ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"567"> c'est ce qui est cause que l'on n'y mange pas de la viande de ces animaux. Les personnes qui ont des rapports aigres, ont moins d'appétit; les acides ne contribuent que rarement à le rétablir. On n'a jamais trouvé d'acides dans le sang; d'ailleurs, en supposant même que le prétendu acide puisse exciter quelque fermentation dans les premieres voies, l'humeur toûjours renouvellée qui se mêleroit avec les matieres fermentantes, en arrêteroit bientôt le mouvement intestin, & sur - tout la bile qui est la plus contraire à toute sorte de fermentation. Ces faits sont plus que suffisans pour en détruire toute idée, tant pour les premieres que pour les secondes voies. Voyez Digestion, Chylification, Sanguification.

Il a fallu rendre à la chaleur naturelle la part qu'on lui avoit presque ôtée, pour la préparation du chyle & des autres humeurs; mais non pas en entier. La machine de Papin démontre l'efficacité de la chaleur dans un vase fermé, pour dissoudre les corps les plus durs, qui puissent servir à la nourriture: un oeuf se résout en une espece de substance muqueuse sans consistance, in putrilaginem, par une chaleur de 92 ou 93 degrés du thermometre de Farenheit; la chaleur de notre estomac est à - peu - près au même degré. Mais la chaleur naturelle ne peut pas seule suffire à l'ouvrage de la chylification & de l'élaboration des humeurs, comme le pensoient les anciens, puisqu'il ne s'opere pas de la même maniere dans tous les animaux, qui ont cependant à - peu - près la même chaleur. Les excrémens d'un chien, d'un chat, qui se nourrissent des mêmes alimens que l'homme, sont bien différens de ceux qui résultent de la nourriture de celui - ci. Il en est de même du sang & des autres humeurs, qui ont aussi des qualités paiticulieres dans chaque espece d'animal, qui n'a cependant rien de particulier par rapport à la chaleur naturelle: elle doit done être reconnue en général, comme unuissances auxiliaires, qui sert à la digestion laboration des humeurs communes à la plûpart animaux; mais elle ne joüe le rôle principal, encore moins unique, dans aucun.

Le défaut dominant dans tous les systèmes sur ce sujet, depuis les premiers Medecins jusqu'à ceux de ce siecle, est que l'on a toûjours cheché dans les fluides les agens principaux différemment combinés, pour convertir les alimens en chyle, celui - ci en sang; pour rendre le sang travaillé au point de fournir toutes les autres humeurs, & pour séparer de tous les bons sucs les parties excrémenteuses qui s'y trouvent mêlées.

On a enfin de nos jours ôté aux fluides le pouvoir exclusif, qui leur avoit été attribué pendant environ deux mille ans, de tout opérer dans l'oeconomie animale; après l'avoir cédé pour peu de tems à des puissances étrangeres, à des légions de vers, on est enfin parvenu à faire joüer un rôle aux solides; & comme il est rare qu'on ne soit pas extrème en faveur des nouveautés, on a d'abord voulu venger les parties organisées de ce qu'elles avoient été si long - tems laissées dans l'inaction, à l'égard des changemens qui se font dans les différens sucs alibiles & autres. On a été porté à croire qu'elles seules par leur action méchanique, y produisoient toutes les altérations nécessaires: on a tout attribué à la trituration; mais on a ensuite bientôt senti, qu'il y avoit eu jusque - là de l'excès à faire dépendre toute l'oeconomie animale des facultés d'une seule espece de parties: on a attribué à chacune le droit que la nature lui donne, & que les connoissances physiques & anatomiques lui ont justement adjugé. La doctrine du célebre Boerhaave sur les effets de l'action des vaisseaux & sur - tout des arteres (dit M. Quesnay dans son nouveau traité des sievres continues), nous a enfin assùré que cette action, comme quelques Medecins l'avoient déjà auguré, est la véritable cause de notre chaleur naturelle. Cette importante découverte, en nous élevant au - dessus des anciens, nous a rapprochés de leur doctrine; elle a répandu un plus grand jour sur le méchanisme du corps humain & des maladies, que n'avoit fait la découverte de la circulation du sang. Nous savons en effet que c'est de cette action que dépendent le cours des humeurs & tous les différens degrés de l'élaboration dont elles sont susceptibles: mais on ne peut disconvenir qu'elle ne soit insuffisante pour produire les changemens qui arrivent à leurs parties intégrantes; l'action de la chaleui peut seule pénétrer jusqu'à elles, & y causer une sorte de mouvement intestin, qui les développe & les met en disposition d'être aussi exposées à l'action des solides, qui en fait ensuite des combinaisons, d'où résulte la perfection & l'imperfection de toutes les humeurs du corps animal.

