ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"464"> mais d'occuper précisément le terrein nécessaire à la sûreté du camp.

4°. D'éviter de se mettre sous les commandemens qui pourroient incommoder le dedans des camps & de la ligne par leur supériorité ou par leurs revers. Lorsque ces défauts se rencontrent, il vaut mieux occuper ces çommandemens, soit en étendant les lignes jusque - là, soit en y faisant de bounes redoutes ou de petits forts, que de s'y exposer. On doit aussi faire servir à la circonvallation, les hauteurs, ruisseaux, ravines, escarpemens, abbatis de bois, buissons, & généralement tout ce qui approche de son circuit, & qui le peut avantager.

La portée ordinaire du canon, tiré à - peu - près horisontalement, ou sur un angle d'environ 10 ou 12 degrés, peut s'estimer à - peu - près de 1200 toises. Cette portée, suivant les épreuves de M. Dumetz, rapportées dans les mémoires de Saint - Remi, est beaucoup plus grande; mais dans ces épreuves le canon à été tiré à toute volée, c'est - à - dire sous l'angle de 45 degrés. Sous ces angles, ses coups sont trop incertains; ainsi on doit établir pour regle générale, que la queue des camps des troupes qui campent dans la circonvallation, doit être éloignée de la place au moins de 1200 toises. La profondeur de ces camps est d'environ 30 toises, & la distance du front de bandiere à la ligne, de 120; d'où il suit que la circonvallation doit être dirigée à - peu - près parallélement à la place, à la distance au moins de 1350 ou 1400 toises. Elle est flanquée de distance en distance par des angles saillans qu'on appelle redans. Voy. Redans.

La mesure commune des lignes de circonvallation, quant au plan, doit être de 120 toises d'une pointe de redan à l'autre. On doit observer de placer les redans dans les lieux les plus éminens, & jamais dans les fonds; comme aussi que les angles des redans soient toujours moins ouverts que le droit, afin que ses faces se présentent moins à l'ennemi. Voyez le tracé des lignes, Pl. 13. de Fortification.

L'ouverture du fossé de la circonvallation doit être de 15, 16, ou 18 piés, sur 6 à 7 & demi de profondeur, taluant du tiers de la largeur.

De cette façon le fossé aura 18 piés de large à son ouverture; sa largeur au fond sera de 6 piés, ce qui donne 12 piés de largeur, réduite sur 7 piés & demi de profondeur, revenant par toise courante à deux toises cubes & demie; sest l'ouvrage qu'un paysan peut faire en sept jours sans beaucoup se faguer.

Sur ce pié - la, on peut proposer les mesures des six profils suivans pour toutes sortes de circonvallation. On ne doit en employer ni de plus forts, ni de plus foibles.

        Premier profil.
                                                Piét. Pouces.
Largeur du fossé à l'ouverture, . . . . . . . .  18    0
Largeur du même sur le fond, . . . . . . . . . .  6    0
Sa profondeur, . . . . . . . . . . . . . . . . .  7    6
Contenu du solide de son excavation. . . . . .   15    0
Le tems nécessaire à sa façon, . . . . . . . . .  7  jours.
        Second profil.
Largeur du fossé à l'ouverture, . . . . . . . .  16    0
Largeur du fond du même, . . . . . . . . . . . .  5    4
Sa profondeur, . . . . . . . . . . . . . . . . .  7    0
Contenu du solide de son excavation par
toise courante. . . . . . . . . . . . . . . .   12    5
Le tems nécessaire à sa façon, . . . . . . . . .  6  jours.
        Troisieme profil.
Largeur du fossé à l'ouverture, . . . . . . . .  14    0
Largeur du même sur le fond, . . . . . . . . . .  4    8
Sa profondeur, . . . . . . . . . . . . . . . . .  6    6
                                                Piés. Pouces:
Contenu du solide de son excavation par
toise courante. . . . . . . . . . . . . . . . . 10   0
Le tems nécessaire à sa façon, . . . . . . . . .  5  jours.
        Quatrieme profil.
Largeur du fossé à l'ouverture, . . . . . . . .  12   0
Largeur du même sur le fond, . . . . . . . . . .  4   0
Sa profondeur, . . . . . . . . . . . . . . . . .  6   0
Contenu solide de l'excavation par toise
courante. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  8   2
Le tems nécessaire pour achever, . . . . . . . .  4  jours.
        Cinquieme profil.
Largeur du fossé à l'ouverture, . . . . . . . .  10   0
Largeur du même sur le fond, . . . . . . . . . .  3   4
Sa profondeur, . . . . . . . . . . . . . . . . .  6   6
Contenu solide de l'excavation par toise
courante. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  5   7
Le tems nécessaire à sa façon, . . . . . . . . .  2  jours &
                                                     demi.
        Sixieme profil.
Largeur du fossé à l'ouverture, . . . . . . . . . 8   0
Largeur du même sur le fond, . . . . . . . . . .  2   0
Sa profondeur, . . . . . . . . . . . . . . . . .  5   0
Contenu solide de l'excavation par toise
courante. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  4   6
Le tems nécessaire à sa façon, . . . . . . . . .  2  jours.

