ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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CLAVECIN
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CLAVECIN, s. m. (Luth.) instrument de mélodie
& d'harmonie, dont l'on fait parler les cordes
en pressant les touches d'un clavier semblable à celui
de l'orgue.
Le clavecin est composé d'une caisse triangulaire,
ACDB, Pl. XIV. XV. & XVI. de Luth. fig. 1. dont
les côtes IF, FD, GC, EL, qui forment le pourtour,
s'appellent éclisses. Les éclisses sont ordinairement
de tilleul; elles sont assemblées les unes avec
les autres en peigne & en queue d'aronde. On fait
l'éclisse concave F B D G de trois ou quatre pieces
plus ou moins, afin de lui donner plus facilement la
courbure qu'elle doit avoir. Après que les éclisses
sont préparées, on les assemble avec le fond de la
caisse qui est ordinairement de sapin d'un demi - pouce d'épaisseur, & dont les pieces sont collées & assemblées
à rainure & languette; on arrête ces éclisses sur le fond sur lequel elles doivent porter & être
collées, avec des pointes (sorte de petits clous) qui
le traversent & entrent ensuite dans les éclisses; on
colle ensuite plusieurs barres de sapin ou de tilleul
sur le fond & en - travers: ces barres qui sont disposées
comme celles du pié, fig. 2. & qui doivent être
cloüées sur le fond, servent à l'empêcher de voiler sur
la largeur; les éclisses des côtés faisant le même office
pour la longueur. On fixe ainsi ces même barres
contre les parois intérieurs des éclisses avec
des pointes & de la colle. On peut pratiquer pour
faire rechauffer & prendre plus fortement la colle,
les mêmes moyens que l'on pratique pour coller les
tuyaux de bois des orgues. Voyez Bourdon de 16
piés.
La c>isse étant ainsi préparée, on y assemble le
sommier qui est une piece de bois de chêne A B,
fig. 2. de près de trois pouces d'épaisseur, dont on
fait entrer les extrémités faites en tenon dans les
éclisses latérales, K B M A, fig. 1. on l'arrête dans
les mortaises, qui ne doivent point traverser d'outre
en outre les éclisses, avec de la colle & quelques
pointes: on assujettit le tout par le moyen d'un sergent
(outil de menuisier), jusqu'à ce que la colle soit
seche, & le sommier bien affermi. Sur le sommier,
après l'avoir revêtu au - dessus d'une planche mince
de même sapin que celui de la table, afin qu'il paroisse
ne faire qu'une même piece avec elle, on colle
deux chevalets; & plus haut, vers la partie antérieure,
on perce trois rangées de trous pour recevoir
les chevilles de fer, au moyen desquelles on
tend les cordes. Pour la disposition de ces trous,
voyez l'article
Sommier de clavecin,
où on en
trouve la figure.
On ajuste ensuite la barre E F de tilleul ou de
vieux sapin, d'un demi - pouce d'épaisseur, posée parallelement
au sommier dont elle est éloignée d'environ
deux pouces: cette barre, qui est collée &
>ortaisée dans les éclisses latérales comme le
sommier, a trois ou quatre pouces de large dans
quelques clavecins; elle descend jusqu'au fond dè
sa caisse où elle est collée, ensorte que l'entrée de
la caisse est totalement fermée du côté des claviers;
alors on ne sauroit se dispenser de faire une rose à
la table, pour donner issue à l'air tontenu dans l'instrument.
