ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"565"> la substance du corps, ou les rendre propres à d'autres fins utiles, il les sépare des humeurs de bonne qualité, & leur donne une consistance qui les dispose à être évacuées par l'action de la vie hors des parties dont elles empêchent les fonctions. Cette opération tut donc aussi attribuée à la chaleur innee comme une sorte de coction, qu'ils regarderent bien - tôt comme une condition essentielle pour détruire la ise des maladies; ils en tirerent le fondement de la méthode de les traiter: c'est à cette coction des matieres morbifiques qu'ils donnerent le nom de PEPAMOS2, pepasme, pour la distinguer de celle des sucs alimentaires & récrémenticiels qu'ils avoient nommés SIS2, pepsis.

On trouve une distinction très - juste de ces deux especes de coction dans les définitions de Medecine de Gorrée: il dit que la coction proprement dite, c'est - à - dire la digestion dans les premieres, les secondes & les troisiemes voies, concerne les choses qui entrent dans le corps, & la coction des matieres morbifiques celles qui en sortent ou qui sont préparées pour en être évacuées.

Les premiers maîtres de l'art ayant fait l'importante découverte du moyen le plus efficace que la nature met en usage pour détruire les causes morbifiques, s'appliquerent soigneusement à observer les differens signes qui annoncent le pepasme, ou son défaut qui est la crudité; parce qu'ils jugeoient par les premiers, que la nature devenoit supérieure à la cause de la maladie, & par les seconds au contraire, que les effets de celle - ci étoient toûjours dominans. Ils apprirent à chercher ces signes principalement dans les excrémens, parce qu'étant le résidu des différentes coctions, soit dans l'état de santé soit dans celui de maladie, on peut inférer des qualités de ces matieres la maniere plus ou moins parfaite dont elles on été séparées. Ainsi Hippocrate (aphor. xij. sect. v.) avoit articulierement indiqué les urines & les matiereles, comme pouvant sournir les signes les plu, communs aux coctions de matiere morbifique faites dans quelque partie du corps que ce soit; les crachats, comme propres à faire connoître particulierement l'état des poumo'is dans les maladies de poitrine; la mucosité des narines, celui de leurs cavités affectées de catarrhe, &c. Galien établit aussi la même chose, lib. II. de crisib. cap. vij. en disant que dans toutes les fievres, attendu que le vice qui les cause est principalement dans le systeme des vaisseaux sanguins, on doit avoir principalement attention aux urines; que dans les maladies qui affectent le bas - ventre, on doit avoir égard aux excrémens des premieres voies, sans négliger les urines, s'il y a fievre; & que de même dans les maladies de poitrine, il faut examiner les crachats & joindre à cela toûjours l'inspection des urines, si ces maladies sont accompagnées de fievre.

Rien ne signifie plus sûrement une heureuse terminaison, que de voir les marques de coction dans les excrémens en général; c'est ce qu'enseigne Hippocrate in epidem. lib. I. sect. ij. text. 45. lorsqu'il dit que toutes les maturations d'excrémens sont toûjours de saison & salutaires: & ensuite il ajoûte que les promptes coctions annoncent toûjours la prompte terminaison des maladies, & sont une assurance de guérison. Galien a confmé toutes ces observations du pere de la Medecine par les siennes: il dit, lib. I. de crisib. cap. xviij. que les coctions ne sont jamais de mauvais signe; & il témoigne en être si assûré, qu'il ne craint pas de donner pour regle infaillible, lib. de constit. art. medic. qu'aucune maladie ne se termine d'une maniere salutaire, sans qu'il ait précédé des signes de coction; & Prosper Alpin de prasag. vita & mort. agr. lib. VI. cap. j. ajoûte à tout ce qui vient d'être dit en leur faveur, que non - seulement la coc - tion accompagnée de bons signes est une preuve assûrée que la terminaison de la maladie sera heureuse, mais même lorsque la coction ne se trouve jointe qu'à de mauvais signes; car alors les insomnies, les délires, les vertiges, les anxiétés, les douleurs, les tremblemens, les convulsions, la difficulté de respirer, & autres semblables symptomes, qui sont tous pernicieux par eux - mêmes, sont presque toûjours les indices d'une crise salutaire qui doit luivre.

Toutes fortes d'évacuations qui arrivent après la coction, sont toûjours salutaires; c'est l'effet de la nature qui s'est rendue supérieure à la cause de la maladie: mais la sûreté du succès qui est annoncée par les signes de la coction, n'exclut pas cependant absolument toute incertitude; il faut au moins que les signes marquent une coction bien parfaite & bien complete; que ces signes perseverent jusqu'au moment de la crise, pepasmi & cruditatis vicissitudo pessima, dit Duret, in coacas 54. cap. xvj. & qu'il ne survienne de la part du medecin, ou de celle du malade, & de ceux qui le gouvernent, aucun accident qui trouble la coction & qui s'oppose à la crise.

