, & m'élever des colonnes dans un endroit où je n'en peux supposer que par des conjectures forcées? Combien le précepte d'embellir la nature a gâté de tableaux! ne cherchez donc pas à embellir la nature. Choisissez avec jugement celle qui vous convient, & rendez - la avec scrupule. Conformez - vous dans les habits à l'histoire ancienne & moderne, & n'allez pas dans une passion mettre aux Juifs des chapeaux chargés de plumets.

Chassez de votre composition toute figure oiseuse, qui ne l'échauffant pas, la refroidiroit; que celles que vous employerez ne soient point éparses & isolées; rassemblez - les par groupes; que vos groupes soient liés entr'eux; que les figures y soient bien contrastées, non de ce contraste de positions académiques, où l'on voit l'écolier toûjours attentif au modele & jamais à la nature; qu'elles soient projettées les unes sur les autres, de maniere que les parties cachées n'empêchent point que l'oeil de l'imagination ne les voye tout entieres; que les lumieres y soient bien entendues; point de petites lumieres éparses qui ne formeroient point de masses, ou qui n'offriroient que des formes ovales, rondes, quarrées, paralleles; ces formes seroient aussi insupportables à l'oeil, dans l'imitation des objets qu'on ne veut point symmétriser, qu'il en seroit flatté dans un arrangement symmétrique. Observez rigoureusement les lois de la Perspective; sachez profiter du jet des draperies: si vous les disposez convenablement, elles contribueront beaucoup à l'effet; mais craignez que l'art ne s'apperçoive & dans cette ressource, & dans les autres que l'expérience vous suggérera, &c.

Telles sont à - peu - près les regles générales de la composition; elles sont presqu'invariables; & celles de la pratique de la Peinture ne doivent y apporter

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