Après on colle autour de la caisse, à là
partie intérieure des éclisses, des tringles de bois
r, s, t, u, d'environ huit lignes de laige sur un demi - pouce d'épaisseur; ces tringles doivent être fortement
arrêtées par des pointes & de la colle, ensorte
qu'elles ne puissent point s'en détacher. Après que
ces tringles sont assermies en place à environ deux
pouces de la rive supérieure des éclisses, à laquelle
elles doivent être paralleles, on colle les anses ou
barres fourchues T, V, X, Y, Z, qui appuient
d'un bout contre les tringles r, s, t, u, de l'éclisse
concave, & de la piece G C seulement; & de l'autre
bout contre la traverse G H, qu'on appelle contre - sommier: ces barres, qui sont d'un excellent usage,
soûtiennent l'effort des cordes qui tend à rapprocher
l'éclisse concave du sommier, ainsi qu'on
en peut juger par la corde i i de la figure 2. Plusieurs facteurs négligent cependant d'en faire usage: alors ils sont obligés de donner plus d'épaisseur
aux éclisses, pour les mettre en état de résister à
l'action des cordes, ce qui rend l'instrument plus
sourd: encore voit - on souvent les tables des instrumens
non - barrés, voiler & devenir gauches.
On fait ensuite une planche C D, que l'on colle
à la partie antérieure du sommier: cette planche,
ornée de moulure dans tout son pourtour, est assemblée
à queue d'aronde avec les éclisses, & elle répon> au - dessus des claviers, comme on peut voir
en S T de la premiere figure.
On fait ensuite la table qui doit être de sapin de
Hollande, sans noeuds, ni gersures, que l'on refend
à l'épaisseur de deux lignes ou environ, on dresse
bien chaque planche sur le champ & sur le plat qui
ne doit pas avoir plus d'un demi - pié de large, parce
qu'une table composée de pieces larges, est plus sujette
à se tourmenter & à gauchir: on observera de
n'assembler les pieces qui doivent composer la table,
que long - tems après qu'elles auront été débitées,
> de choisir le meilleur & le plus vieux bois
qu'on pourra trouver; d'autant plus qu'après la bonne
disposition de tout l'ouvrage, c'est de la bonté de
la table que dépend celle de l'instrument. Lorsqu'on
voudra assembler les pieces, on les dressera de nouveau
sur le champ, & on les collera deux à deux
avec de la colle de poisson, la meilleure qu'on pourra
trouver; lorsque ces premiers assemblages seront
secs, on dressera leurs rives extérieures pour les assembler
entre eux, jusqu'à une quantité suffisante
pour occuper tout le vuide de la caisse. On doit remarquer
que le fil du bois doit être du même sens
que les cordes sur l'instrument, c'est - à - dire en long,
& non en large.
Lorsque la table est entierement collée, on l'applique
sur un établi bien uni & bien dressé, l'endroit
ou le dessus tourné en - dessous; on rabotte ce côté,
on le racle avec un racloir (outil d'ébéniste); on retourne
ensuite la table de l'autre côté, on y fait la
même opération, & on la réduit à une ligne au plus
d'épaisseur.
Lorsque la table est achevée, on la barre par - dessous avec de petites tringles de sapin a, b, c, d, e,
f, fig. 3. posées de champ: ces tringles n'ont qu'une
ligne & demie ou deux lignes d'assiette, sur environ
un demi - pouce de haut; elles sont applaties par leurs
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extrémités. A ces tringles en communiquent d'autres
encore plus menues, 1, 2, 3, 4, &c. aucune de
ces tringles, soit grandes, soit petites, ne doit être
mise ni en long, selon le fil du bois, ni même exactement
en travers; le moins qu'on en peut employer
est toûjours le meilleur; il suffit qu'il y en ait assez
pour empêcher la table de voiler, & pour servir de
lien aux pieces qui la composent.