Les grands maitres qui nous ont transmis leurs importantes observations à ce sujet, ne s'en sont pas tenus à ce qui vient d'être rapporté; ils ont cherché tous les signes de coction relatifs aux différentes parties du corps, qu'il seroit trop long d'exposer ici; ils ont de plus indiqué le tems où ils paroissoient dans les différentes maladies: ils ont trouvé qu'ils ne se montrent jamaiç au commencement, parce qu'alors les matieres morbifiques sont absolument crues, ni pendant leur accroissement, parce qu'alors les coctions ne peuvent encore être qu'imparfaites; c'est au tems où la maladie cesse d'augmenter & de produire de nouveaux symptomes, que l'on doit chercher à s'assurer si la coction est faite ou non, lorsque la chaleur naturèlle a pû travailler suffisamment pour la préparer.

Autant il y a à compter sur les signes de coction, comme présages salutaires, autant doit - on craindre losqu'ils manquent & qu'il n'y a que des signes de crudité, lors même qu'ils sont joints aux meilleurs signes, ou que la maladie paroit terminée; parce qu'on doit s'attendre à ce que le mal ait des suites fâcheuses ou de longue durée, s'il subsiste encore, & à ce qu'il y ait rechûte s'il paroît fini: c'est sur ce fondement que Galien a dit, in primo aphorismo, qu'une maladie dans laquelle il se fait quelque crise avec des signes de crudité subsistante, doit faire craindre une fin funeste, ou au moins un long cours dans la maladie: au reste les signes de crudité & de coction des différens excrémens sont rapportés dans chacun des articles qui les concerne, ainsi voyez Déjection, Urine, Crachat, Sueur, &c.

Après s'être assurés par l'observation des moyens de connoître dans les maladies la crudite & la coction; après avoir étudié ce que la nature fait en conséquence de l'une ou de l'autre, les changemens utiles qu'elle opere: les anciens Medecins en conclurent, que pour imiter la conduite qu'elle tient dans le cours des maladies laissées à elles - mêmes, il ne falloit jamais entreprendre de procurer des évacuations dans le commencement des maladies; parce qu'alors la matiere morbifique étant encore crue, n'ayant pas pû être encore préparée, rendue susceptible d'être portée par l'action de la vie hors des parties dont elle empêche les fonctions, résiste à son expulsion, pendant que les humeurs saines, s'il y en a, sont emportées; ou elle ne cede, & souvent même qu'en partie, aux grands efforts qu'excite le moyen employé pour en procurer l'évacuation; ce qui diminue considérablement les forces du malade, & le jette dans l'abattement: d'où il suit tres - souvent, que la nature réduite à rester presque sans action, ne tra<pb-> [p. 566] vaille plus à séparer le pur d'avec l'impur, à surmonter le mal, à rétablir l'ordre dans l'oeconomie animale; elle succombe, & le malade périt. Ce sont ces considérations qui avoient engagé le pere de la Medecine dogmatique, le confident de la nature, le grand Hippocrate, à établir comme une regle fondamentale de pratique, la précaution de ne pas placer au commencement des maladies des remedes évacuans, & par conséquent de ne pas les employer pour enlever du corps des matieres crues, mais seulement celles qui sont préparées, digérées par la coction: c'est ce que déciare expreslément ce législateur de la Medecine, dans son aphorisme 22e. section j. lorsqu'il dit: concoa medicamentis aggredi oportet, & movere non cruda neque in principiis. L'expérience constante prouva tellement dans la suite la justice de cette loi, que selon Aristote (lib. III. pol. c. xj.), il n'étoit pas permis aux Medecins d'Egypte de produire aucun changement dans les maladies, par le moyen des remedes, avant le quatrieme jour de leur durée; & s'ils anticipoient ce tems, ils étoient comptables, sur leur vie, de l'évenement. Galien regardoit comme un oracle la sentence qui vient d'etre citée, tant il étoit convaincu qu'il est nécessaire dans la pratique de la Medecine, de se conformer à ce qu'elle prescrit. Il est cependant un cas excepté par Hippocrate lui - même, à qui rien n'a échappé, & qui a tant prévû en ce genre; c'est celui auquel la matiere morbifique est si abondante dès le commencement des maladies, qu'elle excite la nature à en favoriser l'évacuation: c'est en effet par cette considération que le divin auteur de l'aphorisme, qui vient d'être rapporté, le termine en disant à l'égard des crudités, qu'elles ne doivent pas être évacuées: si non turgeant, raro autem turgent. Ainsi il établit, que le cas est rare; mais qu'il arrive cependant que le medecin doit être plus porté à suivre l'indication qui se présente, de procurer l'évacuation de la matiere morbifique, lorsque la maladie commence avec des signes qui annoncent la surabondance de cette matiere, qu'à attendre que la coction en soit faite; parce qu'il y a lieu de craindre qu'en la laissant dans le corps, les forces de la nature ne suffisent pas pour la préparer, & qu'il ne s'en fasse un dépôt sur quelque partie importante: ce qui seroit un plus mauvais effet que celui qui résulteroit d'en procurer l'évacuation avant la coction; vû que dans cette supposition, la matiere morbifique a par elle - même de la disposition à être portée hors des parties qu'elle affecte, qui est tout ce que la coction. pourroit lui donner. C'est en pesant les raisons pour & contre, & en se décidant toûjours pour le plus grand bien ou le moindre détriment du malade, que l'on prend le bon parti dans cette conjoncture: c'est ce qu'insinue aussi Hippocrate dans le second aphorisme, après celui ci - dessus mentionné; il s'exprime ainsi (aphor.xxjv. sect. 1.) in acutis affectionibus raro, & in principiis uti medicamentis oportet, atque hoc facere diligenti prius estimatione factâ.