Cependant cette coopération de la chaleur naturelle dans la digestion des alimens & l'élaboration des humeurs, ne constitue pas une vraie coction, & ce nom convient encore moins au résultat de plusieurs especes d'actions différentes de la coction, qui conjointement avec elle, operent toutes les altérations nécessaires à l'oeconomie animale. Néanmoins comme il est employé en Medecine sans être restraint à son véritable sens, & qu'on lui en donne un plus étendu qui renferme l'action des vaisseaux & de la chaleur naturelle qui en dépend, il est bon de retenir ce nom, ne fût - ce que pour éviter de se livrer à une inconstance ridicule, en changeant le langage consacré de tout tems à désigner des connoissances anciennes, que nous devons exprimer d'une maniere à faire comprendre que nous parlons des mêmes choses que les anciens, & que nous en avons au fond presque la même idée. Car quoique leur doctrine sur les coctions (dit le célebre auteur du nouveau traité des fievres continues, déjà cité) soit établie sur une physique obscure, la vérité y domine cependant assez pour se concilier convenablement avec l'observation, & pour qu'on puisse en tirer des regles & des préceptes bien fondés, accessibles aux sens, telles que sont les qualités sensibles & générales qui agissent sur les corps: ainsi elle sera toûjours la vraie science, qui renferme presque toutes les connoissances pratiques que l'on a pû acquérir dans l'exercice de la Medecine, & qui mérite seule d'être étudiée, approfondie, & perfectionnée.

Il paroît convenable de ne pas finir cet article, sans placer ici les réflexions suivantes sur le même sujet; elles doivent être d'autant mieux accueillies, qu'elles sont extraites des commentaires sur les institutions & les aphorismes du célebre Boerhaave.

Hippocrate a considéré, & nous n'en faisons pas plus que lui, que l'on ne peut rien savoir de ce qui se passe dans le corps d'un homme vivant, soit qu'il soit en santé, soit qu'il soit malade, & que l'on ne peut connoître que les changemens qui paroissent dans les maladies, différens des phénomenes qui accompagnent la santé: ces changemens sont les effets de l'action de la vie qui subsiste encore; & la cause occasionnelle de ces effets qui caractérisent la maladie, est un principe caché dans le corps, que nous appellons la matiere de la maladie; tant que cette matiere retient le volume, la figure, la cohésion, la mobilité, l'inertie, qui la rendent susceptible de produire la maladie & de l'augmenter, elle est dite crue; & tant que les changemens produits par la cause de la maladie subsistent, cet état est appellé celui de la crudité.

Ainsi il suit de là, que la crudité est d'autant plus considérable dans la maladie, que les qualités de la maladie sont plus différentes de celles de la santé. [p. 568] La crudité ne signifie pas une nature singuliere d'affection morbifique; bien loin de - là, il peut y avoir une infinité d'especes de crudités, telles que les fluides âcres, épais, aqueux, &c. ou comme dit Hippocrate, le trop doux, le trop amer, le trop falé, le trop acide. On ne peut déterminer la nature de la crudité, qu'en ce qu'elle est propre à engendrer la maladie. Le sang de la meilleure qualité nuit dans la plethore; son abondance lui donne un caractere de crudité: il peut aussi produire de mauvais effets dans le corps d'un homme foible, si on l'injecte dans ses vaisseaux, quoique seulement en quantité convenable. Ainsi on ne doit pas seulement entendre par matiere cuite, celle qui se mûrit par l'action de la vie, mais celle qui doit être regardée comme telle, respectivement à la fonction qui étoit viciée, lorsque cette fonction se rétablit dans l'état naturel. Hippocrate n'a vraissemblablement entendu autre chose sur la nature de la coction, si ce n'est que ce qui est crud dans le corps humain passe à l'état de maturation, lorsqu'il cesse d'avoir les qualités nuisibles qui le faisoient appeller crud, & qui constituoient la maladie.

Par conséquent la concoction n'est autre chose que l'assimilation, le changement des matieres crues & dont les qualités ne conviennent pas à la santé, en matieres susceptibles d'être converties en la propre substance du corps, si elle ne sont pas d'une nature qui répugne à cet usage, ou d'être rendues moins nuisibles & disposées à être évacuées. La premiere de ces opérations de la nature peut être rapportée à celle que les anciens ont appellée pepsis, qui est la plus parfaite; telle est la résolution dans les inflammations: la seconde est celle qu'ils ont nommée pepasmus, qui a lieu dans toutes les maladies où il se fait des évacuations de matiere morbifique par la seule action de la vie; la suppuration dans les maladies inflammatoires est de ce genre.