On place ensuite sur le dessus de la table les deux
chevalets a c, d b, fig. 1. savoir le chevalet a c, qui
est le plus bas, du côté du sommier, à quatre piés ou
quatre piés & demi ou environ de distance; l'autre,
b d, qui est le plus haut, & qu'on appelle la grande
S, comme l'autre la petite s, doit être collé à environ
quatre ou cinq pouces loin de l'eclisse concave
B D C, dont il doit suivre la courbure. Les chevalets
doivent avoir une arrête fort aiguë du côté de
la partie vibrante des cordes; ils sont garnis sur cette
arrête de pointes de laiton ou de fer, coutre lesquelles
appuient les cordes; on perce ensuite un trou R
pour la rose. La rose est un petit ouvrage de carton
très - délié, fait en forme de cuvette ou d'étoile, du
fond de laquelle s'éleve une petite pyramide de même
matiere: tout cet ouvrage peint & doré, est percé
à jour, & ne sert que d'ornement, aussi bien que
la couronne de fleurs, peinte en détrempe, dont on
l'entoure. Entre les deux chevalets a c, b d, est un
rang de pointes e d, enfoncées obliquement dans la
table: ces pointes servent à accrocher les anneaux
des cordes de la petite octave; de même que des pointes
fichées dans la moulure, qui regne le long de l'éclisse
concave B D C, servent à retenir celles des
deux unissons. Toutes les cordes, après avoir passé
sur deux chevalets, un de la table, & l'autre du sommier,
vont se tortiller autour de ces chevilles, au
moyen desquelles on leur donne un degré de tension
convenable, pour les faire arriver au ton qu'elles
doivent rendre.
On colle ensuite la table sur les tringles r, s, t, u,
fig. 2. & la barre E F; il faut prendre un grand soin
qu'elle soit bien appliquée & collée. Sur la table &
autour des éclisses, on colle de petites moulures de
bois de tilleul: ces moulures servent à la fois d'ornement,
& affermissent la table sur les tringles.
On fait ensuite les claviers, que l'on place à la partie
antérieure du clavecin, comme on voit dans la
fig. 1. Les queues des touches doivent passer par - dessous le sommier, & répondre au - dessous de l'ouverture
xy, fig. 2. par où les sautereaux (Voy. Sautereau) descendent sur les queues des touches qui les
font lever lorsqu'on abaisse leur partie antérieure
b, d, & pincer la corde qui leur répond par le moyen
de la plume de corbeau dont leurs languettes sont
armées. Voyez
Clavier de clavecin, & Double clavier.
Un des deux claviers est mobile dans
la figure 1. c'est le clavier inférieur qui se tire en - devant par le moyen des pommelles X, fixées dans
les bras ou côtés: sa marche est terminée par la rencontre
de la barre M K, qui termine la partie antérieure
du clavecin. Les touches du clavier inférieur
font hausser les touches du second clavier (fig. 2.)
par le moyen des pilotes 2 qui répondent, lorsque
le clavier est tiré, sous les talons qui sont au - dessous
des queues des touches du second clavier. Elles cessent
de les mouvoir, lorsque le clavier est poussé; parce
que la pilote passe au - delà du talon, ou de l'extrémité
de la touche du second clavier aux touches
duquel répond le premier rang de sautereaux, après
avoir traversé le registre immobile & le guide. Les
registres sont des barres de bois vêtues de cuir, percées
d'autant de trous, avec un emporte - piece, qu'il
y a de sautereaux & de touches au clavier. Voy.
Registre de clavecin.
Les registres sont placés parallelement
au sommier entre lui & la barre E F; ils
ont environ une ligne & demie ou deux lignes de je>
sur leur longueur. Le guide est placé à trois ou quatre
pouces au - dessous des registres, & sert à conduire
les sautereaux sur les touches. Voyez
Guide de clavecin. Les sautereaux sont chiffrés, à commencer
de E vers F, selon la suite des nombres 1,
2, 3, 4, 5, &c. pour servir de repaires & les mettre
dans les mêmes places.
Par - dessus la tête des sautereaux on pose, à une
distance convenable, une barre A B, fig. 1. qu'on
appelle chapiteau, ou simplement barre, doublée de
plusieurs doubles de lisiere de laine, contre lesquels
les sautereaux vont heurter sans faire de bruit: cette
barre peut s'ôter & se remette facilement, par le
moyen de deux pointes qui sont à l'extrémité A,
& d'un crochet qui est en B.