L'épaisseur du parapet du premier profil est de 8 piés, du second de 7 piés, & ainsi de suite en diminuant d'un pié. Pour la hauteur totale, elle est de 7 piés & demi. La banquette a 4 piés & demi de largeur & 3 de hauteur. Le bord de la contrescarpe du fossé est un peu plus élevé que le niveau de la campagne, & il forme une espece de glacis qui cache à l'ennemi le pié du parapet, ensorte qu'il ne peut le battre ou le ruiner, lorsqu'il en est éloigné. Voyez ces différens prosils, Pl. 14. de Fortification.

Pendant la construction des lignes, les ingénieurs se partagent entre eux leur étendue pour avoir soin que les mesures soient aussi exactement observées qu'il est possible. La diligence du travail ne permet pas, au moins en France, qu'on y apporte grande attention: mais il faut cependant faire observer les taluds des fossés, & les profondeurs portées aux profils; autrement cet ouvrage sera très - imparfait.

On faisoit autrefois des épaulemens dans l'intervalle des lignes & de la tête des camps, environ à vingt toises de cette tête, & de trente - cinq ou quarante toises de longueur, principalement dans les parties exposées à quelque commandement des dehors. Ils étoient disposés par allignement, & paralleles à la tête des camps: ils avoient neuf piés de haut sur dix ou douze d'épaisseur mesurés au sommet. La cavalerie des assiégeans se mettoit derriere, quand on attaquoit les lignes. Cette méthode ne se pratique plus à présent. On fortifioit aussi alors les lignes de circonvallation par des forts & par de grandes redoutes palissadées; ce qui ne se pratique plus guere, la briéveté de nos siéges n'exigeant point tant de précautions. V. M. le maréchal de Vauban, attaque des places.

On peut fraiser les lignes; & on le fait quand on présume qu'élles dureront quelque tems, & que les environs de l'espace qu'elles occupent, fournissent du bois propre à cet ouvrage.

On fait encore quelquefois un avant - fossé devant les lignes, de douze ou quinze piés de largeur par le haut, & de six ou sept de profondeur. Il se fait environ à douze ou quinze toises du fossé de la ligne. Son objet est d'arrêter l'ennemi lorsqu'il vient attaquer les lignes, & de lui faire perdre bien du tems & du monde en le passant. M. le maréchal de Vau<pb-> [p. 465] ban en desapprouvoit l'usage, sur ce que l'ennemi étant arrivé à ce fossé se trouve, en se jettant dedans, à couvert du feu de la circonvallation. Mais quelque déférence que l'on doive à ce grand homme, il semble néanmoins qu'on peut dans plusieurs cas se servir avantageusement de cet avant - fossé. Il arrête nécessairement la marche de l'ennemi, & il l'expose plus long - tems au feu de la ligne: aussi a - ton fait en différentes occasions, des avant - fossés aux lignes, depuis M. de Vauban, & notamment à la circonvallation de Philisbourg en 1734.

Cette circonvallation étoit encore fortifiée par des puits d'environ neuf piés de diametre à leur ouverture, & de six à sept de profondeur. Ils étoient rangés en échiquier & assez près les uns des autres, pour empêcher de passer dans leurs intervalles. Les Espagnols avoient pratiqué quelque chose de pareil au siége d'Arras en 1654; leur circonvallation étoit défendue par des especes de petits puits de deux piés de diametre sur un pié & demi de profondeur, dans le milieu desquels étoient plantés de petits pieux qui pouvoient nuire beaucoup au passage de la cavalerie. Voyez le plan & le profil d'une partie de la circonvallation de Philisbourg, Planche XV. de Fortification, figure premiere.

Cette circonvallation des Espagnols paroît avoir été copiée de celle de César à Alexia. Voici en quoi consistoit cette derniere.

« Comme les soldats étoient occupés en même tems à aller querir du bois & des vivres assez loin, & à travailler aux fortifications, César trouva à propos d'ajoûter quelque chose au travail des lignes, afin qu'il fallût moins de gens pour les garder. Il prit donc des arbres de médiocre hauteur, ou des branches fortes qu'il fit aiguiser; & tirant un fossé de cinq piés de profondeur devant les lignes, il les y fit enfoncer & attacher ensemble par le pié, afin qu'on ne pût les arracher. On recouvroit le fossé de terre, ensorte qu'il ne paroissoit que la tête du tronc, dont les pointes entroient dans les jambes de ceux qui pensoient les traverser: c'est pourquoi les soldats les appelloient des ceps; & comme il y en avoit cinq rangs de suite qui étoient entrelacés, on ne les pouvoit éviter. Audevant il fit des fosses de trois piés de profondeur, un peu étroites par le haut, & disposées de travers en quinconce: là - dedans on fichoit des pieux ronds de la grosseur de la cuisse, brûlés & aiguisés par le bout, qui sortoient quatre doigts seulement hors de terre; le reste étoit enfoncé trois piés plus bas que la profondeur de la fosse, pour tenir plus ferme, & la fosse couverte de brossailles pour servir comme de piége. Il y en avoit huit rangs de suite, chacun à trois piés de distance l'un de l'autre, & les soldats les nommoient des lys, à cause de leur ressemblance. Devant tout cela, il fit jetter une espece de chausse - trapes, qui étoient des pointes de fer attachees à des bâtons de la longueur du pié, qui se fichoient en terre; tellement qu'il ne sortoit que ces pointes, que les soldats appelloient des aiguillons, & toute la terre en étoit couverte ». Comment. de César, par d'Ablancourt.