Il suit de tout ce qui vient d'être dit de la théorie des anciens sur la coction, considérée dans l'état de santé & dans celui de maladie, que l'exposition de ce qu'ils ont pensé à ce sujet est presque tout ce qu'on peut en dire de mieux, ou au moins de plus utile, attendu que leur doctrine est principalement fondée sur l'observation de ce qui s'opere dans l'oeconomie animale; elle n'a par conséquent pas pû être renversée & oubliée, comme tant d'autres opinions, qui n'étant que la production de l'imagination, ont été successivement détruites les unes par les autres, tandis que celle - ci s'est conservée dans son entier, pour ce qui est des principes établis d'apres les faits, & des conséquences qui peuvent en être tirées. En effet, elle n'a éprouvé de changemens que par rap<cb-> port à l'explication de l'opération dont il s'agit; c qui n'a même eu lieu que dans le siecle dernier.

Car depuis Hippocrate & Galien jusqu'à ce temslà, tous les Medecins (en adoptant les sentimens de ces grands maîtres qui s'etoient bornés à indiquer la chaleur naturelle comme cause immédiate de tous les changemens qui se font dans les humeurs animales, tant saines que morbifiques) attribuoient la digestion des alimens dans le ventricule, à une coction faite dans ce viscere, semblable à celle qui se fait dans les cuisines. Ils comparoient l'estomac à une marmite; ils se le représontoient comme exposé à l'action du feu, fourni & entretenu par le coeur, le foie, la rate, & autres parties voisines; ils pensoient que les matieres renfermées dans ce principal organe de la digestion des alimens, étant comme détrempées, macérées par les fluides qui s'y répandent, devenoient susceptibles d'une veritable élixation par l'effet de la chaleur, ce qui sembloit leur être prouvé par les vents qui s'elevent de l'estomac pendant la digestion; ils les comparoient aux bulles qui se forment sur la surface d'un fluide qui boût: ensorte qu'ils n'admettoient d'autre agent que le feu, pour la préparation des matieres alibiles qui se fait dans ce viscere; celle qui est contnuée dans les autres parties des premieres voies, étoit aussi attribuée à l'action continuée de cette cause, qu'ils rendoient commune à toutes les autres élaborations d'humeurs dans le système des vaisseaux sanguins, & de tous les autres vaisseaux du corps.

Pierre Castellus, professeur de l'école de Messine, commença à réfuter cette opinion, dans une lettre écrite à Severinus; il lui disoit entr'autres choses à ce sujet, que si la chaleur seule suffisoit pour la confection du chyle, on devroit aussi pouvoir en saire dans une marmite: mais comme on ne le peut pas, ajoûte - t - il, il faut donc avoir recours à la fermentation pour cette opération, &c. Bientôt après Vanhelmont attaqua avec bien plus de foe sentiment de la coction des alimens opérée par le chaleur, dans une dissertation intitulée, calo efficaciter non digerit, sed excitativè. Son principal argument étoit, que les poissons ne laissent pas de digérer les alimens qui leur sont propres, quoique le sang des plus voraces même d'entre ces animaux, ne soit guere plus chaud que l'eau dans laquelle ils vivent: on trouve même établi, que le sang des tortues est plus froid que l'eau (Stubas, journ. in trans. phil. xxvij.). Vanhelmont objectoit d'ailleurs, que si la chaleur seule pouvoit opérer la coction des alimens, la fievre devroit la faciliter ultérieurement, bien loin de la troubler & de causer du dégoùt, comme il arrive qu'elle le fait ordinairement. Il opposoit au systeme des anciens, bien d'autres choses de cette nature; & il ne négligeoit rien pour détruire leur erreur, mais pour tomber dans une autre, qui consistoit à établir que la digestion des alimens ne peut se faire que par l'efficacité d'un ferment acide spécifique. Galien sembloit bien avoir conjecturé, que l'acide pouvoit contribuer à la digestion. De usu part. lib. IV. cap. viij. Riolan paroît aussi avoir eu la même idée. Antropograph. lib. II. cap. x. Mais ni l'un ni l'autre n'avoient imaginé que l'acide pût agir comme dissolvant, mais seulement en irritant les fibres des organes de la digestion. Le ferment acide fit bientôt fortune; il fut adopté par Sylvius Deleboé, & par toute la secte chimique Cartésienne: mais son regne n'a pas été bien long, l'expérience a bientôt détruit le fruit de l'imagination; il n'a pas été possible de prouver la fermentation dans l'estomac, on n'y a jamais trouvé de véritable acide; au contraire, Musgrave (Trans. phil.) y a démontré des matieres alkalescentes: Peger a prouvé, qu'on trouve constamment des matieres pourries dans l'estomac des boeufs, à Rome;

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