Des trois registres, il y en a un immobile: c'est
le premier du côté du clavier, par lequel passent les
sautereaux du second clavier. Les deux autres sont
mobiles par deux leviers de fer qui les prennent par
leurs extrémités: ces leviers qu'on appelle mouvemens, à cause qu'ils font mouvoir les registres, ont
des pomelles S, T, qui passent au - travers des mortaises
pratiquées à cet effet à la planche de devant
du sommier; ils sont fixés à leur milieu par une vis
qui entre dans le sommier, autour de laquelle ils
peuvent se mouvoir librement: l'extrémité, qui
passe sous la barre A B, a une pointe qui entre dans
un trou qui est à l'extrémité du registre, que ce levier
doit faire mouvoir; ensorte que, lorsque l'on
pousse la pommelle S du côté de T, le registre attaché
à l'extrémité A du levier S A, se meut en sens
contraire de B vers A. L'usage des registres est d'approcher
ou d'éloigner à volonté les sautereaux des
cordes, pour que les plumes de leurs languettes touchent
ou ne touchent point sur ces cordes.
Le clavecin étant ainsi achevé, on lui fait un couvercle,
qui est une planche de bois de chêne ou de
noyer, de même forme que la table de dessous: ce
couvercle est de deux pieces; la plus grande qui
couvre les cordes, & qui a la même forme que la
table A B D C de l'instrument, s'assemble à charniere
avec l'éclisse A C; l'autre piece, qui est un
parallélogramme rectangle L A B I, & qui couvre
les claviers & le sommier, est assemblée avec la premiere
à charniere selon la ligne A B, ensorte qu'elle
peut se renverser sur la grande piece. On leve
les deux pieces ensemble, & on les soûtient en cet
état par une barre de bois qui appuie d'un bout obliquement
contre l'éclisse B, & de l'autre perpendiculairement
au - dessous du couvercle.
On fait ensuite le pié P P P P, &c. (fig. 1. & 4.)
composé de plusieurs piés B, P, P, assemblés & collés
dans un chassis c l k g: ce chassis qui est de champ,
est couvert par un autre C K L G qui est à plat, &
autour duquel on fait quelque moulure; il est traversé
par plusieurs barres H, F, E, B, qui servent
à rendre l'ouvrage plus solide. On ménage dans la
partie qui répond sous les claviers & le sommier,
une place pour un tiroir N O N, fig. 1. & T, fig. 4.
dans lequel on serre les livres de musique, les cordes,
& autres choses concernant le clavecin, même
le pupitre, lorsqu'il est fait de façon à pouvoir se
ployer. On fait ensuite une planche qui ferme le devant
des claviers M L I K, fig. 1. c'est dans le milieu
de cette planche qu'est la serrure qui ferme tout l'instrument.
Il faut avoir un pupitre (fig. 5.) dont les côtés
l a, i b, se posent sur les côtés L A, I B, (fig. 2.)
du clavecin: ils sont assemblés par une traverse de
longueur convenable, pour que les tringles f, a, g,
h, prennent extérieurement les éclisses L A, I B.
Sur le milieu de la traverse est un pivot qui entre
dans le trou du talon du pupitre e, qui peut ainsi
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>ourner de tous côtés: c'est sur le pupitre que l'on
pose le livre qui contient la piece de musique que
l'on veut joüer. Il y a aussi à la partie antérieure f g
deux platines c, d, garnies de leurs bobeches & de
bras ployans, dans lesquelles on met les bougies allumées,
qui éclairent le elaveciniste lorsqu'il veut
joüer la nuit.