On peut rendre la chose plus sensible par des exemples plus détaillés: celui d'une coction de la premiere espece, de laquelle on vient de donner une idée, est marqué par ce qui se passe dans les personnes qui ont une espece d'accès de fievre, causée par une trop grande quantité de chyle mêlée avec le sang; cette agitation fébrile supérieure à l'action ordinaire des vaisseaux procure à ce chyle une élaboration ultérieure, que cette action n'auroit pas pû lui donner; il se fait par - là une assimilation des parties crues de ces sens encore étrangers, ils se convertissent en bonnes humeurs, d'où peuvent être formés le sang & les autres liqueurs animales: ce changement étant opéré, la fievre cesse sans aucune évacuation sensible de la matiere qui avoit causé la fievre. Mais un tel effet ne peut être produit que dans le cas où la matiere crue ne differe guere des matieres susceptibles d'être converties en bons sucs, ou des humeurs saines; & lorsque les efforts extraordinaires que la nature doit faire pour produite ce changement ne sont pas bien considérables, ou durent si peu qu'il n'en puisse pas résulter une altration pernicieuse dans les humeurs saines; laquelle ayant lieu, rendroit nécessaire une évacuation sensible de celles qui seroient viciées.

C'est ce qui arrive dans tous les cas où se fait la coction de la seconde espece, qui est aussi toûjours l'effet de la fievre, c'est - à - dire de l'action de la vie plus forte que dans l'état de santé: dans cette derniere coction les suites ne sont pas aussi salutaires que dans la précédente; le changement en quoi elle consiste est borné à donner à la cause matérielle de la maladie des qualités moins nuisibles à l'oeconomie animale, en détruisant celles qui lui étoient plus contraires; mais il ne rend jamais cette matiere assez différente d'elle - même pour qu'elle puisse deve<cb-> nir utile: toute la perfection dont elle est susceptible ne fait que la rendre disposée à être évacuée hors de la cavité des vaisseaux de la partie dont elle trouble les fonctions.

C'est ainsi, par exemple, que dans les maladies inflammatoires de la poitrine, les molécules des fluides qui engorgent les extrémités des vaisseaux artériels des poumons, éprouvent un tel changement par l'action de la fievre, qu'elles sont séparées de la masse des humeurs saines avec la portion des solides, qui les contient par l'effort de la colonne des liquides qui est poussée contre la matiere engorgée, & par la force de pression collatérale des vaisseaux voisins; & il se forme de ce mêlange de fluides & de parties consistantes broyées, rompues par l'effet de toutes ces puissances combinées, une matiere qui ne tient plus rien de celles dont elle est composée; qui est blanche, homogene, onctueuse; qui venant à se répandre dans les cellules pulmonaires & à se mêler avec la matiere des crachats, est évacuée avec elle par l'expectoration, qui est si souvent le moyen par lequel la nature termine heureusement les maladies de la partie dont il s'agit.

Il résulte de tout ce qui vient d'être dit, que c'est toûjours la fievre, ou l'action de la vie rendue plus forte en général ou en particulier, qui produit la coction de quelqu'espece qu'elle soit; c'est elle qui est l'instrument dont la nature se sert, comme dit Sydenham, sect. 1. c. jv. pour séparer dans les humeurs les parties impures des pures, pour évacuer les matieres hétérogenes nuisibles à l'oeconomie animale. C'est de ce principe qu'il infere avec les plus grands medecins, que la principale chose que l'on doit faire dans la cure des maladies, est de iegler l'action de la vie, les agitations de la fievre, de les tenir dans une juste modération, pour empêcher que par de trop grands efforts les vaisseaux du cerveau & des poumons, qui sont les plus délicats, ou ceux de toute autre partie importante affoiblie elle cause que ce soit, ne se rompent ou ne sent d'une maniere irrésoluble; ou qu'au co par trop peu d'efforts, la matiere morbifique ne soit mal digérée, & sa coction imparfaite: & dans le cas où l'action de la vie est convenablement animée & excitée, l'agitation fébrile suffisant pour opérer une bonne coction, sans que l'on ait rien à craindre de ses effets, de laisser à la nature le soin de la guérison.

Hippocrate a donné l'exemple d'une pareille conduite dans le traitement de plusieurs maladies, à l'égard desquelles il lui arrivoit souvent de se tenir dans i'inaction, & d'être spectateur des opérations de la nature lorsqu'elle n'avoit pas besoin d'être aidée. Undes plus fideles & des plus prudens imitateurs du pere de la Medecine, Sydenham, avoue ingénuement s'être aussi très - bien trouvé d'avoir pris le parti de ne rien faire dans certains cas, pour se conformer aux préceptes de son maître, qui dit expressément, dans son traité de articulis: Interdum enim optima medicina est medicinam non facere. C'est aussi sur ce fondement que Galien, de dieb. crit. lib. I. s'éleve contre les Medecins, qui ne croyoient pas exercer leur art selon les regles, s'ils ne prescrivoient toûjours quelques remedes à leurs malades, tels que la saignée, les ventouses, ou quelques lavemens, purgations, &c. & il dit que de pareils Medecins ne s'approchent des malades que pour commettre des fautes aussi répetées que leurs visites; qu'il est conséquemment impossible que la nature si souvent interrompue & troublée dans son ouvrage, puisse corriger la matiere morbifique, & parvenir à la guérison de la maladie: l'humeur viciée dont il faut que la coction se fasse pour la procurer, demande plus ou moins d'action fébrile, selon qu'elle est d'une nature plus ou moins tenace, rébelle.

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