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CIVILITÉ, POLITESSE, AFFABILITÉ (Page 3:497)
CIVILITÉ, POLITESSE, AFFABILITÉ, synonymes, (Gramm. & Morale.) manieres honnêtes d'agir & de converser avec les autres hommes dans la société; mais l'affabilité qui consiste dans cette insinuation de bienveillance avec laquelle un supérieur reçoit son inférieur, se dit rarement d'égal à égal, & jamais d'inférieur à supérieur. Elle n'est souvent dans les grands qu'une vertu artificieuse qui sert à leurs projets d'ambition, une bassesse d'ame qui cherche à se faire des créatures (car c'est un signe de bassesse). J'ignore pourquoi le mot affabilité ne plaisoit pas à M. Patru; ce seroit dommage de le bannir de notre langue, puisqu'il est unique pour exprimer ce qu'on ne peut dire autrement que par périphrase.
La civilité & la politesse sont une certaine bienséance dans les manieres & dans les paroles, tendantes à plaire & à marquer les égards qu'on a les uns pour les autres.
Sans émaner nécessairement du coeur, elles en donnent les apparences, & font paroître l'homme au - dehors comme il devroit être intérieurement. C'est, dit la Bruyere, une certaine attention à faire, que par nos paroles & nos manieres les autres soient contens de nous.
La civilité ne dit pas autant que la politesse, & elle n'en fait qu'une portion; c'est une espece de crainte en y manquant, d'être regardé comme un homme grossier; c'est un pas pour être estimé poli. C'est pourquoi la politesse semble, dans l'usage de ce terme, réservée aux gens de la cour & de qualité; & la civilité, aux personnes d'une condition inférieure, au plus grand nombre de citoyens.
J'ai lû des livres sur la civilité, si chargés de maximes
& de préceptes pour en remplir les devoirs,
qu'ils m'auroient fait préférer la rudesse & la grossiereté
à la pratique de cette civilité importune dont
ils font tant d'éloges. Qui ne penseroit comme Montagne?
Mais la civilité cérémonieuse est également fatiguante & inutile, aussi est - elle hors d'usage parmi les gens du monde. Ceux de la cour, accablés d'affaires, ont élevé sur ses ruines un édifice qu'on nomme la politesse, qui fait à présent la base, la morale de la belle éducation, & qui mérite par conséquent un article à part. Nous nous contenterons seulement de dire ici, qu'elle n'est d'ordinaire que l'art de se passer des vertus qu'elle imite.
La civilité, prise dans le sens qu'on doit lui donne>, a un prix réel; regardée comme un empressement de porter du respect & des égards aux autres, par un sentiment intérieur conforme à la raison, c'est une pratique de droit naturel, d'autant plus loüable qu'elle est libre & bien fondée.
Quelques législateurs même ont voulu que les manieres représentassent les moeurs, & en ont fait un article de leurs lois civiles. Il est vrai que Lycurgue en formant les manieres n'a point eû la civilité pour objet; mais c'est que des gens toûjours corrigeans ou toûjours corrigés, comme dit M. de Montesquieu, également simples & rigides, n'avoient pas besoin de dehors: ils exercoient plûtôt entr'eux des vertus, qu'ils n'avoient des égards.
Les Chinois, qui ont fait des rits de tout & des plus petites actions de la vie, qui ont formé leur empire sur l'idée du gouvernement d'une famille, ont voulu que les hommes sentissent qu'ils dépendoient les uns des autres, & en conséquence leurs législateurs ont donné aux regles de la civilité la plus grande étendue. On peut lire là - dessus le pere Duhalde.
Ainsi pour finir cet article par la réflexion de l'auteur
de l'esprit des lois.
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