On monte ensuite le clavecin de cordes, partie jaunes,
partie blanches, c'est - à - dire de cuivre & d'acier: celles de cuivre servent pour les basses, & les
autres pour les dessus. Les cordes jaunes & blanches
sont de plusieurs numéros ou grosseurs: le numéro
moindre marque les plus grosses cordes; le numéro
premier en jaune est pour le c - sol - ut des basses à la
double octave, au - dessous de celui de la clé d'ut,
lequel doit sonner l'unisson de huit piés. Voyez Diapason. Lorsque le clavecin est à ravalement, comme
celui représenté dans la Planche, on met en descendant
des cordes jaunes encore plus grosses que le numéro
premier, & qui sont marquées par 0, 00, 000;
la corde 0 0 0 est la plus grosse qu'on employe jusqu'à
présent, elle sert pour f - ut - fa du seize pié: on se
sert aussi quelquefois pour le ravalement de cordes
de cuivre rouge, marquées de même 0 0 0, 0 0, 0,
1, 2; ces cordes sont plus touchantes & plus harmonieuses
que les cordes jaunes.
Table des numeros des cordes, & du nombre
qu'on doit mettre de chacune, en commençant par
les basses, & en montant selon la suite des sautereaux
>: la premiere colonne contient
les numeros des cordes, & la seconde le nombre de
cordes qu'on doit mettre à chaque numero.
[omission: table; to see, consult fac-similé version]
12. Le numero 12 sert pour la petite octave à la place
du numere 11; de même le numero 11 sert à la place du
numero 10, ainsi des autres.
Pour la tablature de cet instrument, voyez la table
du rapport de l'étendue des instrumens de musique,
où les notes & les clés de musique sont placés
au - dessous des touches d'un clavier, qui y est représenté
par l'accord, voyez Partition; & remarquez
que l'ut du milieu du clavecin doit être à l'unisson
d'un tuyau de prestant de deux piés ouvert,
& que la petite octave a c doit être accordée à l'octave
au - dessus des grandes cordes b d, & à l'unisson
du prestant. On se sert pour tourner les chevilles
d'une clé appellée accordoir. Voyez
Accordoir de Clavecin.
Clavecin oculaire,
(Page 3:511)
* Clavecin oculaire, (Musiq. & Opt.) instrument
à touches analogue au clavecin auriculaire,
composé d'autant d'octaves de couleurs par tons &
demi - tons, que le clavecin auriculaire a d'octaves
de sons par tons & demi - tons, destiné à donner à
l'ame par les yeux les mêmes sensations agréables
de mélodie & d'harmonie de couleurs, que celles
de mélodie & d'harmonie de sons que le clavecin
ordinaire lui communique par l'oreille.
Que faut - il pour faire un clavecin ordinaire? des
cordes diapasonnées selon un certain système de Musique, & le moyen de faire resonner ces cordes. Que
faudra - t - il pour un elavecin oculaire? des couleurs
diapasonnées selon le même système que les sons,
& le moyen de les produire aux yeux: mais l'un est
aussi possible que l'autre.
Aux cinq toniques de sons, ut, ré, mi, sol, la,
correspondront les cinq toniques de couleurs, bleu,
verd, jaune, rouge, & violet; aux sept diatoniques
de sons, ut, ré, mi, fa, sol, la, si, ut. les sept diatoniques
de couleurs, bleu, verd, jaune, aurore,
rouge, violet, turquin, bleu clair; aux douze chromatiques
ou sémi - diatoniques de sons, ut, ut, >,
ré, ré, >, mi, fa, fa, >, sol, sol, >, la, la, >,
si, ut; les douze chromatiques ou sémi - diatoniques
de couleurs, bleu, céladon, verd, olive, jaune,
aurore, orangé, rouge, cramoisi, violet, agate,
turquin, bleu, &c. d'où l'on voit naître en couleurs
tout ce que nous avons en sons; modes majeur
& mineur; genres diatonique, chromatique, enharmonique;
enchaînemens de modulations; consonnances,
dissonnances, mélodie, harmonie, ensorte
que si l'on prend un bon rudiment de musique auriculaire,
tel que celui de M. d'Alembert, & qu'on
substitue par - tout le mot couleur au mot son, on
aura des élémens complets de musique oculaire, des
chants colorés à plusieurs parties, une basse fondamentale,
une basse continue, des chiffres, des accords
de toute espece, même par supposition & par
suspension, une loi de liaison, des renversemens
d'harmonie, &c.