Les lignes de circonvallation ayant peu d'élévation, elles n'ont pas besoin de bastions pour être flanquées dans toutes leurs parties comme l'enceinte d'une place; les redans qui sont d'une construction plus simple & d'une plus prompte expédition, sont suffisans: on fait seulement quelques bastions dans les endroits où la ligne fait des angles, qu'un redant ne défendroit pas aussi avantageusement. Il arrive cependant qu'on se sert aussi quelquefois des bastions pour flanquer la ligne, principalement lorsqu'elle a peu d'étendue: car les bastions augmentent considérablement sa circonférence. La plus grande partie de la circonvallation de Philisbourg en 1734, en étoit fortifiée.

On éleve des batteries à la pointe des redans, pour tirer le canon à barbette par - dessus le parapet. On le tire de cette maniere par - tout où on le place le long de la circonvallation.

Les lignes de circonvallation exigent de très - fortes armées pour les défendre. Si l'on suppose une circonvallation dont le rayon soit de 1700 toises, ce qui est la moindre distance du centre de la place à la circonvallation, on aura au moins 12000 toises pour sa circonférence, en y comprenant les redans & les détours; ce qui fait à - peu - près cinq lieues communes de France.

Si, pour border une ligne de cette étendue, on donne seulement trois piés à chaque soldat, il faudra 24000 hommes pour un seul rang; & pour trois de hauteur 72000, sans rien compter pour la seconde ligne, pour les tranchées, & les autres gardes, qui demanderoient bien encore autant de monde pour que tout fût suffisamment garni. Où trouver des armées de cette force? & quand on dégarniroit la moitié des lignes les moins exposées, pour renforcer celles qui le seroient le plus, on ne parviendroit pas à les garnir suffisamment à beaucoup pres; d'autant plus, que si les places assiégées sont un peu considérables, la circonvallation deviendra bien plus grande que celle qui est ici supposée: ce qui éloigne encore plus la possibilité de les bien garnir. Cette considération a partagé les sentimens des plus célebres généraux, sur l'utilité de ces sortes de lignes. Tous conviennent qu'il y a des cas où l'on en peut tirer quelque utilité, surtout lorsqu'elles sont serrées & qu'elles n'ont qu'une médiocre étendue; mais lorsqu'elles embrassent beaucoup de terrein, il est bien difficile de les défendre contre les attaques d'un ennemi intelligent.

Lorsque l'ennemi se dispose pour attaquer les lignes, il y a deux partis à prendre: le premier de lui en disputer l'entrée, & le second de laisser une partie de l'armée pour la garde des travaux du siége, & d'aller avec le reste au - devant de l'ennemi pour le combattre. Ces deux partis ont chacun leurs partisans parmi les généraux: mais il semble que le dernier est le plus généralement approuvé.

L'inconvénient qu'on trouve d'attendre l'ennemi dans les lignes, c'est que comme on ignore le côté qu'il choisira pour son attaque, on est obligé d'être également fort dans toutes les parties de la ligne; & que lorsqu'elle est fort étendue, les troupes se trouvent trop éloignées les unes des autres pour opposer une grande résistance à l'ennemi du côté de son attaque. La plûpart des lignes de circonvallation qui ont été attaquées, ont été forcées: ainsi le raisonnement & l'expérience semblent concourir également à établir qu'il faut aller au - devant de l'ennemi pour le combattre, & pour ne point le laisser arriver à portée de la circonvallation.

Cependant sans vouloir rien décider dans une question de cette importance, il semble que lorsqu'une ligne peut être raisonnablement garnie, on peut la défendre avantageusement.

Il est incontestable que si le soldat qui défend la ligne veut profiter de tous ses avantages, il en a de très - grands & de très - réels sur l'assaillant. Celui - ci est obligé d'essuyer le feu de la ligne pendant un espace de tems assez considérable, avant de parvenir au bord du fossé. Il faut qu'il comble ce fossé sous ce même feu; ce qui lui fait perdre bien du monde, & qui doit déranger nécessairement l'ordre de ses troupes. Est - il paryenu à pénetrer dans la ligne, ce ne peut être que sur un front fort étroit; il peut être chargé de front & de flanc pat les troupes qui

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