Les regles de la musique auriculaire ont toutes
pour fondement la production naturelle & primitive
de l'accord parfait par un corps sonore quelconque:
soit ce corps ut; il donne les sons ut, sol, mi, auxquels
correspondront le bleu, le rouge, le jaune,
que plusieurs artistes & physiciens regardent comme
trois couleurs primitives. La musique oculaire a
donc dans ses principes un fondement analogue à la
musique auriculaire. Voyez Couleur.
Qu'est - ce que joüer? C'est, pour le clavecin ordinaire,
sonner & se taire, ou paroître & disparoître
à l'oreille. Que sera - ce que joüer pour le clavecin
oculaire? se montrer & se tenir caché, ou paroître
& disparoître à l'oeil: & comme la musique auriculaire
a vingt ou trente façons de produire les sons,
par des cordes, des tuyaux, des voix, des violons,
des basses, des lyres, des guitarres, des clavecins,
des épinettes, des hautbois, des flûtes, des fifres,
des flageolets, des bassons, des serpens, des trompettes,
des orgues, &c. la musique oculaire aura autant
de façons correspondantes de produire les couleurs,
des boîtes, des éventails, des soleils, des
étoiles, des tableaux, des lumieres naturelles, artificielles,
&c. voilà la pratique.
Les objections qu'on a faites contre la musique &
l'instrument oculaires se présentent si naturellement,
qu'il est inutile de les rapporter; nous osons seulement
assûrer qu'elles sont si parfaitement, sinon détruites,
au moins balancées par les réponses tirées
de la comparaison des deux musiques, qu'il n'y a
plus que l'expérience qui puisse décider la question.
La seule différence importante entre les deux clavecins qui nous ait frappés, c'est que quoiqu'il y ait
sur le clavecin ordinaire un grand intervalle entre
sa premiere & sa derniere touche, l'oreille n'apperçoit
point de discontinuité entre les sons; ils sont liés
pour elle comme si les touches étoient toutes voisines;
au lieu que les couleurs seront distantes & disjointes
à la vûe. Pour remédier à cet inconvénient
dans la mélodie & l'harmonie oculaires, il faudroit
[p. 512]
trouver quelque expédient qui liât les couleurs, &
les rendît continues pour l'oeil; sinon, dans les airs
d'un mouvement extrèmement vif, l'oeil ne sachant
quel intervalle de couleurs on va faire, ignorera,
après avoir vû un ton, où il doit se porter pour appercevoir
le ton suivant, & ne saisira dans une batterie de
couleurs que quelques notes éparses de tout un air
coloré; ou se tourmentera si fort pour les saisir toutes,
qu'il en aura bien - tôt la brelue; & adieu la mélodie
& l'harmonie. On pourroit encore ajoûter que
quand on les saisiroit, il ne seroit pas possible qu'on
les retînt jamais, & qu'on eût la mémoire d'un air
de couleurs, comme on a celle d'un air de sons.
Il semble que les couleurs d'un clavecin oculaire
devroient être placées sur une seule bande étroite,
verticale, & parallele à la hauteur du corps du musicien;
au lieu que les cordes d'un clavecin auriculaire
sont placées dans un plan horifontal & parallele
à la largeur du corps du musicien auriculaire.
Au reste, je ne prétens point donner à cette objection
plus de valeur qu'elle n'en a: pour la résoudre,
il ne faut que la plus petite partie de la sagacité
que l'invention du clavecin oculaire suppose.
On ne peut imaginer une pareille machine sans
être très - versé en Musique & en Optique; on ne
peut l'exécuter avec succès sans être un rare machiniste.
Le célebre P. Castel Jésuite en est l'inventeur; il
l'annonça en 1725. La facture de cet instrument est si
extraordinaire, qu'il n'y a que le public peu éclairé
qui puisse se plaindre qu'il se fasse toûjours & qu'il ne
s'acheve point.
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